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Les droits fondamentaux des détenus au Sénégal

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par El-Hadj Badara NDIAYE
Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrise droit privé 2003
  

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DEUXIEME PARTIE

L'INEFFECTIVITE DE LA PROTECTION

DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS AU SENEGAL

Le cadre juridique de la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal ainsi exposé ci-dessus est ambitieux et même généreux, il ne manque pas d'humanité Cependant, la ligne de partage entre le contenu de ce cadre juridique de protection et les réalités observées semble couler un rubicon tant l'écart est énorme. L'observation de ces réalités permettent de constater que l'inefficacité dans la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal est réelle. Si évidente que soit l'affirmation, elle ne manque pas cependant d'être nuancée. Ainsi, à quel niveau peut-on réellement appréhender l'ineffectivité de la protection, au niveau du bilan normatif, du bilan institutionnel ou au niveau du bilan conjoncturel ? Là est tout le débat.

En effet, la protection des droits fondamentaux des détenus est conditionnée par l'existence d'éléments mêlés dont la remise en cause de l'un influe sur tous les autres. Elle subit les soubressauts de son environnement qui reste lui-même marqué par de profonds déséquilibres. En fait, les ambitions avouées par le Sénégal dans un large éventail de normes juridiques perdent inexorablement leur contenu et ne deviennent en réalité qu'une protection de façade. Les nouveaux mécanismes de protection affirmés par le législateur à travers le renforcement des garanties judiciaires accordées aux détenus sont en train de se diluer dans un torrent de vices.

En tout état de cause, les droits fondamentaux des détenus au Sénégal sont donc bafoués de bien des côtés. Cependant, on permettrait une meilleure protection de ces droits en limitant au strict nécessaire les atteintes qui peuvent être portées à leur contenu. Pas en surfant sur la conjoncture mais en changeant fondamentalement de direction, c'est à dire en inscrivant des actions dans la durée autrement dit en tournant le dos à l'improvisation, en s'attaquant aux causes de leur violation et non en se focalisant sur leurs effets. C'est seulement dans ces conditions que les types d'actions prioritaires à engager pour une meilleure protection de ces droits seront crédités.

Dans cette perspective, une piste de réflexion, nous semble-t-il, peut-être trouvée à travers d'une part, (chapitre I) les efforts nécessaires à faire pour une meilleure protection de ces droits (Chapitre II).

CHAPITRE I - LES MANQUEMENTS CONSTATES DANS LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES DETENUS

Protéger les droits fondamentaux des détenus, c'est faire appliquer cordialement les textes nationaux et internationaux déjà votés et ratifiés par notre pays ; c'est revoir de manière critique les textes en vigueur pour qu'ils soient de vrais outils au service du bien-être des détenus ; c'est confectionner de nouveaux textes utiles afin de maintenir et de renforcer le détenu dans ses droits, sa dignité et sa valeur propre en tant qu'être humain.

Il paraît alors autorisé de se poser la question de savoir si les détenus au Sénégal sont traités avec « humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ? »

Répondre par l'affirmative c'est être à la limite de la diffamation. En effet, au regard des conditions de la garde à vue et de l'état des lieux des établissements pénitentiaires, une évidence saute aux yeux : l'existence de graves lacunes dans la protection des droits des détenus contrairement aux conventions, traités, règles minima et autres pactes relatifs au traitement des détenus.

Cependant, force est de reconnaître que les atteintes aux droits fondamentaux des détenus tirent leur origine dans d'autres facteurs sous-jacents aux conditions d'existence des détenus. Ces facteurs, qui bloquent ou limitent l'effectivité de la protection des détenus proviennent, pour l'essentiel, du manque de moyens des administrations judiciaire et pénitentiaire, des mentalités peu évoluées dans ce domaine et d'une législation pénale souvent inadéquate.

Dans cette perspective, il s'avère nécessaire d'étudier les facteurs de blocage dans la recherche de l'effectivité de la protection (section 1) avant de voir, plus amplement, les manquements constatés à travers les atteintes aux normes établies en matière de détention au Sénégal (section 2 ).

Section 1 - Les facteurs de blocage dans la recherche de l'effectivité

La protection et la promotion des droits fondamentaux des détenus dépendent de l'engagement de chaque Etat d'en assurer leur effectivité. Prescriptions et prestations sont les moyens pour parvenir à ces fins.

Les prescriptions se justifient par le fait que l'Etat détient le monopole de la contrainte physique légitime dont le pouvoir de punir n'est qu'une émanation. Le pouvoir législatif est le principal dépositaire de la détermination des exigences de la privation de liberté. Il vote les lois fixant les modalités de la détention par des propositions qu'il fait ou par des projets que le gouvernement dépose.

Cependant, les lacunes et les ambiguïtés des textes en matière de protection des droits des détenus constituent d'importants facteurs de blocage dans la recherche de l'effectivité attendue. A cela s'ajoute la modicité des prestations de l'Etat à l'endroit des citoyens privés de leur liberté. L'Etat n'est en réalité qu'une « corporation de services publics ». L'administration pénitentiaire est un service public, l'administration judiciaire en est un autre. Elles doivent assurer toutes les deux des prestations. Mais le manque de moyens qui fait l'unanimité de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire constitue un autre facteur de blocage dans l'application effective des droits accordés aux détenus.

Ainsi, les facteurs de blocage dans la recherche de l'effectivité de la protection des droits fondamentaux des détenus sont à la fois d'ordre administratif (parag. 1) et d'ordre juridique (parag.2 ).

Parag. 1 - Les facteurs d'ordre administratif

L'administration est chargée de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique pénale. Cette dernière est incarnée par ses différentes structures : l'administration judiciaire en amont et l'administration pénitentiaire en aval. Cependant, chacune de ces deux structures rencontre dans son rôle, d'énormes contraintes. L'impact de ces contraintes sur les droits fondamentaux des détenus n'est plus à démontrer mais à déplorer. Une piste de réflexion, nous semble-t-il, peut-être trouver à travers la faiblesse des moyens économiques et la faiblesse des ressources humaines caractérisant ces deux services.

A - La faiblesse des moyens économiques

Il fait l'unanimité de l'Administration pénitentiaire, de l'appareil judiciaire et des structures de contrôle et de surveillance des prisons. Dans ces conditions, la protection des détenus ne pourra pas être assurée avec efficacité.

1 - Au niveau de l'administration pénitentiaire

On ne peut pas étudier de manière pertinente la protection des droits fondamentaux des détenus en l'isolant des difficultés du service pénitentiaire. Ces difficultés de l'administration pénitentiaire dont la clé de voûte semble être l'aspect économique n'est pas déconnecté de la précarité des conditions e vie des détenus.

De même, on ne peut pas étudier de manière pertinente la protection des droits fondamentaux des détenus en l'isolant des autres services. Dans les prisons, comme dans la santé et l'éducation, se joue également l'effet ajustement, lisible dans la vétusté des locaux, leu insalubrité, leur déficit, la promiscuité dans laquelle vivent les gens, les maladies dont ils sont atteints etc. La seule différence c'est qu'on est indifférent à la situation des détenus, ou encore, on la trouve normale. En effet, peu de pressions sont exercées sur le gouvernement pour dépenser des ressources rares à l'amélioration du traitement des détenus. La situation économique explique sans doute l'état des prisons. Presque toute datent de l'époque coloniale. Les bâtiments étaient anciennement affectés à divers usages. Certains étaient des léproseries, des lazarets ou des écuries.79(*)

A titre d'exemple, au moment où le nombre des écroués croissent et que l'inflation bas son plein, le budget alloué à l'administration pénitentiaire diminue. C'est ainsi que le budget réservé au matériel s'élève à moins de 600 millions alors que les besoins sont estimés à un (01) milliard. Cette donnée est à prendre en compte pour bien comprendre le cri de famine et de détresse des détenus de ziguinchor ou de Reubeuss, pour bien comprendre que l'ordinaire du détenu peut être le « diagan »80(*) ou le « youko » tant que le taux alloué sera 340 fcfa/ jour/prisonnier, là où la norme admise est le double soit 740 fcfa/jour/prisonnier. Du côté des gardes pénitentiaires, le constat n'est guère plus reluisant, il y a un fusil pour neuf agents, un pistolet automatique pour quinze gardes pénitentiaires, là où un seul d'entre eux s'occupe de huit détenus.81(*)

Cette faiblesse des moyens économiques existe aussi au niveau de l'administration judiciaire.

2 - Au niveau de l'administration judiciaire

L'indépendance de la justice dans un Etat démocratique Républicain a été inventé, comme le disait Montesquieu, pour créer un système de gouvernement modéré. Or il n'y a de respect des droits fondamentaux des citoyens que dans un gouvernement modéré. Cela suppose bien sûr qu'on donne les moyens à la justice de remplir aussi sa mission sans le cadre du contrôle de l'exécution des peines prononcées, c'est-à-dire en infrastructures et matériel, au plan financier (...). Certes, si l'on compare à d'autres pays qui sont dans les mêmes conditions de développement historique, le Sénégal a fait des avancées significatives mais nettement insuffisant. En effet, sur le plan des infrastructures, il n y a des villes où ce sont des maisons conventionnées qui ont servi de tribunal, avec des salles d'audience de moins de 30 m² (...). Si l'on prend le département de Pikine, le volume d'affaires est peut-être aussi important que celui de 3 ou 4 juridictions départementales réunies. Cette situation crée des retards concernant le nombre des audiences et engendre consécutivement l'encombrement carcérale dans la mesure où le plus grand nombre des détenus est constitué par les détenus provisoires en attente d'un jugement. La faiblesse des ressources humaines est aussi à la base de cet état de fait.

* 79 Rapport de la RADDHO, op-cit, p. 48.

* 80 Du riz avec du poisson sec (kéthiax) ou hareng (yaay boy).

* 81 Cf. Journal le Populaire, samedi 3 et dimanche 4 avril 2004, p. 5 (compte-rendu du document rendu public le 2 avril lors de l'ouverture du séminaire sur le programme sectoriel justice).

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo