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L'Arctique : la problématique du prolongement du plateau continental par les états côtiers.

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par Meryem QORCHI
Université de Strasbourg, faculté de droit - Master II : droit international public et privé (section public). 2011
  

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PARTIE III : La protection des droits de l'Humanité en Arctique.

La Souveraineté permanente des Etats sur leurs ressources naturelles est doublement encadrée par le droit international public : d'un côté par le droit de la mer qui est un outil à appliquer, et d'un autre côté, par le droit de l'environnement qui reste un outil à développer.

L'idée de préserver les droits de l'humanité en Arctique n'est pas nouvelle. Elle trouve une nouvelle raison d'être face aux menaces qui pèsent aujourd'hui sur la région.

Les intérêts de l'humanité sont à préserver en deux sens. Le premier, porte sur la militarisation de l'Arctique et par conséquent le désarmement de l'Arctique apparait comme une « préoccupation commune à l'humanité »62(*). Le second, concernera l'intensification des extractions de ressources, l'expansion industrielle, le développement du tourisme fragilisent l'environnement arctique. Les sources de pollution se multiplient. Or, la protection de l'environnement est un droit de l'humanité : « l'environnement est un englobant pour l'humanité alors que celle-ci est elle-même un englobant qui recouvre les nations et les hommes »63(*).

La protection de ce droit de l'humanité justifie la mise en place d'un droit de finalité tourné vers la protection environnementale et le désarmement. Cela implique non seulement une mise en oeuvre efficace des conventions multilatérales générales pertinentes (A), mais aussi l'adoption d'un instrument complémentaire qui sera nécessaire pour une protection effective de l'environnement dans la région (B) puisque, la difficulté de parvenir à des solutions pour les controverses à l'extension du plateau continental au-delà de 200 milles marins s'explique sur la base du fait que si la procédure de l'article 76, paragraphe 8, a eu succès, la conséquence juridique pour les fonds marins et leurs ressources est d'être soustrait au patrimoine commun de l'humanité, pour rentrer sous le contrôle de l'Etat côtier.

A. Un patrimoine commun de l'Humanité :

Le réchauffement climatique confère aujourd'hui une dimension nouvelle au différend entre les Etats côtiers de l'Arctique. D'ici vingt ans, la banquise permanente dans le secteur de l'archipel canadien devrait disparaitre et cette route maritime deviendra alors applicable. Conscients du potentiel de la région, le Canada et les Etats-Unis se livrent à un véritable ping-pong juridique64(*). Selon le Canada le passage est situé dans les eaux intérieures alors que, de l'avis des Etats-Unis, mais aussi de l'Union Européenne et du Japon, il s'agit d'un détroit international. Si le passage est bel et bien situé dans les eaux intérieures canadiennes, le Canada pourra y exercer la plénitude et l'exclusivité des compétences. Si, en revanche, le passage constitue un détroit international, les navires y bénéficieront d'un droit de passage en transit65(*).

En effet, ce qu'on peut constater c'est que le changement climatique a une double conséquence. D'une part, une conséquence positive, puisqu'on assiste à l'ouverture de nouvelles routes maritimes, ce qui pourra bien réduire la durée et les frais d'un transit. D'autre part, une conséquence négative, du moment où le taux de la pollution va augmenter en raison de la navigation dans ces nouvelles voies maritimes.

La région arctique ne souffre pas d'un vide juridique. On trouve des instruments aussi bien d'origine nationale ou régionale que communautaire qui assurent la protection de l'environnement dans les Etats concernés. D'autre part, il y a des conventions multilatérales générales déjà promulguées qui permettent de résoudre une grande partie des problèmes qui se posent dans la région. Les conventions multilatérales relatives à l'environnement ou au patrimoine commun de l'humanité présentent un intérêt tout particulier.

Au début, on ne pouvait citer la notion « du patrimoine commun de l'humanité » et l'idée qu'une partie de l'Arctique puisse appartenir à l'humanité a germé. La proposition a connu une ébauche de concrétisation dans un projet de convention relatif au Spitsberg66(*). Celui-ci qui avait été élaboré lors de la conférence de Christiana en 1912, n'est jamais entré en vigueur. Ce projet conserve un intérêt assez particulier puisqu'il posait un certain nombre de principes qui ne sont pas sans rappeler les critères du patrimoine commun de l'humanité : le Spitsberg ne pouvait pas faire l'objet d'appropriation et devait être « ouvert aux ressortissants et tous les Etats », une large place était laissée aux activités scientifiques aussi, on a prévu un régime de neutralisation et enfin une commission internationale du Spitsberg devait être créée67(*).

