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Les droits fondamentaux des détenus au Sénégal

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par El-Hadj Badara NDIAYE
Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrise droit privé 2003
  

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UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS

UFR DE SCIENCES JURIDIQUE ET POLITIQUE

Section Droit de l'Entreprise

MEMOIRE DE MAITRISE

LES DROITS FONDAMENTAUX

DES DETENUS AU SENEGAL

Sous la direction de

Mady Mary BOUARE

Maître assistant

UFR de Sciences Juridiques et Politiques - UGB

Certificat d'Aptitude à la profession d'Avocat

Présenté par

El-Hadj Badara NDIAYE

Etudiant en 4ème Année

Année universitaire 2003/2004

ABREVIATIONS

RADDHO : Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme

RADI : Réseau Africaine pour le Développement Intégré

PRI : Pénal Réforme International

ONG : Organisation non Gouvernemental

DAP : Direction de l'Administration Pénitentiaire

CPP : Code Procédure Pénale

CP : Code Pénal

ONU : Organisation des Nations-Unies

OUA : Organisation de l'Unité Africaine.

DEDICACES

Je dédie ce modeste travail à :

Ma Mère, Ndèye Aminata FALL ;

Mon Père, Saliou NDIAYE ;

Mes Frères et soeurs : Bass, Fatou, Pape, Malick, Manel, Bouba ;

Tous ceux qui me sont proches de par le sang ;

Toutes ces merveilleuses personnes qui m'honorent de leur amitié ;

Tous les camarades de promotion ;

Tous nos camarades qui n'ont pas eu la chance d'arriver là où nous sommes aujourd'hui, pieuse pensée à vous !

L'ensemble de la population carcérale du Sénégal ;

Tous ceux qui luttent pour le respect et la promotion des droits fondamentaux des détenus.

REMERCIEMENTS

Je rends grâce à ALLAH qui ne cesse de m'accorder des bienfaits sans la moindre méride de ma part ;

Que la paix et la bénédiction soient sur son envoyé MOHAMED (PSL)

Je remercie mes Père et Mère de m'avoir procuré le bonheur de fréquenter les bancs de l'école. Envers vous ma dette consciente ou non restera toujours très grande.

Je remercie tous les enseignants de l'UFR de Sciences Juridiques et Politiques de m'avoir arraché des ténèbres de l'ignorance et fait découvrir les joies et les délices de la culture juridique. Avec vous, nous avons acquis le sens du jugement et l'esprit d'organisation. Avec vous aussi, nous avons compris que « c'est mal payer son « maître » que de vouloir toujours rester son élève ».

Avec mon éternelle et sincère gratitude au Professeur Mady Mary BOUARE, tout au long de ces mois consacrés à la rédaction de ce mémoire, il n'a cessé de répondre à mes questions les plus diverses, de formuler d'innombrables suggestions et remarques fort judicieuses. Mais plus que tout, c'est l'échange continuel d'idées qui changent un travail solitaire parfois ardu en une source de joies. Je lui suis extrêmement reconnaissant.

Je remercie enfin, tout le personnel de la Maison d'arrêt et de correction de Diourbel avec une mention spéciale à Pape Dial GAYE.

INTRODUCTION GENERALE

La liberté physique de la personne consistant dans le droit d'aller et de venir sans entrave constitue un droit fondamental de tout individu dans une société démocratique.

L'apparente simplicité du concept de liberté physique cache en partie, la difficulté d'en limiter, avec précision, les contours. On peut, en effet, s'interroger sur le caractère dual de la liberté physique. Le droit ne connaît-il que la liberté ou l'absence de liberté, ou existe-t-il des situations intermédiaires de liberté atténuée ou restreinte ? Le droit connaît, néanmoins, une série d'exceptions au principe de la liberté physique en vertu desquelles l'autorité publique et, exceptionnellement, les particuliers peuvent priver une personne de sa liberté. De nombreux textes, en effet, autorisent dans des circonstances déterminées, des atteintes de cette nature. Il s'agit tantôt de peines privatives de liberté prononcées par un juge, de mandats d'arrêt décernés par un juge d'instruction, de mises à la disposition du gouvernement ordonnées par l'Exécutif. Tantôt d'arrestations opérées par les forces de polices, de collocations prononcées par le Juge de paix ou de détentions exécutées sur réquisitions de l'office des étrangers.1(*) Soit, encore, de la saisie par un particulier d'une personne prise en flagrant crime ou flagrant délit et sa remise aux agents de la force de publique.2(*)

Par ailleurs, il importe surtout de préciser le sens dans lequel on entend employer chacune des expressions utilisées. En effet, les droits fondamentaux auxquels il est référence ici ont d'une part des origines juridiques dans lesquelles s'affrontent les partisans du droit naturel et les partisans - du positivisme. Ils ont d'autre part, des origines extra-juridiques dans lesquelles le christianisme a joué un rôle capital, au moins indirectement. Selon un certain nombre de thèmes contenus dans le message chrétien, il est dit que : « créer à l'image de Dieu, l'homme doit être respecté. Quelle que soit sa déchéance apparente, résultant de sa misère, voire de ses fautes, il reste une créature divine ».3(*)

D'ailleurs, il n'arrive pratiquement jamais qu'une croyance inspire immédiatement un système juridique. Dans la quasi-totalité des cas, son influence dépend de la façon dont elle est comprise et reçue, c'est-à-dire autant de ses déformations que de son contenu propre.

Ainsi, les droits fondamentaux sont donc les droits essentiels et inhérents à la nature humaine, de tout individu. Il en découle un certain nombre de conséquences : d'abord leur formulation est logiquement plus solennelle. Ensuite, leur valeur juridique les situe au sommet de la hiérarchie des normes parce qu'ils concernent un domaine primordial pour la vie humaine. D'ailleurs, il est désormais universellement reconnu qu'il n'est pas d'existence humaine sans droit, pour les détenus comme pour les autres. Il faut ajouter, en gardant une juste perspective, qu'il convient d'entendre par détenu tout individu privé de liberté en raison d'une mesure judiciaire de prévention ou d'une mesure judiciaire de répression.

Le respect des droits fondamentaux des détenus est très variable selon les époques et les sociétés. Ils obéissent à une logique d'évolution qui coïncide avec le processus de formation de l'Etat moderne. En effet, la reconnaissance de l'Etat de droit a appelé la reconnaissance d'un certain nombre de droits qui s'attachent à l'homme en tant qu'individu. Cependant, si nous voulons bien nous détacher d'un vision manichéenne et idéaliste du droit trop présent entre vrai droit et faux droit, droit clair et droit flou, droit dur et droit mou, etc..., il suffit tout simplement de prendre acte des grandes lignes de l'histoire pour connaître l'état actuel des droits fondamentaux des détenus. Ces derniers ont longtemps été ceux du plus fort, c'est-à-dire ceux de l'administration judiciaire. Ils ont longtemps été peu, voire pas du tout juridictionnalisé, ils s'agissaient d'un certain nombre de droits de règlement, brutal et sans appel. Or, aujourd'hui, les droits fondamentaux des détenus sont partagés et juridictionnalisés. Partagés, car ils ne sont plus seulement les droits de l'administration sur les détenus, mais aussi les droits que les détenus peuvent opposer à l'administration. Juridictionnalisé, car les juridictions, administratives et judiciaires, sont de plus en plus appelées à dire l'application juste des textes.

Ainsi, ces droits se transforment pour devenir un ensemble de « textes faisant loi pour les acteurs concernés et constituant des ressources d'actions dans leurs rapports réciproques ».4(*) Pour cela, deux repères paraissent importants. Il s'agit d'une part, de l'évolution du droit de punir et d'autre part de l'évolution des peines.

Si à l'origine, les peines avaient un caractère essentiellement afflictif, il est apparu par la suite que la période de l'emprisonnement pouvait être mise à profit pour l'amendement du détenu. Selon les pays et les époques l'une ou l'autre de ces deux logiques peut prévaloir. Elles n'en demeurent pas moins indissociables. Par ailleurs, s'agissant de l'évolution du droit, de punir, il s'avère nécessaire de prendre des repères dans l'histoire. La veille juridique, c'est aussi connaître les évolutions du droit comparé et essayer d'en tirer un profil optimal. Tout d'abord, nous possédons des descriptions détaillées des méthodes employées par la police communiste pour le traitement des prisonniers politiques. Ainsi, nous pouvons donner l'exemple des prisons non officielles dans l'archipel du Goulag dans l'ancienne URSS où le détenu était questionné souvent durant des heures durant par des enquêteurs qui font tout ce qu'ils peuvent pour l'effrayer, le troubler et le dérouter.

Dès l'instant où il est enfermé, la victime est systématiquement soumise à toutes sortes d'agressions physiques et psychologiques. Mal nourri, mal traité, ne pouvant dormir que quelques heures par nuit, le détenu est moins tenu dans un état croissant d'anxiété, d'attente et d'appréhension cruelle. Des méthodes, du même genre, encore que moins radicales ont été utilisées pendant la guerre de Corée sur des prisonniers militaires. Dans leurs camps chinois, les jeunes détenus occidentaux étaient soumis à une tension systématique. Pour les minimes infractions, les coupables étaient appelés au bureau du comandant, questionnés, rudoyés et humiliées en public. La scène se répétait à l'infini, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, et ce harcèlement continuel créait chez les détenus une impression d'affolement et d'anxiété chronique.5(*) Ensuite, au bénéfice de quelques nuances, nous avons aussi les prisons des Lao gaï en Chine au temps de Mao et les prisons nazis au temps de Hitler où les détenus vivaient dans la laideur quotidienne.

Par ailleurs, plus récemment et plus proche de nous, l'exemple de la République de Guinée au temps de la figure controversé de Sékou Touré qui fut célèbre avec les prisons sinistres comme la prison de camayenne, la prison de Alpha Yaya, la prison camp Boiro (...) plaide dans le même sens.6(*) Partant du principe de la violation des droits humains dont étaient victimes des détenus de ces différents pays précités, il s'avère intéressant d'y établir une passerelle par rapport aux droits fondamentaux des détenus au Sénégal. Autrement dit de voir si le Sénégal s'est aligné dans la même logique répressive ou plutôt dans une logique moralisatrice.

En effet, le droit pénal sénégalais, de manière générale n'est pas resté indifférent à toute cette évolution du droit pénal contemporain. Durant la colonisation, le Sénégal a vécu la rigueur du droit pénal français en plus de la rigueur qui accompagnait son application dans les colonies. Cependant, le Sénégal n'a pas tardé dès son accession à la souveraineté internationale à édicter des mesures de protection sociale et législative à l'endroit des détenus. Ainsi, en 1965, trois codes d'un seul coup furent adoptés : le code pénal, le code des contraventions et le code de procédure pénale. Il faut dire que plusieurs modifications et compléments ont été apportés à ces codes dans le souci de concilier le respect de la liberté individuelle et les exigences de la répression. Cela étant, que ce soit en France, au Sénégal ou ailleurs, on assiste maintenant au développement d'une réglementation qui impose le respect de la dignité inhérente à toute personne humaine. Cette nouvelle réglementation découle des premières tentatives d'humanisation de la prison qui s'inspire du principe que « dans le pire assassin, une chose, au moins est à respecter quand on punit son humanité. L'homme est objecté à la barbarie des supplices, mais comme limite de droit : frontière légitime du pouvoir de punir ».7(*) Ainsi, la vie carcérale correspond à un ensemble d'obligations, de droits, de possibilités et d'interdits concernant les détenus et faisant l'objet d'une réglementation particulière. Au moins, s'agira-t-il ici des principales règles, car l'une des caractéristiques de la vie carcérale est d'échapper à la fantaisie, à l'imprévu et à l'initiative par une réglementation minutieuse du temps et de l'agir. En retour, les détenus bénéficient d'une sécurité juridique : des limites sont fixées, une prévisibilité est possible. Bien entendu, toutes ces données juridiques demandent à être replacées dans leur cadre général. En effet, le Sénégal, pays où le renforcement des droits de l'homme est une priorité commune à tous les niveaux, n'a pas tardé dès son accession à la souveraineté internationale à édicter des mesures de protection sociale et législative à l'endroit des détenus. La consécration de ces droits trouve leur fondement, tout d'abord, dans les instruments juridiques nationaux. Mais le passé colonial a fait que ces instruments juridiques nationaux sont organisés suivant l'architecture défini par le métropole. En d'autres termes, la structure du système juridique obéit à une sorte de mimétisme juridique et, cela est un facteur important dans la méthodologie de l'étude de ces droits. Ainsi, les codes napoléonniens ont beaucoup influencer le système juridique sénégalais comme en attestent les lois de 1965 portant respectivement code pénal, code de procédure pénale et code des contraventions.

En dehors des codes, la Constitution contient des dispositions garantissant les droits fondamentaux de tout individu. C'est elle qui parle de l'inviolabilité de la personne humaine et de sa sacralité8(*), c'est elle qui parle aussi de l'interdiction de toutes formes de détentions arbitraires.9(*) Mais, à ces principales dispositions, s'ajoutent l'ensemble des décrets, arrêtés et textes réglementaires qui régissent les établissements pénitentiaires.10(*)

Par ailleurs, d'autres mentions relatives aux droits des détenus figurent dans le droit international et sont très générales. Elles obligent à avoir recours à des instruments juridiques internationaux pour définir et interpréter les droits de l'homme et de la citoyenneté de 1789, de la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948. Deux traités servent à transformer la déclaration universelle des droits de l'homme en une loi internationale que les Etats signataires sont tenus de respecter : le Pacte international relatif au droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les mentions relatives aux droits fondamentaux des détenus figurent aussi dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Par ailleurs, il y a aussi des instruments internationaux plus spécifiques. Tel est le cas de l'ensemble des principes pour la protection de toutes personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'un emprisonnement,11(*) de l'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus12(*), de l'ensemble des règles minima pour l'élaboration des mesures non privatives de libertés13(*) et de la Convention contre la torture et aux peines ou traitements cruels et dégradants.14(*)

Il y a aussi les normes internationales spécifiques aux mineurs et aux femmes, c'est-à-dire la Convention relative aux droits de l'enfant, l'ensemble des règles des Nations-Unies concernant l'administration de la justice pour les mineurs dites règles de Beijing, les principes directeurs des Nations-Unies pour la prévention de la délinquance juvénile dits principes de Riyad. Il y a enfin, les normes spécifiques régissant les établissements pénitentiaires.

Ces divers instruments déterminent l'étendue de la protection des détenus par la loi. Ce qui s'avère particulièrement important dans le cas d'une personne privée de sa liberté. Cette protection est aussi bien valable pour les personnes mises en examen que les personnes incarcérées. Les personnes mises en examen constituent la catégorie des détenus qui n'ont pas encore été jugés. Il peut s'agir des gardés à vue ou des détenus provisoires. Toutefois, ils bénéficient des même droits que les détenus définitivement incarcérées voire même d'une plus grande protection en raison de la présomption d'innocence dont ils jouissent.

Cette protection est aussi valable pour les détenus vulnérables qui auraient besoin d'une prise en charge particulière. En tant que tels, ce sont les mineurs, les femmes et les déficients mentaux. Enfin, cette protection est aussi étendue aux détenus politiques qui doivent bénéficier d'un régime spécial.

La revendication en terme « de droits fondamentaux des détenus est donc un instrument qui a fait des avancées considérables au Sénégal pour lutter contre une conception latente et tenace, selon laquelle le détenu n'a pas des droits mais les privilèges que l'administration veut bien lui octroyer.15(*) Enjeux majeurs dans un Etat de droit, mais longtemps passés inaperçu dans les programmes nationaux de défense des droits de l'homme, les droits fondamentaux des détenus au Sénégal constituent actuellement un sujet important et très vaste qui subit un effet de mode.

Mais, ces droits apparaissent parfois assez flous, peut-être du fait de la polysémie de ces droits, probablement aussi du fait des multiples registres des droits de l'homme auxquels ils renvoient. Les droits de l'homme sont cruciaux en matière d'emprisonnement. La privation de liberté est l'une des pires sanctions que ce soit et elle doit être réglementée. Les prisons sénégalaises se révèlent et sont réputées être des lieux de non-droits. Il est par conséquent important que les règles nationales, régionales et internationales ainsi que les directives garantissant les droits de l'homme aux détenus soient promues et entièrement protégées. La nécessité s'avèrent de se prémunir contre les mauvais traitements et les abus de pouvoir. Partant de ces principes, il s'avère intéressant de voir comment peut-on réellement apprécier l'étendue de la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal ?

En effet, sur le plan juridique, le Sénégal a fait des avancées considérables dans la protection des droits fondamentaux des détenus comme en témoignent les mesures législatives instituant le juge de l'application des peines d'une part, et l'intervention d'un avocat au moment de l'interrogatoire des suspects au niveau des postes de police et de la réglementation d'autre part.

A cela s'ajoute le décret n° 98-49 du 17 janvier 1998 modifiant le décret n° 95-315 du 16 mars 1995 portant répartition des services de l'Etat.16(*) Aux termes de ce décret, la direction de l'administration pénitentiaire est ramenée au Ministère de la Justice au moment où la réflexion sur l'exécution de la sanction pénale entrait dans sa dernière phase.17(*) Ce rattachement marque le souci de faire de l'exécution des peines la suite nécessaire de la procédure qui a conduit le Professeur Serigne Diop, gardes des Sceaux et Ministre de la Justice a affirmé que « depuis l'indépendance, beaucoup de réformes ont été engagées et beaucoup de chantiers ont été ouverts » lors d'une conférence de presse au cours du mois de janvier 2004 à l'ouverture de l'atelier de partage de l'étude relative au programme sectoriel de la Justice ». C'est là le chantier le plus important pour la consolidation des droits des détenus pour le triomphe de la démocratie et de l'état de droit.

Certes, le Sénégal a réalisé des progrès et libéré des initiatives, si on compare à d'autres pays qui sont dans les mêmes conditions de développement historiques, mais nettement insuffisants. En effet, des centaines de détenus vivent toujours dans la laideur quotidienne au Sénégal. Les mauvais traitements, la torture, les trafics en tous genre, la corruption des agents de l'administration de la justice, le dénuement matériel et les médiocres conditions sanitaires et hygiéniques dans les prisons, l'engorgement carcérale, la vétusté et le délabrement des établissements pénitentiaires en nombre insuffisant mais aussi et surtout leur entretien lacunaire.

Par ailleurs, la durée excessive de la détention provisoire qui est dans l'ordre de 40%, le mépris d'ordre culturel et moral vis-à-vis des détenus, l'importance numérique grandissante des couches vulnérables (femmes et mineurs), le faible niveau de qualification des personnels pénitentiaires, etc..., caractérisent généralement les centres de détentions du pays. De ce fait, faire respecter les droits fondamentaux des détenus reste un défi considérable, particulièrement lorsqu'on considère l'impunité dans laquelle les violations de ces droits se poursuivent au Sénégal. Il faut ajouter aussi que la protection des droits fondamentaux des détenus demeure donc inachevée et la durée de la détention provisoire en matière criminelle n'est pas incluse dans le Code de procédure pénale. De même l'absence de sanction contre les tortionnaires dans le Code pénal et la non-intégration de la torture dans le Code pénal contrairement à la ratification de la convention contre la torture. L'application erronée des textes et les maladresses rédactionnelles des textes sont à la base de cet état de fait. Partant du principe que toutes ces lacunes peuvent à elles seules profondément modifier le strict respect du principe de la légalité des peines qui implique aussi la manière dont elles devront être subies, tout porte à croire que la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal est ineffective.

En somme, l'étendue de la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal sera en grande partie appréciée en fonction du cadre juridique de la protection de ces derniers, non pas simplement sur le plan théorique mais également sur le plan pratique. Nous retenons que sur le plan législatif, le Sénégal a fait des avancées significatives dans l'élaboration de normes garantissant les droits fondamentaux des détenus et dans l'intégration de règles fondamentales des droits de l'homme dans la législation nationale.

Dans cette perspective, il s'avère nécessaire de définir les contours du cadre juridique de la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal (première partie).

En dépit, des avancées significatives du Sénégal sur le plan législatif des lacunes sont notées dans l'application des mesures édictées. Ce qui nous amène à étudier l'ineffectivité de la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal (deuxième partie).

PREMIERE PARTIE 

LE CADRE JURIDIQUE DE LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS AU SENEGAL

Les garanties accordées aux droits fondamentaux des individus ne sont, désormais, étrangères à aucune culture. Elles appartiennent au terroir de toutes les nations. Elles sont universelles. On ne peut pas en choisir pour certains et en éliminer pour d'autres ; qu'ils s'agissent des individus légalement privés de leur liberté physique ou des autres, ces droits sont indivisibles et interdépendants. Cependant, ces garanties n'ont réellement de sens que s'il existe un véritable cadre juridique qui les entoure.

La notion de cadre juridique renvoie à l'ensemble des dispositions juridiques dont l'objet est d'assurer la protection des droits reconnus. Ainsi, la détermination du cadre juridique de la protection des droits fondamentaux des détenus n'est pas pur problème de forme. Elle revêt en réalité une double signification : elle peut être le symbole de la place qu'un certain nombre d'instruments juridiques veulent accorder aux droits fondamentaux des détenus ; elle préjuge souvent de la valeur juridique que le législateur national veut leur conférer. On n'en trouvera l'illustration tant au VIII siècle, époque à laquelle commencent à apparaître les grandes déclarations de droits, qu'à l'époque contemporaine, époque à laquelle leur intégration dans le droit positif des Etats et en particulier celui du Sénégal est effective.

Dans cette perspective, pour une partie de la doctrine, la protection des droits fondamentaux ne s'analyse pas exclusivement par rapport à leur contenu, mais également par rapport à leur place dans la hiérarchie des normes. Ainsi, pour le doyen Louis Favoreu, les droits fondamentaux sont « l'ensemble des droits et libertés reconnus aux personnes physiques comme aux personnes morales en vertu de la Constitution, mais aussi les textes internationaux et protégés tant contre le pouvoir exécutif que le pouvoir législatif par le Juge constitutionnel et par le Juge international »18(*). Cette définition est très limitée dans la mesure où elle exclut d'autres droits fondamentaux qui peuvent ne pas avoir été consacrés comme tels dans le droit positif ou par le juge. C'est pourquoi, l'approche proposée par Etienne Picard correspond mieux au cadre juridique de la protection des droits fondamentaux.19(*) Selon ce dernier, « les droits fondamentaux sont des droits assez essentiels pour fonder et déterminer plus ou moins directement les grandes structures de l'ordre juridique tout entier en ses catégories ». Il n'exclut pas donc l'hypothèse d'un droit fondamental non reconnu par le droit positif interne. Les droits fondamentaux transcenderaient donc la hiérarchie normative interne. Ce qui signifie qu'ils doivent être considérées dans leur ensemble et que, pour les protéger, une approche globale et équilibrée doit être définie et encouragée par les institutions nationales. Dans ce cas, il s'avère nécessaire de déterminer les instruments juridiques applicables au Sénégal en la matière (chapitre I). D'ailleurs, le renforcement de la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal consécutivement à la réaffirmation sans cesse croissante des normes juridiques y afférentes semble comme des avancées significatives du Sénégal sur le plan législatif (chapitre II).

CHAPITRE I - LES INSTRUMENTS JURIDIQUES APPLICABLES AU SENEGAL

La reconnaissance des droits fondamentaux des détenus obéit à une logique d'évolution qui coïncide avec le processus de formation de l'Etat moderne. En effet, la naissance de l'Etat a appelé la consécration d'un certain nombre de droits essentiels qui s'attachent aux personnes privées de leur liberté physique.

L'universalité et la généralité de ces droits a fait que la communauté a produit des instruments juridiques d'une haute pertinence tendant à assurer leur promotion et leur respect.

Cependant, ces invitations n'étant pas susceptibles d'assurer l'intégration des normes dans le corps des règles applicables sur le plan interne, il a fallu procéder à un rééquilibrage au niveau du dispositif national. Ainsi, les divers instruments juridiques assurant la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal découlent d'une capitalisation d'expériences extérieures et des sécrétions de l'ordre juridique interne.

Donc les instruments juridiques applicables au Sénégal, peuvent être scindés en deux branches : Nous avons d'abord les instruments juridiques internationaux (section I) ensuite les instruments juridiques internes (section II).

Section I - Les instruments juridiques internationaux

Une conception élargie des droits de l'homme est la pierre angulaire de tout ce que le Sénégal tente d'accomplir depuis son accession à l'indépendance.

Une des premières réalisations fut l'adoption d'un certain nombre d'instruments juridiques internationaux, de très grande portée qui ont servi de fondement à tout travail accompli par la suite dans le domaine de la protection des droits fondamentaux des détenus et qui ont été intégrés encore plus profondément sur le plan juridique. Ces instruments juridiques internationaux représentent le consensus de la communauté internationale forgé au prix de grands efforts et non de la domination d'un pays ou de traditions données.

Ils n'imposent pas une norme unique mais cherchent à promouvoir des normes juridiques communes en matière de respect de la dignité humaine. Aussi, ils se distinguent en des normes internationales générales (paragraphe I) et des normes internationales spécifiques (paragraphe II).

Parag. I - les normes internationales générales

Les normes internationales générales se répartissent en deux séries d'instruments qui peuvent être distinguées suivant leur valeur juridique.20(*) Il s'agit en premier lieu des déclarations de droits (A) et en second lieu des conventions internationales (B).

A - Les déclarations de droits

La déclaration de droit se définit comme une proclamation qui s'attache à la vie. Dans le cadre de notre étude nous retiendrons deux déclarations qui vont expressément consacrées par la Constitution sénégalaise du 07 janvier 2001. Ce sont la déclaration des droits de l'homme et du Citoyen du 26 août 1789 et de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

1 - La déclaration des droits de l'homme et du Citoyen de 1789

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 est entrée dans le système juridique sénégalais par le biais de la Constitution du 7 mars 1963 21(*) et a été réaffirmé dans la Constitution du 7 janvier 2001 qui dans son préambule affirme l'attachement du peule sénégalais « aux droits fondamentaux tels qu'ils sont définis dans la déclaration des droits de l'homme de 1789 ... ».

L'avènement de la démocratie marque une rupture avec l'ancien ordre en consacrant la liberté comme le premier des « droits naturels et imprescriptibles de l'homme »22(*). Cependant l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi : elles correspond au pouvoir de punir. C'est ainsi que l'article 4 dispose que « les bornes de la liberté ne peuvent être déterminées que par la loi ».

La loi qui est l'expression de la volonté générale des membres de toute la communauté bénéficie d'un même traitement de faveur par rapport à l'étendue des dispositions dans la déclaration.23(*) Ainsi, la loi est la grille de référence qui permet de légitimer et de justifier l'action de l'administration. Ainsi, elle permet d'abord de légitimer la privatisation de liberté car étant la seule à pouvoir interdire. En outre, la loi doit contribuer au respect de la légalité qui est un autre aspect de la question sur laquelle la déclaration s'est prononcée largement. De ces dispositions nous pouvons déduire la consécration du principe de la légalité des délits et des peines qui constitue l'axe principale dans la protection des droits fondamentaux des détenus.

Cependant, il faut signaler que la déclaration n'a pas une valeur juridique intrinsèque. En effet, c'est cette particularité qui distingue les déclarations de droit, des conventions. Donc, elle a besoin d'une consécration en terme de garantie de droits qui l'intègre dans un système juridique déterminé.

En effet, en proclamant l'attachement du peule sénégalais aux droits fondamentaux tels qu'ils sont définis dans la déclaration de 1789, le constituant a entendu donner une valeur positive à ses dispositions.24(*) Ce qui est susceptible à travers la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

2 - La déclaration universelle des droits de l'homme de 1948

Le cadre général des droits fondamentaux des détenus s'articule autour de la première partie de la déclaration (article 1 à 21) où les rédacteurs réaffirment les droits fondamentaux de l'homme. Ainsi, on a procédé à un redéploiement des droits attachés à la personne humaine. Parmi ces droits, nous pouvons relever notamment, les droits attachés aux détenus comme le droit de ne pas être soumis à l'esclavage, à la torture et aux arrestations arbitraires ainsi qu'aux droits à un jugement équitable. De même la légalité devant la loi et la sûreté ont été réaffirmées.25(*)

L'axe principale pour la protection des droits fondamentaux de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement est l'article 05 de la DUDH, bien connu, « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou à des traitements inhumains, cruels ou dégradants ». En effet, le terme de « traitement cruel, inhumain ou dégradant » peut inclure la situation dans laquelle la personne est emprisonnée est privée, temporairement ou de façon permanente, de l'usage de l'un de ses sens (la vue ou l'ouïe par exemple) de la conscience du lieu où elle se trouve et de la notion du temps. Ce principe est particulièrement important lorsque l'on traite des questions de discipline et de châtiment des détenus.26(*)

En outre, la « dignité humaine » est une notion essentielle en matière de droits des détenus, un concept invoqué par l'article 1er de la DUDH, tout aussi célèbre selon lequel « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité ». Les conditions de vie sont un des facteurs essentiels qui déterminent « l'état d'esprit, l'estime de soi et la dignité d'un détenu ».27(*)

Si honorable que soit l'action unie dans la protection des droits fondamentaux des détenus à travers la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948, il faut signaler que le respect de ces droits est redevable à plus d'un titre du système juridique qui l'intègre.

Il faut signaler que la Déclaration se présente sous la forme de résolutions adoptées par l'Assemblée générale de l'ONU. Dès lors, elle ne saurait avoir une force contraignante en elle. Donc, pour que la Déclaration puisse générer des effets juridiques, elle doit être intégrée dans le système juridique de l'Etat. Le Sénégal n'a pas manqué de saisir cette opportunité car la déclaration est citée dans la préambule de la Constitution du 07 janvier 2001 au même titre que la déclaration de 1789. Dès lors, nous pouvons dégager de cet attachement toutes les conséquences juridiques requises pour l'application des dispositions de la déclaration au Sénégal. Ainsi, nous pouvons dire que la déclaration a une valeur positive au Sénégal.

Il faut en conséquence estimer aujourd'hui que même si les déclarations des droits dans leur ensemble n'ont pas une valeur juridique, le Sénégal de son côté a procédé à leur promotion d'une manière telle que les conséquences juridiques qui en découlent permettent de les assimiler aux conventions.

B - Les conventions internationales

Ici, il s'agit d'étudier essentiellement les pactes conclus sous les auspices des Nations-Unies et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

1 - Les pactes des Nations-Unies

Les pactes conclu sous les auspices de l'organisation des Nations-Unies sont venus combler l'insuffisance de la Déclaration de 1948 à savoir l'absence de force obligatoire qui affecte ses dispositions. Ainsi, deux traités servent à transformer la Déclaration universelle des droits de l'Homme en une loi internationale que les Etats signataires sont tenus de respecter : le pacte international relatif aux droits civils et politiques et le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.28(*)

Les préambules et les articles 1, 2, 3 et 5 de ces deux pactes sont quasiment identiques. Les deux préambules proclament que les droits de l'homme proviennent de la dignité inhérente aux êtres humains. L'article 5 des deux pactes reprend la disposition finale de la Déclaration universelle, en formulant des garanties visant à empêcher toute destruction ou restriction illégitime des libertés et droits fondamentaux.

Le pacte international relatif au droits civils et politiques posent un certain nombre de droits qui tendent à assurer une meilleure protection des droits des détenus. Ainsi, le droit à la légalité et à la non discrimination a été rappelé dans l'article 2 alors que l'article 10 dispose que « toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ». Certaines dispositions du pacte relatif aux droits civils et politiques sont développés plus en détail dans leurs protocoles facultatifs, dont l'un permet à tout individu de porter plainte et l'autre en faveur de l'abolition de la peine de mort.

Cependant, il faut signaler que ses droits si nécessaires que soit leur reconnaissance et leur respect ne sont pas capables à eux seules d'assurer aux détenus un cadre adéquat pour le développement de leur personnalité. C'est pourquoi un autre pacte qui va dans le sens des droits économiques, sociaux et culturels a été conclu. Ce pacte consacre ainsi le droit à un niveau de vie suffisant, le droit à une nourriture, aux vêtements et au logement.

Il faut signaler cependant que ces droits ainsi envisagés sont difficiles à respecter surtout dans les pays où le développement économique est restreint comme le Sénégal. Mais toujours, est-il, qu'il demeure des prérogatives qui sont exigibles de l'Etat qui ne doit ménager aucun effort pour leur effectivité.29(*) Ainsi, l'Etat est appelé à mettre sur pied l'infrastructure nécessaire à la réalisation du respect de ces droits et le niveau de l'engagement de l'Etat est à la mesure de la portée de ces pactes.

Les pactes étant des accords conclus par les sujets du droit international leur valeur juridique découle du niveau d'engagement de l'Etat. Ainsi, ces pactes entrent dans le système par voie de la ratification ou de l'adhésion qui emporte le consentement à être lié de l'Etat qui l'émet. Ces pactes ont une valeur positive au Sénégal. Cela signifie qu'ils sont générateurs d'obligations juridiques exigibles de l'Etat sénégalais. Nous pouvons même dire qu'ils ont une valeur supra-législative car suivant l'article 98 de la constitution du 07 janvier 2001 « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre membre ».

C'est suivant ce schéma que fonctionne le système de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

2 - La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples

La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples préparée pendant vingt ans, est adoptée finalement à l'unanimité par la conférence des Chef d'Etat et de gouvernement réunie à Naïrobi le 28 juin 1981. Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986. Elle proclame le « caractère inviolable de l'être humain, le droit à la dignité humaine ».

Les droits de l'homme sont cruciaux en matière d'emprisonnement. La privatisation de liberté est l'une des pires sanctions que ce soit et elle doit être réglementée. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples prescrit ainsi des droits fondamentaux inhérents à la personne humaine auxquels il ne peut être apporté de dérogation, quelles que soient les circonstances de temps et de lieu. C'est dire que les circonstances qui généralement constituent des faits justificatifs avec atteintes aux droits de l'homme n'influencent pas l'obligation de les respecter. Donc, ni le sous-développement ni les difficultés politiques et économiques ne peuvent justifier leur violation.30(*)

Dans le même ordre d'idée, il faut noter que même si la charte africaine des droits de l'homme et des peuples n'est pas inscrite dans la constitution sénégalaise au même titre que la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la déclaration universelle de 1948, il n'en demeure pas moins qu'elle a une valeur positive au Sénégal. Ces dispositions sont obligatoires au Sénégal en vertu de l'article 98 de la Constitution du Sénégal qui farde leur ratification. Nous pouvons dire aussi que la charte s'intègre parfaitement dans le bloc de constitutionnalité.31(*)

Outre ces instruments qui ont un caractère général, il existe d'autres instruments spécifiques eu égard à leurs objets.

Parag. II - Les normes internationales spécifiques

Les mentions relatives aux droits fondamentaux des détenus figurent dans le droit international et sont très générales. Elles obligent à avoir recours à des instruments plus spécifiques pour définir et interpréter les droits qu'ils contiennent.

Sous les applications de normes internationales spécifiques on vise essentiellement les normes internationales spécifiques au traitement des détenus (A, ainsi que les normes internationales spécifiques aux détenus vulnérables (B).

A - Les normes internationales spécifiques au traitement des détenus

Il s'agit entre autres de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de l'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

1 - La Convention contre la torture

La convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 considère la torture comme un supplice constitutif d'une violation des droits de l'homme.

L'article 1er de la convention la définit en ces termes : « aux fins de la présente convention, le terme torture désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligés à une personne ... par des agents de la fonction publique ou à leur instigation, aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'un tiers des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle a commis ou qu'elle est soupçonnée d'avoir commis ou de l'intimider ou d'intimider d'autres personnes. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement des sanctions ou occasionnées par elles ». La torture constitue une forme aggravée et délibérée de peines ou de traitements. Mais le paragraphe 2 de cet article prévoit que cette définition ne porte pas atteinte à la définition que contiendrait un instrument international ou une loi nationale et dont la portée serait plus large. Les Etats parties conformément de l'article 2 doivent prendre les dispositions nécessaires pour qu'un acte de torture ne se produise pas sur le territoire national relevant de leur autorité.

La torture ne peut en aucun cas être justifiée par les circonstances, s'agirait-il d'instabilité intérieure ou de tout autre état d'exception. L'interdiction des traitements cruels inhumains ou dégradants tend à préserver la dignité humaine. Il faut éviter que la thérapeutique criminelle poussé à l'extrême et sans discernement suffisant, ne risque d'attenter à la dignité ou l'intégrité de la personne humaine.32(*)

L'incorporation de la convention contre la torture dans le système juridique du Sénégal qui a ratifié cet instrument témoigne de son niveau d'engagement notoire dans l'émergence d'une culture des droits humains.

Considérant, par ailleurs que, priver le détenu de la satisfaction de ses droits et besoins fondamentaux, c'est l'empêcher d'être humain à part entière et que, par conséquent, la satisfaction de besoins de l'homme (éducation, liberté, alimentation, santé, loisir) est une chose à laquelle chaque humain est moralement et juridiquement en droit de prétendre. Partant de ce principe, les Nations-Unies ont adopté un ensemble de règles mimima pour le traitement des détenus qui constitue un élément de base pour le respect des détenus et de leur condition.33(*)

2 - L'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus

Ces règles aident à donner corps aux instruments internationaux sur les droits de l'homme bien qu'elles ne constituent pas un traité international. Ces règles ont été approuvés par l'ONU en juillet 1957 et une dernière a été ajoutée en 1977 pour étendre leur application. Ce sont plus des directives que des droits au sens strict du terme, un recueil de bonnes pratiques et de bons principes pour le traitement des personnes détenues et de la détermination des seuils minimaux. En dépit de leur flexibilité, elles ont une force normative. Depuis leur adoption en 1955, ces règles ont été homologuées directement ou indirectement par d'autres instruments internationaux et régionaux. La reconnaissance dont elles ont bénéficié est une indication importante de ce qu'elles ne peuvent pas être ignorées dans l'administration pénitentiaire moderne.

Dans les principes directeurs pour le traitement des prisonniers adoptés en 1990, l'assemblée générale des Nations-Unies a formellement reconnu que « les règles minima pour le traitement des détenus ont une grande valeur et influence dans le développement de la politique et de la pratique pénale ».34(*)

La reconnaissance dont ont bénéficié les règles signifie qu'elles ont acquis un statut unique parmi les instruments de justice criminelle internationale. La règle 1 explique clairement que les règles n'ont pas pour objet de décrire en détail un système pénitentiaire modèle. Mais elle ne reflète que les conditions généralement admises de ce qui était adéquat au moment de leur établissement. La règle 2 note qu'en raison « de la grande variété de conditions juridiques, sociales, économiques et géographies que l'on rencontre dans le monde », toutes les règles ne peuvent pas être appliquées « en tout temps et en tout lieu ». La règle 6 insiste sur l'impartialité des règles qui doivent être appliquées sans restrictions ni préjugé notamment, de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion, d'origine.

Les principes fondamentaux recommandent que les prisons doivent être des « communautés biens organisées sans risque pour la vie, la santé ou l'intégrité physique des personnes détenues » car les conditions de détention ne doivent pas constituer un « châtiment supplémentaires » pour la privatisation de liberté. De plus les activités carcérales doivent aider les détenus à se réinsérer et les conditions de détention doivent respecter la dignité humaine et les normes acceptables pour la société.

Les règles minima fournissent des directives détaillées en matière de normes de logement35(*), d'hygiène36(*), d'habillement37(*), d'alimentation38(*), d'exercice physique39(*), de services médicaux40(*), de discipline41(*), châtiment et des moyens de contraintes42(*). Les règles se penchent aussi sur al séparation des détenus43(*).

Il faut signaler que ces règles ont été intégrées dans le dispositif pénal sénégalais. Mieux encore, elles ont une valeur législative en ce sens qu'elles sont intégrées dans le code de procédure pénale en annexe III intitulé : « Le Régine des établissements pénitentiaires et les conditions de détention. Ce qui constitue un soubassement de l'administration pénitentiaire et détermine en même temps son fonctionnement.

Par ailleurs, la réflexion menée au niveau international sur la peine et plus spécifiquement sur la privation de liberté a émergé la nécessité de prendre en compte la personnalité du détenu. C'est ce qui fait qu'un certain nombre d'instruments internationaux spécifiques aux détenus vulnérables, aient été mis en oeuvre.

B - Les normes internationales spécifiques aux détenus vulnérables.

Face à la violation des droits fondamentaux des détenus vulnérables, qui sont nombreux à revendiquer une plus grande protection, les instruments internationaux y ont accordé autant d'intérêt, sino même plus, que les autres catégories de détenus. Cependant, les énormes différences de situations parmi les détenus vulnérables compliquent souvent le problème. Mais cela n'a pas empêché aux Nations-Unies de promouvoir, par diverses activités, des normes spécifiques aux droits fondamentaux des mineurs et des femmes détenus.

1 - Les normes internationales spécifiques aux mineurs

Les normes internationales spécifiques aux mineurs s'incarnent à travers la Convention relative aux droits de l'enfant, de l'ensemble des règles des Nations-Unies concernant l'administration de la justice pour les mineurs dites règles de Beïjing et des principes directeurs des Nations-Unies pour la prévention de la délinquance dits principes de Riyad.

L'objectif de la convention des droits de l'enfant44(*) est ici, de réserver au mineur un traitement de nature à favoriser son « sens de la dignité et de la valeur personnelle qui renforce son respect pour les droits de l'homme et des libertés fondamentales d'autrui ».

L'ensemble des règles des Nations-Unies concernant l'administration de la justice pour les mineurs définit des normes universelles, auxquelles chaque pays devrait adapter ses lois dans le contexte culturel qui lui est propre. Mieux encore, elles établissent un régime minimum, avec des dispositions relatives aux soins, à l'orientation, à la surveillance, au placement en famille, aux programmes d'éducation générales et professionnelle, aux solutions autres qu'institutionnelles pour assurer aux enfants détenus un traitement conforme à leur bien-être et adapté à la situation et à la nature de l'infraction commise.

Les principes des Nations-Unies pour la prévention de la délinquance juvénile engagent les Etats à mettre en place des politiques de prévention incitant les jeunes à s'adonner à des « activités licites, utiles à la société » dans la mesure où une « perspective humaniste guidera ces politiques, les jeunes pourront acquérir et développer une mentalité non criminogène ».

Qu'en est-il des normes internationales spécifiques aux femmes ?

2 - Les normes internationales spécifiques aux femmes

De manière générale, les normes internationales spécifiques aux femmes détenues invoquent la séparation des quartiers de détention, les installations spéciales nécessaires pour le traitement des femmes enceintes, les femmes relevant de couches ou convalescentes, etc ...

Ainsi, les différentes réglementations pénitentiaires sénégalaises relatives aux femmes détenues ont intégré ces normes dans le droit positif national. Elles s'inspirent, par ailleurs, des conventions internationales et de « l'évolution sociale » dans la définition des régimes de détention relatifs aux femmes, des modes d'administration et de gestion des établissements pénitentiaires pour les femmes mais aussi des droits et du travail pénitentiaire relatifs aux femmes détenues.

Le constat qui se dégage de ces instruments internationaux. C'est qu'ils visent la protection des détenus dans toute leur dimension. Dans ce contexte international, les Etats ont le pouvoir souverain d'adapter les droits fondamentaux des détenus à leur situation nationale dans la mesure où ils n'enfreignent pas les normes établies par les traités internationaux sur la protection des droits fondamentaux des détenus.

Section II - Les instruments juridiques internes

Sous les applications d'instruments juridiques internes, on vise essentiellement l'ensemble des normes législatives et réglementaires dont l'objet est d'assurer la garantie des droits reconnus.

Il est admis à l'échelle internationale que la protection et la promotion des droits fondamentaux des détenus relèvent avant tout de la responsabilité des Etats. Cela est tout à fait logique car c'est lorsqu'ils s'enracinent dans l'environnement juridique locale que ces droits sont le mieux protégés. Cependant, cette protection juridique interne n'a réellement de sens que s'il existe des instruments juridiques internes qui l'entourent. A cet effet, le Sénégal a libéré des initiatives en élaborant des instruments juridiques régissant les établissements pénitentiaires (parag. I) et en adoptant des textes garantissant les droits des détenus (parag. II).

Parag. I - Les instruments juridiques régissant les établissements pénitentiaires au Sénégal

Au Sénégal, les établissements pénitentiaires relèvent de l'Administration pénitentiaire qui est placée sous la tutelle du Ministère de la Justice. Mais il faut rappeler qu'à la veille de l'indépendance, la structure chargée de la gestion des prisons dépendait de la direction des Affaires politiques et Administratives du ministère de l'Intérieur. Le décret n° 62-209 du 28 décembre 1962 l'en détachera pour la rattacher au Ministère de la Justice comme le cas en France depuis 1945. Mais suite aux événements politiques de 1963 au cours desquels le Président du Conseil de l'époque, Mamadou Dia et ses partisans ont été arrêtés, elle sera ramenée de nouveau au Ministère de l'intérieur par le décret n° 63-209 du 28 décembre 1963. Elle sera érigée en Direction nationale en 1971 par le décret n° 71-877 du 30 juillet 1971.

Mais avec le décret n° 98-49 du 17 janvier 1998 modifiant le décret 95-315 du 16 mars 1995 portant répartition des services de l'Etat, la direction de l'Administration pénitentiaire est ramenée désormais au Ministère de la Justice afin de maintenir sous la même tutelle des services judiciaires et pénitentiaires. Ce qui nous ramène à y étudier les normes juridiques relatives d'une part à l'organisation des établissements pénitentiaires (A) et d'autre part au fonctionnement des établissements pénitentiaires (B).

A - Les normes juridiques relatives à l'organisation des établissements pénitentiaires

L'organisation des établissements pénitentiaires est régie par le décret n° 66-1081 du 31 décembre 1966 modifié et complété par le décrets n°68-583 du 28 mai 1968 et n° 86-1466 du 28 novembre 1986. Ces décrets organisent les catégories d'établissements pénitentiaires au Sénégal ainsi que la répartition des détenus entre les établissements pénitentiaires au Sénégal.

1 - Les catégories d'établissements pénitentiaires au Sénégal

Les établissements pénitentiaires sont gérés au Sénégal par la direction de l'Administration pénitentiaire (DAP) qui est l'une des directions du Ministère de la Justice.

Il existe au Sénégal quatre catégories de prisons dont la création, le regroupement, la suppression et le lieu d'implantation sont soumis à la promulgation de décrets. Selon l'article premier du décret portant organisation des établissements : « les établissements pénitentiaires sont crées, regroupés, supprimés par des décrets. Ces décrets fixent ou modifient leur lieu d'implantation ». Les catégories d'établissements pénitentiaires au Sénégal sont :

· les maisons d'arrêt régies par le décret n° 86-1466 du 28 novembre 1966. Elles reçoivent les condamnés à l'emprisonnement de police45(*) et à la contrainte par corps46(*).

· Les maisons de correction régies par le décret n° 84-145 du 08 février 1984. Elles reçoivent les autres condamnés à l'emprisonnement correctionnel47(*), auxquels il reste à subir une peine inférieure à un an.

· Les maisons d'arrêt et de correction sont implantées dans les régionales et les chefs lieux de département. Elles reçoivent les condamnés à l'emprisonnement auxquels il reste à subir une peine de quinze jours à une année.

· Les camps pénaux sont régis par le décret n° 66-1466 du 28 novembre 1986. Selon l'article 20 du décret : « les camps pénaux reçoivent les condamnés aux travaux forcés, à la détention criminelle et auxquels il reste à subir une peine d'une durée supérieure à un an, après le moment où leur condamnation où la dernière de leur condamnation est devenue définitive ». Il existe trois camps pénaux au Sénégal : Dakar liberté IV, de Kédougou, et de Koutal.

Dans l'ensemble, les lieux de détention au Sénégal sont estimés en volume à 3503, 1 m3 et en surface à 10 562,m². Tous ces établissements sont regroupés au sein de régions pénitentiaires au nombre de onze (11) au Sénégal et la répartition des détenus s'effectue à travers une réglementation intégrant les normes internationales de détention.

2 - La répartition des détenus entre établissements

En application du principe d'individualisation, la répartition des condamnés dans les prisons établies pour peines s'effectue compte tenu de leur catégorie pénale, de leur âge, de leur état de santé, de leur personnalité et de leur sexe.

En application à ce même principe, les maisons d'arrêt qui recouvrent les détenus provisoires doivent établir des quartiers distincts avec les détenus déjà condamnés.

La législation pénale sénégalaise a procédé à ces normes d'affectation afin de préserver le sens de la dignité des détenus et partant de protéger leurs droits fondamentaux. Ainsi, l'article 11 du décret n° 86-1466 du 28 novembre 1986 dispose que : « lorsque le même établissement pénitentiaire sert à la fois de maison d'arrêt et de maison de correction, une séparation est établie autant que faire se peut entre :

les inculpés48(*), prévenus49(*), et accusés50(*) ;

les condamnés à l'emprisonnement correctionnel, auxquels ils restent à subir une peine inférieure à un an ;

les condamnés à l'emprisonnement de simple police ;

les individus qui subissent la contrainte par corps ».

Par ailleurs, dans chaque maison d'arrêt, maison de correction et camp pénal, des quartiers distincts sont aménagés pour les femmes et les hommes de telle sorte qu'il ne puisse y avoir de communication entre eux (article 10 alinéa du décret). Dans ce même ordre d'idées, l'alinéa 2 de cet article prévoit la même séparation pour les mineurs âgés de plus de 13 ans lorsqu'ils sont placées provisoirement dans une maison d'arrêt. C'est ainsi que la maison d'arrêt et de correction de Rufisque est réservée aux femmes, celle de Hann (ex-fort B) aux mineurs et un pavillon spécial de l'hôpital Aristide le Dantec pour les détenus malades.

La répartition des détenus entre les établissements pénitentiaires doit aussi s'incorporer dans les normes établies pour le fonctionnement des établissements pénitentiaires.

B - Les normes juridiques relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires

Ces normes concernent d'une part, le régime pénitentiaire applicable au Sénégal et d'autre part, le règlement intérieur des établissements pénitentiaires au Sénégal.

1 - Les normes relatives au Régime applicable au Sénégal

Traditionnellement, quatre systèmes pénitentiaires sont concevables :

· celui de l'emprisonnement en commun par l'effet duquel les détenus sont toujours ensemble, de nuit comme de jour. C'est un système financièrement économique mais corrupteur.

· Celui de l'emprisonnement cellulaire51(*), consistant dans l'isolement complet du détenu de jour comme de nuit, qui présente les caractères inverses du précédent.

· Celui dit Auburnien ou mixte qui, combinant les deux précédents, implique l'isolement du détenu matériel la nuit et moral le jour (loi du silence).

· Enfin, celui dit progressif, souvent appelé progressif irlandais, qui se caractérise par une libération par étapes : le condamné passe par différents stades intermédiaires qui vont du régime cellulaire jusqu'à la liberté.

Qu'en est-il du droit sénégalais actuel ?

L'emprisonnement doit être différencié puisqu'il ne doit pas y avoir la même forme, selon qu'il s'agit d'un prévenu ou d'un condamné, d'un correctionnaire ou d'un criminel : maison d'arrêt, maison de correction doivent en principe correspondre à ces différences. Ainsi, le régime des établissements pénitentiaires modifié par les décrets précités 52(*) définit les règles applicables au Sénégal.

S'agissant de la détention provisoire, dans les maisons d'arrêt ou par la suite de la distribution des locaux ou leur encombrement temporaire, le régime de l'emprisonnement individuel ne peut être appliqué à tous les prévenus, ceux à l'égard desquels l'autorité judiciaire aura prescrit l'interdiction de communiquer ou la mise à l'isolement doivent être placés par priorité en cellule individuelle (article 13).

Dans les maisons d'arrêt et de correction, le régime applicable est l'isolement complet de jour et de nuit, c'est-à-dire le régime cellulaire prévu aux articles 688 et 691 du code de procédure pénale.

Deux régimes ont été prévus dans les camps pénaux : le régime d'isolement partiel (encore appelé régime auburnien) et le régime progressif. Aux termes de l'article 691 du code de procédure pénale, « les condamnés sont soumis dans les camps pénaux à l'isolement de nuit après avoir subi éventuellement une période d'observation en cellule ». Mais il peut être apporté dérogation à ce principe. Quant au régime progressif, il est cité à l'article 21 du code de procédure pénale.

Le traitement d'exception concerne les malades mentaux, les lépreux et les prisonniers dont l'état de santé ne permet pas d'être soignés en prison. Ces derniers sont détenus au pavillon spécial de l'hôpital Aristide le Dantec tandis que les lépreux sont dirigés vers Koutal ou le camp Manuel à Dakar.

Ces régimes sont donc équilibrés et fort différenciés. Toutefois leur application pourrait poser problème. De ce fait pour renforcer la protection des détenus, il revient au règlement intérieur des prisons de déterminer les détails et les conditions d'admission à chaque phase.

2 - Les normes relatives au règlement intérieur des établissements pénitentiaires au Sénégal

C'est l'arrêté ministériel n° 7117 du 21 mai 1989 qui organise le règlement intérieur des établissements pénitentiaires. Aux termes de l'article premier de cet arrêté, « le présent arrêté fixe les dispositions générales applicables aux détenus et au personnel de l'Administration pénitentiaire particulièrement en ce qui concerne la discipline, les mesures d'ordre, les détails de service en vigueur dans les établissements pénitentiaires ». De là, découle une série de dispositions préventives.

L'Administration pénitentiaire doit assurer la détention du condamné et éviter son évasion. Elle doit aussi assurer le bon ordre dans les établissements pénitentiaires. A cet effet, l'ordre et la discipline constituent un préalable important et doivent être, aux termes du règlement intérieur, maintenus avec fermeté. Outre cette discipline, la vie pénitentiaire revêt une place primordiale dans le règlement intérieur.53(*) En effet, le règlement intérieur s'intéresse d'une part à l'amendement c'est-à-dire l'amélioration morale du coupable, et d'autre par le reclassement social du libéré afin de faire rentrer dans la vie libre dont la peine l'avait exclu.

Ces objectifs définis dans le règlement intérieur découlent d'un certain nombre de textes garantissant les droits fondamentaux des détenus au Sénégal.

Parag. II - Les textes garantissant les droits fondamentaux des détenus au Sénégal

Il est admis à l'échelle internationale que la promotion et la protection des droits fondamentaux des détenus relèvent avant tout à la responsabilité des Etats membres. Le Sénégal s'attache à cette conception et définit dans ses textes fondamentaux les moyens d'assurer la protection de l'individu. C'est ce qui traduit aussi bien à travers les normes juridiques constitutionnelles (A) qu'à travers la législation pénale nationale (B).

A - Les normes juridiques constitutionnelles

Le Sénégal, à l'instar des autres Etats contemporains, a procédé à une constitutionnalisation des droits fondamentaux des détenus depuis son accession à l'indépendance en 1960. Ainsi, le Sénégal dans sa constitution en date du 07 mars 1963 y proclamait son attachement aux déclarations de 1759 et de 1948 et son adhésion aux préambules des constitutions françaises de 1946 et 1958. Ceci à travers d'une part le préambule et d'autre par le corpus de règles constitutionnelles.

1 - Le préambule de la Constitution

Le préambule de la Constitution est la partie introductive de la Constitution qui détermine « les valeurs et principes que contiennent la doctrine officielle du régime ». Dès lors, il a fixé un certain nombre de règles garantissant le respect des droits fondamentaux de tout individu. En effet, après avoir rappelé un certain nombre de principe (souveraineté, état de droit), le préambule a proclamé le respect et la garantie des droits qu'il ne réglemente pas pour autant. Ainsi, il affirme l'adhésion du Sénégal aux traités internationaux conclu en matière de défense des droits de l'homme.

Le préambule définit en quelque sorte des grandes lignes de la réglementation en matière des droits fondamentaux, même si nus constatons que ces droits sont posés de manière générique. Cela constitue une profession de foi du constituant sénégalais qui montre son attachement aux droits fondamentaux en les plaçant au seuil de la charte fondamentale.

Cependant, il faut signaler que les dispositions du préambule sont d'une application délicate. C'est pourquoi le constituant sénégalais a entendu revenir sur ces droits dans le corpus constitutionnel.

2 - Le corpus constitutionnel

L'importance qu'attache le constituant sénégalais sur la protection des droits fondamentaux se justifie davantage du fait qu'ils sont portés dans les premiers titres de la loi fondamentale. En effet, il apparaît de la part du constituant sénégalais, de consacrer certaines dispositions du titre II de la Constitution aux droits fondamentaux des détenus. Ainsi, aux termes de l'article 9 du titre II : « Toute atteinte aux libertés et toute entrave volontaire à l'exercice d'une liberté sont punies par la loi. Nul ne peut être condamné si ce n'est en vertu d'une loi entrée en vigueur avant l'acte commis. La défense est un droit absolu dans tous les états et à tous les degrés de la procédure ». Dans ce même ordre d'idées, l'article 7 dispose que : «  la personne humaine est sacrée. Elle est inviolable. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la protéger ».

Ces dispositions de la loi fondamentale confère à l'Etat des obligations de respecter et de protéger la personne humaine quelle que soit par ailleurs sa situation. Mais la pertinence de ces dispositions est tributaire de leur portée.

Une belle pratique trouvant son fondement dans l'évolution politique du Sénégal qui a procédé ainsi à une constitutionnalisation des droits fondamentaux des détenus. Par cette méthode, le Sénégal a entendu plus de poids aux droits qui sont définis. En effet, du point de vue de la logique juridique, plus la source d'une disposition est élevée dans l'échelle des normes juridiques, plus son respect et sa dignité s'imposent aux gouvernants.

Cependant, il faut signaler que le système n'est pas allé jusqu'au bout de sa logique car la constitution se réservent simplement d'en proclamer les droits. Il appartient au législateur d'en organiser la plupart de ces droits. Les normes juridiques constitutionnelles sont donc renforcées par les normes juridiques législatives.

B - La législation pénale nationale

Face à la carence du texte constitutionnel qui se borne tout bonnement à reconnaître les droits fondamentaux des détenus sans pour autant d'en donner son contenu, le constituant fait appel à la loi pour définir de manière concrète leurs conditions d'exercice et leurs limites. Cette marge de manoeuvre ne lui permet pas, néanmoins de pouvoir édicter des normes contraires à celles de la loi fondamentale. Donc, la législation pénale nationale bénéficie d'un fondement solide en tant qu'instrument juridique interne incontournable dans la protection des droits fondamentaux des détenus avec un domaine élargi qui comporte cependant des limites.

1 - Le domaine de la législation pénale nationale

La loi est votée par l'Assemblée nationale et constitue l'expression de la volonté générale. Au terme de l'article 67 de la Constitution du 07 janvier 2001, « la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ». Dès lors, la loi apparaît comme étant le facteur déterminant du système social. Le domaine de la législation pénale est élargi puisqu'au delà des règles, le code de procédure pénale 54(*) et le code pénale 55(*) déterminent les principes fondamentaux relatifs à la protection des droits fondamentaux des détenus. La référence à la loi témoigne d'une volonté du constituant d'accentuer le règne de la protection de ces droits. Donc, nous pouvons dire de ce fait que l'Assemblée nationale dispose d'une compétence de droit commun pour reconnaître et organiser ces droits. La force conférée à la loi dans l'organisation de ces droits se justifient aisément car non seulement elle traduit les aspirations de la société, mais aussi elle est d'un maniement plus simple. Donc si la loi atteint ses objectifs on ne saurait trouver meilleure protection des droits fondamentaux des détenus et trouver un système d'équilibrage avec la gamme des instruments internationaux applicable au Sénégal an la matière. Cependant, il faut dire que l'omnipotence de la loi présente des limites.

2 - Les limites de la législation pénale nationale

Les limites de la loi pénale sont internes au texte qui lui donne sa valeur juridique. En effet, la constitution en fixant de manière limitative, les matières législatives détermine en même temps une limite qui s'analyse comme la mise en place d'un cadre où toute action législative est écartée. C'est ce qui légitime l'exercice du pouvoir réglementaire.

De même, en faisant du juge, le gardien des droits fondamentaux et des libertés accordés aux citoyens sans distinction, la constitution limite le pouvoir des parlementaires, en ce sens qu'elle soumet leur action au contrôle du Juge qui de par le préambule de la constitution et les principes généraux du droit peut fixer le contenu de la loi.

Cependant, il faut relativiser cette limite de la législation pénale par le pouvoir réglementaire et les pouvoirs du juge. Cela ne ruine en rien le caractère éminemment exclusif de l'intervention du législateur en matière de droits fondamentaux des détenus. Car, il faut signaler que l'exercice du pouvoir exécutif ne saurait s'ériger en principe. En effet, suivant les principes généraux du droit, le régime des droits fondamentaux ne saurait faire que l'objet d'une habilitation législative. Cette incapacité a été constatée par le conseil d'Etat français dans son avis consultatif du 06 février 1953, relative au transfert de compétence en vertu de la loi d'habilitation. La compétence législative est si attachée aux droits fondamentaux des détenus que certains théoriciens ont tendance en à faire une caractéristique de ces derniers.

Ainsi,, la loi se présente comme le relais qui permet d'équilibrer ces droits en fonction de l'évolution des faits sociaux.

En tout état de cause, le Sénégal a eu à ratifier plusieurs textes internationaux relatifs à la protection des droits fondamentaux des détenus de ces droits. Cette capitalisation des expériences extérieures en la matière et leur transposition dans l'ordre juridique interne est notoire au Sénégal. Cela fait du Sénégal un pays très avancé dans la protection des droits fondamentaux des détenus sur le plan législatif.

CHAPITRE II - LES AVANCEES SIGNIFICATIVES DU SENEGAL SUR LE PLAN LEGISLATIF

La description des instruments juridiques applicables nous servira de fondement pour préciser les avancées significatives du Sénégal, sur le plan législatif au cours de ces dernières années ponctuées de progrès difficiles mais réguliers, malgré de nombreux défis et de fréquents revers.

Etant donné que la phase de réception et d'intégration des normes en matière de législation internationale des droits fondamentaux des détenus est quasiment achevée, le Sénégal déploie maintenant ses efforts juridiques et monopolise ses ressources législatives en vue de faire la promotion de ces droits.

La législation pénale sénégalaise, puissante inspiratrice de ce combat, est devenue la base d'un ensemble de principes en plus cohésif de normes et de lois en matière de garanties aux droits fondamentaux des détenus. Ce qui est susceptible à travers deux constats :

- d'une part, l'affirmation législative des garanties accordées aux détenus (section 1) ;

- d'autre part, la contribution significative du législateur au renforcement des garanties judiciaires accordées aux détenus (section 2).

Section I - L'affirmation législative des garanties accordées aux détenus

La revendication en termes de « droits fondamentaux des détenus » est un instrument qui a tardé de prouver son efficacité dans les pays africains en général et au Sénégal en particulier à cause d'une conception latente et tenace selon laquelle le détenu n'a pas des droits mais les privilèges que l'administration veut bien lui octroyer. Or aujourd'hui, conquise de haute lutte, la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal ne cesse d'être affirmée par la législation pénale sénégalaise.

Etant donnée que la privation de liberté peut résulter soit d'une présomption de culpabilité avant l'intervention d'une décision définitive soit d'une peine prononcée par un juge à la suite d'un jugement, elle doit être faite de façon minutieuse et de sorte qu'elle ne dégénère pas en abus. Le but étant une protection optimale des justiciables sans pour autant sacrifier celle de la société physique dans des conditions respectueuses de la dignité humaine et des droits élémentaires reconnus. Dans cette perspective, il convient d'analyser les garanties accordées aux détenus avant jugement (paragraphe 1) et les garanties accordées aux détenus à la suite d'un jugement (paragraphe 2).

Parag. I - Les garanties accordées aux détenus avant jugement

Les contrôles et les vérifications d'identités56(*), la garde à vue et la détention provisoire sont autant d'atteintes aux libertés et droits fondamentaux parmi lesquels figure la liberté d'aller et de venir. Véritable privation de liberté avant jugement mais justifiées par les nécessités de l'enquête, la conduite de l'information et les impératifs de l'ordre public, ces différentes arrestations sont renfermées dans le code de procédure pénale du Sénégal dans des strictes limites.

Partant du principe que les vérifications et contrôles d'identités poursuivent des fins qui ne sont pas nécessairement répressives, il convient de distinguer ici la garde à vue et la détention provisoire qui sont plus contraignantes et reposent sur une présomption de culpabilité. Mieux, l'une et l'autre supposent qu'il y ait des raisons plausibles (charges ou indices) de soupçonner que la personne arrêtée ou détenue a commis une infraction. Cependant, la garde à vue (A) reste une mesure policière qui exige un contrôle rapide et effectif tandis que la détention provisoire (B) procède d'une décision à caractère juridictionnel.

A - Les garanties accordées par la loi aux gardés à vue

La garde à vue est une institution qui permet à la police de maintenir à sa disposition, pendant un délai plus ou moins court des personnes qui ne sont pas encore inculpées et qui ne font pas non plus l'objet d'un mandat de dépôt ou d'arrêt. L'individu ne cesse pas pour autant d'être pénalement irréprochable puisqu'il demeure innocent au regard de la loi. Malgré cette présomption d'innoncence, la garde à vue produit des effets psychologiques qui peuvent marquer les individus pour longtemps. C'est pourquoi, le gardé à vue se voit conférer par la loi des garanties résultant des exigences temporaires et matérielles de la détention et des garanties résultant du contrôle médical et judiciaire.

1 - Les garanties résultant des exigences temporaires et matérielles

C'est lorsqu'il s'agit de l'exécution proprement de la garde à vue qu'on peut apprécier comment est traité le présumé innocent. A cet égard, les délais adoptés ainsi que les conditions matérielles de la détention à vue peuvent être révélateurs.

Pour les délais, le législateur sénégalais les a prévus relativement courts afin de tempérer les atteintes portées à la liberté individuelle. L'article premier de la loi n° 99-06 du 29 janvier 1999 modifiant certaines dispositions du code de procédure pénale dont l'article 55 limite à vingt quatre (24) heures la durée de la garde à vue et à quarante huit (48) heures « s'il existe contre la personne des indices graves et concordants de nature à motiver son inculpation ». Ce délai de quarante-huit heures n'est renouvelable qu'une seule fois et sur autorisation écrite du procureur de la République ou du président du Tribunal régional selon l'alinéa 7 de l'article 55 CPP. Aussi en cas de prolongation de la détention à vue, l'officier de police judiciaire doit lui informer des motifs de la prolongation en lui donnant connaissance des dispositions de l'article 56 CPP. Il lui notifie aussi en cas de prolongation, son « droit de constituer conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis au stage ».

En ce qui concerne les conditions matérielles d'exécution de la garde à vue, la personne gardée doit être bien traitée, sa dignité respectée, et elle doit encore être mise dans des conditions aussi proche que possible de la normale. Cela suppose que la détention à vue ait lieu dans un endroit distinct des établissements pénitentiaires. De même « lorsque la personne gardée à vue est un mineur de 13 à 18 ans, l'officier de police judiciaire doit la retenir dans un local spécial isolé des détenus majeurs ». La portée de ces exigences temporaires et matérielles de la détention à vue est fonction du contrôle médical et judiciaire qui en résulte.

2 - Les garanties résultant du contrôle médical et judiciaire

Ce contrôle a pour but de mettre les individus retenus à l'abri des violences et des sévices policiers. Si le contrôle judiciaire est considéré somme toute normal, le contrôle médical quant à lui a suscité controverses.

La garde à vue est une mesure de rétention policière dont la mise en oeuvre est placée sous le contrôle du parquet à tous les stades de la procédure, l'article 55 CPP dispose dans son alinéa 5 que : « la mesure de garde à vue s'applique sous le contrôle effectif du procureur de la République, de son délégué ou le cas échéant du président du Tribunal départemental investi des pouvoirs du procureur de la République ».

Il est aussi à rappeler que seuls les officiers de police judiciaire ont qualité pour décider des mesures de garde à vue57(*) leur compétence exclusive dans ce cas constitue une garantie appréciable pour la liberté individuelle. L'officier de police judiciaire doit justifier devant le magistrat compétent les dispositions qu'il a prises comme la loi prévoit l'obligation de motiver cette mesure très grave.

S'agissant du contrôle médical, l'article 56 CPP dispose que : « si le procureur de la République ou son délégué l'estime nécessaire, il peut faire examiner la personne gardée à vue par un médecin qu'il désigne, il peut également être saisi aux mêmes fins et dans les mêmes délais par la personne gardée à vue sous le couvert de l'officier de police judiciaire par toute personne ou par son conseil ; dans le cas, il doit ordonner l'examen médical demandé ». Il ne s'agit donc pas d'une obligation car ce texte prévoit que l'examen médical est fait à la demande du procureur de la République ou de l'intéressé. Mais dans tous les cas, ce contrôle constitue une importante garantie car il protége indirectement la liberté individuelle et peut dissuader la police qui risque de voir sa responsabilité engagée en cas de mauvais traitement.

Ainsi, quand on a à l'esprit l'article 59 CPP qui dispose que : « lorsque des abus sont constatés de la part des officiers de police judiciaire, le procureur de la République ou son délégué en informe le procureur général qui saisit la chambre d'Accusation », quand on a à l'esprit que la victime a subi de tels abus, peut saisir la chambre d'accusation, quant on a à l'esprit le nombre de « bavures » policières dans la plupart des pays et plus particulièrement des pays en voie de développement , on ne peut que se féliciter de ces contrôles et des garanties qu'ils apportent au respect des droits fondamentaux des détenus.

Toutes ces garanties concernent aussi dans une certaine mesure, les détenus provisoires.

B - Les garanties accordées par la loi au détenus provisoires

La détention provisoire58(*), est l'arrestation préliminaire d'un individu pour les nécessités de l'instruction. Elle dépasse la simple suspicion et devient la conséquence légalement tolérée de la prévention. En réalité « tout individu est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ».

La loi du 27 février 1985 marque un pas important vers la garantie des libertés individuelles. Cette mesure sera dorénavant « provisoire » et non plus «  préventive », ce qui implique qu'elle sera moins fréquente et moins prolongée que le passé, et utilisée dans les cas les plus graves. Cependant, quelles que soient les raisons qui peuvent être évoquées pour justifier cette innovation, cette institution qui porte, par ailleurs, atteinte en un sens à la présomption d'innocence suppose que soient bien connues les garanties résultant des conditions de la durée et du régime de la détention provisoire fixées par la loi.

1 - Les garanties relatives aux conditions et à la durée de la détention provisoire.

La détention provisoire est l'incarcération de l'inculpé dans un établissement distinct des établissements où sont détenus des condamnés qui purgent des peines. En principe, les détenus provisoirement sont placés dans une maison d'arrêt et le législateur a pris les précautions de préciser les conditions de cette privatisation de liberté ainsi que sa durée afin d'en limiter les effets délétères.

En précisant les conditions relatives aux motifs et aux autorités compétentes, la législation nationale a voulu limiter la détention abusives en ne laissant pas aux magistrats une liberté totale d'appréciation et en ne permettant pas n'importe qui de prendre une mesure aussi grave.

D'abord, pour les motifs, la loi prévoit que cette mesure ne doit être ordonnée par le juge d'instruction que lorsqu'elle se justifie soit par la gravité des faits, soit par la nécessité d'empêcher la disparition des preuves de l'infraction. En ce qui concerne les autorités compétentes, il s'agit essentiellement du juge d'instruction.

Par ailleurs, pour faire de la détention provisoire une mesure exceptionnelle, le législateur l'a prévue pour que les infractions d'une certaine gravité et en plus il en limite la durée. L'article 127 bis CPP crée un délai maximum de six mois pour garder une personne en détention en matière criminelle, mais à l'exception des cas où elle est obligatoire ainsi que pour les infractions prévues aux articles 56 à 100 du code pénal. Ainsi, la loi accorde aux prévenus en matière correctionnelle, une garantie temporaire dans la mesure où elle fixe une durée raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité. Cette garantie temporaire est doublée d'une garantie procédurale exceptionnelle qui transparaît dans le régime de détention qui est conféré aux prévenus.

2 - Les garanties relatives au régime de la détention provisoire

Les garanties relatives de la détention provisoire s'intéressent essentiellement aux modalités d'exécution de cette détention ainsi qu'aux droits de la défense. Ce régime, prévoit une séparation des détenus provisoires59(*) des individus condamnés, tout en permettant aux premiers d'avoir un régime carcéral plus doux. Par ailleurs, les détenus provisoirement ne sont astreints ni au travail 60(*) ni au port du costume pénitentiaire61(*). Ils ont la faculté de renoncer à la ration journalière allouée par l'établissement pénitentiaire et de faire venir à leurs frais leur nourriture du dehors.

En ce qui concerne la contrôle de l'autorité judiciaire, il constitue une garantie à laquelle le procureur de la République doit veiller ainsi que les magistrats chargés de l'instruction. L'action des magistrats est renforcée par l'action de la commission de contrôle62(*).

Relativement aux droits de la défense, l'article 19 du décret n° 86-1466 du 28 novembre 1986 prévoit que : « les prévenus peuvent communiquer librement avec leur conseil verbalement ou par écrit ... en dehors de la présence d'un surveillant ». Ainsi, l'exercice des droits de la défense est plus libérale que celle des gardés à vue. L'importance du contrôle de l'autorité judiciaire et de l'exercice des droits de la défense est évident puisqu'ils permettent de garantir davantage les droits des prévenus.

Reste à savoir si les garanties ainsi offertes aux détenus provisoires sont ipso facto, transposables aux personnes déjà condamnées.

Parag. II - Les garanties accordées aux détenus après jugement

Le dispositif législatif sénégalais concernant les détenus après jugement est articulé en deux séries distinctes de régimes : la première concerne le régime général de détention (A) et la seconde série les régimes particuliers de détention (B).

A - Les garanties relatives aux régimes spécial de détention

A la suite des réactions humanitaires contre l'arbitraire et la rigueur dans l'exécution des peines, l'une des fonctions essentielles du régime pénitentiaire devient l'amendement et le reclassement social du délinquant. A travers les visées de l'Ecole de la Défense Sociale Nouvelle63(*), la fonction d'intimidation devient secondaire, celle de réadaptation et de réinsertion essentielle. S'inscrivant dans cette lancée, la législation pénale sénégalaise a édicté un certain nombre de garanties pour parvenir à ces fins. Tel est le cas des garanties relatives aux conditions de vie des détenus mais aussi à la discipline et au travail pénitentiaire.

1 - Les garanties relatives aux conditions de vie des détenus

Les conditions de vie dans une prison figurent parmi les principaux facteurs déterminants pour un détenu, son sens d'amour propre est de dignité. Le professeur Mireille Delmas-Marty citant Saleilles fonde la dignité que la peine devrait aider le détenu à retrouver. « C'est le régime de la peine auquel on le soumet qui seul peut être efficace pour le développement de l'idée du bien et de la confiance en soi. C'est par-là que la vraie dignité va renaître »64(*).

Ainsi, les conditions de vie des détenus doivent revêtir une dimension matérielle et une dimension psychologique. L'aspect matériel concerne la santé et la nourriture, l'aspect psychologique a trait aux contacts avec le monde extérieur et à la liberté de culte.

La santé des détenus doit être prise en compte. Elle passe par divers facteurs qui influencent sur son état. Ainsi, s'agissant du logement, les cellules ou chambres destinées à l'isolement nocturne ne doivent être occupées 65(*) par un seul détenu. Si pour des raisons spéciales, telles qu'un encombrement temporaire, il devient nécessaire pour l'Administration pénitentiaire de faire des exceptions à cette règle. Les locaux de détention et, en particulier ceux qui sont destinées au logement des détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences d'hygiènes compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, la surface minimum, l'éclairage, le chauffage et le ventilation.

L'hygiène est l'autre volet de la santé. Aux termes de l'article 33 de l'arrêté portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires66(*) repris dans l'annexe 3 du code de procédure pénale : « la propriété corporelle est exigée de tous les détenus. Ils doivent faire leur toilette à chaque réveil et se laver une fois dans la journée ... ». Les détenus valides ont l'obligation de maintenir leur cellules propres, l'administration pénitentiaire devant fournir les produits nécessaires (savons, basins, balais ...).

Ainsi, l'hygiène regroupe à la fois l'hygiène corporelle et celle des lieux. De même, les installations sanitaires doivent permettre aux détenus de satisfaire aux besoins naturelles au moment voulu, d'une manière décente et propre.

La santé des détenus oblige à les passer à un examen ou visite médicale pour déceler toute affection de nature contagieuse et évolutive. A cet effet, l'article 42 de l'arrêté dispose que : « un médecin généraliste est désigné auprès de chaque établissement pénitentiaire pour veiller à la santé physique et mentale des détenus, à défaut un infirmier major y supplée ». Les détenus malades bénéficient gratuitement des soins qui leur sont nécessaires ainsi que de la fourniture de produits pharmaceutiques.

Enfin, la santé des détenus concerne l'habillement et le couchage. Sur ce plan, les vêtements des détenus ne doivent pas être dégradants ou humiliants. Les détenus doivent aussi disposer d'un lit individuel.

L'autre aspect matériel concerne la nourriture des détenus. Tout détenus doit recevoir de l'Administration pénitentiaire aux heures usuelles une alimentation de qualité, bien préparée et bien servie ayant une valeur nutritive suffisante au maintient de sa santé et de sa forme.67(*) Le régime alimentaire prévu est digne d'un restaurant diététique.68(*)

La dimension psychologique est tout aussi importante car devant assurer l'équilibre psychique des détenus.

Le premier volet concerne les contacts avec l'extérieur. Ces contacts sont maintenus. Les droits de l'homme relatifs à l'interaction et à la communication ne sont pas abrogés par l'incarcération.

En outre, si une réintégration est affirmée par la législation pénale sénégalais, il est nécessaire de maintenir et même de renforcer les contacts avec l'extérieur. A ce propos, l'article 74 de l'arrêté du 12 mai 1987 portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires dispose que : « les détenus peuvent écrire tous les jours et sans limitation, à toute personne sous réserve des dispositions contraires ordonnées par la magistrat saisi du dossier de l'information ou par le Directeur de l'Administration pénitentiaire s'il s'agit d'un condamné ». Ainsi, la correspondance comme moyen de maintenir les contacts est mentionné explicitement. Cependant, les lettres sont soumises à la censure au départ comme à l'arrivée, à l'exception de celles à destination ou en provenance des défenseurs et des assistants sociaux.69(*) Les détenus doivent aussi être tenus régulièrement au courant des événements les plus importants. A cet effet, chaque établissement doit avoir une bibliothèque à l'usage de toutes les catégories de détenus.

Les visites sont un moyen plus puissant de relations sociales extérieures. Elles ont lieu, selon l'article 70 du même arrêté, « les dimanches, mercredis et jours fériés ». Mais l'article 72 précise que : « la durée d'une visite est de 15 minutes au moins. Le parloir dans lequel elle s'effectue est mini d'un dispositif de séparation. A titre de récompense, la visite peut se faire par quinzaine dans une pièce dépourvue de dispositif de séparation. Les détenus malades peuvent recevoir des visites au lieu de leur hospitalisation ».

Le second volet est relatif à la liberté de culte. Chaque détenu a la faculté de pratiquer le culte de sa foi dans la mesure où cette pratique ne perturbe pas l'ordre et la discipline. Un marabout et un aumônier catholique visitent régulièrement les prisons. Il est à remarquer qu'un assistant social est chargé d'assurer le service des détenus.70(*) Ceci participe de la dimension psychologique même si cette pratique n'est pas courante.

Ces principes contenus dans les règles minima de traitement des détenus, repris par la législation pénale nationale fait du Sénégal un pays très avancé dans la protection des droits fondamentaux des détenus sur le plan législatif. Ce qui apparaît aussi dans le réglementation de la discipline et du travail pénitentiaire.

2 - Les garanties relatives eu travail et à la discipline pénitentiaire

Le travail pénitentiaire malgré son caractère rétributif, parce qu'il est imposé et réadaptateur, est un dérivatif à l'ennui. Le travail est la principale activité en prison.

Le décret n°86-1466 du 28 novembre 1986 réglemente le travail dans les établissements pénitentiaires en définissant les catégories des détenus qui peuvent en bénéficier et en précisant les modalités de rémunération, la durée du travail et ceux qui sont les travaux disponibles dans les prisons, etc. En effet, l'article 30 stipule que : « seuls les condamnés à des peines privatives de liberté sont astreints aux travaux pour des faits qualifiés crimes ou délits de droits commun qui n'en sont pas dispensés en raison de leur âge, de leur infirmité ou sur prescription médicale (...). Les condamnés de police peuvent demander pour l'organisation et la discipline du travail ». Le travail est donc un droit et tous les détenus peuvent en demander même ceux qui n'y sont pas astreints : les détenus politiques, des détenus purgeant des peines contraventionnelles, les détenus provisoires. Deux formes de travail sont souvent utilisées dans les prisons : le travail en concession pour le compte d'un particulier.

En effet, « le travail est défini comme un agent de la transformation carcérale ».71(*) Le travail n'est ni une addition, ni un correctif au régime de la détention. Ce n'est pas, non plus, une activité de production qui est utile car son rendement est faible au regard de l'article 53 du décret susmentionné. Il est un principe d'ordre et de régularité, il véhicule, d'une manière insensible, les formes d'un pouvoir rigoureux. Le travail pénal est conçu par le législateur comme étant par lui-même une machinerie qui transforme le détenu violent, agité et irréfléchi. Avec lui, la règle et l'ordre s'introduisent dans la prison, ils y règnent sans effort, sans emploi d'aucun moyen répressif ou violent. Cependant, en cas de violation des règles d'ordre public de la prison, des sanctions peuvent êtres prises à l'encontre du détenu qui serait à l'origine. Mais faudrait-il que ces sanctions soient mesurés pour respecter la dignité de l'individu.

La discipline est essentielle au maintien de l'ordre en prison. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté ministériel n° 711 en date du 21 mai 1987 portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires, elle doit être « maintenue avec fermeté sans apporter plus de restriction qu'il n'est pas nécessaire pour le maintien de la sécurité et de la bonne organisation de la vie en collectivité ».

Par ailleurs, « certains châtiments, les peines corporelles et toute sanction cruelle, inhumaine ou dégradante sont strictement interdits ». Mieux, l'article 16 vise à protéger aussi les droits du détenu en lui permettant « d'être préalablement informé de l'infraction relevé contre lui et mis en mesure de présenter ces explications au Régisseur de l'établissement ou au Directeur à l'administration pénitentiaire, selon la gravité de la faute commise et sanction encourue ».

L'article 15 du même arrêté fixe les sanctions disciplinaires auxquelles le détenu est exposé en cas de manquements à la discipline. Les contraintes physiques ne sont autorisées que dans des « circonstances précises ». La privatisation sensorielle est formellement interdite. La réduction de nourriture sont admises sous certaines conditions. Les instruments de contraintes comme les fers, les menottes, les camisoles de force ne sont pas autorisés. Les détenus sont donc protéger contre toute action arbitraire. De ce fait, les détenus peuvent faire réviser leur sanction. Ils ne sont pas exclus des plaintes et des requêtes. Ils ont le droit de porter plainte sans craindre des représailles ou de la censure et ce parallèlement à leur « droit à un traitement juste » et à l'interdiction de toute action ou punition arbitraire. Les condamnés bénéficiant du régime spécial ont eux aussi des droits garanties par la législation pénale sénégalaise.

B - Les garanties accordées aux condamnées bénéficiant du régime spécial de détention

Est considéré comme condamné bénéficiant du régime spécial de détention celui qui aurait besoin d'une « prise en charge particulière ». Cette dernière est accordée à diverses catégories de détenus par la législation pénale sénégalaise.

1 - Les catégories de détenus bénéficiant du régime spécial de détention

Ce sont en tant que tels, les détenus vulnérables, les détenus politiques et les condamnés à mort.

Les détenus vulnérables ce sont les détenus qui en raison de leur âge, de leur état de santé ou pour une considération de genre doivent bénéficier d'un régime de faveur. C'est le cas des mineurs, des femmes et des déficients mentaux ou physiques.

Tout d'abord, le dispositif législatif sénégalais concernant les mineurs délinquants (articles 566 à 592 du code de procédure pénale) fixe la majorité pénale à 18 ans. Mais, il convient de distinguer suivant que le mineur est âgé de moins de 13 ans ou de 13 ans à 18 ans. Le mineur âgé de moins de 13 ans, qu'il soit auteur d'un crime peut seulement être l'objet de mesure de protection, d'assistance ou d'éducation. Donc une peine ne peut être prononcée pour cette catégorie de mineurs. Cependant, le mineur âgé de 13 à 18 ans peut faire l'objet soit de mesure de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation soit une condamnation pénale. Ainsi, seule cette dernière catégorie de mineur peut faire l'objet d'une condamnation à des peines de prisons à travers un régime spécial dont les principes ont été mis en oeuvre dans les le code de procédure pénale.

Ensuite, les femmes doivent bénéficier tout comme les mineurs d'un régime spécial de détention. C'est le cas des femmes enceintes, relevant de couches ou malades.

Par ailleurs, les détenus atteints de troubles mentaux avérés tout comme ceux qui souffrent d'un handicap physique lourd se voient accorder par la loi, un régime spécial de détention.

Le régime spécial de détenu politique peut être accordé suivant l'article 151 du code de procédure pénale, sur requête de l'intéressé, par le Ministre chargé de l'Administration pénitentiaire, aux détenus qui subissent une détention préventive ou une peine privative de liberté correctionnelle ou criminelle.

Enfin, les condamnés à mort sont aussi soumis à un régime de détention particulière.

Toutes ces différentes catégories de détenus se voient ainsi appliquer le régime spécial de détention à travers une prise en charge particulière de la personnalité de chacune d'elle.

2 - Les modalités d'application du régime spécial

Les modalités d'application du régime spécial de détention sont prévues aux articles 151 à 158 du code de procédure pénale. Ces dispositions prévoient que « dans la mesure du possible, les détenus bénéficiant du régime spécial doivent être incarcérés dans un établissement particulier et dans un quartier particulier d'établissement de manière à être séparer des détenus appartenant aux autres catégories » (article 153 du code de procédure pénale). Ainsi, comme nous l'avons préciter, la maison d'arrêt et de correction de Hann (ex-fort B) est réservée aux mineurs, celle de Rufisque aux femmes, et le pavillon spécial de l'Hôpital Le Dantec aux détenus malades.

« Les femmes enceintes doivent aussi être placées, pendant les deux dernières mois de leur grossesse, dans un local séparé où elles resteront durant les deux mois qui suivront l'accouchement ». Les femmes enceintes relevant de couches ou convalescentes doivent bénéficier d'une prise en charge particulière.

Par ailleurs, les condamnés bénéficiant du régime spécial ne sont pas astreints au travail, mais peuvent demander qu'il leur en soit donné. Aussi, ils peuvent recevoir, à leurs frais, des livres de leur choix, des journaux et publications, de vivres, utiliser des vêtements personnels. Ils peuvent, contrairement aux autres condamnés, écrire ou recevoir des visites tous les jours, mais dans les seules limites imposées par les nécessités du service et, en ce qui concerne les visites, aux heures fixées par le Régisseur.

Dans les cas des détenus astreints de troubles mentaux avérés, l'Administration pénitentiaire doit non seulement prévoir les soins psychiatrique exigés par l'état de santé du détenu, mais aussi bannir toute sanction disciplinaire incompatible avec le nouveau traitement requis pour un malade mental. Pour ceux qui souffrent d'un handicap physique lourd, l'Administration pénitentiaire doit lui garantir des conditions de confort minimales permettant de faire face aux besoins liés au handicap.

L'application du régime spécial de détenu politique, même si elle se fait de plus en plus rare, en même temps que ces derniers subissent des mesures discriminatoires, telle la mise à l'isolement, la législation pénale sénégalaise continue d'affirmer, néanmoins, le régime spécial des détenus politiques. En fait, les détenus politiques ont presque toujours été soumis à un régime spécial de détention : pas d'obligation au travail, pas de port de costume pénale, libre réception des publications, de la correspondance et des visites lesquelles pouvait avoir lieu dans la cellule, emprisonnement dans des quartiers, voir des établissements distincts.

Enfin, les condamnés à mort sont aussi exempts de tout travail et ne peuvent en obtenir. Ils peuvent fumer, lire et écrire sans limitation. Ils sont soumis au régime des prévenus en ce qui concerne la correspondance et les visites.

Au regard de la prise en charge particulière des détenus bénéficiant du régime spécial, il convient de noter plus profondément, l'affirmation législative des garanties accordées aux détenus à tous les niveaux. Ce qui fait du Sénégal un pays très avancé sur le plan législatif en la matière. Ces avancées sont plus encore susceptibles à travers les nouvelles initiatives du législateur qui contribue ainsi, à sa manière au renforcement des garanties judiciaires accordées au détenus.

Section II - La contribution significative du législateur au renforcement des garanties judiciaires accordées aux détenus.

Au-delà du caractère afflictif, rétributif et intimidant de la peine, le reclassement du condamné amené à réintégrer sa société est une mission fondamentale désormais assignée à la sanction pénale à partit de deux projets de loi que certains jugeaient timides, le législateur, par son travail d'amendement, est parvenu à construire au cours de la navette, deux textes de grande ampleur. Il s'agit de la loi n° 2000-38 du 29 décembre 2000 modifiant le code pénal et la loi n° 2000-38 du 29 décembre 2000 modifiant le code de procédure pénale. En effet, ces deux lois ont mis fin à cette contestable exception sénégalaise en matière criminelle, qui privait les plus lourdement condamnées de la possibilité de faire appel. La réforme ainsi réalisée, dont les effets ont été immédiats, était très attendue.

Ainsi, le législateur marque un progrès décisif dans l'exécution de la peine à travers d'une part le renforcement de son contrôle (parag. I) et d'autre part, la modification et l'enrichissement de la palette des sanctions pénales (parag. II).

Parag. I - Le renforcement du contrôle de l'exécution de la peine

La réforme 72(*) introduit le juge de l'application des peines (A) et crée de nouveau organes de contrôle dans l'exécution des peines (B).

A - L'instauration du juge de l'application des peines.

La loi n° 2000-38 du 29 décembre 2000 modifiant le code pénal instaure le juge de l'application des peines dont les principes directeurs sont fixés par la loi n°2000-39 du 29 décembre 2000 modifiant le code de procédure pénale. L'instauration du juge de l'application des peines apparaît ainsi comme un pas de plus du législateur dans sa quête de l'équilibre entre les impératifs d'une défense sociale efficace et le respect des droits fondamentaux des détenus. Ainsi, « il est désigné au moins un juge de l'application des peines dans chaque tribunal régional par arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Dans les Tribunaux départementaux situés en dehors du siège d'un tribunal régional et comprenant dans leur ressort un établissement pénitentiaire, un magistrat de la juridiction est délégué à la fonction de juge de l'application des peines »73(*).

L'instauration du juge de l'application des peines tend à assurer la maîtrise de la répression qui est la condition première de la justice aussi bien pour les condamnés en milieu fermé que pour les condamnés en milieu ouvert.

1 - Le contrôle des condamnés concernés par le milieu fermé

Le chapitre III relatif aux dispositions communes aux établissements pénitentiaires affirme le principe des visites, de ces établissements par le juge de l'application des peines, investi par le nouveau texte, en l'occurrence la loi n° 2000-39 du 29 décembre 2000 modifiant le code de procédure pénal, de larges pouvoirs de contrôle en détention.

Le pouvoir général d'avis de contrôle et de surveillance que le juge de l'application des peines exerce sur la détention l'oblige à pénétrer dans le fonctionnement interne de celle-ci. En effet, l'article 693 du code de procédure pénale modifié par la nouvelle loi précitée confie désormais au juge de l'application des peines, la détermination pour chaque condamné, auprès de chaque établissement pénitentiaire, les principales modalités du traitement pénitentiaire. Le juge de l'application des peines peut donner aussi tous les ordres nécessaires qui devront être exécutés dans les maisons d'arrêt tant pour les besoins de l'instruction que pour tout autre acte de procédure. Par ailleurs, dans les limites et les conditions prévues par la loi, le juge de l'application des peines accorde les placements à l'extérieur, les autorisations de sortie sous escorte, les permissions de sortir. Ces mesures doivent être dûment motivées. Les catégories de détenus bénéficiant de ces mesures sont placés sous l'autorité du juge de l'application des peines. Cela signifie, qu'il a aussi des pouvoirs de contrôle en milieu ouvert.

2 - Le contrôle des condamnés concernés par le milieu ouvert

Le juge de l'application des peines est investi de larges pouvoirs dans l'application des mesures de contrôle, et dans la supervision du respect des obligations imposées aux condamnés à l'emprisonnement avec sursis probationnaire, à l'ajourne-ment avec probation, au travail au bénéfice de la société, aux libérés conditionnels, aux semi-libres.74(*) En effet, aux termes de l'article 701 du code de procédure pénale « le bénéfice de la libération conditionnelle peut être assorti de conditions particulières ainsi que de mesures d'assistance et de contrôle destinées à faciliter et à vérifier le reclassement du libéré ». Avec les nouvelles réformes du code pénal et du code de procédure pénale, ces mesures sont désormais mise en oeuvre par le juge de l'application des peines en collaboration du comité du suivi en milieu ouvert. C'est le cas aussi des mesures d'aide au libéré avec sursis probationnaire qui ont pour objet de seconder les efforts du condamné en vue de le faire rentrer dans la vie libre dont la peine l'avait exclu. Ces mesures qui s'exercent sous la forme d'une aide à caractère social et, s'il y a lieu d'une aide matérielle sont sous le contrôle effectif du juge de l'application des peines.75(*) Ce dernier dispose également en milieu ouvert, de pouvoirs d'enquête et de coercition. C'est ainsi qu'il peut requérir les services de police ou de gendarmerie.

Partant de l'intervention du juge de l'application des peines aussi bien en milieu fermé qu'en milieu ouvert tout porte à croire que son instauration s'agit bien d'une grande réforme de l'application des peines vise essentiellement l'amendement et le reclassement social du délinquant. Cet objectif est aussi recherché dans la création de nouveaux organes de contrôle dans l'appareil judiciaire.

B - La création de nouveaux organes de contrôle dans l'exécution des peines

La loi n° 2000-38 du 29 décembre modifiant le code pénal a introduit dans l'appareil judiciaire de nouveaux organes que sont : le comité de l'aménagement des peines, la commission pénitentiaire consultative de l'aménagement des peines et le comité de suivi en milieu ouvert. Les deux premiers organes sont chargés de l'aménagement des peines alors que le dernier s'occupe du suivi en milieu ouvert.

1 - Les organes chargés de l'aménagement des peines

Il s'agit essentiellement du comité de l'aménagement des peines et de la commission pénitentiaire consultative de l'aménagement des peines.

Tout d'abord, le comité de l'aménagement des peines « est crée dans le ressort de la Cour d'Appel dont la composition et le fonctionnement sont fixés par décret. Le comité de l'aménagement des peines est chargé de l'aménagement des peines prononcées par les juridictions de jugement ».76(*) Ainsi, aux termes de l'article 692-1 de la nouvelle loi modifiant le code de procédure pénale : « en matière correctionnelles, lorsqu'il reste à subir par la personne condamné 1/3 de la peine prononcée, cette portion peut, pour motif grave d'ordre médical, familial, professionnel ou sociale et pendant un période n'excédant pas le double de cette portion, être suspendue ou exécutée par fraction. La décision est prise par le comité de l'aménagement des peines du lieu d'exécution de la peine ». Mieux encore, l'article 693-2 de la même loi précitée dispose que : «  le régime de la semi-liberté peut être octroyé par le comité de l'aménagement des peines pour les motifs visés à l'article 707-30 alinéa 1 du présent code aux condamnés à titre définitif à une ou plusieurs peines privatives de liberté qui ont purgé les 2/3 de leur peine ». Le comité est également compétent pour accorder des réductions de peines aux condamnés sous certains conditions.

C'est dire donc que le comité de l'aménagement des peines porte en lui-même les germes d'une réforme plus générale de la procédure pénale, il augmente les garanties judiciaires accordées par la loi aux détenus dans l'exécution des peines.

Quant à la commission pénitentiaire consultative de l'aménagement des peines, elle est établie au niveau de chaque établissement pénitentiaire. La commission est présidée par un juge de l'application des peines. Le procureur de la République et le chef de l'établissement pénitentiaire en sont membres de droit.

Elle est chargée de contrôler la situation de chaque condamné et d'en informer le juge de l'application des peines. Elle donne en outre son avis dans toutes les mesures d'aménagement des peines prises par le juge de l'application des peines et du comité de l'aménagement des peines. Ainsi, elle n'intervient pas dans l'application de ces mesures. C'est au comité de suivi en milieu ouvert qui doit assister le juge de l'application des peines et le comité de l'aménagement des peines dans l'application parfaite de ces mesures.

2 - Le comité de suivi en milieu ouvert

Un comité de suivi en milieu ouvert est institué auprès de chaque tribunal régional. Il est présidé par le juge de l'application des peines. Il doit, par ailleurs, assister ce dernier dans l'application des mesures de contrôle, et dans la supervision du respect des obligations imposées aux condamnés à l'emprisonnement avec sursis probationnaire à l'ajournement avec probation, au travail au bénéfice de la société, aux libérés conditionnels, aux semi-libres. Le comité de suivi en milieu ouvert assiste ainsi le juge de l'application des peines dans la préparation de la réinsertion professionnelle ou sociale du condamné.

La finalité de la peine privative de liberté est, au-delà de la permission, l'amendement et le reclassement du condamné. En effet, le code de procédure pénale sénégalais, en son article 698 assigne « aux prisons établies pour peines la mission de favoriser l'amendement des condamnés et de préparer leur reclassement social ».

De la réflexion menée en droit pénal, tant au niveau international qu'au niveau national, ont émergé les initiatives particulières du législateur dans la modification et l'enrichissement de la palette des sanctions pénales.

Parag. II - La modification et l'enrichissement de la palette des sanctions pénales

La modification et l'enrichissement de la palette des sanctions pénales apportées par le législateur constituent des compromis entre le droit fondamental de l'individu et la défense de la société. Mais il reste que le pouvoir judiciaire doit s'incliner devant la volonté du législateur et ne pas subsister ses critères de valeur à ceux exprimés formellement par la loi. C'est un problème de démocratie.

S'agissant plus particulièrement des lignes directrices des modifications et innovations apportées par le législateur dans le domaine des sanctions pénales, elles se situent à deux niveaux :

- l'introduction de nouvelles sanctions pénales (A) ;

- la création de nouveaux modes d'exécution de la sanction pénale (B).

A - L'introduction de nouvelles sanctions pénales

Elle s'inscrit en effet dans la droite ligne du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des recommandations des congrès quinquennaux des Nations-Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui exhortent dès 1980, les Etats membres à doter leur système pénale de mesures alternatives à l'incarcération. Cette présomption est partagée par la commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Elle est prise aussi en considération dans la déclaration de Kampala.77(*)

Cependant, ces mesures alternatives à l'emprisonnement sont aussi accompagnées de peines complémentaires.

1 - Les sanctions alternatives à l'incarcération

La loi n° 2000-38 du 29 décembre 2000 modifiant le code pénal crée les mesures alternatives à l'incarcération spécifiées dans les articles 9, 33-1, 35-1 et 35-2 du code pénal.

En effet, aux termes de l'article 33-1 de la loi modifiant le code pénal : « lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de droits suivants peuvent en outre être prononcées :

- la suppression, pour une durée de cinq ans au plus du permis de conduire un véhicule à moteur : cette suspension pouvant être limitée selon les modalités déterminées par les articles 35-1 et 35-2 à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

- l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis de conduire pendant cinq ans au plus ;

- retrait définitif ou temporaire pour une durée n'excédant pas cinq ans, de la licence ou de l'autorisation administrative d'exploiter un véhicule à moteur ;

- la confiscation d'une ou plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

- l'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

- la confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

- le retrait du permis de chasse avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus.

Ces mesures sont désormais, autant de réponses pénales offertes au juge. Ce qui constitue une garantie judiciaire supplémentaire accordée aux détenus même si elles sont assorties de peines complémentaires.

2 - Les peines complémentaires aux sanctions alternatives

Elles sont spécifiées dans l'article 35-3 du code pénal. En effet, le condamné qui viole les interdictions résultant des peines se suspension ou l'annulation du permis de conduire d'un véhicule à moteur, d'interdiction de détenir ou porter une arme, de retrait du permis de chasse prononcées en application de l'article 33-1 du code pénal sera puni à deux ans d'emprisonnement ferme. Il en est ainsi, le fait par une personne recevant la notification d'une décision prononçant à son égard la suspension ou l'annulation du permis de conduire d'un véhicule, d'une arme, de refuser de remettre le permis suspendu ou annulé ou la chose confisquée à l'agent de l'autorité chargée de l'exécution de cette décision.

Par ailleurs, le fait de détruire, détourner ou tenter de détruire ou de détourner un véhicule ou une arme confisquée en application de l'article 33-1 du code pénal sera puni aussi des mêmes peines.

Au-delà de ces nouvelles sanctions pénales, le législateur a aussi crée de nouveaux modes de la sanction d'exécution.

B - La création de nouveaux modes d'exécution de la sanction pénale

Il s'agit entre autre des nouveaux modes d'aménagement des peines et du retrait de certaines condamnations du casier judiciaire.

1 - Les nouveaux modes d'aménagement des peines

L'aménagement des peines est, à cet égard, affirmé dans l'article 44-1 du code pénal qui demande au juge pénal de prononcer les peines et de fixer leur régime « en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'auteur », l'article 44-2 du même code énumère les modes d'aménagement des peines désormais à la disposition du juge pénal, mesures dont les règles d'exécution sont fixées par les articles 704 à 707-36 du code de procédure pénale.78(*)

Les nouveaux modes d'aménagement des peines introduits par la loi n° 2000-38 du 29 décembre 2000 modifiant le code pénal et répertoriés en son article 44-2 sont : le sursis - la probation - le travail d'intérêt au bénéfice de la société - la semi liberté - le fractionnement de la peine et la dispense de la peine et l'ajournement.

Par ailleurs, ces différents modes d'aménagement des peines ne peuvent être appliquées ou prescrits en cas de récidive, en matière criminelle et en matière correctionnelle pour les infractions afférentes aux détournements de deniers publics, aux délits douaniers, au viol, aux attentats à la pudeur, à la pédophilie, aux délits relatifs aux stupéfiants.

Les règles relatives à l'exécution de ces mesures sont fixées dans le titre IV du livre V du code de procédure pénale à travers les articles 704-36 qui, organisent les conditions d'octroi ainsi que le régime juridique de chacune de ces mesures. Ainsi, la juridiction qui prononce un emprisonnement peut assortir désormais celui-ci de ces modes d'aménagement des peines.

Aussi pour favoriser davantage la resocialisation du détenu, a étendu les nouveaux modes d'aménagement des peines sur le casier judiciaire en y retirant la mention de certaines condamnations.

2 - Le retrait de certaines condamnations du casier judiciaire.

La loi n° 2000-39 du 29 décembre 2000 modifie le titre III du code de procédure pénale et intègre dans ses articles 726, 727, 732 et 734 les nouveaux modes d'aménagement des peines (dispense de peines, ajournement, sursis ou probation). En outre, une volonté d'oubli judiciaire à l'issue d'un délai suffisant d'observation prévaut par le retrait du casier judiciaire et du bulletin n°2 (articles 727 à 732) de certaines condamnations. En effet, les fiches relatives à des condamnations effacées par une amnistie, par la réhabilitation de plein droit ou judiciaire ou réformés en conformité d'une décision de rectification du casier judiciaire sont désormais retirées de ce dernier. Sont également retirées du casier judiciaire des décisions disciplinaires effacées par la réhabilitation. C'est le cas aussi des condamnations assorties en tout ou partie du bénéfice du sursis celles avec probation. Les dispenses de peines, à l'expiration d'un délai de trois ans à compter du jour où la condamnation est devenue définitive sont également retirées du casier judiciaire.

En définitive, l'étude qui porte sur le cadre juridique de la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal ne manque pas d'intérêt. Elle permet d'appréhender l'environnement juridique de ces droits.

Ainsi, s'appuie-t-elle sur des instruments juridiques qui reflètent les conceptions humanitaires et démocratiques défendues depuis le 18ème siècle.

La législation pénale sénégalaise ne manque pas aussi d'humanité si l'on considère la contribution significative du législateur au renforcement des garanties judiciaires accordées désormais aux détenus.

Il s'agira à présent de voir si elle est cohérente dans son ensemble et si en réalité elle est respectée ou si elle trahit sa logique intrinsèque.

Une remarque préliminaire souligne la précarité des conditions d'existence des détenus relevant une discordance entre la réalité et les textes destinés à protéger le détenu.

Une deuxième remarque révèle l'incohérence de la législation pénale souvent inadéquate, lacunaire et ambiguë en matière de protection des droits des détenus.

Ces deux remarques traduisent parfaitement l'inefficacité de la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal.

DEUXIEME PARTIE

L'INEFFECTIVITE DE LA PROTECTION

DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS AU SENEGAL

Le cadre juridique de la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal ainsi exposé ci-dessus est ambitieux et même généreux, il ne manque pas d'humanité Cependant, la ligne de partage entre le contenu de ce cadre juridique de protection et les réalités observées semble couler un rubicon tant l'écart est énorme. L'observation de ces réalités permettent de constater que l'inefficacité dans la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal est réelle. Si évidente que soit l'affirmation, elle ne manque pas cependant d'être nuancée. Ainsi, à quel niveau peut-on réellement appréhender l'ineffectivité de la protection, au niveau du bilan normatif, du bilan institutionnel ou au niveau du bilan conjoncturel ? Là est tout le débat.

En effet, la protection des droits fondamentaux des détenus est conditionnée par l'existence d'éléments mêlés dont la remise en cause de l'un influe sur tous les autres. Elle subit les soubressauts de son environnement qui reste lui-même marqué par de profonds déséquilibres. En fait, les ambitions avouées par le Sénégal dans un large éventail de normes juridiques perdent inexorablement leur contenu et ne deviennent en réalité qu'une protection de façade. Les nouveaux mécanismes de protection affirmés par le législateur à travers le renforcement des garanties judiciaires accordées aux détenus sont en train de se diluer dans un torrent de vices.

En tout état de cause, les droits fondamentaux des détenus au Sénégal sont donc bafoués de bien des côtés. Cependant, on permettrait une meilleure protection de ces droits en limitant au strict nécessaire les atteintes qui peuvent être portées à leur contenu. Pas en surfant sur la conjoncture mais en changeant fondamentalement de direction, c'est à dire en inscrivant des actions dans la durée autrement dit en tournant le dos à l'improvisation, en s'attaquant aux causes de leur violation et non en se focalisant sur leurs effets. C'est seulement dans ces conditions que les types d'actions prioritaires à engager pour une meilleure protection de ces droits seront crédités.

Dans cette perspective, une piste de réflexion, nous semble-t-il, peut-être trouvée à travers d'une part, (chapitre I) les efforts nécessaires à faire pour une meilleure protection de ces droits (Chapitre II).

CHAPITRE I - LES MANQUEMENTS CONSTATES DANS LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS

Protéger les droits fondamentaux des détenus, c'est faire appliquer cordialement les textes nationaux et internationaux déjà votés et ratifiés par notre pays ; c'est revoir de manière critique les textes en vigueur pour qu'ils soient de vrais outils au service du bien-être des détenus ; c'est confectionner de nouveaux textes utiles afin de maintenir et de renforcer le détenu dans ses droits, sa dignité et sa valeur propre en tant qu'être humain.

Il paraît alors autorisé de se poser la question de savoir si les détenus au Sénégal sont traités avec « humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ? »

Répondre par l'affirmative c'est être à la limite de la diffamation. En effet, au regard des conditions de la garde à vue et de l'état des lieux des établissements pénitentiaires, une évidence saute aux yeux : l'existence de graves lacunes dans la protection des droits des détenus contrairement aux conventions, traités, règles minima et autres pactes relatifs au traitement des détenus.

Cependant, force est de reconnaître que les atteintes aux droits fondamentaux des détenus tirent leur origine dans d'autres facteurs sous-jacents aux conditions d'existence des détenus. Ces facteurs, qui bloquent ou limitent l'effectivité de la protection des détenus proviennent, pour l'essentiel, du manque de moyens des administrations judiciaire et pénitentiaire, des mentalités peu évoluées dans ce domaine et d'une législation pénale souvent inadéquate.

Dans cette perspective, il s'avère nécessaire d'étudier les facteurs de blocage dans la recherche de l'effectivité de la protection (section 1) avant de voir, plus amplement, les manquements constatés à travers les atteintes aux normes établies en matière de détention au Sénégal (section 2 ).

Section 1 - Les facteurs de blocage dans la recherche de l'effectivité

La protection et la promotion des droits fondamentaux des détenus dépendent de l'engagement de chaque Etat d'en assurer leur effectivité. Prescriptions et prestations sont les moyens pour parvenir à ces fins.

Les prescriptions se justifient par le fait que l'Etat détient le monopole de la contrainte physique légitime dont le pouvoir de punir n'est qu'une émanation. Le pouvoir législatif est le principal dépositaire de la détermination des exigences de la privation de liberté. Il vote les lois fixant les modalités de la détention par des propositions qu'il fait ou par des projets que le gouvernement dépose.

Cependant, les lacunes et les ambiguïtés des textes en matière de protection des droits des détenus constituent d'importants facteurs de blocage dans la recherche de l'effectivité attendue. A cela s'ajoute la modicité des prestations de l'Etat à l'endroit des citoyens privés de leur liberté. L'Etat n'est en réalité qu'une « corporation de services publics ». L'administration pénitentiaire est un service public, l'administration judiciaire en est un autre. Elles doivent assurer toutes les deux des prestations. Mais le manque de moyens qui fait l'unanimité de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire constitue un autre facteur de blocage dans l'application effective des droits accordés aux détenus.

Ainsi, les facteurs de blocage dans la recherche de l'effectivité de la protection des droits fondamentaux des détenus sont à la fois d'ordre administratif (parag. 1) et d'ordre juridique (parag.2 ).

Parag. 1 - Les facteurs d'ordre administratif

L'administration est chargée de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique pénale. Cette dernière est incarnée par ses différentes structures : l'administration judiciaire en amont et l'administration pénitentiaire en aval. Cependant, chacune de ces deux structures rencontre dans son rôle, d'énormes contraintes. L'impact de ces contraintes sur les droits fondamentaux des détenus n'est plus à démontrer mais à déplorer. Une piste de réflexion, nous semble-t-il, peut-être trouver à travers la faiblesse des moyens économiques et la faiblesse des ressources humaines caractérisant ces deux services.

A - La faiblesse des moyens économiques

Il fait l'unanimité de l'Administration pénitentiaire, de l'appareil judiciaire et des structures de contrôle et de surveillance des prisons. Dans ces conditions, la protection des détenus ne pourra pas être assurée avec efficacité.

1 - Au niveau de l'administration pénitentiaire

On ne peut pas étudier de manière pertinente la protection des droits fondamentaux des détenus en l'isolant des difficultés du service pénitentiaire. Ces difficultés de l'administration pénitentiaire dont la clé de voûte semble être l'aspect économique n'est pas déconnecté de la précarité des conditions e vie des détenus.

De même, on ne peut pas étudier de manière pertinente la protection des droits fondamentaux des détenus en l'isolant des autres services. Dans les prisons, comme dans la santé et l'éducation, se joue également l'effet ajustement, lisible dans la vétusté des locaux, leu insalubrité, leur déficit, la promiscuité dans laquelle vivent les gens, les maladies dont ils sont atteints etc. La seule différence c'est qu'on est indifférent à la situation des détenus, ou encore, on la trouve normale. En effet, peu de pressions sont exercées sur le gouvernement pour dépenser des ressources rares à l'amélioration du traitement des détenus. La situation économique explique sans doute l'état des prisons. Presque toute datent de l'époque coloniale. Les bâtiments étaient anciennement affectés à divers usages. Certains étaient des léproseries, des lazarets ou des écuries.79(*)

A titre d'exemple, au moment où le nombre des écroués croissent et que l'inflation bas son plein, le budget alloué à l'administration pénitentiaire diminue. C'est ainsi que le budget réservé au matériel s'élève à moins de 600 millions alors que les besoins sont estimés à un (01) milliard. Cette donnée est à prendre en compte pour bien comprendre le cri de famine et de détresse des détenus de ziguinchor ou de Reubeuss, pour bien comprendre que l'ordinaire du détenu peut être le « diagan »80(*) ou le « youko » tant que le taux alloué sera 340 fcfa/ jour/prisonnier, là où la norme admise est le double soit 740 fcfa/jour/prisonnier. Du côté des gardes pénitentiaires, le constat n'est guère plus reluisant, il y a un fusil pour neuf agents, un pistolet automatique pour quinze gardes pénitentiaires, là où un seul d'entre eux s'occupe de huit détenus.81(*)

Cette faiblesse des moyens économiques existe aussi au niveau de l'administration judiciaire.

2 - Au niveau de l'administration judiciaire

L'indépendance de la justice dans un Etat démocratique Républicain a été inventé, comme le disait Montesquieu, pour créer un système de gouvernement modéré. Or il n'y a de respect des droits fondamentaux des citoyens que dans un gouvernement modéré. Cela suppose bien sûr qu'on donne les moyens à la justice de remplir aussi sa mission sans le cadre du contrôle de l'exécution des peines prononcées, c'est-à-dire en infrastructures et matériel, au plan financier (...). Certes, si l'on compare à d'autres pays qui sont dans les mêmes conditions de développement historique, le Sénégal a fait des avancées significatives mais nettement insuffisant. En effet, sur le plan des infrastructures, il n y a des villes où ce sont des maisons conventionnées qui ont servi de tribunal, avec des salles d'audience de moins de 30 m² (...). Si l'on prend le département de Pikine, le volume d'affaires est peut-être aussi important que celui de 3 ou 4 juridictions départementales réunies. Cette situation crée des retards concernant le nombre des audiences et engendre consécutivement l'encombrement carcérale dans la mesure où le plus grand nombre des détenus est constitué par les détenus provisoires en attente d'un jugement. La faiblesse des ressources humaines est aussi à la base de cet état de fait.

B - La faiblesse des ressources humaines

La faiblesse des ressources humaines de l'administration pénitentiaire et de l'Administration judiciaire se manifeste par leur insuffisance quantitative et leur insuffisance qualitative.

1 - L'insuffisance quantitative des ressources humaines

L'appareil judiciaire souffre d'un manque chronique de personnel. En effet, le déficit de magistrat est une réalité que personne ne peut nier au Sénégal, malgré le programme spécial de recrutement de ces dernières années.

Selon nos propres informations, un magistrat affecté à Dakar doit traiter 250 dossiers par an. Cela n'est pas pour nous étonnant car, au total 318 magistrats ont tété recensés en 2003 au Sénégal dont une trentaine est actuellement en détachement dans les différents départements ministériels. Entre 1998 et 2003, les tribunaux régionaux ont enregistré l'arrivée de 56 magistrats et 16 greffiers, précise le journal « Le populaire » du 3 et 4 avril 2004, qui évalue à 185 le nombre de greffiers exerçant au Sénégal. Si l'on prend les 288 magistrats disponibles pour une population de plus de 9 millions d'habitants on aura une moyenne d'un magistrat pour 31 250 habitants. Dans de pareilles conditions, il est difficile de prétendre à une justice performante et respectueuse des droits fondamentaux de l'homme. C'est ce qui explique la lenteur des procédures judiciaires. Les conséquences qui en découlent sont la longue détention provisoire et les dénis de justice. Les détenus provisoires se plaignent énormément de ces lenteurs et insistent beaucoup sur la nécessité d'accélérer la procédure au niveau des cabinets d'instruction. C'est également le point de vue de beaucoup de membres du barreau de Dakar. Aussi, des cas comme celui de Ibrahima Diallo, ce détenu de Thiès qui a passé 13 ans en prison sans jugement, seront-ils fréquents.

Il en est de même du personnel pénitentiaire qui se trouve dans l'impossibilité d'accomplir correctement la mission qui lui est confiée. En effet, le personnel pénitentiaire reste insuffisant en quantité par le nombre de gardiens disponibles dans une prison. L'engorgement carcérale pose un problème de surveillance et par voie de conséquence de sécurité. L'insuffisance des effectifs disponibles favorise à la fois la violence et les évasions dans les établissements pénitentiaires. La faiblesse des ressources humains révèle aussi une insuffisance qualitative des magistrats et des agents pénitentiaires.

2 - L'insuffisance qualitative des ressources humaines

L'insuffisance qualitative se manifeste par l'absence de formation du personnel pénitentiaire en droits de l'homme et par la méconnaissance des textes par les magistrats.

Le personnel pénitentiaire est formé à l'Ecole Nationale de Police pendant une durée de 9 mois. Le programme de la formation comprend : le droit pénal général, le droit pénale spécial, la criminologie, les sciences pénitentiaires, l'armement, le secourisme, la dactylographie. Comme on peut le constater, les droits de l'homme ne sont pas pris en compte dans la formation du personnel pénitentiaire. Dans la mesure où le respect des droits de l'homme est, sans aucun doute, au-delà du concept, un levier efficace pour l'amélioration des conditions de vie des détenus et du respect de leurs droits, il s'agit de les promouvoir et de les valoriser dans la formation des agents pénitentiaires. L'absence de formation du personnel pénitentiaires en droit de l'homme est peut-être à l'origine de la déconsidération et du dédain dont sont paradoxalement victimes les détenus de la part des agents du service pénitentiaire.

Au niveau des magistrats, il n'y a aussi une méconnaissance des textes qui tire leur origine dans la formation de ces dernières. En effet, la découverte au camp pénale de liberté VI des filles mineures condamnées ou poursuivies de prostitution de mineurs alors que de tels faits ne sont pas susceptibles de sanction pénale selon notre législation pénale a conduit l'Inspection générale de l'Administration de la Justice à saisir le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Une circulaire du Procureur Général près de la Cour d'Appel à l'adresse des chefs de parquet ordonnant que cesse pareille pratique a alors été édictée.

Ce constat est révélateur d'une méconnaissance grave des textes de la part des praticiens du droit. Il convient de noter que l'absence de spécialisation des magistrats concernés est à l'origine de la marginalisation de la Justice des mineurs et par voie de conséquence de la méconnaissance des textes applicables en la matière. Cette méconnaissance applicable est d'autant plus inquiétante qu'elle conduise presque systématiquement à la délivrance de mandats de dépôts à l'égard d'un mineur de 13 ans. Mieux, la combinaison des articles 52 et 53 du code pénal avec l'article 567 du code de procédure pénale révèle que le mineur de moins de 13 ans ne peut faire l'objet d'une condamnation pénale. Malgré ces dispositions, l'Inspecteur général de l'Administration de la Justice avait noté dans un certain nombre de juridictions visitées au Sénégal que des mineurs de moins de 13 ans avaient fait l'objet d'un mandat de dépôt ou d'une ordonnance de garde provisoire au régisseur de la maison d'arrêt. Pourquoi décerner alors un mandat de dépôt contre un mineur de 13 ans d'autant que l'article 576 du CPP pose comme condition à la délivrance d'un tel mandat de dépôt une prévention de crime et la motivation de l'ordonnance le plaçant sous mandat de dépôt ? Ce qui dénoté une méconnaissance des textes sinon leur violation de la part de ceux-là même qui, professionnels du droit, devraient les appliquer et les promouvoir auprès de leur partenaires. Peut-être, l'incohérence des textes serait-elle à l'origine de leur mauvaise application ?

Parag.2 - Les facteurs d'ordre juridique

S'il existe un baromètre de la faveur accordée à la protection des droits fondamentaux des détenus dans un Etat de droit, çà doit être la façon dont ils sont textuellement consacrés.

Cependant, on s'irritera du silence des textes sur des questions sensibles à la protection des détenus, une irritation de plus parmi bien d'autres puisque la cohérence de certaines normes n'obéit pas toujours à un régime harmonieux.

En tout état de cause, ces facteurs d'ordre juridique résultent d'une part d'un vide juridique (A) et d'autre part des lacunes de la législation pénale sénégalaise (B).

A - Le vide juridique

Le silence des textes sur des questions aussi sensibles que le délai de la détention provisoire en matière criminelle et la sanction contre la torture dans le code pénal constituent une dangereuse « déprotection » du détenu.

1 - L'absence de garantie temporaire pour les accusés en matière criminelle dans le CPP

Un fait marquant de la violation des droits des détenus au Sénégal reste l'absence de garantie temporaire pour les accusés en matière criminelle dans le CPP. La législation nationale a ignoré la détention provisoire en matière criminelle dans ses développements. Pourtant la gravité des délits et des crimes, n'étant pas la même, il est souhaitable de prévoir une durée de détention viable eu égard à la gravité des infractions délictuelles et criminelles comme le prévoit d'autres législations.82(*)

Il faut noter que l'absence de garantie temporaire aux détenus provisoires en matière criminelle peut-être source d'abus quand on pense à la situation des présumés innocents qu'on met directement en prison avant jugement avec des condamnés. Aussi, du point de vue de la politique criminelle, il y a urgence à fixer un délai raisonnable quant on pense à l'effet délétère de la promiscuité dans les prisons qu'on considère aujourd'hui comme une école du crime.

Le justiciable ne saurait être comptable des fautes de l'Administration ni des silences ces textes. S'il est vrai que la Justice doit rechercher sereinement la vérité, il n'en demeure pas moins que la conservation des inculpés en matière criminelle, pendant une période déraisonnable sous prétexte des silences de la loi n'est ni plus ni moins qu'une atteinte au principe tutélaire de la présomption d'innocence et de la liberté individuelle.

Par ailleurs, la non intégration des sanctions contre la torture dans le code pénale participe aussi directement à la déprotection du détenu et consécutivement à la culture de l'impunité.

2 - La non intégration des sanctions contre la torture dans le CP

L'absence de sanctions contre la torture dans le code pénal favorise l'impunité dont jouissent les tortionnaires. En effet, le Sénégal a ratifié la convention contre la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants mais s'est gardé d'intégrer la torture comme délit ou crime dans le code pénal.

Si on voit que la convention contre la torture protége les droits du détenu en précisant qu'aucune violence, aucun traitement inhumain ou dégradant ne doivent être infligé à un détenu. Si on voit que le personnel pénitentiaire est souvent responsable d'actes de violence contre les détenus. Si on voit les bastonnades, les mauvais traitements, les humiliations qui sont fréquemment dénoncés par d'anciens détenus. Mieux quand on a à l'esprit les excès de zèle et de tracasseries des officiers de police judiciaire au cours des enquêtes préliminaires, on ne peut manquer de regretter la non intégration de la torture comme délit ou crime dans le code pénal. Même si le législateur a prévu des sanctions à l'encontre des auteurs d'abus de droit, il n'en demeure pas moins que l'intégration de la torture dans le code pénal pourrait encore plus dissuader les tortionnaires.

En tout état de cause, l'inexistence de garantie quant à la durée de la détention provisoire en matière criminelle et quand aux sanctions contre la torture dans le code pénal dénotent dans une certaine mesure les lacunes des textes existants.

B - Les lacunes de la législation pénale nationale

Les lacunes de la législation pénale nationale peuvent être identifiées à travers d'une part par le régime de la garde à vue et d'autre part , le régime de l'incarcération.

1 - Au niveau du régime de la garde à vue

Décidée par l'officier de politique judiciaire, limitée dans le temps, la garde à vue est entourée d'un certain nombre de garanties reposant sur le contenu des droits de la personne gardée à vue. En effet, il résulte des dispositions du code de procédure pénale que toute personne gardée à vue peut faire prévenir un proche, obtenir un examen médical, avoir un entretien avec avocat, ... Parmi ces garanties, le droit d'être examiné par un médecin et le droit d'avoir un entretien avec un avocat retient particulièrement l'attention.

S'agissant du droit de s'entretenir avec un avocat, il est d'une part tardif car il s'exerce lorsque 24 heures se sont écoulées depuis le début de la garde à vue, d'autre part, il est de courte durée car ne pouvant pas excéder 30 minutes.83(*)

Cet entretien n'apporte à l'intéressé qu'une garantie purement formelle. En effet, s'il est informé par l'officier de police judiciaire de la nature de l'infraction recherchée l'avocat ne peut ni consulter le dossier ni assister aux actes de l'enquête.84(*) Ne pouvant de surcroît faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue, la seule possibilité qu'ait l'avocat de se faire entendre est de présenter des observations écrites qui seront jointes au dossier. Ainsi, le droit de s'entretenir avec un avocat lors de la garde à vue n'est plus dans ces conditions qu'un droit théorique et illusoire. De même, l'examen des dispositions relatives au contrôle médical accordé à la personne gardée à vue montre une fois de plus les lacunes de la législation pénale.

En effet, aux termes de l'article 56 « si le Procureur de la République ou son délégué l'estime nécessaire, il peut faire examiner la personne gardée à vue par un médecin qu'il désigne, à n'importe quel moment des délais prévus par l'article précédent. Il peut également être saisi aux mêmes fins et dans les mêmes délais par la personne gardée à vue sous le couvert de l'officier de police judiciaire par toute personne ou par son conseil ... ».

La lecture de cet article montre qu'il ne s'agit pas d'une obligation car ce texte prévoit que l'examen médical est fait à la demande de l'intéressé où à la requête d'un membre de sa famille ou de son conseil. Cependant, quant on connaît les problèmes auxquels sont exposés ceux à qui s'adresse le contrôle médical lors de leur contrat avec la politique, on ne peut qu'être compréhensif de l'inefficacité de ce texte.

Par ailleurs, l'introduction du médecin à ce stade de la procédure n'a pas pour but de s'immiscer dans l'interrogatoire ni à formuler des injonctions. C'est au pouvoir judiciaire seul puisque l'intervention du médecin telle qu'elle est prévue par l'article 56 du CPP n'a lieu qu'une fois le détenu déféré devant le magistrat compétent. Cela traduit l'inopportunité de ce contrôle médical dont l'objectif était de prévenir la brutalité de la police et de la gendarmerie.

Les lacunes de la législation pénale nationale sont aussi perceptible au niveau du régime de détention des condamnés.

2 - Au niveau du régime de détention des condamnés

Le législateur sénégalais s'est fortement inspiré des règles minima de traitement des détenus et de la législation humanitaire et idéaliste de la France, ancienne métropole dans la détermination du régime de détention des condamnés.

En effet, l'ensemble des règles minima est une législation taillée sur mesure pour l'occident. Il est donc quasi-impossible pour un pays sous-développé. Même en Occident ces règles semblent délicates à appliquer à fortiori en Afrique où les préoccupation des gouvernements sont essentiellement tournées vers la satisfaction des besoins fondamentaux des populations. Ils y arrivent avec peines si l'on sait que les difficultés économiques sont cruciales. L'impossibilité d'appliquer le régime progressif en est une illustration. Ce régime est très long. Son application requiert une surveillance stricte pour aboutir à l'ultime phase (la libération conditionnelle) qui nécessite une confiance par rapport au détenu. De plus, le respect effectif de ces dispositions transformerait les prisons sénégalaises en « Paradis terrestres » car les conditions de vie en prison telles que définies par ces règles correspondent au niveau de vie de la minorité des Sénégalais les plus nantis et constituent un « rêve » pour la grande majorité. Par conséquent, le respect de ces principes par un Etat sous-développé comme le Sénégal pourrait encourager l'aggravation de la criminalité car les prisons ne désempliraient pas. Ainsi, les règles minima de traitement des détenus reprises dans la législation pénale sénégalaise sont inadaptées aux réalités locales. Ce qui semble se dessiner à travers les atteintes portées aux normes établies en matière de détention au Sénégal.

Section II - Les atteintes aux normes établies en matière de détention au Sénégal

Si la définition précise des infractions et des peines qui leur sont applicables est un principe très ancien et généralement intangibles, les modalités d'exécution des peines ainsi prononcées n'ont pas toujours fait l'objet des mêmes préoccupations.

En effet, il faut rappeler que le droit de punir dans son fondement est une violation légitime des droits de l'homme car visant la protection de la société et le reclassement du délinquant. A cet égard, il implique aussi la manière dont les peines seront subies. Pourtant, cette dernière peut à elle seule profondément modifier le caractère de la sanction, de sorte que les normes établies en matière de détention seraint aisément tournées.

Ainsi, il convient d'apprécier les atteintes aux normes établies en matière de détention au Sénégal en se fondant d'une part sur les conditions d'existence des détenus (parag.1 ) et d'autre part sur l'ineffectivité des mécanismes de protection des détenus (parag.2 ).

Parag.1 - Les atteintes aux conditions d'existence des détenus

Les conditions d'existence des détenus au Sénégal, que ce soit au niveau des prisons ou des lieux de garde à vue, ne sont pas des plus reluisantes. En effet, les différents lieux de détention au Sénégal sont non seulement surpeuplées mais aussi et surtout les conditions d'hygiène et de sécurité de leurs pensionnaires sont « difficiles ».

En plus de l'enferment, du manque à vivre, du manque à être et à aimer, il y aurait aussi cette absence de dérivatif à l'ennui des détenus, faute d'activités en prison. Ainsi,, ces atteintes revêtent une dimension matérielle : la précarité des conditions matérielles de détention (A) et une dimension psychologique : l'absence de dérivatif à l'ennui (B).

A - La précarité des conditions matérielles de détention

Cette précarité est apparente aussi bien au niveau des établissements pénitentiaires qu'au niveau des lieux de garde à vue.

1 - Au niveau des établissements pénitentiaires

Les difficultés auxquelles sont confrontées les détenus au niveau des établissements pénitentiaires concernent la santé et la nourriture.

La santé des détenus doit être prise en compte. Elle passe par divers facteurs qui influent sur son état : le logement, l'hygiène, l'examen médical, l'habillement et le couchage.

Concernant l'hygiène et la literie, le Sénégal est loin de répondre aux dispositions de l'article 12 et 19 des règles minima pour le traitement des détenus (RMT) qui disposent respectivement : « les installations sanitaires doivent permettre au détenu de satisfaire aux besoins naturels au moment voulu, d'une manière propre et descente » (art. 12) et : « chaque détenu doit disposer d'un lit individuel » (art. 19). Au Sénégal, tout le monde s'accorde à reconnaître le haut degré d'insalubrité des sanitaires qui s'expliquent par la vétusté des locaux des canalisations qui sont tout le temps bouchées et un budget d'assainissement dérisoire. Le résultat est que la prison se caractérise par la mauvaise odeur. La prison pue. A Rebeuss, un prisonnier surnommé Pif était très célèbre à cause de l'audace qu'il manifeste à déboucher les canalisations à mains nues, n'hésitant pas à plonger entièrement dans la fosse si c'est nécessaire. Dans certaines cellules à Rebeuss, les détenus sont obligés de mettre des pots en fer pour faire leurs besoins. Inutile dans ces conditions de parler d'intimité : l'odeur et le bruit des gaz lâchés indisposent tous les détenus. Cela est valable également à la prison des femmes de Rufisque qui n'a ni douche, ni sanitaire.

La literie des prisons est loin de satisfaire aux conditions édictées par l'ensemble des règles minima. On trouve dans certaines prisons des lits en fer, des lits en béton, des matelas mousses tellement minces qu'on peut parler de nattes.

A ce titre, le document rendu le 02 avril 2004 lors de l'ouverture du séminaire sur le programme sectoriel justice (PSJ) indique, en moyenne, que plus de cinq détenus se partagent un matelas ; il y a aussi un lit pour 17 prisonniers, un lit d'hospitalisation pour 249 détenus.

Le surpeuplement des cellules est également une des sources d'insalubrité et rend pratiquement vains les rares efforts d'assainissement des prisons. Le surpeuple-ment et corollairement la promiscuité permanente génèrent des déviances sexuelles.85(*)

Dans cet univers de promiscuité et de surpeuplement règnent la plupart du temps la loi du plus fort. Et les caïds, quoi qu'on dise l'administration, sèment la terreur dans certaines prisons pour asseoir leur leadership. La surpopulation carcérale a pour conséquence la violation d'un certain nombre de principes réglementaires tels que la séparation des mineurs et des adultes, des condamnés et des détenus provisoires. S'il fallait citer les facteurs qui violent avec une rare cruauté la dignité de l'homme dans les prisons, qui placent le détenu à la lisière de l'humanité, on signalerait immédiatement l'insalubrité qui est la conséquence cette de la surpopulation. Cette dernière accouche de la gale, de la tuberculeuse et même du Sida. Les prisons sénégalaises comptent un nombre assez significatif de sidéens.

Pour ce qui est des soins médicaux, le Sénégal est loin de répondre aux règles minima qui exigent un médecin qualifié. A la tête de tous les établissements pénitentiaires du Sénégal se trouve un seul médecin, c'est un militaire qui a le grade de commandant. Il est célèbre pour sa générosité et sa disponibilité, sinon le personnel se compose d'un infirmier major et de plusieurs autres agents sanitaires. En ce qui concerne les médicaments, la règle c'est la « pénurie » dans toutes les prisons du Sénégal. Pour y pallier, on a recours à la collecte de médicaments auprès des Pharmacie de la place, d'ONG caritatives et de mécènes. La précarité caractérise particulièrement les soins au Sénégal. On meurt souvent dans les prisons sénégalaises, même si c'est entouré du plus grand secret.

Un autre fait marquant de la précarité des conditions matérielles de détention au Sénégal reste la qualité du régime alimentaire. Cette dernière est sans commune mesure avec celle indiquée à l'article 53 de l'arrêté n° 007117/DAP abrogeant et remplaçant l'arrêté n° 8683/M/NT/DAP abrogeant et remplaçant l'arrêt n° 8683/MINT.CAB.CT du 29 juin 1967 modifié portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires.

Cependant, dans les prisons sénégalaises, la nourriture laisse à désirer au plan qualitatif et quantitatif. Le petit déjeuner est composé de quinquéliba avec du pain. Le repas de midi, le riz avec du poisson sec (kéthiax) ou hareng (yaay booy), les prisonniers l'appellent le « Diagan ». Le soir, c'est de la semoule ou du cous-cous mélangé de la sauce prélevée au Diagan de midi. Le repas du soir, les prisonniers l'appellent le « younko » à Rebeuss. La quantité est souvent insuffisante, dans certains établissements, les prisonniers prennent deux ou trois cuillérées et vident leur gamelle. Les prisonniers politiques et certains qui sont plus riches, reçoivent la nourriture de leur famille. Cependant, les repas sont pas toujours fouillés avant livraison, par des gardes pour des raisons de sécurité.

Certes, nos prisons sont fort différentes des prisons mouroirs tristement célèbres du camp Boiro (Guinée), de Tazmamart (Maroc), de Walata (Mauritanie) mais la réalité est qu'elles ne correspondent pas aux normes établies en matière de détention. Il faut rappeler que ces mauvaises conditions commencent depuis les lieux de garde à vue.

2 - Au niveau des lieux de garde à vue

Les lieux de garde à vue doivent être assez convenables et se situer dans un emplacement discrets pour sauvegarder la dignité d'une personne dont la justice n'a pas encore décidé du sort. Malheureusement dans la plupart des pays en voie de développement notamment le Sénégal les gardés à vue sont dénudés puis jetés dans des lieux insalubres, infestes et très dégradant pour un humain. Généralement, ils sont mis dans de petits cellules situées dans les commissariats de police, parfois même dans les toilettes de ces commissariats.

Malgré la faiblesse des moyens économiques et matériels, rien ne justifie de telles pratiques qui constituent, à nos yeux, un traitement dégradant et inhumain.

La garde à vue qui est un simple maintien à disposition des services de police pour les besoins de l'enquête et reposant sur la recherche de la preuve ne doit pas compromettre la dignité de la personne poursuivie et de l'exposé aux pires abus. Cependant, on voit que les conditions de la garde à vue présentent une certaine dissemblance par rapport à celle des condamnés au niveau des établissements pénitentiaires.

En tout état de cause, la précarité des conditions d'existence des détenus, le fait qu'elle touche l'individu dans ce qu'il a de plus cher, de plus précieux, en l'occurrence son honneur, sa dignité, son patrimoine, voire sa vie, construit un sentiment de honte chez les détenus. Cela, allié à l'ennui au sein de l'univers carcéral, construit la haine pour chaque année passée en prison. Cette dimension psychologique de la détention découle plus ou moins de l'absence de dérivatif à l'ennui des détenus.

B - L'absence de dérivatif à l'ennui

Il y a lieu de voir les raisons de cette absence avant de voir ses conséquences.

1 - Les raisons de cette absence

De par sa configuration architecturale, la prison est un univers ennuyeux. C'est pourquoi les autorités ont prévu un certain nombre d'activités carcérales lesquelles constituent un palliatif significatif à l'ennui des détenus. Cependant les dispositions réglementant ces activités sont vidées de leur sens faute de moyens. Il en est ainsi du travail et de la formation professionnelle mais aussi des loisirs ou moments de détente.

Le décret n° 86-1466 du 28 novembre 1986 réglemente le travail dans les prisons au Sénégal en définissant les catégories des détenus qui peuvent en bénéficier et en précisant les modalités de rémunération, la durée du travail et ceux qui sont les travaux disponibles dans les prisons, etc. Les détenus ont la possibilité de travailler aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de la prison.

Les prisons sénégalaises abritent plusieurs types d'activités telles que la vannerie, le tissage, la menuiserie, la cordonnerie, la teinture, la peinture etc. Mais la grande majorité des prisonniers reste à l'écart de ces activités faute de moyens, ce qui vide le décret susmentionné de son contenu. Il n'est pas rare de voir des établissements pénitentiaires où ces activités fonctionnement au ralenti. Les matières premières, l'espace, les équipements et l'encadrement font cruellement défaut.

A l'extérieur de la prison, non seulement, il ne s'effectue pas dans les conditions de sécurité minimales, mais le travail pénitentiaire est également mal rémunéré. Les chiffres de 50 f l'heure et 40 heures sont avancées pour les travaux en régie et chez les particuliers.86(*)

Par ailleurs, une politique d'éducation, de formation et d'alphabétisation bien pensée et bien exécutée n'existe ^pratiquement pas malgré l'article 690 alinéa 2 du code de procédure pénale qui prévoit « un enseignement scolaire et professionnel pour les condamnés dont la peine doit expirer avant qu'ils aient atteint l'âge de vingt huit ans ». L'expérience a montré qu'une éducation solide exerçait une influence positive sur les criminels. L'alphabétisation jouerait un rôle fondamental dans l'éducation et la formation des prisonniers en les aidant à maîtriser leur environnement pour une meilleure resocialisation.

Aussi, la loi a-t-elle prévu des moments de détente. Parmi les activités de loisir figurent le Foot-ball, la lutte traditionnelle, les jeux de société et la lecture.

Toutes ces activités contribuent à l'équilibre mental des détenus et constituent des facteurs dérivatifs à l'ennui et atténuent en voie de conséquence la violence en milieu carcéral. Cependant, leur ineffectivité comme on vient de le voir n'est pas sans conséquence sur l'équilibre psychique des détenus.

2 - Les conséquences de cette absence

Le confinement dans un espace restreint et reclus est source d'agressivité, de déprime et de troubles psychiques. L'oisiveté et la claustration favorisent des comportements déviant et pervers.

Ainsi, les conséquences du défaut d'activités dans les prisons sont double : d'une part, elles se manifestent par des troubles psychiques et d'autre part par des comportements déviant et pervers.

En effet, l'oisiveté des détenus construit tout d'abord la chaîne qui se manifeste par la plainte qui a pour premier lieu d'expression le corps. Ainsi, les détenus somatisent, tombent malades, connaissent des troubles alimentaires ou digestifs. A Rufisque, il y a des femmes détenues qui n'ont même plus de règles, parfois durant toute leur détention. Les états de protestation ou de dépression grave, les taux de suicide ou d'automutilation sont plus ou moins élevés.

L'oisiveté entraîne aussi des comportements déviants. En effet, des pratiques parfois forcées d'homosexualité sont fréquentes. Les gardiens de prison sont parfois victimes d'acte de violence. Ils sont perçus couvent comme les responsables directs de la situation des détenus.

Les atteintes aux conditions d'existence des détenus ainsi exposées ne fait que confirmer les inquiétudes des organisations des droits de l'homme qui ne cessent de tirer la sonnette d'alarme à ce propos. Mieux, la cause de ces atteintes découle dans une certaine mesure de l'ineffectivité des mécanismes de protection des détenus.

Parag. 2 - L'ineffectivité des mécanismes de protection des détenus

Le législateur a accordé un certain nombre de garanties aux détenus parallèlement à leur « droit à un traitement juste » et à l'interdiction de toute action ou punition arbitraire. Pour ce faire, il a dégagé des mécanismes de protection des détenus pour les assister en cas de besoin et pour contrôler la conformité de leurs conditions d'existence par rapport aux normes établies à cette fin. Mais en réalité l'application largement ineffective de ces mécanismes de protection n'est plus à démontrer.

Ce qui nous amène à voir l'ineffectivité de l'assistance juridique et sociale (A) avant de voir l'ineffectivité du contrôle des établissements pénitentiaires (B).

A - L'ineffectivité de l'assistance juridique et sociale aux détenus

Nous allons voir successivement la faiblesse de l'assistance juridique et la faiblesse de l'assistance sociale aux détenus.

1 - La faiblesse de l'assistance juridique

L'assistance juridique est la matérialisation de l'Etat providence en matière de justice. Elle est d'ailleurs au coeur du mouvement pour l'accès à la justice. Elle se définit comme un concours apporté aux personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice, en les dispensant totalement ou partiellement des frais occasionnés par l'instance.87(*) Elle a une valeur constitutionnelle et est garantie par différents instruments internationaux.

Ainsi, l'assistance juridique qui est un droit fondamental existe théoriquement pour tous les détenus, la justice lui en fournit un d'office. Mais, la réalité est malheureusement tout autre. Ceux qui se défendent bien sont justement ceux qui payent les services d'une assistance juridique qui veille au suivi du dossier et au respect de la procédure judiciaire.

Le constat récurrent est que, ceux qui voient souvent leurs intérêts lésés, qui sont victimes d'injustices caractérisées, qui sont détenus arbitrairement, qui font l'objet de détention préventive dont les délais sont anormalement longs, sont justement ceux qui n'ont pas d'avocats.

Dans ce même ordre d'idées, il convient de souligner que même si la justice fournit d'office des avocats aux détenus qui n'ont pas les moyens d'en avoir, le constat est que l'assistance juridique profite souvent aux détenus les plus nantis.

Parallèlement à l'assistance juridique, l'assistance sociale des détenus reste aussi très faible.

2 - La faiblesse de l'assistance sociale

L'assistance sociale aux prisonniers est très faible au Sénégal. Du fait des préjugés tenace liés à la forte péjoration de l'univers carcéral par al société. Un juge fait remarquer à ces propos qu'au Sénégal, quand un détenu sort de prison, il va d'abord se jeter dans la mer pour se purifier.

Le problème est que le détenu souffre d'une double réclusion : carcérale et sociale. Dans ces conditions, parler de l'existence d'une assistance sociale des détenus au Sénégal serait à la limite de la diffamation.

Pourtant du côté de l'administration pénitentiaire, l'assistance sociale existe, à travers l'agent dévolu à cette tâche ou le faisant fonction. Mais elle reste faible par rapport à la demande et pratiquement quasi-inexistant dans certaines régions.

En outre, si l'agent chargé de l'assistance sociale existe aussi dans certains établissements pénitentiaires, il souffre tout de même d'un manque criard de moyens pour satisfaire la forte demande des détenus. Ce qui fait que l'assistance sociale des détenus existe théoriquement au Sénégal. Le recours des détenus reste les organisations non gouvernementales qui interviennent en milieu carcéral à travers des actions caritatives de soutien aux détenus les plus démunies. Peut-être l'ineffectivité des contrôles que devraient exercées les autorités administratives, compétentes sur les établissements pénitentiaires est à l'origine des atteintes portées sur les droits des détenus.

B- L'ineffectivité des contrôles exercées sur les établissements pénitentiaires au Sénégal

La prison est nécessairement une institution dont le fonctionnement, à l'abri de ses mûrs, n'est pas aisé à contrôler tant par les gouvernants que par les citoyens. Pour éviter qu'elle ne devienne le lien privilégié du « non droit », il importe que les détenus qui sont appelés à y vivre soient protégés contre les contraintes de la précarité et contre l'insécurité juridique qui l'animent. Pour ce faire, le législateur a prévu à la fois un contrôle périodique des autorités judiciaires et un contrôle permanent de la commission de surveillance des prisons. Mais en réalité, si le contrôle des autorités judiciaires est considéré somme toute inopérant le contrôle de la commission de surveillance est quant à lui inapproprié.

1 - Le contrôle inopérant des autorités judiciaires

Les textes prévoient l'intervention largement ineffective et inefficace de nombreuses autorités judiciaires : le Procureur de la République, le Procureur général pour les prévenus, le juge d'instruction, le juge des enfants et le président de la Chambre d'accusation.

Mais avec la loi n° 2000-38 du 29 décembre 2000 modifiant certaines dispositions du code pénal, le législateur a introduit le juge de l'application des peines afin de renforcer le contrôle de l'exécution des peines. Assurément, beaucoup se réjouissaient de cette institution dont l'absence avait été unanimement regrettée par tous les défenseurs des droits de l'homme. Mais l'absence de cette institution de protection des détenus vaut mieux que son existence sans effet. En effet, l'obligation de contrôle des établissements pénitentiaires par les différentes autorités juridiciaires précitées existe théoriquement pour ne pas dire qu'elle est quasi-inexistente dans les faits. En fait, lors de notre visite à la maison d'arrêt et de correction de Diourbel, le secrétaire du Régisseur nous a confirmé que depuis son instauration, le juge de l'application des peines n'est jamais venu à la prison. Pourtant, il pouvait avoir une influence grandissante dans l'amélioration de la situation des détenus.

Par ailleurs, il y a aussi les commissions de surveillance des prisons qui exercent un contrôle permanent sur les établissements pénitentiaires. Mais ce contrôle est à la limite inapproprié car ces commissions de surveillance ne peuvent prendre directement aucune mesure sanctionnant les atteintes portées aux droits des détenus.

2 - Le contrôle inapproprié des commissions de surveillance

Le rôle des commissions chargées de la surveillance des prisons est encore plus formel et inefficace que celui des autorités judiciaires. Attachées à chaque établissement pénitentiaire et étant sous la direction de la Division nationale des contrôles et des enquêtes, les commissions de surveillance comme l'on pouvait s'y attendre ne disposent d'aucun acte d'autorité.

En effet, elles sont chargées simplement d'assurer la surveillance intérieure des prisons en ce qui concerne la salubrité, la sécurité, le régime alimentaire.

Il en est de même du rôle que joue la commission pénitentiaire consultative de l'aménagement des peines. Cette dernière qui est établie au niveau de chaque prison est simplement chargé de contrôler la situation de chaque condamnée d'en informer le juge de l'application des peines et de lui donner son avis dans les mesures d'aménagement des peines. Ainsi, elle n'a pas de pouvoir d'action directe et ne peut faire aucun acte d'autorité. Pourtant ces commissions qui sont plus proches des détenus que les autorités judiciaires devraient être autorisées à prendre des mesures préventives en toute circonstance.

Au terme de cette étude, nous pouvons dire qu'au Sénégal comme ailleurs, il reste beaucoup à faire pour que l'effectivité dans l'application des droits fondamentaux des détenus soit une réalité et que les détenus qui croupissent dans quartiers avec une violation courante et sévère de leurs droits puissent retrouver leur dignité.

La dimension inhumaine de la détention ne baisse pas le taux de la criminalité et son amélioration ne l'augmente pas non plus. Les arguments qui militent en faveur d'une meilleure protection de ces droits doivent être connus de tous. Les moyens d'y parvenir aussi. Des réponses sont développées, pour permettre au dernier axe de la réflexion, de proposer les efforts nécessaires à faire pour une meilleure protection de ces droits.

CHAPITRE II - POUR UNE MEILLEURE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS AUX SENEGAL

Avec le chapitre précédent, les droits fondamentaux des détenus au Sénégal sont ainsi mieux contextualisés pour comprendre d'avantage comment ils sont étouffés de bien des côtés par des lacunes diverses.

Ces dernières ont une multitudes de causes concurrentes et ne pourront être rétablies que par une multitude de remèdes concurrents. Pour tenter de résoudre ces lacunes complexes, quelle qu'elles soient, nous devons faire entrer en ligne de compte tous les facteurs significatifs, non pas un seul et unique. Ainsi, quelles sont les conditions pour une meilleure protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal ? Comment faire fructifier les acquis déjà obtenus en la matière ?

Par ces questionnements, la réflexion est de plein-pied dans la logique d'une vision prospective dans la protection de ces droits.

Cependant, il convient de souligner que l'efficacité absolue de la protection est difficile dans un pays sous développé comme le Sénégal surtout si l'on veut appliquer l'ensemble des règles minima pour le traitement de détenus. Mais les efforts qui conduisent à une meilleure protection, les forces qui mènent à l'amélioration des conditions de vie des détenus existent. Elles naissent par l'engagement résolu de l'Etat à vaincre les inégalités économiques. En effet, le Sénégal a connu une tendance à la baisse de son PIB par tête d'habitant depuis un quart de siècle. La crise économique perdure depuis la fin des années 70. La dévaluation du franc CFA en début de 1994 a été le couronnement logique des contre-performances économiques enregistrées. Les données marquants depuis la fin des années 70 au plan économique sont l'autorité et la politique de désengagement de l'Etat des secteurs économiques et même sociaux. Ce contexte économique sénégalais n'est pas sans influence sur l'état des prisons et des prisonniers. Ainsi, pour parvenir à réaliser un véritable « marketing pénitentiaire » la lutte contre la pauvreté doit, plus que jamais, retenir l'attention du gouvernement et de tous les acteurs au développement.

Mais, il ne s'agit pas de nous focaliser uniquement dans cette perspective que nous voyons à plus long terme. Il s'agit plutôt de faire des efforts pour résoudre deux nécessités urgentes que présenteront, à notre avis, la lutte contre l'impunité (section 1) et la lutte contre les rigueurs carcérales (section 2).

C'est dans cette voie que la protection des droits fondamentaux des détenus pourrait trouver davantage d'efficacité, chaque jour, un peu plus.

Section I - La lute contre l'impunité

L'impunité est un concept relativement récent pour un vieux phénomène d'injustice, à savoir le non-respect des droits fondamentaux des détenus. « La manière par laquelle l'homme par ses agents indique clairement dans quelle mesure il est décidé à assurer une protection efficace de ces droits »88(*). Bien souvent, l'engagement d'un Etat à défendre ces droits est démenti dans la pratique par une succession de violations et d'impunité. La majorité des pays-africains dangerosité variables la culture de l'impunité. Dans certains pays, l'impunité est garantie par une législation qui met les responsables des violations à l'abri de poursuites judiciaires. Dans d'autres pays comme le Sénégal, malgré l'existence de dispositions juridiques visant à mettre en accusation les responsables, l'impunité demeure la règle. D'où la nécessité d'intensifier les efforts en vue de traduire les coupables d'abus de droit devant la justice et de briser ainsi le cycle d'impunité l'un des moyens les plus efficaces de combattre les injustices graves à l'égard des détenus consiste à veiller à ce que les auteurs soient punis pour les violations graves commises dans ce domaine. Dans un pays où le système judiciaire ne fonctionne pas de façon satisfaisante, il est nécessaire d'instituer des réformes législatives allant dans le sens du renforcement des mécanismes de contrôle de la détention (Parag.I ) et la fermeté dans la répression des coupables (parag.II ).

Parag. I - Le renforcement des mécanismes de contrôle de la détention au Sénégal

Selon Maître Kaba « l'injustice de la justice est insupportable comme l'est du reste la justice de l'injustice ». Cette donnée philosophique nécessite pour être réalisable l'existence d'un contrôle approfondi à toutes les stades de la procédure de détention. Ce contrôle permet de dissuader les agents pénitentiaires et les officiers de police judiciaire de voire leur responsabilité engagée en cas d'abus de droit. Il permet aussi d'engager plus facilement la responsabilité de ceux qui ne respectent pas les droits qu'ils sont chargés de surveiller ou de sanctionner. Dans cette perspective, un contrôle approfondi sur les établissements pénitentiaires (A) et sur l'instruction par la chambre d'accusations et son président (B) doit plus que jamais faire l'objet de réformes législatives.

A - L'approfondissement du contrôle sur les établissements pénitentiaires

L'approfondissement du contrôle sur les établissements pénitentiaires passe par l'indépendance des organes de contrôle et la création d'autres organes de contrôle.

1 - L'indépendance des organes de contrôle

L'indépendance des organes de contrôle par rapport au pouvoir politique et à l'administration pénitentiaire permet non seulement de dénoncer, sans risque, les auteurs d'acte de violence ou de mauvais traitements à l'égard des détenus mais aussi et surtout d'engager des poursuites judiciaires contre ces mêmes auteurs. En effet, les agents des services pénitentiaires commettent régulièrement des actes de tortures et des sévices contre les détenus en toute impunité ou presque, apparemment persuadés qu'in ne leur demandera jamais de répondre de leur crime. En fait, la coordination de certains organes de contrôles des prisons par le gouverneur, dans les établissements relevant de son ressort, constitue une limite objective à l'indépendance de ces organes. Emanations du pouvoir exécutif, le gouvernement peut faire preuve de mauvaise foi dans la dénonciation et la sanction des tortionnaires et cela pour des raisons d'opportunité politique. Il en est de même du régisseur de chaque établissement qui fait partie de certaines commissions de surveillance relevant de son ressort. Le détenu conscient de cette vérité, n'accorde plus de crédit à ces organes et à ceux qui sont chargés de les conduire.

Ainsi, l'indépendance des organes de contrôle par rapport au pouvoir politique et à l'administration pénitentiaire présente de multiples avantages concourants tous à la lutte contre l'impunité. En effet, il permet la publicité des rapports de contrôle de façon régulière et permanente, ce qui constitue un point de départ important dans la dénonciation et la poursuite judiciaire des auteurs de certains actes de barbarie à l'égard des détenus. Mieux, l'élargissement du contrôle à d'autres organes est aussi une recommandation qu'il nous paraît important de prendre en compte dans la lutte contre l'impunité.

2 - L'élargissement des organes de contrôle.

La recommandation la plus fondamentale forte implication de la société civile. Cette dernière pourra, à travers les comités locaux de solidarité avec les prisonniers (CLSP) regroupant des ONG de défense des droits de l'homme et de développement, des organisations caritatives, des associations et syndicats d'enseignants, des médecins, des avocats, des travailleurs sociaux et des religieux, battre en brèche la déconsidération et le dédain dont sont paradoxalement victimes les détenus et de briser en conséquence le cycle de l'impunité. Ces structures de relais, d'appui et de soutien s'assigneraient comme tâche de veiller au respect des droits fondamentaux des détenus et d'engager des poursuites judiciaires pour la sanction des agents coupables de mauvais traitements à l'égard d'un détenu.

Par ailleurs, la création d'un corps de « médiateurs des prisons » à l'échelon des régions pénitentiaires avec les délégués installés dans chaque établissement pénitentiaire et principalement investis d'une fonction d'observation serait très significative dans la lutte contre l'impunité.

De surcroît, il convient d'engager des réformes législatives afin de permettre aux députés d'avoir un droit de visite permanent dans les établissements relevant de leur département.

Enfin, les inspecteurs du travail ou de l'inspection général du travail et ses directions régionales, en collaboration avec les autres organes de contrôle, doivent être impliqués aussi dans la recherche de solutions aux problèmes de la prison à travers des contrôles spéciaux ou techniques.

Au-delà de ces contrôles sur les établissements pénitentiaires, la chambre d'accusation doit aussi s'impliquer davantage dans le contrôle de l'instruction.

B - L'approfondissement d'accusation

Ce contrôle trouvera sa portée sur deux niveaux : - d'une part au niveau des demandes de libertés provisoire et d'autre part au niveau du contrôle dans le fonctionnement même des cabinets d'instruction.

1 - La réaffirmation du contrôle de la chambre d'accusation sur les demandes de liberté provisoire

La loi sénégalaise du 21 juillet 1965 inspiré du code Napoléonien qui fit du juge d'instruction « le personnage le plus puissant du royaume » avait conduit à beaucoup d'abus notamment par abstention les lois du 27 février 1985 et 29 janvier 1999 sont venus renforcer la protection des libertés individuelles en transformant la détention préventive en détention provisoire limitée et organisée, et en permettant la présence de l'avocat dans toutes les phases de la procédure.

Cependant, il convient de dégager de nouvelles réformes pénales afin d'impliquer davantage la chambre d'accusation et son président dans toutes les phases de l'instruction surtout en ce qui concerne la procédure des « référé-liberté ». La main mise de cette procédure par les mêmes magistrats qui ont prononcé le mandat d'arrêt présente de graves dangers pour les citoyens. Au lieu d'être menée par un magistrat impartial et sous le contrôle de la Chambre d'accusation, les demandes de liberté provisoire passe entre les mains du ministère public plus soucieux de l'efficacité de ses interventions que de protéger ces libertés. En effet, aux termes de l'article 139 du code de procédure pénale « la demande de mise en liberté provisoire d'une personne détenue provisoirement pour l'un des crimes ou délits spécifiés à l'alinéa précédent sera déclarée irrecevable si le Ministère public si oppose par réquisition dûment motivée ». Le législateur doit apporter deux séries de modifications à cet article :

- d'une part, il doit dessaisir le Ministère public de cette procédure et renvoyer l'examen de l'appel à la Chambre d'accusation.

- D'autre part, la mise en liberté de la personne mise en examen ne doit plus être subordonnée uniquement au caractère manifestement non fondé de la détention mais devra intervenir si la chambre d'accusation juge qu'elle n'est pas justifiée au regard des conditions prévues par la loi. Ainsi, la chambre d'accusation pourra plus largement, pour des raisons juridiques, statuer en faveur de la liberté et n'apparaîtra donc plus comme le « santionnateur » d'un juge d'instruction « irresponsable » parce qu'ayant pris une décision manifestement excessive. Ce qui rendra son contrôle plus aisée. Ce contrôle doit être poussé même jusqu'au fonctionnement des cabinets d'instruction.

2 - Le contrôle de la chambre d'accusation sur le fonctionnement des cabinets d'instruction

Le législation pénale sénégalaise devrait renforcer la contrôle de l'instruction par la Chambre d'accusation en complétant les lois y afférentes ou en instituant de nouvelles lois sur deux niveaux :

Premièrement que le président de la chambre d'accusation doit transmettre au moins une fois par an aux chefs de la Cour d'Appel et aux chefs du tribunal de grande instance concerné ses observations écrites sur le fonctionnement des cabinets d'instruction.

En second lieu que les détenus pourront saisir la Chambre d'Accusation si aucun acte n'a été accompli depuis trois mois en cas de détention provisoire en matière correctionnelle et un an en matière criminelle. Aussi qu'en cas d'inaction prolongée du juge, la Chambre d'Accusation devant alors soit évoquer, soit désigner un autre juge. Ce qui permet d'exiger une « sur-motivation » des juges en cas de prolongation de la détention provisoire en matière criminelle et de fixer des délais raisonnable de détention en matière criminelle.

En somme, les mécanismes de contrôle de la détention ainsi exposés permettent d'engager plus facilement la responsabilité de ceux qui ne respectent pas les droits des détenus.

Parag.2 - La fermeté dans la répression des coupables

Le meilleur moyen de lutter contre l'impunité est de renforcer la sanction des officiers de police judiciaire et des gardes pénitentiaires violant les droits des détenus. Ainsi, des efforts législatifs en vue de traduire les auteurs de ces actes devant la justice doivent être menés à travers le relecture des règles d'engagement de la responsabilité des coupables (A) et l'adoption de nouvelles mesures sanctionnatrices (B).

A - La relecture des règles d'engagement de la responsabilité des coupables

Le renforcement de la responsabilité des coupables ne peut triompher que si les procédures d'engagement de leur responsabilité sont allégées. Pour ce faire, il convient de supprimer le privilège de juridiction des officiers de police judiciaire et de réaffirmer le droit d'action des détenus.

1 - La suppression du privilège de juridiction des officiers de police judiciaire

La reconnaissance de la responsabilité pénale des officiers de police judiciaire n'est pas facile à obtenir. Certains parlent même de complaisance, voire de complicité de la part de la justice lorsqu'il s'agit de sanctionner les policiers qui utilisent, parfois des moyens illégaux pour l'obtention des aveux. Le bénéfice du privilège de juridiction garantie l'impunité des officiers de police judiciaire et met les responsables des violations à l'abri de poursuites judiciaires. En effet, les juges de la Chambre d'accusation ne donnent pas souvent aucune suite aux plaintes déposées par les victimes ou leurs familles. Dans d'autres cas, les enquêtes sont compromises et débouchent sur une peine légère pour l'officier de police judiciaire auteur du crime ou délit.

Pourtant, le code pénal les sanctionne lorsqu'ils commettent des actes arbitraires ou attentatoires à la liberté individuelle.

Pour éviter que les magistrats de la Chambre d'accusation se montrent indulgents à l'égard des officiers de police judiciaire, il convient de faire disparaître leurs privilèges, de juridiction en cas de violation des règles établies en matière de garde à vue. Dans ce même ordre d'idées, pour éviter que les magistrats du ressort où l'officier de police exerce ses fonctions ne soient conduits à se montrer indulgents à l'égard de l'un de leurs auxiliaires, le législateur doit apporter aussi une dérogation relative à la juridiction compétente ratione loci.

En d'autres termes, le législateur doit prévoir aussi dans le code de procédure pénale que lorsqu'un officier de police judiciaire est susceptible d'une inculpation, le procureur de la République doit présenter sans délai une requête à la cour suprême qui désigne la juridiction chargée de l'instruction ou du jugement de l'affaire.

Une autre recommandation importante à souligner repose sur la réaffirmation du droit d'action des détenus.

2 - La réaffirmation du droit d'action des détenus

Nul doute doit être puni sans avoir eu la possibilité de se défendre et avoir vu son cas « munitieusement examiné » par une autorité compétente. Le détenu a la possibilité de faire réviser sa sanction par une autorité supérieure à celle-ci. Ainsi, les détenus ne sont pas exclus de plaintes et des requêtes. Mais, ce droit de porter plainte est ineffectif en réalité en raison de sa faible utilisation par les détenus. En fait, le personnel pénitentiaire est souvent responsable d'actes de violence contre les détenus. Les bastonnades, les mauvais traitements, les humiliations sont fréquemment dénoncés par d'anciens détenus. Pourtant, les détenus ont le droit de porter plainte et ce parallèlement à leur « droit à un traitement juste et à l'interdiction de toute action ou punition arbitraire.

Cependant, on essaie souvent d'intimider les victimes qui craignent la plupart du temps des représailles de l'Administration pénitentiaire ou de la censure de leur requête.

Partant de cette situation, il est donc recommandé la « nomination d'inspecteurs externes indépendants » pour traiter les plaintes des détenus afin d'éviter les censures de l'Administration. Il est aussi recommandé que les détenus puissent déposer plainte à l'extérieur auprès des autorités judiciaires, des médis et de la police.

Enfin, il est recommandé que les détenus puissent s'informer de procédures et de la transmission de leurs plaintes auprès des mêmes autorités précitées.

Le droit d'action détermine souvent l'étendue de la protection d'une personne par al loi, ce qui s'avère particulière dans le cas d'une personne privée de sa liberté. C'est également l'un des moyens les plus sûrs de lutter contre l'impunité en sanctionnant tous les cas avérés conformément à l'article 90 du décret n° 86-1466 du 28 novembre 1986. Cependant des efforts législatifs doivent être menés afin de sanctionner davantage les coupables. Ainsi, l'adoption de nouvelles mesures sanctionnatrices permettra de renforcer la protection des détenus.

B - L'adoption de nouvelles mesures sanctionnatrices

L'adoption de nouvelles mesures sanctionnatrices permettra de donner plus de crédibilité à la protection des droits des détenus. Ces mesures seraient nécessaires à l'égard des officiers de police judiciaire et en cas de détention illégale

1 - A l'égard des officiers de police judiciaires

Indépendamment de la sanction des infractions grave commises par la police, il est souhaitable que la justice sanctionne plus souvent par exemple la pratique de certains officiers de police judiciaire consistant à passer systématiquement les menottes à un individu qui a fait l'objet d'une simple plainte pour l'amener de force au commissariat de police. Une telle pratique est humiliante et constitue une infraction pénale de violences et voies de fait volontaire, dès lors que cet individu ne s'est pas rebellé et que l'officier de police judiciaire ne peut se prévaloir d'un motif légitime. La mise en oeuvre de la responsabilité pénale et civile étant difficile en pratique, c'est très souvent à une sanction d'ordre disciplinaire que le supérieur hiérarchique recourt.

Ce dernier a pourtant intérêt à être particulièrement vigilant puisque sa propre responsabilité peut être engagée comme doit l'être celle du magistrat instructeur qui ordonne une détention provisoire que rien ne peut justifier. Pour ce faire de nouvelles mesures sanctionnatrices doivent être prises en cas de détention illégale.

2 - En cas de détention illégale

S'il est nécessaire que la réglementation de la détention provisoire soit adéquate, il faut aussi que l'Etat répare autant que possible, le dommage causé à une personne victime d'une détention illégale ou d'une détention provisoire inopérante ou inutile. Autrement dit, un droit de réparation doit être ouvert à toute personne qui a été privée de sa liberté dans des conditions incompatibles avec les dispositions de la législation pénale sénégalaise. Il y a lieu de citer l'article 9-5 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, fait à New-York le 19 décembre 1966 et approuvé par l'article 98 de la Constitution sénégalaise qui consacre à « tout individu victime d'arrestation ou de détention illégale un droit de réparation ».

Ainsi, il serait souhaitable d'instaurer un régime d'indemnisation financière au profit des personnes « victimes » de ce genre de détention. Ce qui permet de réparer la préjudice causé à une personne qui a été privée de sa liberté sans respecter les règles de procédures ou les causes prévues par la loi interne.

L'action doit être portée devant les juridictions ordinaires dans les formes prévues par le code de procédure pénale et dirigée contre l'Etat du Sénégal en la personne du Ministre de la Justice. Ce sera une matière de conférer à la « victime » un intérêt à obtenir réparation d'un dommage exceptionnel causé par la fonctionnement de la justice pénale, sans qu'une faute ait été commise. Ce qui permet d'améliorer la position juridique du citoyen et qu'elle apporte aussi une réponse à la question lancinante posée par ceux qui ont subi une détention illégale ou inopérante.

L'instauration d'un régime d'indemnisation financière au profit des personnes « victimes » de détentions illégales peut pousser, dans une certaine mesure, l'Etat à enclencher réellement la lutte contre les rigueurs carcérales.

Section II - La lutte contre les rigueurs carcérales au Sénégal

L'appréciation de la politique pénitentiaire aboutit au constat selon lequel le Sénégal a mal avec ses prisons. Grave, la maladie est également honteuse. Déjà indécentes, les conditions continuent de se dégrader - l'univers carcéral sénégalais se signale par son caractère de gardiennage immonde, la modicité ou l'insuffisance des moyens financiers, matériels, logistiques et le non-respect des plus élémentaires droits de l'homme.

Il paraît alors autorisé de voir quel type d'actions prioritaires faudrait-il engager pour renforcer la protection des détenus et lutter contre ces rigueurs carcérales ?

Les problèmes auxquels sont confrontés les détenus au Sénégal touchent tous les établissements du pays. L'expérience montre qu'une amélioration décisive de la situation pénitentiaire du Sénégal pourrait être obtenue au moyen des deux trains de mesures suivantes :

- l'amélioration de la politique pénitentiaires (parag.1) ;

- l'humanisation de l'univers carcéral (parag.2).

Parag.1 - L'amélioration de la politique pénitentiaire

Les recommandations pourraient s'articuler autour de deux axes que sont :

- l'amélioration des conditions d'incarcération (A) ;

- l'amélioration des conditions de travail des personnels judiciaires et pénitentiaires (B).

A - L'amélioration des conditions d'incarcération

L'amélioration des conditions d'incarcérations passe principalement par la lutte contre l'engorgement carcéral mais aussi par l'encouragement de la communication entre détenus et administration pénitentiaire.

1 - La lutte contre l'engorgement carcéral

Aucune nouvelle prison n'a été construite au Sénégal depuis l'indépendance. Les normes internationales de détention prévoient un écroué pour une surface de 3,5 m² et un volume de 5 m 3. Dans l'ensemble, les lieux de détention sont estimés en volume à 3503,1 m3 et en surface à 10 562,3 m². Au 31 décembre 2001, un nombre de 16 993 personnes ont été écroués dans l'ensemble des établissements pénitentiaires pour diverses infractions à la loi. Ainsi, en tenant compte de la surface d'occupation, il y aurait une non-conformité avec les normes internationales. Cette situation traduit l'engorgement des prisons. Il est évident que l'un des problèmes de fond majeurs reste celui de la surpopulation, l'engorgement carcéral.

Pour le combattre ou le réduire significativement, il serait souhaitable de recouvrer davantage à la formule des peines alternatives, des mesures non privatives de liberté, de libérations conditionnelles. Mais la recommandation la plus fondamentale pour lutter contre l'engorgement carcéral reste la construction de nouvelles prisons. Cette dernière emporte l'adhésion du plus grand nombre.

Au-delà de la lutte contre l'engorgement carcéral, il convient d'encourager aussi la communication entre les détenus et l'administration pénitentiaire.

2 - L'encouragement de la communication entre les détenus et l'Administration pénitentiaire

L'ensemble des dispositions réglementaires relatives à la vie carcérale doivent être portées à la connaissance des détenus, spécialement celles relatives à la discipline, aux possibilités de communication avec la famille, avec l'avocat et avec les autorités administratives ou judiciaires. Tout détenus peut solliciter de prendre connaissance des textes. Mais il y a souvent un écart assez important entre les dispositions textuelles, et la communication réelle qu'ont les détenus de la réglementation les concernant. Les manquements à la discipline étant, le plus souvent enfouis dans d'obscurs règlements auxquels les détenus n'ont pas toujours accès, ceux-ci doivent leur être clairement expliqués, surtout aux illettrés qui foisonnent dans les prisons sénégalaises. Ainsi, la communication entre les détenus et l'administration pénitentiaire doit être encouragée pour ne pas donner lieu au désarroi et à la frustration. Mieux, cette communication trouve son importance sur le fait qu'elle peut permettre dans une certaine mesure, de « neutraliser l'étau dangereux » de certains détenus qui n'hésitent pas à semer la terreur en prison. Elle peut permettre aussi à modifier les « dispositions criminelles » d'autres détenus car « la prison n'a pas seulement pour mission de punir, elle a aussi une mission de rédemption ».

La réalisation pratique de ces idées généreuse est parfois entravée par la faiblesse des conditions de travail du personnel. D'où la nécessaire amélioration des conditions de travail du personnel pénitentiaires.

B - L'amélioration des conditions de travail du personnel pénitentiaire.

Nous devons nous interroger sur la capacité des agents pénitentiaires à pouvoir s'acquitter convenablement de leur lourde et délicate mission. Notre sentiment est que l'ancrage et l'envol de l'Administration pénitentiaire sénégalaise comme administration de référence en Afrique pour le triomphe des droits fondamentaux des détenus ne se réalise que si elle est dotée de réels moyens et que le personnel qui l'anime soit revalorisé. Dans cette perspective, nous recommandons d'une part, la modernisation des moyens de travail et d'autre part la revalorisation du personnel pénitentiaire.

1 - La modernisation des moyens de travail

Elle s'articule autour des moyens financiers, humains et matériels.

S'agissant des moyens financiers, des efforts doivent être faits en vue d'augmenter de façon significative le budget alloué à l'administration pénitentiaire et édicter des règles de contrôle et de gestion efficaces des ressources financières disponibles. Aussi, des initiatives hardies doivent être déployés dans le sens d'un auto-financement en créant des unités de production à l'intérieur des prisons. Pour ce faire, le concours des collectivités locales, des ONG et des mécènes doit être sollicité.

S'agissant des moyens humains, la principale recommandation est d'augmenter le nombre des agents pénitentiaires, tout corps confondus.

Enfin, l'administration pénitentiaire doit être dotée de matériels suffisants : voitures, matériel informatique, locaux fonctionnels, fournitures, etc.

Pour que l'administration pénitentiaire accomplisse aussi correctement la mission qui lui est confiée, il convient de revaloriser ses agents.

2 - La revalorisation du personnel pénitentiaire

Les surveillants sont des gardes républicains de formation exclusivement militaire, qui ne les prédispose aucunement à assumer de manière adaptée et satisfaisante la mission qui leur est confiée. Les conditions statutaires laissent beaucoup à désirer. Par exemple, ils sont affectés de façon autoritaire voire contre leur gré à la surveillance pénitentiaire sans aucune consultation préalable par leurs supérieurs. Outre l'ambiance paramilitaire qui est de ce fait imprimée aux établissements pénitentiaires, un des conséquence de ce manque de motivation est que les agents sont condamnés à plafonner dans la hiérarchie B. Ainsi, il y a lieu de procéder à la revalorisation du personnel de l'Administration pénitentiaire en créant tout d'abord une filière de formation des agents avec un programme qui mettrait l'accent sur les préoccupations liées à la prison et où la question des droits de l'homme occuperait une place importante. Ce qui permet de faire du gardien un agents social susceptible d'aider au reclassement social du détenu.

Mieux, des réformes qui leur ouvriraient l'accès à la hiérarchie A doivent être engagées. Il convient de souligner que l'amélioration des conditions d'incarcérations participe dans une certaine mesure à humaniser l'univers carcéral.

Parag.2 - L'humanisation de l'univers carcéral

A travers les visées de l'Ecole de la Défense Sociale Nouvelle89(*) , la fonction d'intimidation de la prison devient secondaire, celle de réadaptation et de réinsertion essentielle. C'est l'homme qui est pris en considération dans son entité pour le réintégrer dans la société. « L'idée d'exclure à jamais un individu de la société des hommes parce qu'il a eu des défaillances répugne à la conscience moderne ».90(*) Ainsi, l'Ecole de la Défense sociale met l'accent sur le malade mais contrairement à l'Ecole positiviste91(*) à laquelle elle a succédé, elle n'enlève pas à celui-ci sa responsabilité. C'est pourquoi comme le positivisme, elle met l'accent sur la prévention mais affirme que le traitement nécessaire à la défense de la société doit aussi permettre au délinquant d'y reprendre sa place, de s'y « reclasser », c'est-à-dire d'y retrouver ses droits et ses responsabilités car au-delà du détenu, il y a l'homme dont la dignité est sacrée.

Deux moyens permettent de parvenir à ces fins : la réadaptation des détenus (A) d'une part et l'ouverture des prisons au monde extérieur (B).

A - La réadaptation et la réinsertion des détenus

La réadaptation et la réinsertion des détenus trouvent leur justification dans le renforcement des activités carcérales et la relecture de la politique post-pénale.

1 - Le renforcement des activités carcérales

Le développement des activités carcérales constitue un puissant moyen de réadaptation et de réinsertion des détenus. L'expérience a montré que le travail et l'éducation, la formation et la sensibilisation exerçaient une influence positive sur les criminels.

Ainsi, il convient de développer, tout d'abord, le travail carcéral en tant que puissant facteur de socialisme et doit encourager la création et l'équipement de petites unités productives telles que la menuiserie, l'imprimerie, la cordonnerie, les arts plastiques, les formes agricoles et renforcer les activités de maraîchage et d'artisanat d'art.

Ensuite, il convient de développer l'enseignement scolaire et professionnel et l'alphabétisation. Pour ce faire, recourir aux détenus justifiant d'un niveau d'instruction suffisant, aux amicales et syndicats d'enseignants, aux ONG et organisations caritatives.

Il faut aussi encourager la collaboration entre les ministères de tutelle et de l'Education Nationale en organisant des cycles de conférences sur la drogue, la délinquance, le Sida et la responsabilité de l'individu dans la société.92(*)

Cependant, le renforcement des activités carcérale avec toutes les recommandations précitées serait vidé de son sens s'il n'y a pas une relecture de la politique post-pénale.

2 - La relecture de la politique post-pénale

La prison peut, certes, demeurer un lieu de punition. Mai celle-ci infligée au caractère afflictif très marqué en Afrique noire devrait davantage viser à empêcher les délinquants, une fois libérés, de commettre de nouveaux crimes. Le taux de récidive, très élevé, ne peut que conduire l'Administration pénitentiaire à méditer cette réflexion de R. Merle et A. vitu : « Ce n'est pas par la rigueur des supplices qu'on prévient le plus sûrement le crime, c'est par la certitude de la punition. L'âme s'endurcit par le spectacle renouvelé de la cruauté »93(*).

Ainsi, il faudra refondre de fond en comble la politique carcérale au Sénégal en faisant du lobbying auprès des autorités pour des réformes post-pénales. Ces réformes permettant de lutter contre le taux très élevé de récidive.

Pour ce faire, nous recommandons trois séries de mesures :

- Premièrement, l'Etat doit prendre des mesures pour faciliter le retour des détenus dans leur famille ;

- Deuxièmement, l'Etat doit prendre des mesures pour faire bénéficier les entreprises qui acceptent d'embaucher des anciens détenus d'un abattement fiscal ;

- Troisièmement, l'Etat et les collectivités locales doivent prendre des mesures pour aider les anciens détenus dans la création des GIE.

C'est dans cette voie que la politique post-pénale pourrait davantage être crédibilisée.

Il convient de rappeler que la prison est une institution dont le fonctionnement, à l'abri de ses mûrs, n'est pas toujours aisé à contrôler. Ainsi, pour humaniser cet univers tout porte à croire qu'il est impératif de l'ouvrir au monde extérieur.

B - L'ouverture de la prison au monde extérieur

L'ouverture de la prison au monde extérieur passe par un certain nombre de coopération techniques nécessaires et par la sensibilisation de l'opinion publique sur la prison.

1 - Les coopérations techniques nécessaires

L'humanisation de l'univers carcéral exige la mise sur pied d'un réseau dynamique de partenariats entre l'administration pénitentiaire et les ONG de défense des droits de l'homme. Aussi, une synergie dynamique devrait-elle s'instaurer et s'exécuter entre les administrations pénitentiaires et les sociétés civiles qui sont les consciences du peuple.

La majorité des pays africains sont parmi les plus pauvres du monde, ce qui n'est pas sans conséquence dans la protection et la promotion des droits fondamentaux des détenus. Ainsi, la faiblesse des moyens économiques est à l'origine de la violation d'un certain nombre d'exigences comme la séparation des détenus provisoires et les autres détenus. Elle est aussi à l'origine de la non-réalisation d'un certain nombre d'activités dans les prisons. Ce qui constitue un obstacle à l'humanisation de l'univers carcéral. C'est pourquoi, l'ouverture de la prison au monde extérieur à travers les coopérations de certains ONG est plus que jamais nécessaire pour parvenir à cet fin. Dans cette perspective, nous saluons la coopération du Bureau International Catholique pour l'enfance. En effet, cette ONG a construit des quartiers de Mineurs dans les établissements pénitentiaires de Tambacounda, Kaolack et Diourbel. Elle a aussi cherché des moniteurs pour alphabétiser les mineurs. Il en est de même à Diourbel pour assister des détenus Femmes toute en leur aidant pour leur réinsertion. C'est ainsi qu'en partenariat avec le Centre horticole de la ville, elle organise à l'endroit de ces femmes détenus des cours de maraîchages.

La force des organisations non gouvernementales vient de leur capacité à mobiliser l'opinion publique mais aussi à diffuser des informations aux populations. Ce qui participe dans une moindre mesure à participer à la sensibilisation de l'opinion publique sur la prison.

2 - La sensibilisation de l'opinion publique sur la prison

La lente évolution des mentalités a pour conséquence que jusqu'à nos jours, la prison demeure fondamentalement un tabou, une honte et le prisonnier un exclu pour lequel la société, dans sa grande majorité, demande un châtiment. Cette perception du monde carcéral est à l'origine de l'indifférence du public par rapport à la situation de détenu. Dans cette perspective, les acteurs les plus proches du système carcéral doivent participer à l'émergence d'une nouvelle représentation de la prison, de sa fonction et de ses objectifs. Celle-ci implique un renforcement notable de la protection du détenu par la société avec comme conséquence l'élimination progressive de la marginalité du système carcéral.

L'occident a connu le même cheminement. On sait, en effet, que les objectifs n'ont pas été les mêmes sous l'Ancien régime qu'à la fin du XVIIème siècle où les réformateurs des cahiers de doléances et les parlementaires de la constituante ont conçu les prisons comme des « réformatoires » avec comme objectifs corriger, redresser, transformer le comportement et la conscience du détenu. Aujourd'hui avec l'intervention d'experts, de médecins, de psychiatres et de criminologues, la prison vise à guérir et à normaliser.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la mise en place de la sanction pénale contribue à renforcer ce courant. C'est avec elle que s'annoncent les premières tentatives d'humanisation de la prison qui s'inspire du principe que « dans le pire des assassins, une chose, au moins est à respecter quand on punit, son humanité (...). L'homme est objecté à la barbarie des supplices, mais comme limite de droit ; frontière légitime du pouvoir de punir ».

v CONCLUSION

Notre société idéologiquement égalitaire mais inégalitaire dans les faits propose à chacun de ses membres les mêmes idéaux, mais refuse à beaucoup la possibilité de les réaliser. La déviance, les conduites délinquantes ou criminelles deviennent ainsi une des issues possibles à une contradiction d'ordre général.

En effet, sur le plan législatif, le Sénégal a fait des avancées significatives dans la protection des droits fondamentaux des détenus si l'on compare à d'autres pays qui sont dans les mêmes conditions de développement historique. A ce niveau, il semble évident qu'on peut évoquer l'adage : « Nihil Novi - Sub Sole » car pour l'essentiel le cadre est trouvé et depuis fort longtemps.

Dans l'espace francophone qui est le nôtre, le droit pénal français a été reprise dans nos législations après l'accession à l'indépendance.

Au niveau externe, bien évidemment, d'importants instruments ont été adoptés qui sont la synthèse des différents systèmes générés par les différentes aires culturelles et dont les plus importants ont pour nom :

Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus ;

Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 ;

Principes relatifs à la présentation des exécutions extra-judiciaires arbitraires et souverains (ONU 1990) ;

Convention contre la Torture et aux peines ou traitements cruels et dégradants (résolution 39-46 de l'AG des Nations-Unies du 10 décembre 1984) ;

Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'un emprisonnement (ONU, 1985, 1988).

Au niveau interne, il paraît essentiel de citer la Constitution sénégalaise, le code pénal de procédure pénale.

En effet, il demeure que la Constitution continue à s'attacher à un certain nombre de principe qu'elle tient pour imprescriptibles et que nul ne conteste, le respect de l'homme dans son intégrité corporelle, dans sa dignité et dans ses libertés vient en tête de ces principes dont la législation pénale et la jurisprudence ne cessent d'affirmer le caractère intangible.

Le code pénal et le code de procédure pénale affirment des normes essentielles qui constituent l'un des principaux fondements de la politique pénale, laquelle repose , en outre, sur une appréciation présumée de l'efficacité de le peine dans les diverses fonctions qui lui sont attribuées (principalement l'intimidation ou le dissuasion et l'amendement ou la resocialisation. Le législateur affirme à travers ces codes le respect des règles juridiques fondamentales que sont les principes de l'égalité, d'égalité et de personnalité des peines. Enfin, depuis quelques années, inspiré par le souci de différencier et d'élargir la gamme des peines existantes, le législateur sénégalais s'est lancé dans une progressive humanisation des peines de manière à permettre aux tribunaux une meilleure individualisation de la sanction, en fonction de la personnalité des délinquants et du danger social qu'ils représentent.

A cet effet, nous retenons les dernières mesures législatives instituant le juge de l'application des peines ainsi que de nouvelles sanctions alternatives à l'emprisonnement et de nouveaux mode d'aménagement des peines.

Le Sénégal a certes libéré des initiatives et réalisés des progrès législatifs, mais il faut ajouter que la protection demeure encore inachevée car la durée de la détention provisoire en matière criminelle n'est pas incluse dans le code de procédure pénale. Il y a aussi la non-intégration de la torture comme délit dans le code pénal contrairement à la ratification par le Sénégal de la convention contre la torture. Il faudra donc parachever les textes car il n'y a pas de protection sans de réelles bases juridiques.

L'étude a également révélé une discordance entre les réalités et les textes destinés à protéger le détenu. Au nombre de ces réalités figure la précarité des conditions d'existence des détenus : engorgement et promiscuité, vétusté des locaux, hygiène et alimentation de mauvaise qualité, oisiveté et violence carcérales, etc. L'absence de moyens malgré les efforts des Administrations pénitentiaires et judiciaire est sans doute la principale cause, mais elle n'explique pas tout. Une politique hardie, imaginatrice et capable de déployer des initiatives génératrices de fonds reste encore à inventer.

A cela s'ajoute une opinion publique très peu réceptive à l'idée de protection et de promotion desdits droits. En effet, pour la grande majorité de la population, le délinquant doit être non seulement châtié mais également exclu, à la limite, de la communauté. Ainsi, d'énormes efforts restent à faire pour changer les mentalités car au-delà du détenu, il y a « l'homme dont la dignité est sacrée ».

L'étude a aussi montrer que l'absence d'une politique post-pénale est à l'origine du taux assez élevé des récidivistes.

C'est pourquoi, dans une vision dynamique, nous avons formuler des recommandations qui pourraient rendre effectives les pistes d'une pénologie sénégalaise pragmatique. Ces recommandations n'ont pas l'ambition de décrire un système idéal-type.

Elles visent uniquement à encourager la prise en charge effective des exigences de la détention, par le respect des droits de l'homme. Ce dernier, sous toutes ces formes est une bataille de chaque jour contre le cycle de l'impunité et les rigueurs carcérales. Pour qu'un jour aucun détenu ne soit traîné dans les rues, menottes aux poignets, pour aller répondre devant les tribunaux - pour que plus jamais, des citoyens en difficultés avec la loi ne soient dénudée puis jetés dans des lieux insalubres, infectes et très dégradants pour un homme. Pour qu'aussi des initiatives soient prises pour assurer la qualité de la restauration des détenus.

Pour qu'enfin, ceux qui purgent des peines plus ou moins longues, puissent bénéficier d'un minimum d'attention, quant à leur prise en charge (alimentation, soins de santé, habillement, lieu de couchage).

Le volet femme, mineurs et personnes âgées, mérite une attention particulière et devrait faire l'objet d'une étude spécifique.

Le changement de régime carcéral par l'humanisation des prisons est une question d'actualité car l'on admet de plus en plus que « l'humanisme pénitentiaire est compatible avec le bon ordre et la sûreté des prisons et qu'en sauvant l'avenir de ceux qu'elle punit, la société se protége elle-même » et à moindre coup. La façon dont une société traite tous ses membres les plus vulnérables est un « reflet de sa santé et de sa conscience sociale ». Au total, ici gît un enjeu démocratique. C'est « à l'aune de ses prisons, en effet, que l'on juge une démocratie » selon Alexis De Tocqueville, écrivain politique français du 19ème siècle.

La protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal fait l'objet d'un attention particulière de la part des spécialistes et de certaines ONG de défense des droits de l'homme. Ce qui incline à croire que dans un avenir pas très lointain, des mesures correctives pourraient être prises. Mais l'essentiel est de ne pas se décourager. La lutte contre les violations des droits des détenus est une bataille constante contre le poids des habitudes.

BIBLIOGRAPHIE

I - OUVRAGES

A - Droit pénal, procédure pénale

1 - Traités

PINATEL (J.); BOUZAT (P.) : Traité de droit pénal et de criminologie ; tome III, Paris, DALLOZ, 1975.

MERLE (R.) : VITU (A.) : Traité de droit criminel, Paris, Cujas, 3 tome.

· Procédure pénale, 4ème édition, 1979.

· Droit pénal spécial, 1982, 2 volumes.

DEJENEPPE (B.) : La détention préventive, Larcier Bruxelles, 1992, 2 Manuels et monographies.

SOYER (J. C) : Droit pénal et procédure pénale, 8ème ed, Paris, Cujas, 1994.

DELMAS-MARTY (M.) : Les grands systèmes de politique criminelle, Paris, PUF, Thémis, Droit privé, 1992

ANCEL (M.) : La défense sociale nouvelle, Paris, Cujas, 3ème éd., 1981.

B - Droits de l'homme

· Monographies

MBAYE (K.) : Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Pédone, 1992.

ARDANT (P.) : Les textes sur les droits de l'homme, Paris, PUF, 1993.

II - TEXTES

A - Textes nationaux

- La constitution du Sénégal, Dakar, EDJA, 2001.

- Code pénal, Dakar, EDJA, 1992.

- Recueil de textes réglementaires, Ministère de la Justice, DAP, Dakar, 2001.

B - Textes internationaux

- Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, OUA, 1981.

- Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, Genève, 1955.

- Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ONU, 1984.

III - DOCUMENTS

- Document rendu par le Ministère de la Justice lors de l'ouverture du séminaire sur le programme sectoriel justice (PSJ), avril 2004.

- La prison du Sénégal, RADDHO, Dakar, avril 1995.

- Les droits de l'homme aujourd'hui, ONU, octobre 1998.

- Les nouveaux textes sur la sanction pénal, Dakar, février 2001 ;

- La justice et les mineurs : Problématiques et réponses judiciaires ;

- Ministère de la Justice, Centre de Formation Judiciaire, Dakar, avril 1999.

IV - REVUES

- Journal Africain des droits humains (JADH), 2ème A. N° 4, ISSN - 0851 - 8041, janvier 2001.

- Réforme pénale et pénitentiaire en Afrique, Bulletin d'information n° 18, janvier 2004.

- Le populaire, n° 1316, samedi 3 - dimanche 4 avril 2004.

- L'actualité juridique - Droit administratif, 20 décembre 2001, page 1066.

- Journal officiel de la République du Sénégal, février 2001.

A N N E X E S

TABLE DES MATIERES

Page

Introduction ................................................................................. 5

Première Partie : LE CADRE JURIDIQUE DE LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES DÉTENUS AU SÉNÉGAL ....................................................... 14

CHAPITRE I - LES INSTRUMENTS JURIDIQUES APPLICABLES

AU SÉNÉGAL .......................................................... 16

Section I - les instruments juridiques internationaux ...................... 16

Parag. 1 - Les normes internationales générales ................................. 17

A - Les déclarations de droits ...................................................... 17

1 - La déclaration des droits de l'homme et du citoyen ............... 17

2 - La déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 ...... 18

B - Les conventions internationales ................................................. 20

1 - Les pactes des Nations-Unies ........................................ 20

2 - La Charte des droits de l'homme et des peuples ....................... 21

Parag.2 - Les normes internationales spécifiques ................................. 22

A - les normes internationales spécifiques au traitement des détenus .......... 22

1 - La convention contre la torture ....................................... 23

2 - L'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus ... 24

B - Les normes internationales spécifiques aux détenus vulnérables ........... 25

1 - Les normes internationales spécifiques aux mineurs ..................26

2 - Les normes internationales spécifiques aux femmes ..................27

Section II - Les instruments juridiques internes ................................. 27

Parag. 1 - Les instruments juridiques régissant les établissements pénitentiaires au Sénégal .................................................................. 28

A - Les normes juridiques relatives à l'organisation des établissements pénitentiaires ...............................................................28

1 - Les catégories d'établissements pénitentiaires au Sénégal ........ 28

2 - La répartition des détenus entre établissements ................... 30

B - les normes juridiques relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires ........................................................................... 31

1 - Les normes relatives au régime applicable au Sénégal ............ 31

2 - Les normes relatives au règlement intérieur des établissements pénitentiaires au Sénégal ............................................................. 33

Parag. 2 - Les textes garantissant les droits fondamentaux des détenus au Sénégal ................................................................................. 33

A - Les normes juridiques constitutionnelles .................................... 33

1 - Le préambule de la Constitution ....................................... 34

2 - Le corps constitutionnel ...................................................34 B - La législation pénale nationale ................................................... 35

1 - Le domaine de la législation nationale ................................. 35

2 - Les limites de la législation pénale nationale ........................ 36

CHAPITRE II - LES AVANCEES SIGNIFICATIVES DU SENEGAL

SUR LE PLAN LEGISLATIF ............................................. 38

Section I - L'affirmation législative des garanties accordées

aux détenus ............................................................ 38

Parag.1 - Les garanties accordées aux détenus avant jugement ............... 39

A - Les garanties accordées par la loi aux gardés à vue .................. 39

1 - Les garanties résultant des exigences temporaires et matérielles ... 40

2 - Les garanties résultant du contrôle médical et judiciaire ............. 40

B - Les garanties accordées par la loi au détenus provisoires ............42

1 - Les garanties relatives aux conditions et à la durée de la détention provisoire ........................................................................42

2 - Les garanties relatives au régime de la détention provisoire .........43

Parag.2 - Les garanties accordées au détenus après jugement .................... 44

A - Les garanties relatives aux régimes spécial de détention .......... 44

1 - Les garanties relatives aux conditions de vie des détenus ............44

2 - Les garanties relatives au travail et à la discipline pénitentiaire ..... 47

B - Les garanties accordées aux condamnés bénéficiant du régime

spécial de détention ..................................................... 49

1 - Les catégories de détenus bénéfiant du régime spécial

de détention ................................................................ 49

2 - Les modalités d'application du régime spécial ........................ 50

Section 2 - La contribution significative du législateur au renforcement

des garanties judiciaires accordées aux détenus ............ 51

Parag.1 - Le renforcement du contrôle de l'exécution de la peine ..... 52

A - l'instauration du juge de l'application des peines .................... 52

1 - Le contrôle des condamnés concernés par le milieu fermé .......... 53

2 - Le contrôle des condamnés concernés par le milieu ouvert ......... 53

B - La création de nouveaux organes de contrôle dans l'exécution

des peines ............................................................... 54

1 - Les organes chargés de l'aménagement des peines ............... 54

2 - Le comité de suivi en milieu ouvert ..................................... 55

Parag.2 - La modification et l'enrichissement de la palette des

sanctions pénales .............................................56 A - L'introduction de nouvelles sanctions pénales ........................ 56

1 - Les sanctions alternatives à l'incarcération ........................... 57

2 - Les peines complémentaires aux sanctions alternatives ............ 58

B - La création de nouveaux modes d'exécution de la sanction

Pénale ..................................................................... 58

1 - Les nouveaux modes d'aménagement des peines ..................... 58

2 - Le retrait de certaines condamnations du casier judiciaire ........... 59

DEUXIEME PARTIE : L'INEFFECTIVITE DE LA PROTECTION

DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS

AU SENEGAL ................................................ 61

CHAPITRE I - LES MANQUEMENTS CONSTATES DANS LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS ............ 62

Section I - les facteurs de blocage dans la recherche de l'effectivité ...... 63

Parag.1 - Les facteurs d'ordre administratif ............................ 63

A - La faiblesse des moyens économiques .............................. 64

1 - Au niveau de l'administration pénitentiaire ........................ 64

2 - Au niveau de l'administration judiciaire .............................. 65 B - La faiblesse des ressources humaines ................................. 65

1 - L'insuffisance quantitative des ressources humaines ............... 66

2 - L'insuffisance qualitative des ressources humaines ................ 67

Parag. 2 - Les facteurs d'ordre juridique ....................................68

A - Le vide juridique ......................................................... 68

1 - L'absence de garantie temporaire pour les accusés

en matière criminelle dans le CPP .................................... 68

2 - La non-intégration des sanctions contre le torture dans le CP ...... 69

B - Les lacunes de la législation pénale nationale ........................ 70

1 - Au niveau du régime de la garde à vue ................................. 70

2 - Au niveau du régime de détention des condamnés .................... 71

Section II - Les attentes aux normes établies en matière de détention

au Sénégal ............................................................... 72

Parag.1 - Les atteintes aux conditions d'existence des détenus ... 73

A - La précarité des conditions matérielles de détention ............... 73

1 - Au niveau des établissements pénitentiaires ......................... 73

2 - Au niveau des lieux de garde à vue .................................... 75

B - L'absence de dérivatif à l'ennui ........................................ 76

1 - Les raisons de cette absence .............................................. 76

2 - Les conséquences de cette absence .................................... 77

Parag.2 - L'ineffectivité des mécanismes de protection

des détenus ...................................................... 78

A - L'ineffectivité de l'assistance juridique et sociale aux détenus ... 78

1 - La faiblesse de l'assistance juridique .................................. 79

2 - La faiblesse de l'assistance sociale .................................... 79

B - L'ineffectivité des contrôles exercées sur les établissements pénitentiaires au Sénégal ................................................. 80

1 - Le contrôle inopérant des autorités judiciaires ..................... 80

2 - Le contrôle inapproprié des commissions de surveillance ......... 81

CHAPITRE II - POUR UNE MEILLEURE PROTECTION DES

DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS

AUX SENEGAL ...................................................... 83

Section I - La lute contre l'impunité .......................................... 84

Parag. I - Le renforcement des mécanismes de contrôle de la détention

au Sénégal ................................................................. 84

A - L'approfondissement du contrôle sur les établissements pénitentiaires ............................................................ 85

1 - L'indépendance des organes de contrôle .............................. 85

2 - L'élargissement des organes de contrôle ............................. 86

B - L'approfondissement de l'accusation ................................. 86

1 - La réaffirmation du contrôle de la chambre d'accusation

sur les demandes de liberté provisoire ................................. 87

2 - Le contrôle de la chambre d'accusation sur le fonctionnement

des cabinets d'instruction .............................................. 88

Parag.2 - - La fermeté de la répression des coupables ............ 88

A - La relecture des règles d'engagement de la responsabilité

des coupables ............................................................ 88

1 - La suppression du privilège de juridiction des officiers

de police judiciaire ....................................................... 89

2 - La réaffirmation du droit d'action des détenus ..................... . 89

B - L'adoption de nouvelles mesures sanctionnatrices ............... 90

1 - A l'égard des officiers de police judiciaires ........................... 90

2 - En cas de détention illégale ............................................... 91

Section II - La lutte contre les rigueurs carcérales au Sénégal ............ 92

Parag.1 - L'amélioration de la politique pénitentiaire ............... 92

A - L'amélioration des conditions d'incarcération ........................ 92

1 - La lutte contre l'engorgement carcéral ............................... 93

2 - L'encouragement de la communication entre les détenus

et l'Administration pénitentiaire .................................... 93

B - L'amélioration des conditions de travail du personnel

pénitentiaire ............................................................... 94

1 - La modernisation des moyens de travail .............................. 94

2 - La revalorisation du personnel pénitentiaire ........................... 95

Parag.2 - L'humanisation de l'univers carcéral ..................... 95

A - La réadaptation et la réinsertion des détenus ........................ 96

1 - Le renforcement des activités carcérales .............................. 97

2 - La relecture de la politique post-pénale ............................... 97

B - L'ouverture de la prison au monde extérieur ......................... 98

1 - Les coopérations techniques nécessaires .............................. 98

2 - La sensibilisation de l'opinion publique sur la prison ............. . 99

CONCLUSION ................................................................................ 100

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................. 104

ANNEXES. ...................................................................................... 106

* 1 DEJEMEPPE , Benoît. - La détention préventive. - Maison Larcier, S.A 1000 Bruxelles 1992.

* 2 Article premier al. 3 de la loi Belge du 20 juillet 1990.

* 3 MORANGE, Jean. - Les libertés publiques, Que sais-je ? Sixième édition corrigée : 1995 nov.

* 4 PONCELA, 1998.

* 5 ALDOUS,  Huxley. - Le meilleur des Mondes, suivi de Retour au Meilleur des Mondes, p. 355.

* 6 Journal africain des Droits de l'Homme (JADH), janvier 2001, deuxième année n°4.

* 7 Cf. rapport de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme, 1995.

* 8 Cf. article 7 de la Constitution sénégalaise du 7 janvier 2001.

* 9 Cf. article 9 de la Constitution sénégalaise du 7 janvier 2001.

* 10 Cf. article 26 du décret n° 86-1466 du 28 novembre 1986.

* 11 Cf. ONU, 1990.

* 12 Cf. ONU 1955, 1977.

* 13 Cf. ONU 1990.

* 14 Cf. Résolution 39-46 de l'assemblée générale des Nations Unies du 10 décembre 1984.

* 15 Cf. Le Monde du ................ 1991.

* 16 Cf. Journal officiel de la République du Sénégal du samedi 23 juin 2001, 146ème année, n° 5993.

* 17 Cf. rapport de la Rencontre africaine pour la Défense des Droits de l'Homme, 1995, chapitre IV : La direction de l'Administration pénitentiaire.

* 18 FAVOREU, Louis ; GAIA, Patrick ; GHEVONTIAN, Richard ; MESTRE, Jean-Louis ; ROUX, André ; PFERSMANN, Otto et SCOFFONI, Guy. - Droit constitutionnel. - Dalloz, 3ème ed. 2000, p. 780.

* 19 PICARD, Etienne. - L'émergence des droits fondamentaux en France. - AJDA, 1998, n° spécial, p. 8.

* 20 Il faut signaler que cette distinction rigide sur le plan organique peut être relativisée au plan matériel en ce sens l'intégration des règles issues d'expériences extérieures est concrétisée par leur uniformisation avec les règles d'origine interne.

* 21 La deuxième République du Sénégal.

* 22 Article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

* 23 Cela peut-être justifié par la défiance manifeste par les rédacteurs de la déclaration vis-à-vis de l'exécutif post révolutionnaire.

* 24 Même si dans un passé récent, la juridicité des dispositions de préambule était mise en route, on peut estimer que depuis la décision du Conseil constitutionnel sénégalais dans l'affaire n° 36 du 16 déc. 1993 relative à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique de l'Ouest, le problème ne se pose plus.

* 25 Les droits de l'homme aujourd'hui, documents d'information des Nations Unies, annexe 2, p. 65.

* 26 Cf. Journal Africain des Droits de l'Homme (JADH), janvier 2001, 2ème année, n°4.

* 27 La déclaration de 1948 n'a pas une valeur positive en France faute de ratification par cette dernière de l'acte de Chaillot.

* 28 Ces deux pactes internationaux sont entrés en vigueur en 1976.

* 29 Il s'agit ici de redimensionner les droits de la 1ère et 2ème génération et de les adapter à la réalité africaine.

* 30 Cf. DIAITE, Ibou. « Les difficultés de l'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples » In Revue Sénégalaise de droit n°33, pp. 59 à 82.

* 31 Cf. Rabat d'arrêt lex n° 274 - 275 - 276 - 278 et 279 (commentaire El-hadji Mbodj). Cette décision s'inscrit dans le cadre de l'extension du bloc de constitutionnalité et de l'élargissement des dispositions externes ayant une valeur positive au Sénégal.

* 32 MERLE, (R.) et VITU (A.). - Traité de droit criminel, tome 1, paris, Cujas, 6ème edition, 1984, p. 98.

* 33 Ces règles ont été adoptées par le premier congrès des Nations-Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, le 30 août 1955.

* 34 Résolution de l'assemblée générale de l'ONU 45-111 du 14 décembre 1990, « Mettre les textes en actions », PRI, La Haye, nov. 1994, p. 14.

* 35 Règle 09 à 14.

* 36 Règle 15 à 16

* 37 Règle 17 à 19

* 38 Règle 20. 1 et 2

* 39 Règle 21. 1 et 2.

* 40 Règle 22 à 26

* 41 Règle 27 à 32

* 42 Règle 33 et 36

* 43 Règle 08.

* 44 En tout 191 Etats signataires de la convention adoptée par l'assemblée générale de la Déclaration des droits de l'enfant le 20 novembre 1989.

* 45 L'emprisonnement par contravention de police ne pourra être moindre d'un jour, ni excéder un mois.

* 46 La contrainte par corps est une peine pour le paiement de l'amende.

* 47 L'incarnation du condamné pendant un temps fixé par le juge dans les limites prévues par la loi.

* 48 Personnes soupçonnées d'une infraction pendant la période d'instruction.

* 49 Personne contre laquelle est exercée l'action publique devant les juridictions de jugement en matière correctionnelle et contraventionnelle.

* 50 Personne soupçonnée de crime et traduite pour ce fait, devant la Cour d'Assise.

* 51 Encore appelé le système philadelphien ou pensylvanien car d'origine nord américaine.

* 52 Décrets n° 68-583 du 28 mai 1968 et n° 86-1466 du 28 novembre 1986 portant organisation et régime des établissements pénitentiaires.

* 53 Les garanties accordées aux détenus après jugement (paragraphe II, section I du chapitre II).

* 54 Loi de base n° 65-61 du 21 juillet 1965 portant code de procédure pénale sénégalaise.

* 55 Loi de base n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant code pénal sénégalais.

* 56 Hypothèses d'arrestations de nature administrative.

* 57 Une exception concerne le juge d'instruction lorsqu'il agit en flagrance.

* 58 Articles 127 et 127 bis du CPP.

* 59 Cf. Art. 11 du décret organisant le régime des établissements pénitentiaires.

* 60 Art. 14 du CPP

* 61 Art. 16 du CPP.

* 62 Cf. Loi n° 2000-39 du 29 décembre 2000 modifiant le code de procédure pénale.

* 63 ANCEL (M.), op-cit, voir aussi Soyer (J.C), Droit pénal et procédure pénale, Paris, LGDJ, 9ème édition, 1992, p ....

* 64 DELMAS-MARTY, op-cit, p. 16.

* 65 « Mettre les textes en action », PRI, op-cit, p. 161.

* 66 Arrêté ministériel n° 7117 M. INT. DAP, en date 21 mai 1987 portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires, annexe 3 du CPP.

* 67 Cf. art. 51, 52, 53 de l'arrêté portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires.

* 68 MICHELET (E.), OP-cit, RIPAS, p. 471.

* 69 Cf. art. 76, de l'arrêté portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires, annexe 3 du CPP.

* 70 Cf. art. 85, 86, 89 de l'arrêté portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires, annexe 3 chapitre IX.

* 71 FOUCAULT, op-cit, pp. 243 et s.

* 72 Cf. la loi n° 2000-38 du 29 décembre 2000 modifiant le code pénal et la loi n° 2000-39 du 29 décembre 2000 modifiant le code de procédure pénal, journal officiel de la République du Sénégal, samedi 10 février 2001.

* 73 Art 683 bis du CPP (loi n° 2000-39 du 29 décembre 2000).

* 74 Il est assisté dans l'application de ces mesures par le comité de suivi en milieu ouvert dont il est le chef du service.

* 75 Art. 707 -7 de la loi n° 200-39 du 29 décembre 2000 modifiant le CPP.

* 76 Art. 683 bis de la même loi modifiant le CPP.

* 77 Déclaration du 21 septembre 196 sur les conditions de détention en Afrique.

* 78 Cf. Journal officiel de la République du Sénégal, samedi 10 février 2001.

* 79 Rapport de la RADDHO, op-cit, p. 48.

* 80 Du riz avec du poisson sec (kéthiax) ou hareng (yaay boy).

* 81 Cf. Journal le Populaire, samedi 3 et dimanche 4 avril 2004, p. 5 (compte-rendu du document rendu public le 2 avril lors de l'ouverture du séminaire sur le programme sectoriel justice).

* 82 Par exemple en France , l'article 145-1 CPP, prévoit en matière correctionnelle un délai de 04 mois, un délai d'un an voire deux ans est prévu pour les personnes mises en examen criminelle (art. 145-2-CPP).

* 83 Art. 2 de la nouvelle loi n° 99-06 du 29 janvier 1999 modifiant l'article 55 du CPP.

* 84 Art. 2 de la même loi précitée.

* 85 L'homosexualité comme réalité carcérale a d'ailleurs été baptisé par les détenus : « Sararay kaso » littéralement : le remède de la prison.

* 86 Cf. art. 53 du décret précité sur la clé de répartition du pécule.

* 87 Jeannette BOUGRAB, Docteur en droit, ATER à l'Université Paris I.

* 88 Documents d'information des Nations-Unies, les droits de l'homme aujourd'hui, DPI/ 1998, P.55.

* 89 ANCEL, (M.), Op-cit, voir aussi Soyer (J.C), Droit pénal et procédure pénale, Paris, LGDJ, 9ème ed. 1992, p. 36.

* 90 MICHELET (E.), « Bilan d'une application du modèle occidental à la prison sénégalaise », RIPAS, n° 14, 1985, p. 470.

* 91 Sur le positivisme, voir Soyer (J. C), op-cit, p. 16.

* 92 Sur ces notions, se référer à la chronique du Professeur Raymond Gassin, « Les fondements juridiques de la réinsertion des délinquants en droit positif français ». rsc, n°1, janvier-mars 1996, pp. 155-182. Le Pr. Gassin note qu'avec l'expression « réadaptation sociale », on entre dans un vaste champ de synonymes de la « réinsertion » dont l'inventaire est indispensable. On trouve outre « réadaptation sociale », « réintégration dans la société », « amendement », « rééducation ».

* 93 In traité de droit criminel, Paris, 1984, p. 100.






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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci