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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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2 - Les propositions de révision relatives à l'élargissement des compétences du Conseil constitutionnel et à la création de la CENA

Les propositions de révision relatives à l'élargissement des compétences du Conseil constitutionnel et à la création d'une Commission électorale nationale autonome (CENA) avaient également été initiées par l'opposition parlementaire. Elles avaient été formulées en même temps pour la première fois lors de la session extraordinaire de l'Assemblée nationale du 16 août 1996. Mais, sur le plan chronologique, la proposition relative à la création d'une CENA avait précédé celle de l'élargissement des compétences du Conseil constitutionnel. A cet égard, quelques éléments du cheminement de la proposition de révision constitutionnelle en vue de la création de la CENA méritent d'être précisés.

Le 1er juillet 1995, le président du groupe parlementaire UNDP saisissait le président de l'Assemblée nationale de la proposition de loi relative à la création de la CENA, proposition initiée avec le soutien du MDR378(*). Celui-ci s'abstient de soumettre le texte à la Conférence des présidents. Le 12 octobre 1995, le président du groupe parlementaire UNDP prie à nouveau le président de l'Assemblée nationale de saisir la Conférence des présidents ; pour réponse, ce dernier demande l'exposé des motifs du texte proposé, exposé qui lui est remis le 31 octobre de la même année. Le 6 juin 1996, le président du groupe parlementaire UNDP prie encore le président de l'Assemblée nationale « de bien vouloir inscrire ladite proposition à l'ordre du jour des textes de la présente session » (juin 1996), sans succès. Le 5 novembre 1996, le président du groupe parlementaire UNDP rappelle au président de l'Assemblée nationale les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 18 de la Constitution, dispositions en vertu desquelles « Lorsque, à l'issue de deux sessions ordinaires, une proposition de loi n'a pu être examinée, celle-ci est de plein droit examinée au cours de la session ordinaire suivante »379(*). Le président de l'Assemblée nationale décide plutôt de soumettre le texte de la proposition de loi à la Conférence des présidents le 21 novembre 1996 mais la séance s'achève sans décision sur la recevabilité du texte380(*). Contre toute attente, l'examen de cette proposition de loi sera une fois de plus rejeté381(*).

Après le rejet de sa proposition de loi à la session ordinaire de novembre 1996, l'UNDP saisira vainement la Cour Suprême qui exerce transitoirement les attributions du Conseil constitutionnel le 2 décembre de la même année, pour tenter de faire invalider les trois griefs retenus par la Conférence des présidents contre le texte visant la création de la CENA382(*). La Conférence des présidents avait en effet retenu trois motifs d'irrecevabilité de la proposition de l'UNDP. Selon le premier, la proposition de l'UNDP était irrecevable parce que la CENA n'est pas prévue par la Constitution. Selon le deuxième motif, la proposition de création de la CENA était inconstitutionnelle, car elle crée de nouvelles charges sans réduction à due concurrence d'autres dépenses ou création de recettes nouvelles d'égale importance383(*). Enfin, la proposition de l'UNDP était irrecevable parce que les compétences que l'honorable Maïgari BELLO BOUBA voulait faire attribuer à la CENA étaient déjà dévolues au Conseil constitutionnel. Ce dernier motif était particulièrement fondé sur l'alinéa 1er de l'article 48 qui consacre le Conseil constitutionnel comme instance supérieure en matière d'élection des membres du Parlement, du président de la République et des consultations référendaires. C'est pourquoi, dans le cadre de la sixième législature, les partis d'opposition coalisés384(*) vont soumettre à l'Assemblée nationale des propositions de loi portant révision de certaines dispositions de la Constitution dont l'article 48. Les députés entendaient, dans l'hypothèse où leur initiative recevait un écho favorable auprès des députés de la majorité, élargir la compétence du Conseil constitutionnel en matière de contentieux électoral à toutes les élections.

Il s'agissait également pour eux de réviser la Constitution par la création de la Commission nationale électorale autonome qui devait être chargée de l'organisation des élections des conseillers municipaux et régionaux, de l'élection des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat, de l'élection du président de la République et des consultations référendaires et de la proclamation des résultats de ces différentes élections. Il en résulte que cette proposition de révision entendait conférer à un organisme unique la responsabilité de l'organisation, du déroulement et de la proclamation des résultats de toutes les élections à caractère local et national ainsi que des consultations référendaires.

C'est également ce qui ressort de la proposition du SDF intitulée « Pour une élection transparente et libre au Cameroun » précitée même si les députés de ce parti parlent de la « Commission électorale nationale » tout court. Selon les députés SDF, l'article 48 de la Constitution doit être amendé pour tenir compte de la création de la Commission électorale nationale avec compétence en matière de contentieux électoral. Les décisions prises par la Commission électorale nationale sont définitives et ne sont sujets d'un recours devant le Conseil constitutionnel qu'en cas de violation de la loi. Ainsi, il est question selon le SDF d'amender le titre VII de la Constitution en vue de donner une assise constitutionnelle à Commission électorale nationale, mais surtout d'aménager les rapports entre ces deux institutions en matière électorale. La nouvelle formulation du titre VII qui passerait alors « Du Conseil constitutionnel » à « Du Conseil constitutionnel et de la Commission électorale nationale »385(*), l'atteste.

Dans le même ordre d'idées, les auteurs de la proposition de révision souhaitaient voir l'article 48 de la Constitution ainsi rédigé :

« Article 48 (1) : Le Conseil constitutionnel est juge de la constitutionnalité des actes de la Commission électorale nationale dans le cadre de ses activités. Il connaît du contentieux électoral.

(2) : a. Il est créé une Commission électorale nationale chargée de diriger, superviser et contrôler de manière juste, libre et transparente, tous les processus électoraux et la réalisation des référendums au Cameroun. Elle en proclame les résultats.

b. Son organisation, son fonctionnement et sa composition, sont fixés par la loi ».

Cette constance de la revendication par l'opposition de la création d'un organe autonome chargé de toutes les opérations électorales et des consultations référendaires distinct de l'Administration est liée à la nécessité de garantir la transparence et toute l'objectivité du processus électoral.

Malgré leur insuccès, il reste que ces propositions de révision constitutionnelle surtout celles relatives à la création d'une Commission électorale autonome interviennent dans un contexte de polarisation particulière du champ politique, polarisation marquée par les multiples et diverses prises de position des partis politiques de l'opposition, des leaders d'opinion et de la hiérarchie ecclésiastique en faveur d'une institution autonome chargée de gérer l'ensemble des opérations électorales avec davantage de transparence que, à leurs yeux, ne le fait le ministère de l'Administration Territoriale386(*). Sur ce point l'opposition parlementaire est en phase avec la conférence épiscopale de l'église catholique. Selon le Cardinal Christian TUMI par exemple, « l'électorat camerounais a perdu toute confiance au ministère de l'Administration Territoriale »387(*).

En tout état de cause, il s'agissait d'une question sur laquelle le pouvoir en place et l'opposition étaient diamétralement opposés. Toutefois, le pouvoir en place semble progressivement plus réceptif aux propositions de l'opposition parlementaire comme l'attestent respectivement la loi du 19 décembre 2000 portant création d'un Observatoire national des élections et la loi du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement de « Elections Cameroon » (ELECAM). Ce qui est loin de surprendre car il y allait de sa crédibilité et de sa légitimité. Mais, l'effort du pouvoir en place reste en deçà des attentes de l'opposition qui n'a cessé de revendiquer la création d'un organisme impartial de gestion des élections politiques au Cameroun.

* 378 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Création des normes : les occasions manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au Cameroun », op. cit., p. 51.

* 379 Il s'agissait là de la première mise en oeuvre du principe de la troisième présentation, une des principales innovations de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. Mais il y a lieu de relever que cette disposition ne concernerait que les propositions de lois déclarées recevables par la Conférence des présidents et inscrites à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Or, ce n'était pas encore le cas de la proposition de loi en question.

* 380 Cf. OLINGA (A.-D.), « La `'naissance'' du juge constitutionnel camerounais : La Commission électorale nationale autonome devant la Cour Suprême », Juridis Périodique, n° 36, octobre-novembre-décembre 1998, pp. 71-77, notamment p. 73.

* 381 Cf. MOMO (Cl.), « Quelques aspects constitutionnels du droit électoral rénové au Cameroun », AFSJP/UD, n° 1, Année 2002, janvier-juin 2002, pp. 139-173, notamment p. 154.

* 382 Cf. à ce sujet outre OLINGA (A.-D.) et MOMO (Cl.) dans leurs articles ci-dessus cités, V. MOUANGUE KOBILA (J.), « Création des normes : les occasions manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au Cameroun », op. cit., pp. 51-52.

* 383 Allusion est ainsi faite à l'irrecevabilité financière consacrée par l'article 18 alinéa 3 (a) de la loi constitutionnelle de 1996.

* 384 Dans le cadre de la sixième législature, aucun parti politique d'opposition n'avait obtenu le seuil critique de 60 députés qui lui auraient permis d'initier seul une proposition de loi ou de faire convoquer une session extraordinaire de l'Assemblée nationale à l'effet d'examiner une proposition de loi. C'est donc pour surmonter cet obstacle numérique que les députés de l'opposition parlementaire avaient été obligés de se coaliser. Ils disposaient à cet effet d'un total de 62 députés (dont 43 pour le SDF, 13 pour l'UNDP, 5 pour l'UDC et 1 pour le MLJC). V. à ce propos, MOUANGUE KOBILA (J.), « Création des normes : les occasions manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au Cameroun », op. cit., p. 51.

* 385 Cf. La proposition du SDF en date du 8 janvier 1998 précitée.

* 386 Cf. OLINGA (A.-D.), « La `'naissance'' du juge constitutionnel camerounais : La Commission électorale nationale autonome devant la Cour Suprême », op. cit., pp. 71-72.

* 387 Cf. SINDJOUN (L.), « Le paradigme de la compétition électorale dans la vie politique : entre tradition de monopole politique, Etat parlementaire et Etat seigneurial », in SINDJOUN (L.) (dir.), La révolution passive au Cameroun, op. cit., p. 315.

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