Cependant, face au changement climatique qui menace l'écosystème arctique, l'idée de confier cette région à l'humanité a connu une réminiscence. Ainsi, certains auteurs ont même proposé, vu l'intérêt exceptionnel de l'Arctique, d'assurer sa préservation en tant qu'élément du « patrimoine mondial de l'humanité toute entière »68(*). De la même manière, il serait bien souhaitable, que certaines « connaissances et pratiques »des peuples autochtones de l'Arctique, qui présentent un intérêt d'un point de vu écologique, puissent être inscrites sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité69(*).

En pratique, certains sites naturels sont d'ors et déjà classés au patrimoine mondial de l'Unesco. Il en va ainsi, depuis 2004, pour le fjord glacé d'Illulissat sur la côte ouest du Groenland ou de certains autres sites situés en Alaska. Le fait de protéger plus de sites et de zones ne peut s'avérer impossible mais ce qu'on peut constater c'est que seuls les territoires terrestres bénéficient de ce statut privilégié. L'océan Arctique est soustrait à cette protection et par conséquent on assiste à un non classement des zones maritimes au patrimoine mondial.

Toutefois, l'article 2 de la Convention relative au patrimoine mondial qui définit la notion de patrimoine naturel, précise que cette qualification ne peut viser que « les sites naturels ou les zones naturelles strictement délimitées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle »70(*). Il est à craindre que l'exigence d'une délimitation stricte posée par la Convention ne conduise à écarter les propositions généreuses qui visent à classer au patrimoine mondial l'ensemble de la région arctique ou même l'océan Arctique dans son intégralité. Est-ce suffisant ? Probablement pas, seul le statut de patrimoine mondial est insuffisant pour contrecarrer les menaces qui pèsent sur l'Arctique.

Ainsi, qualifier l'Arctique de patrimoine commun de l'humanité, par le biais d'un nouveau cadre conventionnel, à l'instar de ce qui s'est produit pour les fonds marins ou pour la lune, paraît difficilement envisageable, car la région ne répond pas aux critères généralement admis pour procéder à une telle affectation. L'Arctique est notamment sous juridiction nationale et est militarisée, il est dominé par une politique de partage.

Le professeur René-Jean Dupuy, dans son ouvrage « les régions polaires, apanage de l'humanité » a bien souligné l'idée selon laquelle, les frictions entre souverains dans cette zone démontrent assez combien cette région demeure à l'écart du concept de patrimoine commun de l'humanité. Ceci nous pousse aussi à dire que jusqu'à aujourd'hui, les Etats riverains ont été en effet manifestement plus enclins aux solutions de partage qu'aux formes indivises71(*). Et ce qui constitue aussi une limite pour un cadre conventionnel pour la protection de la région. Vu que les intentions des Etats côtiers sont départagées on ne peut assister à la naissance d'un mécanisme multilatéral.

Ainsi, n'est-il pas préférable de ne pas concentrer le débat sur l'affectation de l'Arctique au patrimoine commun de l'humanité sur l'opportunité d'y étendre le modèle organiste conçu pour les fonds marins et la lune. Le concept n'implique pas la nécessité d'un service public institutionnalisé. Il se réalise avant tout par la mise en place d'un droit de finalité. Tel est le régime applicable à la faune à l'environnement. La protection de l'environnement suffirait ainsi, à elle seule, à soumettre l'Arctique à un tel régime selon toujours le professeur René-Jean Dupuy. On peut dire alors que les conventions environnementales sont d'une grande aide pour préserver les droits de l'humanité future en Arctique.

Il en va ainsi notamment de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de son protocole. Les conséquences du réchauffement, non seulement sur l'écosystème, mais aussi sur les populations locales, ne sont plus à démontrer. Le Protocole de Kyoto, qui est entré en vigueur le 16 février 2005, développe une stratégie de réduction des gaz à effet de serre et constitue ainsi un instrument essentiel dans la lutte contre le réchauffement. Si le Danemark, l'Islande, la Norvège et la Suède y sont parties, les Etats-Unis l'on signé, mais ont finalement refusé de le ratifier. Quant au Canada, bien que partie au Protocole, il menace de revenir sur son engagement.72(*)

En Arctique, on trouve autres éléments qui suscitent l'intérêt. Il s'agit notamment de la pollution transfrontière. Comme son nom l'indique, cette pollution ne connait pas de limites ou de frontières. Elle peut facilement endommager un Etat et passer chez un autre et il est quasiment impossible de la faire arrêter. Dans cette région, on trouve la « brune arctique » qui est produite par la combinaison de polluants atmosphériques qui sont acheminés des régions industrialisées vers l'Arctique, par les vents dominants. Elle présente des conséquences similaires aux pluies acides. Aucune Convention internationale ne traite spécifiquement de la brune arctique. Toutefois, on l'a trouve dans le champ d'application de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière. La brune arctique se situe en effet dans les deux premiers kilomètres de l'atmosphère. Par ailleurs, elle prend bien sa source physique dans une zone soumise à la juridiction d'un Etat et exerce des effets dommageables dans une zone soumise à la juridiction d'un autre Etat, après avoir parcouru une longue distance.

Cette Convention présente un caractère essentiel et elle comprend différents protocoles qui combattent plusieurs formes de pollution. L'un d'entre eux, relatif aux polluants organiques persistants (POPs), adopté en 1998, fait directement allusion à l'Arctique.

Les polluants organiques persistants sont particulièrement nuisibles à l'écosystème arctique. Ils ont aussi un impact dramatique sur la santé des autochtones. Les POPS sont des molécules qui, contrairement aux autres polluants, ne sont pas définies en fonction de leur nature chimique mais à partir de certaines propriétés, à savoir : la toxicité, la persistance dans l'environnement, la bioaccumulation dans les tissus vivants et l'augmentation des concentrations le long des chaînes alimentaires et le transport à longue distance.

En 2004 on assiste à l'entrée en vigueur de la Convention sur les polluants organiques persistants, c'est une Convention spécifique au POPs. Dans son préambule, elle souligne « que l'écosystème arctique et les populations autochtones qui y vivent sont particulièrement menacés en raison de la bioamplification des polluants organiques persistants, et que la contamination des aliments traditionnels de ces populations constituent une question de santé publique ». Ainsi, dans son premier article, la Convention évoque le principe de précaution pour protéger la santé humaine et l'environnement contre les effets des POPs.

L'un des principes fondamentaux du droit de l'environnement, le principe de précaution comprend un certain nombre d'obligations à la charge des Etats qui font l'objet de normes de plus en plus contraignantes. Fondamentalement, c'est une règle très générale de conduite, de nature prudentielle, en vertu de laquelle, « pour protéger l'environnement des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités » (principe 15 de Rio).

L'idée générale, c'est que les mesures pour l'environnement doivent anticiper, prévenir, et combattre les causes de dégradation de l'environnement. Ceci implique aussi que ce principe impose aux Etats des obligations continues, dont la connaissance évolue avec les progrès des connaissances scientifiques73(*).

La Convention sur les polluants organiques persistants bannit la production et l'usage de neuf pesticides et exige la mise en place d'alternatives de production industrielle ainsi que l'établissement d'un système de gestions des déchets. Le Canada, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède ont ratifié ladite Convention, contrairement à la Russie et aux Etats-Unis qui se sont contentés de la signer.

En Arctique, la biodiversité est menacée non pas seulement par les conséquences de la pollution, mais aussi de la présence humaine. Pour parer cette dégradation progressive, différents instruments sont applicables.

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction de 1973, la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage du 23 juin 1979 ou encore la Convention relative aux zones humides d'importance internationale de 1971 permettent de lutter contre la détérioration de la diversité biologique, tout au moins lorsqu'elles ont été ratifiées par les Etats arctiques.

Comme on peut le voir, ces instruments n'assurent qu'une protection partielle. Cependant, dans le but de la compléter, la Convention de 1992, relative à la diversité biologique, a vu le jour. Ainsi, cette Convention ne se réfère pas explicitement à l'Arctique, mais elle contient des dispositions qui, néanmoins, présentent un intérêt pour la région. Dans son article premier, elle prévoit que les Etats sont responsables de la conservation et de l'utilisation durable de leurs ressources biologiques.

Toutefois, la portée de la Convention de 1992 reste limitée en Arctique puisqu'elle ne s'applique pas en Alaska dans la mesure où les Etats-Unis ont refusé de la ratifier.

Outre ces dispositions générales relatives à la protection et à la préservation du milieu marin, et plus spécifiquement concernant la protection environnementale de l'océan Arctique, la Convention sur le droit de la mer de 1982, dans son article 234, consacre une disposition spécifique aux « Zones recouvertes par les glaces ». Selon cet article, dans l'hypothèse où ce type de zones est compris dans la zone économique exclusive, les Etats côtiers sont autorisés à adopter des actes unilatéraux non discriminatoires et à les faires appliquer de manière à prévenir ou maitriser la pollution du milieu marin par les navires. Ainsi, si l'on admet que l'océan Arctique constitue une mer semi-fermée, ce qui n'est pas le cas, les Etats riverains ont l'obligation de coopérer de manière notamment à coordonner la protection et la préservation du milieu marin. Encore une fois, comme on le sait, les Etats-Unis ne sont pas liés par ce texte.

Depuis la catastrophe pétrolière de l'Exxon Valdez, qui avait souillé les côtes de l'Alaska en 1989 et qui a causé une grande marée noire, la communauté internationale semble avoir pris conscience de la vulnérabilité de l'Arctique aux pollutions par hydrocarbures. Dans ce contexte, les conventions générales relatives à la prévention de la pollution par les navires ont vocation à s'applique, on peut citer, entre autres, la Convention pour la préservation de la pollution marine par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs signée à Oslo le 15 février 1972 et de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL), signée à Londres le 2 novembre 1973 et de son protocole signé le 17 février 1978.

S'agissant de la pollution radioactive, cette dernière demeure un sujet de préoccupation dans la zone arctique. Cependant, la Convention sur l'assistance en cas d'accident nucléaire de 1986 ou la Convention sur la sureté nucléaire de 1994 et son protocole demeurent des instruments utiles en Arctique. S'ajoute aussi, la Convention de Bâle de 1989, relative au contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination apparait aussi essentielle en Arctique. A l'exception des Etats-Unis, les Etats arctiques y sont parties.

Les conventions multilatérales, comme on vient de voir, constituent des outils adéquats pour lutter contre les pollutions d'origine globale en Arctique. Le plus souvent, les instruments juridiques existent mais c'est la volonté politique qui fait défaut.

Comme le montre l'ensemble des conventions qu'on vient d'examiner, la participation aux conventions concernées n'est pas toujours unanime de la part des Etats arctiques. Il y toujours des Etats qui ne signent pas, ou s'ils signent ne ratifient pas.

D'autre part, il est aussi vrai que certains traités ne sont pas suffisamment adaptés à cette région. La protection de l'écosystème arctique en ressortirait grandie si les conventions susceptibles de s'y appliquer intégraient des dispositions spécifiques sur la question.

Il en résulte, que les instruments internationaux permettant de lutter contre les pollutions d'origine locale sont clairement insuffisants. C'est pour cette raison, que certains auteurs plaident pour l'adoption d'un « traité arctique » de manière à prévenir à une protection optimale du pôle septentrional. Une question qui sera traitée dans le paragraphe suivant.

* 62 C. LE BRIS, Le dégel en Arctique : Briser la glace entre Etats dans l'intérêt de l'humanité, Revue Générale du Droit International Public, 2008-2, p. 344.

* 63Ibid.

* 64 Ibid. p. 333.

* 65 Article 28 de la Convention sur le droit de la mer de 1982 ;

* 66 Ibid. p.345.

* 67 D. Bardonnet ; Le projet de convention de 1912 sur le Spitsberg et le concept de patrimoine commun de l'humanité p. 30.

* 68 J. Dufour « l'Arctique, militarisation ou coopération pour le développement ? » disponible sur : www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=6417

* 69C. LE BRIS, Le dégel en Arctique : Briser la glace entre Etats dans l'intérêt de l'humanité, op cit. note 63 p. 329.

* 70Ibid. 346.

* 71 Ibid. p 347.

* 72 Ibid. p 348.

* 73 Ce principe a été repris dans plusieurs textes juridiques, tels : la Convention de Bamako de 1991 sur l'interdiction d'importer des déchets dangereux en Afrique (art. 4) ; la Convention-cadre sur le changement climatique de 1992 (art.3)...

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984