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La législation haà¯tienne à  l'épreuve de la violence conjugale

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par Sagine BEAUZILE
Université publique du sud aux Cayes Haà¯ti - Licence en sciences juridiques 2012
  

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3.1.3 Technique utilisée

Afin de recueillir ces données, nous avons utilisé la méthode qualitative et quantitative. La première permet de faire une investigation plus détaillée selon les perspectives des interviewés reflétant la complexité de la situation. Elle permet aussi de comprendre les dimensions subjectives et symboliques du comportement humain en plus d'aborder un thème qui, en général, reste dans la sphère privée. La méthode quantitative quant à elle, nous permet de recueillir des informations sur la prévalence de la violence conjugale, ses diverses formes et ses causes. Nous choisissons l'entretien semi directif qui permet de saisir du sens c'est-à-dire d'évaluer quel sens la personne donne au sujet.

3.1.4 L'élaboration de l'outil de l'enquête

L'élaboration de l'outil de l'enquête a été faite de manière minutieuse. Il s'agissait de préparer un entretien semi directif qui consistait en un questionnaire comprenant trois thèmes. Chaque thème sera à son tour développé par deux types de questions ouvertes et semi ouvertes. Ce questionnaire a été par la suite enrichi par d'autres entretiens qui se sont naturellement imposés au cours de l'enquête. Ces différents thèmes et types de questions nous permettra de vérifier notre hypothèse. Ces entretiens ont été enregistrés. A chaque entrevue, la confidentialité des questionnaires et des réponses a été accentué. Pour les besoins de la cause, cet outil d'enquête apparaîtra en annexe.

Ceci dit, nous allons maintenant procéder à l'analyse et à l'interprétation de l'enquête qui s'est déroulée au sein de la ville des Cayes pendant une période de deux mois.

3.1.5 Analyse et Interprétation des résultats de l'enquête

Pour analyser et interpréter les résultats de l'enquête, nous procèderons de la manière suivante : D'abord, nous exposerons le thème, puis l'objectif poursuivi par ce thème. Ensuite, nous exposerons les résultats sous formes de tableau suivi d'une brève analyse et interprétation.

Thème 1 : Vérification de la manifestation de la violence conjugale et ses différentes formes.

a) Par ce thème, nous entendons poursuivre l'objectif suivant :

Vérifier l'importance de la violence conjugale et découvrir son ampleur sous ses différentes formes.

b) Résultats :

Types de

violence

Quantité/Echantillon : 102

FemmesHommes6735

Pourcentage

FemmesHommes

Pourcentage global

Femmes et hommes

physique

4418

66%51%

60%

verbale

3220

48%55%

51%

 
 

Psychologique

3715

55%43%

51%

 
 

Economique

3512

52%34%

46%

 
 

Religieuse

2810

41%29%

37%

 
 

Sexuelle

305

45%14%

34%

c) Analyse et interprétation des résultats

Cette enquête nous a permis de constater que le taux de violence est très élevé et augmente durant ces deux derniers mois. De toutes ces violences, la physique est la plus élevée, soit un pourcentage de 66% chez les femmes sur un échantillon de 44 sur 67 et de 51 % chez les hommes soit 18 sur 35. En second lieu, vient la violence verbale : elle atteint un taux de 55% chez les hommes et 48% chez les femmes. C'est seulement dans cette forme de violence que le pourcentage d'hommes victimes est supérieur à celui des femmes. En troisième lieu, arrive la violence psychologique avec un taux de 55% chez les femmes et 43% chez les hommes. En quatrième lieu, la violence économique se présente avec un pourcentage de 52% chez les femmes et 34% chez les hommes. En cinquième position, vient la violence religieuse avec un taux de 41% chez les femmes et 29% chez les hommes. Et enfin, la violence sexuelle affiche un pourcentage de 45% chez les femmes et 14% chez les hommes. Cependant, ce dernier pourcentage reste à désirer parce qu'elle est la forme de violence la plus cachée. Les victimes, par pudeur, n'aiment pas en parler.

D'une manière globale, hommes et femmes confondus, nous obtenons le classement suivant : violence physique 60%, violence verbale et psychologique 51%, violence économique 46%, violence religieuse 37% et violence sexuelle 34%. Nous avons recueillis ces résultats de la part de certaines victimes, car toutes n'avaient pas la capacité de déceler les formes de violence conjugale. La plupart d'entres elles confondent la violence conjugale avec la violence physique. Certaines réduisent la violence sexuelle au viol.

Les victimes peuvent subir plusieurs types de violence à la fois, par exemple, physique, verbale et psychologique. En dehors de notre constat, les enquêtés affirment que la violence conjugale devient de plus en plus fréquente durant ces derniers jours et on en entend parler même dans les familles où tout allait toujours bien. Les hommes deviennent de plus en plus violents, est-ce à cause de la situation économique dégradante du pays ? Pourtant la violence économique n'est pas la plus importante. Au cours de cette enquête, nous avons ressenti que les femmes réagissent rarement aux violences de leurs partenaires. Elles sont plus actives quand il s'agit de violences physique et verbale ou d'autres cas de violences graves comme menace avec une arme. En fait, les multiples facettes de la violence conjugale nous ont permis de mieux comprendre ce phénomène.

Thème 2 : caractéristiques sociales des répondants

a) Dans ce thème, nous voulons atteindre le but suivant:

Découvrir les caractéristiques sociales des répondants afin de savoir dans quelle catégorie de couples se manifeste le plus la violence conjugale et de tester la connaissance des victimes sur l'existence des textes de lois.

b) Résultats :

Dans ce deuxième tableau, nous classons les 102 interrogés en catégories sociales : 46 mariés, 34 concubins, 22 divorcés.

Libellé

Quantité/Echantillon : 102

FemmesHommes

Pourcentage

FemmesHommes

Pourcentage global

Femmes et hommes

Conjoints

30/4616/46

65%35%

45%

Concubins

14/3420/34

41%59%

33%

Divorcés

12/2210/22

55%45%

22%

% employés

30/6720/35

45%57%

49%

% de professionnels

33/6718/35

49%51%

50%

% de plaignants

20/675/35

30%14%

25%

 
 

% ayant connaissance de la loi

30/6710/35

45%29%

39%

c) Analyse et interprétation des résultats

46 personnes mariées dont 30 femmes et 16 hommes ont été interrogés. Dans les institutions et dans les foyers, on retrouve plus de femmes mariées que d'hommes mariés avec un pourcentage de 65% contre 35%. En Haïti, la forme d'union la plus courante est le concubinage ou le  placage.  Pourtant la loi haïtienne reste muette sur ce sujet. 14 sur 34 concubines victimes soit un pourcentage de 41%, et 24 sur 34 soit un taux de 59% de concubins victimes. Le pourcentage de victimes à vivre en concubinage est plus élevé chez les hommes que chez les femmes.

Le tableau révèle que la violence au sein des couples mariés est aussi forte que dans les couples concubins. Elle se manifeste également au niveau des divorcés et des ex-concubins. Ces situations de violence se présentent le plus souvent quand la victime a la garde des enfants et qu'elle n'a pas tous les moyens nécessaires pour subvenir à leurs besoins. De ce fait, elle se trouve dans l'obligation de s'adresser à son ex-conjoint. Sur 22 divorcés, nous avons récupéré un pourcentage de 55% chez les femmes et 45% chez les hommes. La plupart des répondants ont un niveau d'études élevé. Les femmes sont aussi éduquées que les hommes. Mais le pourcentage de femmes qui travaillent est inférieur à celui des hommes. Sur les 67 femmes interviewées, 30 ont un emploi soit de 45% tandis que sur les 35 hommes questionnés, 20 sont rémunérés ; ce qui donne un taux de 57%. En effet, on enregistre beaucoup plus de cas de violence dans les couples qui n'ont pas d'emploi et dans les couples qui sont encore aux études. Les femmes qui n'ont pas d'entrées financières subissent les actes de violence les plus graves de la part de leur mari. Par conséquent, la violence conjugale ne respecte pas la hiérarchie sociale, les femmes cadres subissent elles aussi des violences.

Les victimes de la violence conjugale refusent de porter plainte contre les agresseurs et celles qui voudraient le faire ne savent pas où aller directement. Certaines d'entre elles vont à la police, d'autres auprès des tribunaux ou des organisations oeuvrant dans le domaine des droits de l'homme et/ ou bien auprès des organisations féminines. Sur les 67 femmes interrogées, 20 ont porté plainte contre leur agresseur ; ce qui représente un taux de 30%. Sur les 35 hommes 5 ont porté plainte soit un pourcentage de 14%. Finalement, moins de 50% des victimes ne savent pas que la loi traite de ce sujet.

Au tribunal, les agresseurs ne sont pas généralement punis et les femmes sont le plus souvent ridiculisées par des juges masculins49(*). Globalement, le pourcentage s'élève à 45% pour les conjoints, 33% pour les concubins, 22% pour les divorcés, 49% pour les employés, 50% pour les professionnels, 25% pour les plaignants, 39% pour les ayant connaissance de la loi.

Thème 3 : Causes de la violence conjugale

a) Dans ce thème, les différentes questions développées nous amèneront à :

Découvrir les causes de la violence conjugale et sa persistance.

b) Résultats :

Causes identifiées par

Femmes et hommes

Quantité/ Echantillon102

FemmesHommes6735

Pourcentage

FemmesHommes

Pourcentage global

Femmes et hommes

Inapplication de la loi

6028

90%80%

86%

Passivité de l'Etat haïtien

5520

82%57%

74%

 
 

Inégalités économiques entre l'homme et la femme

5219

78%54%

70%

 
 

Pouvoir de domination

51

76%

 
 

Manque d'éducation et de dialogue au foyer

5018

75%51%

67%

 
 

Autres

3515

53%43%

49%

c) Analyse et interprétation des résultats

Les entretiens menés ont révélé de multiples causes. Mais il ressort que presque toutes les victimes avaient un point commun : la non-application des textes de lois. L'inapplication des textes de lois relatifs à la violence conjugale révèle-t-elle effectivement la faiblesse de la législation en la matière ou l'incapacité de l'Etat à appliquer ces lois ? C'est ce point que nous allons éclaircir par l'analyse des causes de la violence conjugale.

L'inapplication des textes de lois est l'une des principales causes de la violence conjugale en Haïti. Cette violence a des racines sociales et historiques profondes et se manifeste dans des rapports de forces inégaux entre l'homme et la femme50(*). Ainsi de nombreux experts croient que la violence conjugale est liée aux inégalités et au déséquilibre au sein de notre société. Pourtant le pays, outre que ses lois nationales et son cadre légal, a signé et ratifié de nombreux traités et accords internationaux en matière des droits de l'homme et la femme en particulier. En effet, dans notre pays, les lois réprimant la violence conjugale sont très mal appliquées à cause d'un manque d'une réelle volonté politique.

Haïti a récemment promulgué le décret du 6 juillet 2005 modifiant le Code pénal dans ses articles sur les agressions sexuelles et sur l'élimination des discriminations contre la femme. Ce décret accorde une considération égale à la femme et à l'homme en ce qui concerne l'adultère. Il apporte un recours légal aux femmes en cas de violations de leur droit. Cependant, l'application de ce nouveau décret reste un défi. Dans les tribunaux, on s'en moque bel et bien51(*). Au lieu de blâmer l'agresseur ou de le punir, des magistrats rendent plutôt la femme responsable de l'agression qu'elle a subie. Souvent les poursuites judiciaires et les condamnations prononcées contre les agresseurs sont des simulacres. La femme victime vit toujours des moments de peur, de crainte quand elle continue à vivre avec ce partenaire violent au sein de sa famille. Sur 67 femmes interviewées 60 soit 90% affirment que les lois relatives à la violence conjugale ne sont pas appliquées tandis que chez garçons 28 sur 35 soit 80% font le même constat.

Une autre cause de la violence conjugale est la passivité de l'Etat haïtien face aux instruments internationaux qu'il a signés et ratifiés. Il ne fait rien pour améliorer les conditions des femmes. Il ne tient pas compte non plus de la structure des familles haïtiennes. La preuve en est bien claire car le pays n'a pas un code de famille52(*). Ses obligations envers les femmes sont très limitées. Il la considère d'ailleurs inférieure à l'homme. Lorsqu'il s'agit des cas de violence surtout conjugale envers la femme l'Etat se décharge de ses responsabilités sur les organisations féminines et sur les ONG. Selon le rapport du secrétaire général sur les violences à l'égard des femmes, l'inaction de l'Etat revient à laisser en place les législations et mesures discriminatoires qui compromettent les droits fondamentaux des femmes et les marginalisent53(*). La famille n'est pas sous le contrôle de l'Etat vraiment. 55 sur les 67 femmes questionnées (82%) et 20 sur 35 hommes (57%) le dénoncent.

Les inégalités économiques entre l'homme et la femme constituent aussi une cause de violence conjugale au sein du foyer. Selon notre enquête et même dans la réalité et surtout en Haïti, les moyens économiques des femmes sont inférieurs à ceux des hommes. Celles qui travaillent sont non seulement minoritaires mais aussi gagnent moins d'argent que leur mari. Les femmes représentent les grandes sphères économiques bien qu'elles travaillent dans le secteur agricole et dans le commerce. Les hommes occupent tous les grands postes. Etant donné qu'il leur manque de ressources financières, les femmes ne peuvent pas réagir comme elles le désirent. Et les hommes profitent de cette dépendance économique pour maltraiter leur femme. Ils se comportent comme des bourreaux au foyer surtout quand c'est seulement lui qui travaille. Et la peur oblige la femme bien des fois à se soumettre. Sur les 67 femmes, 52 l'affirment soit un pourcentage de 78% pour les femmes et de 54% pour les hommes.

Un autre facteur de la violence conjugale est le pouvoir de domination. Depuis l'existence du monde, l'homme veut toujours dominer la femme dans tous les domaines. Au sein du foyer, l'homme est considéré comme le chef de la famille et la femme doit être sous sa tutelle. En conséquence, elle lui doit obéissance et soumission. Cette mauvaise répartition du pouvoir au foyer favorise le plus souvent la violence conjugale. Aussi, la plupart des hommes trouvent-ils tout à fait légitime le fait de dominer leur femme et ne souhaitent pas que ce sujet soit remis en question voire accepter une certaine égalité avec la femme. Ils occupent la première place au foyer un point et c'est tout. Jusqu'à présent, l'Etat accorde aux hommes le plein pouvoir. La justice est masculinisée et machiste.

La violence conjugale constitue un abus de pouvoir. Ce pouvoir de domination vient du système patriarcal qui se fonde sur le besoin de dominer pour survivre. Tout le pouvoir revient à l'homme et à la femme la soumission, la subordination, l'obéissance. La place de la femme est dans le foyer occupant ses enfants, prenant soin de la famille. Ce pouvoir de domination reste un grave problème à résoudre. Car malgré les grandes évolutions des textes de lois, les hommes maintiennent et affichent une certaine supériorité vis-à-vis des femmes. En général, la domination de l'autre est le point de départ de toute violence conjugale. Selon certaines études, les hommes qui pensent avoir le droit de contrôler la vie de leur partenaire par exemple, décider pour elle si elle peut travailler à l'extérieur ou sortir en soirée avec des amis, sont plus enclins que d'autres à infliger de mauvais traitements à leur partenaire54(*).

Par ailleurs, le manque d'éducation et de dialogue au foyer est considéré aussi comme cause de violence conjugale. En Haïti, les familles ne sont pas vraiment construites sur une base solide. Dans la réalité, la violence conjugale tire son origine aussi dans le passé des partenaires. C'est-à-dire, ils sont enclins à répéter les scènes de violence dont ils étaient témoins dans leur propre famille. Le manque d'éducation joue un rôle important dans le rapport des partenaires. Car ils ne savent pas comment dialoguer, ni résoudre un conflit pacifiquement. Les partenaires violents ont souvent une mauvaise interprétation des échanges verbaux, ils disent ce qu'ils veulent, ils déshumanisent l'autre. Ainsi les frustrations accumulées de par et d'autre bloquent littéralement le dialogue au lieu de s'ouvrir pour s'accommoder et se réconcilier. Par conséquent, la vie au foyer devient intolérable et se prête à la violence. Elle atteint un pourcentage de 75% chez les femmes et 51% chez les hommes.

Dans l'ensemble, 86% des 102 victimes questionnées considèrent l'inapplication des textes de lois comme une cause profonde de la violence conjugale. Toutes les causes révélées par l'enquête abondent dans le même sens ; d'autres causes jugées importantes se sont imposées ; elles affichent un pourcentage de 53% chez les femmes et 43% chez les hommes.

* 49 Thèse de Me JEAN BAPTISTE, Sylviane,  Plaidoyer pour une plus large participation des femmes dans la magistrature haïtienne , Les Cayes, Haïti, 2007, 63p. (à l'avenir : Me Jn Baptiste, Plaidoyer pour une plus large participation des femmes )

* 50Assemblée générale des Nations Unies,  Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des

femmes, 1993, 12p.

* 51 Me Jn Baptiste, Plaidoyer pour une plus large participation des femmes, 63p.

* 52 Par exemple code de famille canadienne, code de famille et de l'action sociale française.

* 53 Assemblée générale des Nations Unies, Étude approfondie de toutes les formes de violence à l'égard des femmes : Rapport du Secrétaire général, 6 juillet 2006, 38p.

* 54 DeKeseredy, Walter S. et Kelly, Katherine, `'Woman Abuse in University and College Dating 4, relationship: The Contribution of the Ideology of Familial Patriarchy», in The Journal of human justice ,vol. 2, printemps 1993, pp. 33 et 45.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein