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L'Arctique : la problématique du prolongement du plateau continental par les états côtiers.

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par Meryem QORCHI
Université de Strasbourg, faculté de droit - Master II : droit international public et privé (section public). 2011
  

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B. Vers un traité sur l'Arctique :

Faut-il le rappeler, il n'existe pas à ce jour pour l'Arctique de système comparable à celui du traité sur l'Antarctique, qui réglerait de manière globale la question des usages militaires, celle de l'exploitation des ressources naturelles, ou encore celle de la protection de l'environnement.

L'Antarctique, comme on le sait, n'est pas un élément du patrimoine commun de l'humanité, il constitue plutôt une réserve naturelle, consacrée à la paix et à la science. La non-appropriation et l'utilisation pacifique sont également des caractéristiques qui cadrent cet espace. Elles peuvent, cependant, exister en dehors de tout patrimoine commun, pour des raisons politiques ou de sécurité.

En Antarctique, l'idée qui a été privilégiée est belle et bien celle de sanctuarisation de cette région à des fins de protection de son environnement. Au centre du régime, on a, l'interdiction de toute activité relative aux ressources minérales, autre que la recherche scientifique (article 7 du protocole de Madrid). L'exploitation de ces ressources est, de la sorte, radicalement prohibée.

Concernant l'Arctique, une partie de la doctrine n'a pas manqué de faire remarquer que s'agissant à tout le moins de la sauvegarde de l'environnement, les activités menées dans la région ne l'étaient pas pour autant dans un vide juridique complet.

L'année géophysique internationale a constitué le point de départ du régime antarctique. Il est possible dès lors, de se laisser aller à quelques rêveries juridiques et d'imaginer que cette nouvelle année polaire donnera l'impulsion nécessaire à l'élaboration d'un traité arctique.

Le régime juridique arctique est constitué, en grande partie, de soft law. Certes, la coopération environnementale a fait l'objet de traités bilatéraux et elle est forte existante. Un certain nombre d'entre eux concernant l'échange d'informations, tel le Joint Pollution Contingency de 1974 passé entre le Canada et les Etats-Unis et son équivalent passé entre le Canada et le Danemark en 1984 ou le Protocole de 1984 relatif à la coopération scientifique et technique en Arctique entre le Canada et l'ex-URSS ; la protection du milieu marin, comme par exemple : l'Accord de coopération entre le Canada et le Danemark concernant le milieu marin du 26 Aout 1983 ; pour le déplacement des déchets dangereux on trouve l'Accord du 28 octobre 1986 relatif aux déplacements transfrontières des déchets dangereux conclu entre le Canada et les Etats-Unis ; ou encore la protection de certaines espèces animales, comme l'Accord sur la préservation de la harde de Caribous de la Porcupine passé entre le Canada et les Etats-Unis en 1987.

Au-delà de ces instruments bilatéraux, quelques conventions régionales ont été conclues. Dès 1911, les quatre Etats riverains de la mer de Béring signaient un traité relatif aux phoques à fourrure. Ainsi, la chasse à la baleine fut réglementée dès 1946 par la Convention internationale. Plus tard, les cinq Etats arctiques sur le territoire desquels se situent les ours blancs ont adopté une convention assurant la protection de cette espèce.

La région arctique fait aussi partie du champ d'application de la Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-est (OSPAR) de 1992 et de la Convention Nordique pour la protection de l'environnement de 1974.

Par ailleurs, le régime arctique, contrairement à celui applicable en Antarctique, est composé en grande partie d'accords non contraignants. Au premier rang d'entre eux figurent la Stratégie pour la protection de l'environnement arctique et la Déclaration du même non signées par les huit Etats concernés, il s'agit de la Déclaration sur la protection de l'environnement arctique du 14 juin 1991. En 1998, le programme d'action régional pour la protection du milieu arctique contre la pollution causée par les activités terrestres est venu compléter ces accords.

Ainsi, si un réseau institutionnel a récemment vu le jour en Arctique, il ne comprend pas, proprement parler, d'organisations internationales. Il se compose principalement des forums intergouvernementaux tels le Conseil arctique, le Conseil Euro-arctique Barents ou le Conseil Nordique des ministres74(*).

Par le biais de ses groupes de travail, le Conseil arctique, nourrit des réflexions essentielles sur le développement durable en Arctique. L'un d'entre eux, consacré à la protection de l'environnement marin, a formulé des principes directeurs relatifs à l'extraction offshore du pétrole et du gaz. D'autres groupes se sont penchés sur la protection de la biodiversité ou sur la menace que constituent les POPs. Ces travaux souffrent toutefois de leur faible autorité juridique75(*).

On remarque alors qu'il y une grande insuffisance du régime dans cette région. Dans ces conditions, l'idée d'un traité sur l'Arctique, dont la finalité première ou au moins l'un des principaux objectifs, serait la protection de l'environnement, et qui permettrait de combler en la matière les lacunes de la réglementation existante, paraît évidemment séduisante.

L'idée avait déjà été avancée, il y bien longtemps. Mais doit-on appliquer le même modèle de l'Antarctique sur la région de l'Arctique ?

Le régime arctique est sous-développé par rapport à celui applicable en Antarctique. La protection du continent austral est assurée par des instruments relativement protecteurs, tels que la Convention de Canberra sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique de 1980, ou encore le Protocole de Madrid au traité sur l'Antarctique.

Bien qu'une grande partie des Etats arctiques soient aussi parties au système antarctique, il est difficilement concevable de vouloir s'en inspirer. Certes les deux pôles ont en commun leur environnement fragile et leurs conditions climatiques extrêmes mais un traité sur l'Arctique ne saurait se contenter de reproduire les solutions en vigueur dans l'Antarctique. Une différence essentielle sépare en effet l'une de l'autre zone : la présence de populations sur le territoire de certains des Etats arctiques.

Cette donnée humaine fait échec à elle seule à une transposition du modèle de la réserve naturelle et de l'interdiction d'exploitation des ressources qui en constitue le dispositif central. S'ajoute aussi que c'est une région touristique, militarisée et où les activités économiques sont en plein essor. Un régime sui generis devait alors être conçu, qui réserve aux populations précitées une place appropriée dans la gouvernance de la région ainsi qu'une part adéquate des revenus tirés de ses richesses. La déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dépourvue en soi de valeur contraignante, pourrait trouver là une occasion de voir plusieurs de ses dispositions concrétisées76(*).

En Antarctique, le régime applicable s'articule principalement autour des prétentions territoriales. C'est le gel des revendications qui a rendu possible ce statut protecteur. Les circonstances sont différentes en Arctique, région sous juridiction nationale et menacée par des revendications de plus en plus larges. De plus, le futur régime arctique devra se focaliser sur l'océan alors qu'en Antarctique il est axé sur le continent.

Aujourd'hui, cette proposition ne fait pas encore l'unanimité. Pour une partie de la doctrine, les accords de soft law, précisément parce qu'ils sont contraignants, permettent une participation plus large de la part des Etats. Par ailleurs, la soft law serait encore trop récente pour que l'adoption d'un tel traité puisse être concevable.

D'autres juristes, par contre, sont favorables à l'adoption d'un traité arctique mais la portée du futur instrument fait débat. Certains, se sont prononcés en faveur d'un traité régional, alors que d'autres, proposent un traité à vocation universelle.

Un traité à caractère régional se voit réalisable du moment où la plus grande partie des menaces pesant sur l'environnement arctique à ne pas faire l'objet d'un traité sont d'origine locale. Aussi, un traité purement régional serait probablement plus aisément conclu dans la mesure où seuls les huit Etats arctique auront à se mettre d'accord, on une minorité de partie à convaincre pour le signer.

Quant au traité à vocation universelle, il permettrait de combler les lacunes des conventions multilatérales existantes qui, bien que pertinentes pour la région arctique, n'y font pas, le plus souvent, référence dans le cadre de dispositions spécifiques. En outre, ce traité ouvrira une brèche à la participation d'Etats non directement intéressés au traité ce qui permettrait de contrebalancer les prétentions des Etats arctiques et d'assurer une meilleure protection des intérêts de l'humanité. Or, tant que la région arctique est sous juridiction nationale, il sera utopique de penser que les Etats concernés puissent convier tous les Etats du monde à des négociations, puisque, comme on l'a bien pu le constater, chacun d'entre eux essai de conquérir le plus de territoire pour le soumettre à sa propre juridiction.

Si le régime juridique de l'Antarctique ne peut être le modèle type à l'Arctique, alors comment doit-être ou bien que doit-il contenir, ce futur traité, comme principes de base ?!

D'abord un traité arctique devra prendre en compte la singularité de la région et s'orienter vers un modèle spécifique, probablement basé sur la notion de développement durable77(*).

Il viendra combler les lacunes du droit positif. Il serait aussi souhaitable qu'il formule le principe de précaution et qu'il encadre davantage les conditions d'extraction des ressources.

Il pourrait aussi opter pour des dispositions audacieuses. Ainsi, selon l'article 27 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le pouvoir de décision pourrait être partagé entre représentants des peuples autochtones riverains de l'Arctique et des Etats côtiers. Ce futur traité devrait aussi garantir la préservation des connaissances et savoir-faire des peuples autochtones, notamment ceux relatifs à la faune et la flore.

Actuellement, la situation en Arctique n'est pas en totale conformité avec les dispositions de la Déclaration de Nations Unies précitée. Cette dernière interdit notamment le stockage ou le déchargement de matières dangereuses sur les territoires des peuples autochtones sans leur consentement préalable, or les peuples de l'Arctique souffrent de la nucléarisation de la région. C'est pour cette raison que quelques auteurs ont remis au goût du jour l'idée de démilitariser l'Arctique. Soulignant le caractère symbolique de cette région polaire pour l'humanité et par conséquent, l'idée d'un traité de démilitarisation de l'Arctique a été avancée78(*). Il a même été suggéré de s'inspirer du concept développé dans l'océan Indien pour faire de l'Arctique une « zone de paix »79(*).

Par ailleurs, un traité de dénucléarisation a souvent été envisagé en Arctique pour être souvent aussi écarté. La non-militarisation a recueilli quelques succès, ce ci se concrétise par le traité de Paris du 8 février 1920 relatif au Spitsberg. Tout en reconnaissant la pleine et entière souveraineté de la Norvège sur l'Archipel, l'article 9 de ce traité dispose que : «  sous réserve des droits et devoirs pouvant résulter pour la Norvège de son adhésion à la Société des Nations, la Norvège s'engage à ne créer et à ne laisser établir aucune fortification dans les dites régions, qui ne devront jamais être utilisées dans un but de guerre ». Comme on peut bien le remarquer, ces dispositions font clairement une référence à la mon-militarisation.

Il semble toutefois que, dans le reste de l'Arctique, le principe de l'utilisation pacifique, malgré ses liens étroits avec les doits de l'humanité, ne pourra être appliqué sans quelques aménagements. Dans l'immédiat, il serait plus opportun de commencer par un projet, de réduction progressive des armements, qui pourrait plus facilement voir le jour qu'un traité de démilitarisation complète.

Il en résulte que la démilitarisation n'apparait pas en effet comme une priorité pour les Etats arctiques : récemment, le gouvernement canadien annonçait la construction de nouveaux navires armés pour l'Arctique et d'un port en eau profonde dans cette région.

En Arctique, les Etats ne semblent pas encore prêts à reconnaitre qu'il est de l'intérêt de l'humanité toute entière que l'Arctique soit à jamais réservée aux seules activités pacifiques et ne devienne ni le théâtre ni l'enjeu de différends nationaux, et qu'il est conforme au progrès de l'humanité d'établir une construction solide permettant de poursuivre et de développer la coopération internationale.

Force est toutefois de constater que les Etats les plus intéressés considèrent le cadre juridique existant comme tout à fait suffisant, et sont défavorable à l'élaboration d'un régime d'ensemble pour l'Arctique. C'est ce qui a été déclaré, par les cinq Etats côtiers lors d'une réunion tenue à Illulissat le 28 mai 2008. Les représentants des cinq Etats ont aussi affirmé leur volonté de renforcer leur coopération basée sur une confiance mutuelle et la transparence. La sécurité de la navigation maritime et la prévention des risques de pollution dans l'Arctique sont une priorité.

De son côté, le ministre des Affaires étrangères russes a insisté sur le respect par son pays des lois internationales, et des décisions de la Commission des Limites du Plateau Continental.

L'Union Européenne s'intéresse aussi de près à la région Arctique. Le 20 novembre 2008, la Commission européenne a adopté une communication intitulée « l'union européenne et la région arctique ». Sur la base de cette déclaration, l'Union Européenne déclare :

« [...] inextricablement liée à la région arctique par une combinaison unique d'éléments historiques, géographiques, économiques et scientifiques. Trois Etats membres, le Danemark, la Finlande et la Suède, possèdent des territoires dans Arctique. Deux autres Etats arctiques, l'Islande et la Norvège, appartiennent à l'Espace économique européen. Le Canada, la Russie et les Etats-Unis sont des partenaires stratégiques de l'UE. Les zones européennes de l'Arctique sont une priorité de la politique concernant la dimension septentrionale. Au-delà des zones relevant de la souveraineté des Etats, certaines parties de l'océan Arctique sont situées en haute mer et relèvent des fonds marins gérés par l'Autorité internationale des fonds marins »80(*).

L'Union Européenne affirme que :

« Aucun régime spécifique instauré par un traité ne s'applique à l4arctique. Aucun pays ou groupe de pays n'exerce sa souveraineté sur le Pôle Nord ou sur l'océan arctique qui l'entoure. Il y a plusieurs frontières maritimes sur lesquelles les Etats riverains de l'Arctique sont en désaccord sur la délimitation des zones économiques exclusives. Les soumissions présentées à la Commission des Limites du Plateau Continental des Nations Unies peuvent entraîner un chevauchement des revendications. En outre, les interprétations divergent en ce qui concerne les conditions de passage des navires dans certaines eaux de l'Arctique, surtout dans le passage du Nord-Ouest »81(*).

Parce qu'il existe déjà un vaste cadre juridique international qui s'applique à l'arctique (Convention de Montego Bay et autres accords multilatéraux), l'Union Européenne n'est pas non plus partisante de la création d'un régime spécifique à l'Arctique.

« Il conviendrait de préconiser la mise en oeuvre dans leur intégralité des obligations déjà existantes plutôt que de proposer de nouveaux instruments juridiques. Ceci ne devrait cependant pas exclure les travaux visant à poursuivre l'élaboration de certains cadres, les adaptant aux nouvelles conditions ou aux spécificités de l'Arctique »82(*).

* 74 V. première partie p. 27.

* 75 C. LE BRIS ; le dégel en Arctique : briser la glace entre Etats dans l'intérêt de l'humanité, op. cit. note 63 p. 354.

* 76 F. DOPAGNE ; Remarques sur les aspects institutionnels de la gouvernance des régions polaires, AFDI, 2009, p.612.

* 77 C. LE BRIS ; le dégel en Arctique : briser la glace entre Etats dans l'intérêt de l'humanité, op. cit. note 63 p. 356.

* 78 E. PELLETIER ; Militariser l'Arctique, disponible sur : www.ledevoir.com

* 79 Déclaration faisant de l'océan Indien une zone de paix ; A/Rés/2832 (XXVI), 16 décembre 1971.

* 80 Commission des communautés européennes, communication de la commission au conseil et au Parlement européen, l'Union européenne et la région arctique, Com(2008) 763, 20 novembre 2008, p. 2.

* 81 Ibid. p. 11.

* 82 Ibid. p. 12.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway