WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'enseignement de la lecture en Afrique noire. Cas de quelques collèges de Brazzaville

( Télécharger le fichier original )
par Martin GUIMFAC
Université Marien Ngouabi - Diplôme d'études approfondies 1999
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3. La conduite des séances

La conduite des séances implique la mise en oeuvre des étapes constitutives de la leçon qui sont le contrôle des pré-requis, les acquisitions nouvelles et les activités d'évaluation. Quelle que soit la séance, l'évaluation pronostique (ou diagnostique) s'impose au début.

Ce contrôle n'est pas la traditionnelle révision de la dernière leçon sans lien logique avec celle du jour. L'évaluation pronostique porte sur la maîtrise des connaissances sans lesquelles, il n'est pas possible de suivre de façon heureuse l'objet d'apprentissage des acquisitions nouvelles.

Nous avons indiqué précédemment qu'en lecture, le contrôle des pré- requis est une sorte d'anticipation sur le texte. Elle porte soit sur les sources, soit sur le thème du texte d'étude ou même sur le titre, lorsqu'il est idéologique c'est-à-dire lorsqu'il éclaire, motive ou crée des attentes stimulantes.

La conduite de la séance varie selon qu'il s'agit de la lecture expliquée ou de la lecture suivie et dirigée. Même si nous avons montré les limites du découpage traditionnel lecture expliquée d'une part, et lecture suivie et dirigée d'autre part, nous le maintenons tout de même pour les besoins d'analyse car il a encore cours dans les classes en Afrique noire à l'heure actuelle.

A. Conduite de la séance de lecture expliquée

L'essentiel en classe de 3ème est de faire de l'apprenant un lecteur actif et capable, à partir des textes qui deviennent plus complexes, de repérer des détails pour les transformer en indices, de formuler des hypothèses y compris à propos d'un texte argumentatif simple, de construire le sens en mobilisant des savoirs et des références culturelles.

Pour ce faire, nous partageons l'avis des auteurs d'Enseigner le français au collège et au lycée (1996) qui propose le déroulement suivant :

- la perception globale du texte ;

- l'analyse de détail ;

- la synthèse des remarques103(*).

En effet, la perception globale fait référence à l'introduction, la lecture magistrale, la lecture individuelle et la vérification de la compréhension globale du texte. L'introduction vise la situation et la présentation de l'auteur du texte. Elle contribue par ailleurs à la mise en place de la culture littéraire de l'apprenant.

Une culture littéraire se constitue par la fréquentation régulière des oeuvres. Elle suppose une mémoire des textes, mais aussi de leur langue, une capacité à retrouver, chaque fois qu'on lit, les résonances qui relient les oeuvres entre elles. Elle est un réseau des références autour desquelles s'agrègent les nouvelles lectures.

Si l'on souhaite que les adolescents de la classe de 3ème puissent adopter un regard réflexif sur ce qu'ils lisent, il est nécessaire que dès la classe de 4ème qu'ils aient constitué un capital de lecture sans lequel l'explication de texte resterait un exercice formel.

Constituer un capital de lecture suppose qu'ils aient visité de nombreux auteurs illustres de la littérature française, de la littérature africaine, de la littérature de jeunesse et particulièrement ceux qui font autorité dans leur genre.

Le tableau chronologique de la page suivante, peut permettre à un apprenant de collège et particulièrement celui de la classe de 3ème d'enregistrer ses premières notions de mise en perspective littéraire historique.

Savoir

Epoque

Moyen âge

XVIè siècle

XVIIè siècle

XVIIIè siècle

XIXè siècle

XXè siècle

XXIè siècle

Texte...

OEuvre...

Auteur...

OEuvres du même auteur....

 
 
 
 
 
 
 

La lecture magistrale désigne celle du professeur. Elle doit être sobre mais expressive car elle traduit son degré de compréhension du texte. Elle favorise la compréhension du texte par les apprenants car un texte bien lu est à moitié expliqué, prétendent les pédagogues.

La lecture individuelle indique celle des apprenants. Il serait bon qu'elle soit suscitée par une consigne précisant la tâche à réaliser. Par exemple, « lire silencieusement le texte afin de relever les noms des personnages et ce que fait chacun d'eux ».

La vérification de la compréhension globale du texte permet au professeur de s'assurer que le texte a été effectivement lu par les apprenants. Il convient que cette vérification conduise le professeur à faire indiquer le type de texte et ses caractéristiques, le genre littéraire auquel il appartient, le thème et le centre d'intérêt, ou à faire faire un résumé de l'action.

Après la perception globale du texte, intervient l'analyse de détail. Elle vise prioritairement le repérage des indices de sens (personnages, idées-clés, événements, intention et circonstances de communication, enchaînements des événements...), des indices d'articulation logique (mots de liaison) ainsi que ceux d'articulation rhétorique (figures de style) aux fins de cerner le texte dans son fond et dans sa forme car l'analyse doit faire des éléments constitutifs du texte le matériau de la communication et non des fins en soi. A ce stade, le texte est subdivisé en ensembles ayant chacun une unité de signification appelés séquences. L'étude de chaque séquence se déroule ainsi qu'il suit :

- lecture individuelle de la séquence ;

- réalisation de la tâche relative à ladite séquence ;

- résumé.

Il est nécessaire de réaliser, à l'occasion de l'étude de chaque séquence une évaluation formative104(*) qui, au fil du développement du cours révèle les difficultés des apprenants, oriente et facilite les réajustements nécessaires. Elle permet par ailleurs de limiter les effets négatifs des mauvaises notes sur les apprenants, en particulier leur impact démotivant.

Enfin, la synthèse des remarques comprend quatre étapes :

- la mise en évidence de la structure ou le plan du texte ;

- la formulation de l'idée principale ou la dominante ;

- le résumé du texte par une illustration ;

- la relecture finale du texte.

L'évaluation, étant une mise à l'épreuve pour l'apprenant et une confrontation entre le but poursuivi et le résultat obtenu, est étroitement liée à tout acte d'enseignement-apprentissage. Elle permet de :

- juger l'apprenant et d'apprécier son degré de réussite ;

- fournir à ses parents (ou tuteurs), à l'administration et à la société le bilan des efforts et les possibilités de l'apprenant ;

- apprécier l'efficacité des méthodes pédagogiques ainsi que des supports pédagogiques et didactiques.

Ainsi, à la fin de la séance l'évaluation sommative permet de mesurer le degré d'acquisition de connaissance et d'atteinte de l'objectif, c'est-à-dire vérifier que l'objectif est atteint partiellement, totalement, ou pas du tout. Pour être valide, l'item d'évaluation doit être en congruence avec l'objectif visé et refléter la substance des savoirs et savoir-faire capitalisés au cours de la séance.

A cet effet, il convient de privilégier la mesure à interprétation critériée au détriment de celle à interprétation normative et de respecter les étapes de la démarche évaluative. La mesure à interprétation critériée permet de juger la performance de l'apprenant non pas par rapport à celle de ses camarades mais par rapport à un seuil de performance préalablement établi.

La mesure à interprétation normative consiste à comparer la performance de l'apprenant à celle de ses camarades et du groupe auquel il appartient. Cette interprétation aboutit à des décisions de type classement ou sélection.

La démarche évaluative comprend la mesure, le jugement et la décision qui peut être soit d'ordre pédagogique, soit d'ordre administratif. La mesure consiste à assigner un nombre à un évènement selon une règle logiquement acceptable. C'est l'étape au cours de laquelle des informations utiles reliées à l'objet d'évaluation sont recueillies, puis organisées en prévision de leur interprétation.

Le jugement consiste à émettre un avis par des appréciations sur la performance de l'apprenant, sur la valeur de son travail. Il s'agit à cette étape de se prononcer sur la situation de l'apprenant lorsque l'enseignant la considère comme satisfaisante ou non, en tenant compte des résultats de la mesure et de diverses considérations pertinentes.

La décision consiste, sur la base de la mesure et du jugement à prononcer soit le passage en classe supérieure ou le redoublement, soit le renvoi d'un apprenant dont le travail s'avère insuffisant ou l'octroi d'un diplôme en classe de 3ème à un apprenant dont le travail est jugé satisfaisant.

La discussion socioculturelle que nous proposons à la fin d'une séance de lecture est l'occasion de faire discuter les apprenants et particulièrement les adolescents sur la manière dont ils vivent les problèmes exposés dans le texte.

Par exemple, s'il est énoncé dans un texte que l'anophèle femelle transmet le paludisme, la discussion socioculturelle doit pouvoir amener les lecteurs à prendre les résolutions afin de changer de comportement. Après l'étude d'un tel texte, les apprenants devraient être amenés à curer les caniveaux le long de leur rue, tout au moins devant leur maison d'habitation, à protéger les puits et les latrines, à débarrasser leur concession des boîtes de conserve vides qui constituent ordinairement les gîtes à moustiques.

L'exploitation ultérieure doit donner l'occasion aux apprenants de prolonger le travail sur le texte et plus généralement sur l'écrit après les classes car en Afrique noire les occasions de lecture et d'exploitation de l'écrit ne sont pas nombreuses.

Comme à la fin de la classe de 3ème, certains apprenants s'engageront vraisemblablement dans la vie active et d'autres poursuivront leurs études au lycée, il convient d'armer les premiers pour en faire des lecteurs autonomes. La perspective d'entrée au lycée doit inciter à installer chez les seconds tous les pré-requis linguistiques et culturels nécessaires à une étude proprement littéraire des textes.

Ainsi, il est nécessaire de familiariser les apprenants de la classe de 3ème avec les deux modalités de lecture en usage dans la vie active : la lecture compréhension et la lecture communication.

Enfin, nous nous demandons et à juste titre d'ailleurs si on peut mettre en oeuvre de façon heureuse les programmes par objectifs en s'aidant des méthodes requises pour l'application des programmes par listes de contenus. Ce type de programme consacre le cloisonnement des disciplines et favorise la logique interne des disciplines alors que de nos jours, c'est le décloisonnement et l'interdisciplinarité qui sont envisagés dans le cadre de la mise en place des compétences transversales qui doivent favoriser à leur tour l'émergence des compétences de vie courante.

Les programmes par objectifs concernent les capacités à installer chez les apprenants. Il s'agit de susciter les processus mentaux de l'apprenant en vue de la mobilisation des capacités nécessaires à la manifestation de la compétence que vise l'objectif poursuivi.

Nous précisons que pour pallier le morcellement des apprentissages qu'implique l'approche par objectifs, il est utile de recourir aux tâches d'intégration ou à l'approche par compétences. La tâche d'intégration désigne une activité de synthèse qui mobilise plusieurs compétences appartenant à des champs disciplinaires parfois différents. Elle vise un enseignement décloisonné. Elle ne se contente pas de juxtaposer diverses capacités liées aux différentes composantes (orthographe, grammaire, conjugaison, vocabulaire, étude de texte).

En revanche, la tâche d'intégration relie ces diverses composantes entre elles, elle les associe et les fédère en fonction de l'objectif commun pour aboutir à une production écrite le plus souvent et éventuellement orale.

L'approche par compétences vise le développement global de l'apprenant, celui-ci pouvant s'éduqer lui-même. Elle a le mérite de viser l'installation chez l'apprenant de l'aptitude à mobiliser un ensemble de savoirs, de savoir-faire et de savoir être intégrés et appropriés pour résoudre des problèmes. Elle introduit le principe de situation et de famille de situations, se révèle proche de l'apprenant et donne du sens aux apprentissages que ce dernier réalise.

L'énoncé d'une compétence comporte l'activité, l'objet et la famille de situations en ce qui concerne une compétence générale ou une situation précise dans le cadre d'une compétence située. La classe de situations désigne l'ensemble de situations concernant un même objet ou plusieurs objets appartenant au même domaine. La situation désigne l'ensemble de circonstances qui appartiennent à une famille de situations.

L'activité renvoie à ce que l'apprenant doit faire pour traiter une situation. La mise en oeuvre d'une compétence suppose la disponibilité d'un certain nombre de ressources : elles sont de deux ordres :

- Les ressources internes comprennent les ressources cognitives (connaissances), les ressources connatives (dispositions mentales à réaliser la tâche), les ressources corporelles (tout ce qui au niveau physique permet d'entrer dans l'activité à réaliser).

- Les ressources externes concernent les savoirs codifiés (savoirs contenus dans le programme d'étude), les ressources matérielles, les ressources spatiotemporelles et les ressources humaines.

Les méthodologies d'application des programmes par listes de contenus nous paraissent anachroniques pour la mise en oeuvre des programmes axés sur les objectifs. Les méthodes actives et participatives paraissent les plus adaptées à la mise en oeuvre des programmes par objectifs. L'approche par compétences requiert quant à elle la méthode constructiviste.

Dans une perspective de construction des connaissances, il s'agit de proposer une approche constructiviste qui accorde une priorité particulière au caractère actif de l'apprenant par rapport aux objets d'apprentissage, c'est-à-dire des savoirs codifiés.

Nous définissons avec Piaget (1963) la dimension constructiviste du développement des connaissances à travers le double processus d'adaptation : l'assimilation et l'accommodation105(*).

Il faut le rappeler, l'assimilation désigne l'action de l'individu sur les objets qui l'entourent en fonction de ses connaissances et de ses aptitudes. L'accommodation quant à elle, fait référence à l'action du milieu sur l'organisme qui déclenche des ajustements actifs chez le sujet. Ainsi donc, pour Piaget :

L'apprentissage est une modification des structures internes de l'organisme106(*).

Le constructivisme que requiert l'approche par compétences peut prendre des connotations différentes, allant du constructivisme radical au constructivisme social en passant par le constructivisme écologique et bien d'autres encore.

Pour élaborer les stratégies d'enseignement-apprentissage dans la perspective de la mise en oeuvre d'un programme par objectifs ou par compétences, il est utile de tenir compte de l'intention pédagogique, de la situation dans laquelle va s'exercer l'objectif ou la compétence, du type de savoir à solliciter, des capacités et des besoins réels des apprenants ainsi que des ressources à mobiliser.

Il ne s'agit donc pas d'établir un cadre général qui ne saurait contenir tous les moyens de mise en oeuvre de tous les objectifs de lecture. On ne peut étudier de la même façon et en utilisant les mêmes outils une poésie et une scène de théâtre ou un texte relevant du schéma narratif. Aucune approche méthodologique ne saurait être valable pour tous les enseignants, adaptée à tous les apprenants et convenable à toutes les situations d'enseignement-apprentissage.

Nous rappelons que la méthode d'enseignement est un ensemble de conceptions pédagogiques liées à des finalités éducatives. On ne peut imaginer une méthodologie générale, indépendante de l'objet à enseigner et du contexte de réalisation de l'enseignement-apprentissage. Dans le triangle didactique, le pôle des savoirs oriente la méthode. On l'appelle action didactique pour souligner la multiplicité des variables qui entrent en jeu dans la démarche et la variété des choix possibles.

La méthodologie désigne l'ensemble de méthodes scientifiques et techniques, ainsi que des outils issus d'une culture professionnnelle. L'enseignement fait référence au processus de transmission de connaissances et de savoirs extérieurs au sujet apprenant. Les enseignants, pour être efficaces, doivent savoir qu'ils éduquent autant qu'ils enseignent et que les apprenants ont des profils et des styles d'apprentissage différents. Il revient donc aux enseignants de faire appel à des stratégies didactiques et pédagogiques diverses pour atteindre tous les « types » d'apprenants et répondre par la même occasion à leurs divers besoins d'apprentissage.

Du côté des apprenants, nous notons que l'intériorisation se fait par l'apprentissage, la pratique et la résolution de problèmes de lecture sur le terrain. Nous avons indiqué, à l'occasion de la définition des concepts, que l'enseignement et l'apprentissage vont de pair parce que les uns enseignent et les autres apprennent. D'où les binômes enseignement-apprentissage et enseigner-apprendre.

En dépit de l'existence de ce binôme, nous ne devons pas perdre de vue que « apprendre » est un processus complexe et qui se trouve parfois outrageusement simplifié au point de confondre l'enseignement et l'apprentissage. Il convient de noter que tout ce qui est enseigné est loin d'être appris, tellement les facteurs qui interviennent dans l'apprentissage sont multiples. Il y a des facteurs internes à l'apprenant. Ils vont de l'hérédité de l'intelligence « innéisme », du sexe, de la structure mentale, et des représentaions individuelles, à la perception des manières d'apprendre.

En dehors des facteurs internes à l'apprenant il y a aussi des facteurs qui lui sont externes notamment les infuences familiales et les influences sociales.

En somme, décrire une action didactique c'est planifier le contenu à enseigner (objectif didactique) en tenant compte des besoins de l'apprenant, des contraintes institutionnelles et matérielles, de la situation d'enseignement-apprentissage, du style de l'enseignant, des ressources, des supports utilisés (manuel, ordinateur, vidéo etc.), du profil et de l'activité des apprenants.

* 103. IPAM (1996), op. cit. pp. 35 -36.

* 104. Cf. supra Pratiques pédagogiques actuelles, p. 27.

* 105. Jean, PIAGET (1987), La psychologie de l'intelligence, Paris, Armand Colin, pp. 133 -134.

* 106. Piaget J., 1935, La naissance de l'intelligence chez l'enfant, Paris, Delachaux et Niestlé, p.123.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams