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Image photographique, expression, communication et interactions orales en classe de français enseigné comme langue seconde d'hôte. Un atelier photographique réalisé au sein de l'association pour la solidarité avec les travailleurs immigrés d'Aix- en- Provence

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par Pablo Carreras
Université Aix- Marseille ( IUFM ) - Master métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation 2012
  

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    IUFM - Université Aix-Marseille

    MEMOIRE DE MASTER 2 MEEF

    UE 46

    Pablo CARRERAS

    Image photographique, expression, communication et interactions orales en classe de français enseigné comme langue seconde d'hôte.

    Un atelier photographique réalisé au sein de l'Association pour la Solidarité avec les Travailleurs Immigrés d'Aix-en-Provence.

    Tutrice de mémoire : Brigitte BRUNET, PIUMF

    Maitre de stage : Josette MISRAKI, Présidente de l'ASTI d'Aix-en-Provence

    Année universitaire 2011/2012

    Remerciements

    Je tiens à adresser mes sincères remerciements à Madame Josette MISRAKI (Présidente de l'ASTI d'Aix-en-Provence) ainsi qu'à l'ensemble des formateurs-formatrices et du personnel de l'association qui, au-delà de leur accueil et de leur bienveillance, m'ont permis de réaliser ce travail et de m'épanouir dans cette voie.

    Je remercie également Anita pour l'aide qu'elle a su m'apporter au moment de la réalisation de cet atelier photographique.

    Mes remerciements vont également aux apprenants de l'ASTI, et plus particulièrement aux personnes ayant volontairement participé à mon dispositif alors que le temps était aux vacances scolaires. Travailler ensemble dans un tel respect mutuel n'est pas chose si commune dans le monde de l'enseignement et de la formation.

    Je remercie pour son soutien et sa patience Madame Brigitte BRUNET, ma tutrice de mémoire.

    Mes remerciements vont également à Madame Carol BATTISTINI et à Monsieur Guy OLIVERI pour leur soutien initial dans ma volonté d'intégrer cette unité d'enseignement.

    Enfin, j'adresse mes remerciements aux personnes qui ont pris le temps de m'aider, de m'écouter et de m'aiguiller dans mes recherches et dans l'élaboration de ce mémoire.

    « Le langage fait un usage infini de moyens finis. » (Wilhelm VON HUMBOLDT)

    Sommaire

    Introduction 3

    1. Le cadre théorique de l'étude 3

    2. Le contexte général de l'étude 3

    3. Une problématique : susciter l'expression personnelle, la communication et les interactions orales en classe de FLSH 3

    4. Le cadre méthodologique 3

    5. L'analyse des données 3

    Conclusion 3

    Bibliographie 3

    Table des index 3

    Table des annexes 3

    Table des matières 3

    Annexes 3

    Introduction

    Terre d'accueil, d'asile et d'immigration, la France possède au sein de sa population, selon une estimation 2010 de l'Insee1(*), 3.7 millions d'étrangers, soit 5.8 % de la population totale. L'étranger se définit, alors, comme une personne non citoyenne du pays dans lequel elle réside, cela incluant les apatrides.

    Une réalité sociale et sociétale émerge de cet état de fait : de nombreux migrants se retrouvent en situation de déséquilibre ou d'exclusion sociale du fait d'une méconnaissance, ou d'un savoir trop partiel, de la langue du pays d'accueil.

    L'apprentissage de cette nouvelle langue, dite cible, peut alors permettre une meilleure intégration des personnes migrantes au sein de la société. Corollairement, l'accès à l'éducation fait partie intégrante des droits internationaux relatifs aux droits de l'homme tels qu'édictés par la Déclaration universelle des droits de l'homme (article 26) adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 (Hénaire & Truchot, 2003, p. 58). En 1960 et 1966, dans sa Convention relative à la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement et sa Recommandation concernant la condition du personnel enseignant, l'Assemblée réaffirme ce droit (Ibid.). Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoit dans son article 14 (alinéa 1), relatif au Droit à l'éducation, que « toute personne a droit à l'éducation ainsi qu'à l'accès à la formation professionnelle et continue » (Parlement européen, 2000, p. 7).

    Suivant une approche socioconstructiviste, nous étudierons la perspective d'un enseignement du français aux adultes étrangers en tant que langue d'expression personnelle, de communication et d'interaction. Se pose, de ce fait, la question de la didactique à mettre en oeuvre afin de soutenir cette approche : quel dispositif, quel outil, quelle configuration ?

    Nous nous interrogerons, dès lors, au cours de ce présent mémoire de recherche professionnelle, sur la capacité de l'image photographique à déclencher le langage verbal et l'expression personnelle, sur la réalité des enjeux communicationnels et interactionnels en classe de langue et sur l'appropriation langagière afférente. Ces thématiques, dont procède notre problématique, seront étudiées au travers d'une revue de littératures tant scientifiques, philosophiques, sociologiques que professionnelles et placées dans un contexte déterminé : une mission professionnelle au sein de l'Association pour la Solidarité des Travailleurs Immigrés (ASTI) qui prodigue des cours dits de français langue étrangère (FLE) et d'alphabétisation à des adultes principalement migrants. Enfin, une analyse effective de nos données, méthodologiquement recueillies, tendra, pour conclure, à répondre à la problématique et aux hypothèses soulevées.

    1. Le cadre théorique de l'étude

    1.1. L'image photographique comme déclencheur langagier

    1.1.1. L'image en relation avec l'être et son langage

    Nous n'étudierons pas, en l'espèce, l'exhaustif historique de l'utilisation de l'outil image comme déclencheur du langage verbal en relation avec l'être, phénomène initié au cours du XXème siècle. Nous noterons, cependant, que si les théories behavioristes considéraient l'image comme une « chimère dépourvue de la moindre signification fonctionnelle dans le comportement » (Denis, 1989, p. 40), les concepts cognitivistes tentaient, quant à eux, de réintroduire l'image dans les problématiques psychologiques en la rattachant, à l'instar du langage, à la fonction symbolique (Ibid., p. 43). Langage et image peuvent être, ainsi, liés ; tous deux tendent à confronter l'humain à son intime, à ses pensées, à son être.

    Explicitée par BOURRET et FARQZAID, la pensée barthésienne souligne le pouvoir de séduction exercé par les images sur les individus (Bourret, 1982, p. 189), sa « portée dionysiaque » et « le rapport, si intime, entre l'image, la vie et le mythe » (Farqzaid, 2010, p. 189). De plus, « la photographie constitue une image qui conduit à la connaissance de soi et de l'Autre » (Ibid., p. 15), qui unit l'individu au monde, qui lie l'être humain à ses réflexions intérieures, à des images extérieures et à des mots (Baptiste, 2011 ; Bélisle, 2010, p. 166). VALERY (cité par Merleau-Ponty, 1960a) parle, ainsi, du « peintre qui apporte son corps », soit de l'auteur qui se définit structurellement et émotionnellement en son temps en produisant ses actes d'expression et en communiquant par l'image picturale. Par l'introspection, l'image, à l'instar du langage « miroir de l'esprit » (Chomsky, 1975/1981, p. 13), renseigne l'auteur sur lui-même. Par la diffusion de sentiments individuels, elle renseigne ses récepteurs sur l'auteur. Elle va également au-delà, par un effet de miroir et de réflexion, en les renseignant sur leur propre condition (Citterio, Lapeyssonnie & Reynaud, 1995, p. 70). L'image dispose alors de la capacité d'unir les êtres, de les faire échanger par le langage, qu'elle sous-tend et, de ce fait, qu'elle permet de déclencher (Muller, 2012).

    1.1.2. L'image comme outil didactique en classe de langue

    Au cours du XXème siècle, des courants de la didactique des langues ont placé l'image au centre de leurs préoccupations professionnelles et scientifiques. Le courant structuro-globale audio-visuel visait, ainsi, à placer les apprenants dans des situations où l'image se révélait prégnante tant dans la traduction des énoncés que dans le travail de production (Muller, 2009b, p. 175). D'autres auteurs (DE MARGERIE, YAICHE...) ont, par la suite, suivi cette perspective et ont mis en place « des activités originales à partir de photographies » (Ibid.).

    Suivant ces perspectives didactiques, l'image peut être utilisée comme support afin de susciter la communication verbale. En effet, selon VIALLON (2002), l'outil iconographique est susceptible d' « inciter les apprenants à s'engager entièrement (émotions, sentiments) et à être réceptifs aux interactions avec les autres » (p. 56). De plus, « en raison de son caractère non discursif2(*) [...] l'image est immédiatement accessible et peut être commentée par des locuteurs, quel que soit leur niveau de compétence dans la langue cible » (Muller, 2012). La photographie apparaît alors comme un déclencheur, un objet de médiation et « une incitation à penser » (Bélisle, 2010, p. 166) qui favorise, dès lors, l'éclosion du langage et la quête de sens. BOURRET (1982) présente « les avantages généraux de l'utilisation de l'image en cours de langue étrangère » en ces termes :

    « - adéquation parfaite de la langue au niveau du groupe, - focalisation de l'attention de tous sur un point [...] mais en revanche, - personnalisation des réactions dans la mesure où chacun peut être accroché par un détail différent, - progression relativement facile, de la photographie univoque à l'image polysémique, - possibilité de trouver de nombreux documents inducteurs de réactions, - une adéquation entre niveau de compréhension et maturité des apprenants. » (p. 178)

    Nous notons que l'auteur privilégie l'usage de l'image et des documents iconographiques en ce qu'ils rendent les apprenants « plus attentifs aux propos des autres » (Ibid., p. 182). En effet, l'absence de document écrit place le groupe classe dans une situation où « personne ne sait à l'avance ce qui va être dit, d'où une meilleure écoute de l'autre » (Ibid.).

    1.1.3. L'image et le discours créatif

    La créativité renvoie à « la capacité d'imaginer et de donner forme à des idées, des choses », elle permet d'élaborer « des solutions inédites, originales, efficaces à des problèmes » (Aden, 2009, p. 173). ADEN (Ibid.) décline alors sa pensée relativement à l'acte de parole et précise que

    « Parler est en soi un acte créatif puisque nous varions à l'infini notre discours au moyen d'un nombre fini de mots et de structures dans des situations jamais identiques. Pour donner forme à nos intentions et nos idées, nous combinons des stratégies verbales, non verbales, nous imaginons des métaphores, des images, des analogies, nous utilisons l'humour et surtout des histoires. » (p. 174)

    La créativité est ainsi subordonnée à l'existence d'un problème que l'individu se propose de résoudre par l'expression langagière. Pour ce faire, il repère, sélectionne et combine des informations ou indices afférents à l'environnement du problème étudié, il se réfère à des situations qu'il juge comparables ou analogues (Lubart, 2003, pp. 17-19). LUBART signale, toutefois, que la créativité se trouve assujettie aux traits de personnalité et aux émotions de chacun (Ibid., chap. 3 et 4).

    L'élaboration, en 1968, de la méthode Photolangage, destinée dans un premier temps à des publics adolescents, puis déclinée aux mondes de la formation pour adultes et de la recherche universitaire (Baptiste, 2011), utilise le support photographique pour inciter « à l'expression écrite et orale, à la créativité » (Baptiste et al., 1991, cités par Muller, 2009a, p. 93). Ainsi, en association avec une thématique donnée, il s'agit pour les participants au dispositif de choisir une ou plusieurs photographies et de commenter verbalement leur rapport personnel à l'image (Baptiste, Ibid.). L'auteur souligne :

    « Les photographies, choisies pour leur forte puissance suggestive, leur capacité projective, leur qualité esthétique et leur valeur symbolique, viennent stimuler, réveiller les images que chacun porte en soi [...] Le fait de prendre conscience de ses propres images et de pouvoir en discuter dans un groupe peut amener [...] un développement de la sensibilité imaginative. » (Ibid.)

    Une telle approche confronte, dès lors, les individus aux fonctions de projection de l'image et permet le déclenchement d'une expression personnelle créative (Muller, Ibid., p. 103).

    1.2. S'exprimer, communiquer et interagir oralement en classe de langue

    1.2.1. Les enjeux de la communication et de l'expression verbales

    Un message est dit verbal lorsque ce dernier est réalisé dans une symbolique écrite ou orale (Jakobson, 1963/1981). L'auteur élabore alors un schéma de la communication verbale mettant en exergue ses facteurs constitutifs et les fonctions afférentes.

    Index 01 : Schéma de la communication verbale par Roman JAKOBSON (Ibid.)

    Il y a, de ce fait, communication lorsqu'il y a transmission d'un message d'un sujet (destinateur) à un autre (destinataire). La compréhension du message sous-tend, par ailleurs, le partage partiel ou total, entre les différentes parties, d'un code commun.

    S'exprimer et communiquer tend à faire parvenir chaque individu à l'humain (Breton, 2003, p. 25), être social et socialisé pris, dès sa naissance, dans une dynamique de partage du monde avec l'autre. C'est, en effet, « dans les autres que l'expression prend son relief et devient vraiment signification » (Merleau-Ponty, 1960b, p. 53). En relation avec la pensée de BRETON et de MERLEAU-PONTY, la fonction expressive, définie par JAKOBSON, relative à l'émetteur du message, permet à chacun d'informer l'autre sur sa propre identité (Benveniste, 1974, p. 95), sur ses opinions et son être. Par l'expression d'une subjectivité explicite ou implicite (Kerbrat-Orecchioni, 1980/2009, pp. 167-170)3(*), le locuteur affecte son énonciation de marqueurs (tels les verbes subjectifs) qu'il lui importe d'échanger avec l'autre, et s'inscrit dans la réalité conative du discours (Ibid., pp. 113-132). Communiquer verbalement est, donc, un acte qui tend à dépasser les limites du soi et du pour soi pour s'intéresser à l'autre, qui transforme une dualité originelle en une possible union. HEIDEGGER (1959/1976) écrit, ainsi, que « parler n'est pas en même temps écouter ; parler est avant tout écouter » (p. 241). Les identités révélées se confrontent et se co-construisent alors dans une situation dialogique dont MERLEAU-PONTY (1945) narre les enjeux interpersonnels :

    « Dans le dialogue présent, je suis libéré de moi-même, les pensées d'autrui sont bien des pensées siennes, ce n'est pas moi qui les forme, bien que je les saisisse aussitôt nées ou que je les devance, et, même, l'objection que me fait l'interlocuteur m'arrache des pensées que je ne savais pas posséder, de sorte que, si je lui prête des pensées, il me fait penser en retour. » (p. 407)

    Relativement à sa fonction de communication (Vygotski, 1933/1985, p. 74), le langage verbal fraie un chemin (Heidegger, Ibid., p. 183) vers l'autre, avec qui il est, dès lors, possible d'entrer en relation et de partager ses représentations. L'être entier s'engage alors dans l'acte de parole qui, déployé, « épanouit l'ensemble de la personne » (Breton, 2003, p. 54).

    Néanmoins, l'engagement dans une situation de communication et d'expression verbales dans une langue étrangère impose aux individus un travail langagier et identitaire supplémentaire. Ces derniers doivent, en effet, dépasser les contraintes syntaxiques et lexicales de la langue cible (Vigner, 2009, p. 104) ; ils doivent également dépasser ce que CHAOUITE (2008) nomme « l'altérité secondaire », soit « l'altérité d'une seconde langue qui potentialise [...] l'identité des sujets dans une autre langue, la diffracte dans une dualisation de la mémoire (des mots et des traces) tout en la soumettant à une quête de son unité » (p. 67).

    1.2.2. La prégnance de l'oral dans les interactions communicatives entre apprenants en classe de langue

    L'interaction se définit comme « un ensemble d'actions sociales orientées vers la réalisation par les partenaires de buts interdépendants, qui constitue un épisode social » (Bange, 1992a). L'écrit et l'oral permettent ces activités communicationnelles entre individus. Néanmoins, l'acte de parole apparaît comme un moyen premier et privilégié pour communiquer avec l'autre, pour interagir avec lui et apprendre à produire verbalement, notamment dans le cadre d'une classe de langue où la langue cible de l'apprentissage est en même temps « langue de communication de la classe et support de l'interaction » (Champion, 2009, p. 41), « l'objet d'apprentissage et l'outil » (Moore & Simon, 2002). VIGNER (2009) souligne également que l'oral est « aussi une façon d'entrer en relation avec les autres » (p. 62). En effet, de telles interactions horizontales permettent une communication directe entre les apprenants (Vasseur, 2007, p. 28). Par l'échange oral et l'alternance des tours de parole (Kerbrat-Orecchioni, 2005, p. 112), ils doivent « adapter sans cesse leur message et coopérer mutuellement pour pouvoir se comprendre » (Champion, Ibid.), ils peuvent s'exprimer et prêter attention aux propos des autres (Muller, 2012), ils peuvent collaborer ou négocier en cas de désaccords, de malentendus (Kerbrat-Orecchioni, Ibid., chap. 2)4(*). Les interactions communicatives et l'oral se trouvent, de ce fait, intrinsèquement liés à une dynamique de co-locution, de co-construction et d'actions conjointes (Champion, Ibid. ; Traverso, 2005 ; Vigner, Ibid.). En ce sens, CHAMPION (Ibid.) préconise de favoriser et de valoriser la production de tels actes oraux en classe.

    1.2.3. L'implication des apprenants dans la communication

    L'existence d'un enjeu contextuel, auquel se réfère le message, est une condition sine qua non à toute situation de communication. Le contexte tend, en effet, à impliquer le message dans une réalité à laquelle le destinateur doit ou veut rattacher ses propos (Jakobson, 1963/1981). BANGE (1992b) souligne « qu'une stratégie de réalisation des buts de communication ne peut apparaître qu'en relation avec un but de communication préexistant, un but social substantiel ». L'implication effective des apprenants procède, dès lors, de l'existence d'un enjeu communicationnel que ces derniers désirent réaliser et ce en dépit des risques afférents à toute prise de parole en langue étrangère pour des locuteurs non-natifs (Ibid.).

    Nous notons l'existence de situations où l'apprenant, guidé par une initiative et un engagement discursif propres, s'inscrit sciemment dans la réalisation d'un objectif de communication, individuel et individualisant, « non planifié par le professeur » (Muller, 2012). MOORE et SIMON (2002) qualifient de « déritualisation » ce phénomène qui inscrit son initiateur dans une « prise de pouvoir discursive », dans une « reconfiguration de [son] territoire », dans un réengagement de son identité au-delà de son statut d'élève. Par cet acte, il redéfinit le « scénario engagé par l'enseignant », il change de manière délibérée les normes classiquement établies en cours de langue (Moore & Simon, Ibid.). Le recours à l'humour par les apprenants, de par sa « vertu relationnelle », relève également de cette même intention de « suspendre momentanément la relation déterminée par les statuts des participants », de s'impliquer en tant que sujet-personne dans la situation de communication (Bigot, 2005).

    Cependant, s'exprimer, communiquer et interagir oralement renvoient invariablement à « un cadre (contrat) psycho-socio-pragmatique » (Bromberg, 2007, p. 31), soit à des contraintes sociales qui peuvent se définir en termes de « vouloir dire » et de « pouvoir dire » (Charaudeau, 1995, cité par Bromberg, Ibid., p. 30). Tout individu peut, dès lors, pour des raisons inhérentes à sa personnalité (Traverso, 2005), « refuser de rendre effective la situation potentiellement communicative » (Bromberg, Ibid., p. 31), refuser la prise de risque langagière qu'elle sous-tend (Bange, 1992b).

    1.2.4. Le professeur de langue médiateur

    La médiation implique « les capacités de chacun, et notamment des plus démunis, à symboliser et à imaginer » (Chaouite, 2008, p. 59), elle permet de « renouer et [de] faire dialoguer les « vérités » ou les intérêts immédiats, symétriquement antagonistes, par l'intermédiaire d'un tiers » (Ibid.). En ce sens, le professeur de langue, dans son rôle de médiateur, tend au développement et à la conscientisation des personnes (Bélisle, 2010, p. 168). La gestion des rapports humains et sociaux à l'intérieur de la classe, « lieu socialisé, où s'établit un échange actif entre des partenaires ayant leur place dans l'interaction » (Cicurel, 2002), lui incombe de ce fait. Dans une logique de pédagogie de projet, il n'est plus l'unique détenteur des savoirs et sa conduite du projet doit se positionner au-delà des dérives « techniciste » et « spontanéiste » (Bensalem, 2010, p. 80). Par la mise en place de stratégies de guidage et d'étayage (Cicurel, Ibid.), par la reformulation et le questionnement (Bélisle, Ibid., p. 167), il fait accoucher les apprenants de leurs connaissances culturelles et langagières dans une démarche qui s'ancre dans la maïeutique de Socrate. Un tel cadre didactique privilégie l'implication identitaire des participants. Ses enjeux doivent, de ce fait, leur être préalablement explicités en vue d'obtenir leur adhésion effective, condition indispensable au bon déroulement du projet (Bélisle, 2010, p. 168).

    Une telle démarche de médiation peut être utilisée en classe de langue dans une perspective tant pédagogique (ou andragogique) qu'humaine afin de « rendre la parole à ceux qui ne l'ont pas, [de] leur permettre d'exister tels qu'ils sont, [de] respecter leur langage, tout en améliorant leurs facultés d'expression » (Bourret, 1982, p. 178).

    1.3. Vers une appropriation de la langue ?

    1.3.1. Appropriation et élaboration du message verbal

    · La subjectivité et l'implication de l'apprenant dans le message

    La situation de communication procède des relations qui s'opèrent entre l'émission du « je/moi » et son opposition au « tu/toi » et « au il/lui » (Benveniste, 1974, pp. 99, 200). L'inclusion du locuteur apparaît, dès lors, comme une condition sine qua non à l'expérience discursive : « une expérience humaine [qui] dévoile l'instrument linguistique [qui] la fonde » (Ibid., p. 68). BENVENISTE (1970) définit l'énonciation « comme un procès d'appropriation » au cours duquel « le locuteur s'approprie l'appareil formel de la langue et [...] énonce sa position de locuteur par des indices spécifiques » (p. 14). GIACOMI (2006) souligne ce même rapport entre usage et acquisition de la langue en précisant que par le « je » l'apprenant se pose « comme un être pensant et agissant par rapport aux autres et au monde » (p. 27). En s'exprimant alors en tant que sujet-personne, il se révèle « davantage susceptible de s'approprier les données qu'en étant limité à une identité d'élève » (Muller, 2012). De plus, en réorientant « le potentiel communicatif des enjeux discursifs », les différents phénomènes de déritualisation et d'engagement énonciatif permettent à l'apprenant « de redessiner les contours des interactions d'apprentissage », de redéfinir « les formes, les objectifs et les contenus » de la situation initiale et de s'approprier les données nouvellement cadrées (Moore & Simon, 2002).

    · L'expression personnelle créative dans le message

    Dans un contexte de classe de langue, contraindre des apprenants à créer verbalement « valorise la fonction poétique imaginative de la langue et encourage une implication personnelle » (Muller, 2009a, p. 103), les incite à « ouvrir et aiguiser leur liberté énonciative et discursive » (Beacco, 2007, p. 242). En effet, afin de donner forme à leurs idées, ils doivent convertir l'ensemble des inputs reçus, leurs analyses relatives et les émotions générées en mots (Aden, 2009, p. 175) ; ils doivent mobiliser leurs compétences langagières, qu'ils agencent dans un style propre, « caractère d'une prise de possession de la langue » (Benveniste, 1974, p. 100). De plus, la réalisation de tâches créatives permet de favoriser la prise de risque et de valoriser la confiance en soi tout en développant un apprentissage dans la langue cible (Aden, Ibid.). Ainsi, ADEN (Ibid.) soutient que

    "Maîtriser de mieux en mieux une langue c'est devenir de plus en plus créatif dans cette langue, l'un n'étant pas la conséquence de l'autre, mais les deux se renforçant dans une boucle rétroactive. » (p. 174)

    1.3.2. Appropriation et situations d'interactions communicatives

    Dans ses réflexions sur le langage, CHOMSKY (1975/1981, p. 24) associe acquisition langagière et expériences linguistiques. L'approche socioconstructiviste postule également un rapport intrinsèque entre celle-ci et les interactions sociales. BANGE (1992b) souligne, ainsi, l'existence d'un lien direct entre l'appropriation d'une langue et son usage en tant que langue de communication. En effet, l'apprenant en interaction doit mobiliser ses compétences langagières et s'en approprier de nouvelles pour répondre à la pression exercée par la situation de communication (Lambert, 1994) ; pour cela, il met en oeuvre « des stratégies cognitives de traitement de l'information, des stratégies de réalisation des pratiques langagières, des stratégies linguistiques et discursives » qui participent à son appropriation de la langue par le développement « de nouvelles capacités communicatives » (Véronique, 2007, p. 87).

    Concernant les situations d'apprentissage du français enseigné aux étrangers, VIGNER (2009) soutient que c'est par la prise de parole et les interactions afférentes que l'apprenant parvient à « intérioriser un certain nombre de formes de la langue » (p. 62). Sa pensée est appuyée, en ce sens, par CHAMPION (2009), pour qui la communication permet le développement de « procédures de répétition, de reformulation, d'explication » qui participent à un apprentissage métalinguistique (p. 41), et par GIACOMI (2006), qui définit l'appropriation langagière en interaction en termes de capacités dont doivent faire preuve de manière progressive les apprenants :

    « la capacité à référer à soi par rapport aux autres, c'est-à-dire la possibilité d'établir des relations interlocutives [...] ; la capacité à référer au temps, par l'établissement de relations d'antériorité et de postériorité [...] ; la capacité à référer à l'espace [...] au moyen d'adverbes et de prépositions [...] ; la capacité à référer aux personnes, aux objets et aux entités [...] ; la capacité à établir des relations intra- et inter-syntagmatiques au moyen de connecteurs et de conjonctions ; la capacité à prendre plus ou moins de distance par rapport à son propre discours et au discours de l'interlocuteur [...] ; la capacité, enfin, à maintenir une cohérence et une cohésion dans la conduite des interactions. » (p. 27)

    Ainsi, à travers la réalisation d'une tâche dialogique en cours de langue, l'apprenant expérimente et peut apprendre « à interagir de façon authentique dans la langue cible » (Muller, 2012). L'interaction communicative permet, dès lors, de recueillir et d'intégrer des savoirs qui n'auraient pu voir le jour sans l'échange (Dubost, 2009, p. 130), qui pourront être réutilisés a posteriori (Merleau-Ponty, 1945, p. 407) et consolider l'interlangue des apprenants (Muller, Ibid.).

    Favorisation de l'éclosion d'un message tant personnel que créatif, promotion des interactions communicatives et appropriation de la langue peuvent donc être corrélées. Néanmoins, les mécanismes d'apprentissage d'une langue étrangère varient selon les capacités cognitives de l'individu. LAMBERT (1994) expose cet état en termes d'aptitudes individuelles « à la discrimination perceptive, à la faculté d'induction, à la conservation en mémoire et à la sensibilité grammaticale ». Chaque apprenant dispose d'une capacité linguistique propre qui lui permet un apprentissage plus ou moins rapide et efficient en fonction de sa faculté, modelée par ses connaissances en langue maternelle, à « traiter les données du langage, [à] les coder et [à] les mémoriser » (Ibid.).

    2. Le contexte général de l'étude

    2.1. L'ASTI, l'associatif au service des adultes migrants

    La construction identitaire et l'inclusion effective d'une personne en milieu exolingue5(*) relèvent d'une problématique sociétale qui touche pleinement les populations migrantes sur l'ensemble des territoires internationaux. Il apparaît, en effet, difficile de s'affirmer individuellement, de s'insérer socialement et culturellement dans une société qui pratique des codes langagiers différents de ceux plus ou moins anciennement acquis dans un contexte culturel et social autre. Le monde environnant influe sur la personne. De ce fait, une incapacité à se projeter pleinement dans l'expression verbale et à communiquer avec autrui peuvent laisser apparaître des fêlures identitaires, et empêcher le redéploiement d'une identité parfois reléguée, au fil des rencontres d'infortune et des discours, au rang d'une pure altérité.

    Ainsi, centres de formation privés ou publics, associations et écoles de langues se sont inscrits dans cette réalité sociale en prodiguant des cours de français aux populations adultes migrantes. L'ASTI d'Aix-en-Provence s'intègre dans cette perspective et fait partie de la Fédération des Associations pour la Solidarité avec les Travailleurs Immigrés, mouvement de solidarité envers les personnes étrangères, qui se bat pour le droit des personnes migrantes depuis les années soixante. La création de l'ASTI dans le paysage associatif aixois remonte à 1967 ; elle est un lieu d'accueil pour toutes les personnes en difficulté d'adaptation. Elle est un lieu de partage, d'entraides, d'échanges et de cohésion sociale (ASTI d'Aix-en-Provence, 2011). Ses activités se destinent principalement aux personnes d'origine étrangère ou étrangères, désireuses d'acquérir une base langagière en français afin de s'insérer pleinement dans la vie sociale de la cité et d'obtenir, le cas échéant, un emploi (Ibid.).

    2.2. Les objectifs visés : de l'insertion culturelle à la promotion sociale des adultes migrants

    Les cours de français prodigués par l'ASTI tendent au-delà de la simple transmission de connaissances langagières. Il est, certes, nécessaire que les apprenants apprennent le nouveau code cible, mais l'ensemble est pratiqué dans une dimension tant actionnelle qu'humaine, dans une perspective à visée culturelle et sociale. Ainsi, l'apprentissage du français est perçu comme l'apprentissage d'un nouveau médium, soit « un moyen de développer la personnalité, de conquérir de l'autonomie et de s'introduire à part entière dans la vie sociale » (ASTI d'Aix-en-Provence, 2011). L'acquisition et l'utilisation effectives des savoirs langagiers placent alors les apprenants dans une dynamique d'ouverture à l'autre, de communication et de participation à la vie sociale de la cité. L'individu se sent, ainsi, en interaction avec son monde et peut tendre vers son expression propre et son élévation.

    2.3. Une double réalité enseignante : de l'alphabétisation au FLE

    L'ASTI d'Aix-en-Provence prodigue à ses apprenants des cours d'alphabétisation et de FLE. Nous proposerons, dès lors, une mise en perspective des différentes définitions touchant cette thématique du français enseigné comme langue non première.

    Les cours d'alphabétisation concernent les apprenants, allophones ou non, qui « sont analphabètes ou analphabètes fonctionnels6(*) [...], c'est-à-dire qu'ils ne savent ni lire ni écrire aucune langue que ce soit ou bien qu'ils n'ont qu'une maîtrise superficielle de l'écrit » (Adami, 2008, p. 19). Le contexte d'apprentissage et le processus d'acquisition de la langue cible diffèrent, de ce fait, du FLE dans la mesure où la relation entre l'oral et l'écrit se révèle soit inconnue, soit aucunement maitrisée dans la langue première.

    CUQ et GRUCA (2005) définissent le FLE en ces termes :

    « Le français est une langue étrangère pour tous ceux qui, ne le reconnaissant pas comme langue maternelle, entrent dans un processus plus ou moins volontaire d'appropriation, et pour tous ceux qui, qu'ils le reconnaissent ou non comme langue maternelle, en font l'objet d'un enseignement à des parleurs non natifs. » (p. 94)

    Placerons-nous, dès lors, notre étude dans le cadre du FLE, dans celui de l'alphabétisation ou dans le cadre d'une dénomination liant les deux pratiques ?

    POCHARD (cité par Cuq & Gruca, 2005) refuse de considérer l'apprentissage du français aux allophones présents sur le territoire national sous le prisme du FLE, le conceptualisant alors sous l'appellation de français langue seconde hôte (FLSH), soit « la langue apprise dans le pays, la région où cette langue est la langue dominante » (p. 97). CUQ et GRUCA (Ibid.) précisent, toutefois, que la dénomination ne fait nullement l'objet d'un consensus.

    Néanmoins, et ce après réflexion, nous précisons que dorénavant, sauf référence expresse à la typologie utilisée par l'ASTI, nous utiliserons, au cours de ce présent mémoire, l'appellation de FLSH. En effet, nous décidons, dans ce cas d'espèce, relatif au cadre de notre étude, de ne pas opérer de dichotomie entre alphabétisation et FLE ; cela en étant conscient des différences didactiques relatives aux deux disciplines en ce qui concerne leurs enseignements classiques ; cela en raison de la nature originale de notre dispositif qui tend à placer les participants dans un rapport de communication, d'interaction et d'expression personnelle qui favorise la mobilisation des savoirs de chacun au-delà de leurs capacités langagières premières.

    3. Une problématique : susciter l'expression personnelle, la communication et les interactions orales en classe de FLSH

    3.1. La problématique

    Nos réflexions se tournent vers l'usage du français en tant que langue nouvelle d'expression personnelle, de communication et d'échange en classe de FLSH, vers l'utilisation de l'image photographique en tant qu'outil pouvant favoriser l'éclosion du langage verbal.

    Ainsi, en quoi l'image photographique, utilisée comme support didactique, peut-elle favoriser le déclenchement d'une expression personnelle, d'une communication et d'interactions orales en classe de français enseigné comme langue seconde d'hôte ?

    3.2. Les hypothèses

    Ces deux hypothèses font suite au précédent questionnement.

    Proposer à des apprenants de l'ASTI un dispositif didactique basé sur la favorisation et de la valorisation de l'expression, de la communication et des interactions orales pourrait-il permettre à ces derniers de s'exprimer, de communiquer et d'interagir d'une manière ouverte et personnelle en classe de langue ? Cela dans la perspective d'une appropriation du français en tant que nouvelle langue privilégiée d'expression et d'échange avec l'autre, nouvelle langue de communication.

    De plus, l'image photographique s'avérerait-elle un outil didactique capable de les impliquer dans une telle situation de dialogue et d'échange de points de vue personnels, et ce quel que soit leur niveau en français ?

    3.3. L'atelier photographique, un dispositif didactique en réponse à nos questions

    3.3.1. Une hétérogénéité de fait des apprenants

    Il convient de préciser que, de par la mise en place même du projet, basée sur le volontariat, l'ensemble du groupe se trouvait marqué par une forte hétérogénéité de fait. Des apprenants issus de deux groupes d'alphabétisation (incluant deux locuteurs natifs) et des apprenants issus de deux groupes de FLE ont été ainsi réunis. En référence à l'organisation7(*) des groupes officiée par l'ASTI et aux compétences par niveaux définies par le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) (Conseil de l'Europe, 2001, pp. 49, 55, 61), nous prenons l'engagement d'écrire que les capacités langagières des apprenants s'inscrivaient, à l'oral, dans un cadre variant entre les niveaux A1 et B2 ( Annexe 1). Nous ne sommes, cependant, pas compétent pour qualifier individuellement chaque participant et ne le ferons, donc, aucunement.

    3.3.2. Une approche orale actionnelle objectivée

    La favorisation et la valorisation de l'expression personnelle, de la communication et des interactions orales se trouvaient au coeur des objectifs du dispositif didactique mis en oeuvre. L'image photographique était alors utilisée comme un déclencheur potentiel des échanges. Les apprenants avaient été, par ailleurs, préalablement informés ( Annexe 2) des enjeux communicationnels qui allaient leur être proposés, et ce afin d'obtenir leur adhésion, condition indispensable au bon déroulement du projet.

    Quatre jours ont été consacrés à la réalisation de cet atelier. Les différentes sessions quotidiennes ( Annexe 3) ont permis la variation des situations et des tâches à accomplir dans une approche actionnelle telle que conceptualisée par le CECRL (2001) :

    « La perspective privilégiée ici est [...] de type actionnel en ce qu'elle considère avant tout l'usager et l'apprenant d'une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l'intérieur d'un domaine d'action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s'inscrivent elles-mêmes à l'intérieur d'actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. Il y a « tâche » dans la mesure où l'action est le fait d'un (ou de plusieurs) sujet(s) qui y mobilise(nt) stratégiquement les compétences dont il(s) dispose(nt) en vue de parvenir à un résultat déterminé. La perspective actionnelle prend donc aussi en compte les ressources cognitives, affectives, volitives et l'ensemble des capacités que possède et met en oeuvre l'acteur social. » (p. 15)

    3.3.3. La réception d'images photographiques : vers une émergence des enjeux d'expression, de communication et d'interaction soulevés ?

    Au cours de cet atelier, nous avons présenté aux apprenants un corpus de productions iconographiques ( Annexe 4). Si la première et la dernière séquences se sont rapprochées d'un atelier dit de Photolangage, en visant l'émergence d'une expression personnelle orale devant l'autre et la mise en place d'une cohésion du groupe en tant qu'ensemble unitaire porté par une conscience et un intérêt communs, dans une approche bergsonienne de la socialisation définie en termes d'émergence des individualités au travers du sentiment d'appartenance à un groupe, la séance centrale du dispositif ( Annexe 3, pp. 60-61), sujet de notre future analyse, a été envisagée dans une dynamique d'interaction supérieure en sollicitant de manière prégnante l'échange d'idées et la communication orale entre les apprenants.

    Au cours de cette dite séance, les apprenants, répartis en binômes, ont reçu différentes photographies à commenter ( Annexe 5). Cette modalité a permis à chacun de rechercher des indices, d'échanger et de négocier, en premier lieu, avec un partenaire sur une image donnée. Suite à cette phase, chaque participant a pu s'exprimer, prendre position, réagir aux propos de ses interlocuteurs, discuter et échanger avec eux dans une logique de communication et d'interaction que nous avons tenue à alimenter par un travail de médiation et le questionnement.

    Le tableau suivant informe sur le déroulement de la séance et sur les apprenants.

    Photographie n° et titre

    Binômes8(*)

    Niveaux au sein de l'ASTI

    1. Amityville

    Junko et Nadine

    FLE 2 et Alphabétisation 3

    2. Tristes gosses

    Amina et Gaëlle

    Alphabétisation 3

    3. Le Désespéré

    Alexandre et Carin

    Locuteur natif et FLE 3

    4. Juste avant le sourire

    Fabien et Vince

    Locuteur natif et FLE 2

    Index 02 : Informations sur le déroulement de la séance et sur les apprenants

    Afin de placer l'étude dans le contexte qui a été le notre, nous précisons que Carin, Gaëlle et Junko n'ont pas participé à la première séquence du dispositif. Nous signalons également que Junko n'a pu assister à l'ensemble de la séance, d'où les résultats d'analyse ultérieurs répertoriés et sa disparition des échanges à partir de l'étude de la photographie n°3.

    4. Le cadre méthodologique

    4.1. L'annonce de la méthodologie

    Le dispositif méthodologique de ce mémoire s'attache à l'observation des situations d'expression, de communication et d'interaction orale au sein d'une classe de FLSH. L'ensemble de ces phénomènes appartient à un cadre factuellement défini : un atelier photographique au sein de l'ASTI d'Aix-en-Provence avec un groupe d'apprenants hétérogène et unique. Ainsi, une pratique basée sur ethnométhodologie nous a semblé appropriée dans la mesure où nous nous astreignons à n'étudier qu'un petit groupe de fait et à prendre en compte les inévitables effets de la présence de l'observateur-professeur dans les relations de communication.

    Corrélativement à l'objet de notre étude, axé sur l'usage de la langue française, nous nous orientons vers une approche méthodologique mixte tant basée sur la qualité des échanges oraux que sur la quantité de certaines occurrences verbales produites par les apprenants locuteurs. Méthodes qualitative (majoritaire) et quantitative (minoritaire) se mêlent, ainsi, dans une analyse plurielle des données recueillies.

    Nous précisons que dans la mesure où les interventions des locuteurs natifs présents dans le groupe participent à la réalité communicationnelle du dispositif (les autres apprenants réagissant à leurs propos), ces dernières font l'objet d'une intégration effective dans le corpus et de références au sein de notre analyse9(*). Cependant, nous bornant à l'enseignement du français à des étrangers, elles échappent à notre perspective d'étude et ne seront pas significativement analysées.

    4.2. Une technique de recueil des données

    4.2.1. L'enregistrement audio

    Le dispositif didactique mis en place dans ce présent mémoire trouve sa pérennité dans l'enregistrement audio des séances d'enseignement. L'ensemble des actes d'expression, de communication et d'interaction trouve ainsi un support permettant le recueil des données et leur transcription future. Les apprenants ont, par ailleurs, été mis au courant de l'ensemble du schéma méthodologique et ont accepté cet état de fait (une utilisation et une diffusion limitées au cadre universitaire avec un respect de l'anonymat).

    4.2.2. L'éviction de la vidéo

    Il convient de préciser que l'éviction de l'enregistrement vidéo est purement consciente et délibérée. La caméra peut, en effet, apparaître comme un distracteur, potentialisant des problèmes d'estime de soi ou culturels par la capture de l'image physique, et interférer sur le comportement des locuteurs. Cette prise de position empêche, toutefois, la capture des émotions, de l'ensemble des réactions faciales et corporelles, qui font partie intégrante du langage humain et des situations de communication et d'interaction.

    4.3. Une analyse du terrain : une séance au coeur de la méthodologie

    Afin de répondre à notre questionnement, nous avons décidé, et ce par choix méthodologique, de nous focaliser sur l'émergence de l'expression, de la communication et des interactions orales au cours d'une séance précise10(*), centrale tant d'un point de vue temporel que didactique, spécifiquement mise en place pour mettre les objectifs de notre recherche en relation avec le terrain. Ce sont, donc, les différents actes de parole et d'échange intervenus au cours de cette séance qui ont fait l'objet de notre transcription ( Annexe 6) aux conventions précisées ( Annexe 7).

    5. L'analyse des données

    5.1. Le témoignage des enjeux de l'expression et des interactions communicatives

    5.1.1. L'expression de la subjectivité des apprenants locuteurs

    L'inclusion explicite du locuteur dans son énonciation se manifeste au moment d'apporter son interprétation de l'image. L'analyse de l'ensemble du corpus nous permet d'établir le graphique suivant. Il référence les différentes occurrences des pronoms déictiques « je » et « moi », des verbes subjectifs et des modalisateurs présents dans les énoncés des apprenants (l' Annexe 8 propose un répertoire clarifié des tours de parole -TP- utilisés, en l'espèce, pour sa conception).

    Index 03 : Occurrences des marqueurs de la subjectivité explicite chez les apprenants

    Le graphique met en évidence un usage plus ou moins important, selon les apprenants, du « je » et du « moi », des verbes subjectifs et des modalisateurs. Vince, Amina, Carin et Junko11(*) sont les participants qui témoignent le plus d'une volonté de modaliser leurs énoncés et de placer leur expression sur le champ d'une subjectivité explicite. De ce fait, ils informent leurs interlocuteurs qu'il s'agit d'un positionnement personnel. Notre cadre théorique établit un lien direct entre l'inclusion effective et explicite des apprenants locuteurs dans leurs discours et l'appropriation langagière.

    Les faibles occurrences desdits marqueurs chez Gaëlle peuvent être mises en relation avec l'exemple suivant.

    Index 04 : Exemple n°01

    079

    P

    et Gaëlle qu'est-ce que vous voyez dans cette maison12(*) ? [...] (elle désigne sa photographie) [...]

    080

    Gaëlle

    c'est la maison allumée + euh le fantôme (petit rire)

    091

    P

    [...] Gaëlle ?

    092

    Gaëlle

    aussi ? (petit rire)

    172

    P

    alors Gaëlle qu'est-ce que vous voyez ? + d'après vous qu'est-ce ce ça peut vouloir dire cette photo ? [...]

    182

    Gaëlle

    un révolutionnaire

    183

    P

    un révolutionnaire ? non: enfin pour Carin peut-être pas pour vous ?

    184

    Gaëlle

    je sais mais: + je (petit rire) + oui je sais mais: un petit peu

    Cet exemple témoigne des difficultés que rencontre Gaëlle à s'exprimer et à rentrer délibérément dans une communication orale avec l'autre. Elle use, par ailleurs, de moyens alternatifs pour s'y soustraire et éviter toute prise de risque langagière (en déviant l'objet de la question, TP 79 ; en usant de malice, TP 92). Ainsi, son énonciation ne s'avère jamais intentionnelle ; nous devons en quelque sorte l'y contraindre par le questionnement (TP 79-172-183), ce qui n'enlève nullement le malaise qui la gagne (TP 184). Néanmoins, bien que cela la soustraie à l'élaboration d'une expression personnelle subjective, sa capacité à se référer aux propos d'autres participants nous renseigne sur le fait qu'en dépit de ses difficultés d'expression orale, elle les écoute, les saisit et peut les réutiliser dans le contexte (TP 182).

    Le nombre d'occurrences sensiblement moins élevé chez Nadine trouve son écho dans l'étude de l'exemple suivant.

    Index 05 : Exemple n°02

    015

    Nadine

    c'est la maison d'une famille + la famille qui vienne passer les vacances + d'été voilà + ensuite il y a l'ange statue là la statue de l'ange là ici + et c'est bon non ?

    024

    Nadine

    il y a plein d'arbres + il y a plein d'arbres et c'est + c'est une XX

    026

    Nadine

    il y a plein d'arbres + et oui c'est le printemps ?

    044

    Junko 

    d'abord j'ai pensé comme eux c'est la maison han- + hantée [...]

    046

    P (à Nadine)

    et pourquoi tu as pensé à une église ?

    047

    Nadine

    ben après j'ai dit non c'est pas une église parce que: y a y a un: + euh non y a la fenêtre et le: le: le balcon là

    050

    P (à Nadine)

    mais pourquoi tu as pensé à une église au début ?

    053

    Nadine

    parce que c'est comme + le la maison on dirait que: c'est une église

    063

    Amina

    moi je pense que c'est une maison [...]

    076

    Vince

    je pense que c'était une maison hantée [...]

    Nous distinguons, en l'espèce, deux pratiques énonciatives distinctes, où le « c'est », objectif, s'oppose au « je pense ou crois que c'est », subjectif. Dans cet extrait, contrairement aux autres participants (TP 44-63-76), Nadine se borne, dans un premier temps, à décrire ce qu'elle voit (TP 15-24-26) dans un rapport de vérités objectives à l'objet (« c'est », « il y a »). L'apprenante use de ses sens mais ne tend pas encore à la subjectivité explicite ou, délibérément, s'y soustrait par un manque de confiance dans ses propos, qu'elle soumet immédiatement à validation (« c'est bon non ? », TP 15). La répétition de notre question (TP 46-50) tend, toutefois, à la redéfinir comme sujet de son discours (« après j'ai dit », TP 47) et une modalisation apparaît (« on dirait que », TP 53). Nous signalons que l'apprenante aura, au fil de la séance, un recours de plus en plus probant à une subjectivité explicite.

    5.1.2. L'émergence des interactions entre les apprenants

    L'interaction peut donner lieu à des situations de collaboration et de négociation conversationnelle entre les participants.

    · La collaboration entre apprenants

    L'extrait suivant met en exergue une situation où une apprenante se réfère délibérément aux potentielles intentions d'une autre afin de l'assister dans son explication de la photographie Amityville.

    Index 06 : Exemple n°03

    056

    Junko

    et oui c'est peut-être elle a pensé que avec [...] ?

    057

    Nadine

    non

    058

    Junko

    ah non d'accord (rires)

    060

    Junko

    peut-être elle a pensé avec luminée c'est comme + comme divine

    061

    Nadine (à P)

    (coupe Junko) qu'est-ce que toi tu penses ?

    Réagissant aux hésitations d'interprétation de Nadine, avec qui elle partage la photographie à commenter, Junko tente d'expliciter personnellement la pensée de sa camarade (TP 56-60). En interagissant de la sorte, elle se place dans une double énonciation de la subjectivité (« je/elle ») ; elle tend à substituer la pensée de son binôme à la sienne (« elle a pensé », TP 56-60). Le double usage de l'adverbe « peut-être » (TP 56-60) prouve, cependant, qu'elle est dans une logique de collaboration et non de récupération simple des propos. Toutefois, Nadine ne ratifie pas la remarque de Junko (TP 57), qui accepte cette opposition avec le sourire (TP 58), et coupe court à la seconde tentative d'explicitation de sa camarade en nous adressant une question (TP 61). Nous notons que la réfutation de Nadine et sa rupture du dialogue n'annihilent nullement la qualité discursive de la démarche de Junko qui s'ancre, sciemment, dans un processus d'interaction entre pairs.

    Une situation de collaboration peut également naitre de la volonté d'un apprenant de se référer au commentaire d'un autre dans une perspective de co-construction énonciative.

    Index 07 : Exemple n°04

    300

    Carin

    je pense c'est une personne qui se sent comme ça mal + c'est une psychose

    302

    Vince

    et pourquoi il se sent comme ça:: ?

    Se référant à la proposition de Carin (TP 300), qui tend à caractériser le personnage de Juste avant le sourire, et en posant ouvertement une question (TP 302), Vince est à l'origine d'une tentative de collaboration. La promptitude de son énoncé signale sa volonté à coordonner un sens nouveau à l'image en relation avec la pensée de sa camarade ; toutefois, son questionnement sur le pourquoi de l'attitude du personnage ne sera pas singulièrement repris par les autres apprenants et la situation est, faute d'échanges, avortée.

    La découverte, par un participant, d'un nouvel indice graphique peut entrainer l'émergence d'une co-construction et d'une collaboration effectives, qui s'articulent autour du sens que cette nouvelle information donne à l'image. Dans l'extrait suivant, les apprenants réagissent au coeur brisé tenu par la jeune fille en pleurs de la photographie Tristes gosses.

    Index 08 : Exemple n°05

    094

    Alexandre

    elle a le coeur brisé

    097

    Vince

    moi j'ai vu ça ? comme une métaphore pour les rêves brisés ?

    099

    Carin

    une métaphore de quoi ?

    100

    Vince

    les rêves brisés les rêves cassés

    101

    Alexandre

    et sur le coeur on voit des dessins sur le coeur on voit le dessin de la fille et le garçon si tu regardes bien

    102

    Junko

    ah:

    103

    Alexandre

    [...] qui s'aiment de petit enfant

    104

    Junko

    ah:

    105

    Amina

    oui oui ça je sais

    107

    Alexandre

    [...] tu vois sur le coeur + brisé + au coeur rouge tu vois la tête du garçon et de la fille tu le vois là ?

    108

    Vince

    ensemble là ouais

    109

    Nadine

    oui là là

    110

    Amina

    il y a + il y a des + inaudible + des jumeaux

    115

    Junko

    je pense que c'est la fin de enfance ?

    116

    Vince 

    hum + oh je suis d'accord à ça ? [...]

    La révélation d'un nouvel élément graphique par Alexandre (TP 94) est à l'origine des interactions. L'assertion est admise sans opposition et permet l'émergence d'une émulation de plusieurs entités du groupe qui discutent directement. Chacun réagit, à un moment donné, à l'énoncé de l'autre par le questionnement (TP 99), la surprise (TP 102-104) ou un acquiescement tant expresse (TP 105-108-109-116) que tacite - dans ce dernier cas, les apprenants usent implicitement de l'indice pour donner un sens inédit à l'image (TP 97-110-115).

    · La négociation entre apprenants

    Les désaccords sur un point particulier de l'image peuvent donner lieu à des négociations conversationnelles entre les apprenants. Les sensibilités individuelles se révèlent un facteur d'opposition comme en témoigne l'extrait suivant où deux conceptions d'analyse de l'image Juste avant le sourire se font face : mêler le fond et la forme (Vince), se baser exclusivement sur la forme (Alexandre).

    Index 09 : Exemple n°06

    232

    Vince

    ça c'est du bois

    233

    Alexandre

    ça c'est un rocher de pierre

    234

    Vince

    ah ouais ?

    238

    Vince

    ok + + moi j'ai vu le fil là

    240

    Alexandre

    non c'est une grotte c'est de la pierre ça c'est de la pierre

    248

    Vince

    moi j'ai le même problème là avec + moi j'ai vu un fil

    249

    Alexandre

    une clé ?

    253

    Vince

    [...] je pensais à un truc de migraine mal à la tête + avec les yeux + avec les yeux là + et même moi j'ai vu le le visage les yeux et la bouche et tout ça mais ça le rouge pour moi c'est plutôt comme du sang + du sang pour moi + euh et donc pour moi ça venait de XX des yeux + il y a quelque chose qui sort de la tête

    256

    Alexandre

    moi je pense que c'est une roche

    257

    Vince

    non moi je je suis d'accord que tout ça c'est un roche oui ? + le derrière là ?

    260

    Vince

    je croyais que c'était un miur comme: + euh

    Les deux apprenants sont en désaccord sur le sujet de l'oeuvre. Vince écoute alors les remarques d'Alexandre (« ah ouais ? », TP 234 ; « ok », TP 238) et lui propose son interprétation de l'objet (TP 238-248-253). Par un tel comportement, il signale à son interlocuteur qu'il accepte de régler le désaccord par la négociation. Cependant, Alexandre ne le suit pas sur ce champ conversationnel. En effet, dans une logique de conflit énonciatif, il réitère à de multiples reprises sa conception et converse sans tenir compte de l'argumentation élaborée par son partenaire (TP 240-249-256). Finalement, Vince adopte une double posture en ne se ralliant spontanément qu'en partie à la position d'Alexandre. S'il accepte l'assertion de l'autre (« c'est une roche oui », TP 257 ; il parlera par la suite d'un « miur », TP 260), cela ne concerne, selon lui, que l'arrière plan (« le derrière là ? », TP 257) et non l'ensemble de la photographie ; le fond de l'image est, à son sens, ailleurs.

    · Un cas particulier de négociation : le malentendu

    La situation suivante diffère des cas précédents d'interaction pour deux raisons : le professeur apparaît comme un interlocuteur intrinsèquement impliqué et il réalise une interprétation erronée de l'énoncé d'une apprenante.

    Index 10 : Exemple n°07

    122

    Carin

    je pense aussi que si il est sur une bombe parce que il a un problème et [...] il va avoir plus de problèmes

    125

    P

    exactement quand on joue à un jeu dangereux parfois on peut dire

    126

    Carin

    non non psychologiquement je voulais dire ?

    127

    P

    aussi oui oui

    Carin n'acquiesce pas lorsque notre remarque ne correspond pas à ce qu'elle a voulu dire (TP 126). La vivacité de la réplique rétorquée, le ton utilisé et le double usage du « non » prouvent qu'elle tend à la maitrise de la signification de ses propos et qu'elle tient à ce que son interprétation de la photographie ne soit pas altérée ou mal interprétée par les destinataires. Le dialogue interactif a permis de résorber le malentendu qui s'évanouit lorsque nous comprenons notre erreur (TP 127).

    Par le croisement de leurs interprétations personnelles, les apprenants s'installent dans un cadre d'interaction horizontale où la parole peut circuler, où chacun prend position et écoute l'autre. Notre cadre théorique précise que de telles situations permettent aux locuteurs et interlocuteurs une appropriation de la langue cible, alors utilisée comme outil de communication et d'interaction.

    5.1.3. L'implication des apprenants dans les interactions communicatives

    L'étude du corpus met en exergue une implication effective des participants, qui se manifeste au travers de trois phénomènes que nous analyserons.

    · La gestion des échanges initiée par les apprenants

    Les extraits suivants permettent de rendre compte de situations au cours desquelles deux apprenantes prennent, de manière délibérée, le contrôle des échanges et modifient les rôles conversationnels habituels de la classe. Il s'agit d'un phénomène de déritualisation.

    Index 11 : Exemple n°08

    014

    Amina

    c'est la maison de quoi ?

    017

    Amina

    oui c'est ça + vous vous qu'est-ce que vous pensez ?

    018

    P

    [...] c'est exactement ce que j'allais dire [...] maintenant [...]

    020

    Amina

    c'est à nous de juger ?

    039

    Amina

    on les laisse ? c'est normal

    040

    Nadine

    non mais vas-y ? nous on a fini

    041

    Amina

    non non non vas-y ?

    Les interventions d'Amina sont une manifestation de son implication. Réceptive au concept, elle questionne (TP 14) puis replace ouvertement Nadine dans la réalisation de la tâche lorsque celle-ci se soustrait, à son sens, aux objectifs du dispositif (TP 17). Par la reprise à son compte des enjeux d'expression et de communication de la tâche (TP 17-20), elle se positionne sciemment dans le rôle du professeur-médiateur et modifie le schéma classique des relations de classe. Au-delà de l'apprenante, elle se révèle l'interlocutrice autonome qui veut respecter les codes conversationnels et savoir ce que pense l'ensemble du groupe (TP 39-41), dans lequel elle s'inclut (« nous », TP 20), et par extension, exprimer, le moment venu, ce qu'elle pense elle-même des photographies.

    Index 12 : Exemple n°09

    061

    Nadine (à P)

    (coupe Junko) qu'est-ce que toi tu penses ?

    062

    P

    ah moi je pense: + alors Amina avait quelque chose [...] à dire

    178

    Nadine

    dis-lui d'expliquer comme elle veut ?

    186

    Nadine

    prends ton temps tranquille on n'est pas pressés ? (rires)

    252

    Nadine

    c'est vrai que aujourd'hui Vince il n'a pas parlé beaucoup

    348

    Nadine

    bon dis-nous ? qu'est-ce que ce toi tu en penses ?

    A son tour, Nadine déritualise le format classique du cours et prend l'initiative d'une conduite du débat, avec, notamment, un significatif « prends ton temps on n'est pas pressés » destiné à Gaëlle (TP 186). Elle inverse, par deux fois, la charge de l'interprétation et nous demande de nous exprimer sur les images (TP 61-348), ce qui atteste de son engagement dans l'activité et de son désir de communiquer avec l'ensemble des parties présentes, sans souci de forme (pour preuve, l'utilisation de l'impératif et l'informalité du ton, TP 178-348). Dans le premier cas (TP 61), bien que cela réponde à notre volonté d'établir un contexte de libéralisation de la parole, nous hésitons à lui fournir prématurément notre ressenti, et préférons favoriser le débat entre apprenants en donnant la parole à Amina (TP 62).

    A deux autres reprises, l'apprenante se soucie de la parole de ses partenaires et notamment de celle de Vince, qu'elle nomme directement (TP 252). Face aux difficultés d'expression de Gaëlle, elle nous interpelle et nous précise comment procéder pour l'inciter à parler (TP 178). Ces remarques reflètent à nouveau sa capacité à s'approprier spontanément, en de tels moments, le format discursif, à s'impliquer en tant que sujet social dans une situation de communication où tous ont droit à la parole et doivent être écoutés. Le fait qu'elle nomme un autre apprenant par son prénom (« Vince », TP 252), soit sa référence sociale, est également révélateur de cet état d'esprit.

    · La dimension humoristique initiée par les apprenants

    Tout au long de la séance, les apprenants ponctuent leurs énoncés de plusieurs remarques humoristiques. Trois plaisanteries peuvent être observées dans l'extrait suivant.

    Index 13 : Exemple n°10

    195

    Vince

    euh je crois moi je pense qu'il a vu cette photo là (désigne et montre sa photographie) (rires)

    196

    As & P

    (rires)

    197

    P

    [...] on fait un diptyque (met les images face à face puis côte à côte)

    199

    Carin

    « c'est moi ça » ?

    200

    P

    avant après

    201

    Vince

    euh moi parfois quand j'ai un couchemar [...]

    202

    Amina

    XX ton cauchemar tu m'appelles comme ça (petit rire)

    En reliant les deux photographies, Vince initie, en l'espèce, l'introduction d'une plaisanterie, qui joue sur le verbal et le non-verbal (TP 195), et provoque un éclat de rire généralisé (TP 196). Nous n'éludons nullement son intervention et préférons rebondir sur sa pertinence (TP 197). Carin poursuit dans ces deux mêmes directions et imagine la réaction du Désespéré qui se découvre sous les traits du personnage de Juste avant le sourire (TP 199) ; nous réagissons de la même manière qu'auparavant (TP 200). Enfin, Amina raille explicitement Vince lorsque ce dernier fait référence à ses cauchemars pendant son analyse de l'image n°3 (TP 202). Par l'usage de l'humour, les participants se libèrent et livrent leurs représentations du monde et de l'instant ; ils s'expriment en tant que sujets sociaux et destinent leur(s) remarque(s) directement à leur(s) interlocuteur(s). Ils témoignent de leur confiance dans la relation de groupe et de leur intérêt quant à la relation plurielle d'interaction et de communication avec l'autre.

    · La recherche du lexique initiée par les apprenants

    Les apprenants, par le questionnement sur le lexique, témoignent de leur intérêt vis-à-vis de la langue cible et s'engagent délibérément dans la dynamique d'un apprentissage métalinguistique.

    Index 14 : Exemple n°11

    006

    Nadine (à Junko)

    [...] c'est une maison athée hein ? euh han- +

    010

    Junko 

    c'est quoi athée ?

    011

    Nadine

    c'est quelqu'un qui croit pas en Dieu

    012

    Junko

    ah (petit rire) c'est la maison athée alors on commence comme ça

    021

    Vince

    le cave en bas ? + Pablo + qu'est-ce le contraire de le cave le cave en bas ? c'est quoi le ?

    022

    P

    [...] le grenier

    076

    Vince

    [...] quand j'ai vu + une maison avec les lumières allumées dans le grenier j'ai pensé aux fantômes

    Junko réagit à un terme nouveau dont elle ignore le sens (TP 10). Une fois défini par sa partenaire (TP 11), elle s'empresse de le réutiliser (TP 12). Vince nous interroge directement sur le « contraire de le cave en bas » (TP 21) et réutilisera le mot « grenier » au moment de sa prise de parole (TP 76). Il y a, chez les deux apprenants, une remobilisation spontanée et contextualisée de ce vocabulaire inédit, nécessaire à une mise en forme juste de leur pensée quant au sens de l'image.

    Nous notons, finalement, que l'émergence de telles situations de communication et d'interaction est révélatrice d'un contexte : une classe de langue composée d'adultes autonomes et alertes, produits d'expériences sociales et culturelles variées. Notre cadre théorique nous permet également de préciser que ces différents phénomènes participent à l'appropriation de données et de moyens de communication dans la langue cible, en l'occurrence le français.

    5.2. La résolution du problème de sens par une expression personnelle créative

    5.2.1. Des signes graphiques à l'expression d'un sens personnel créatif

    Chaque photographie confronte les apprenants à une intention définie par un artiste. Nait, de cet état de fait, une recherche de sens que ces derniers doivent résoudre par une création verbale personnelle. Chaque individu repère et sélectionne les indices graphiques qu'il juge importants. Il les commente alors en fonction de son propre spectre de pensées et d'analyse. Nous distinguerons trois types de créations : la scénarisation de faits corrélés, l'approche sensible et la référence à soi.

    · La scénarisation de faits corrélés

    Index 15 : Exemple n°12 (Amina en réaction à l'image Tristes gosses)

    090

    Amina

    il y a quelqu'un qui a kidnappé des enfants + un petit garçon et une petite fille + ils ont mis dans une salle + ils ont pris une bombe + ils ont allumé ils ont pris le petit garçon il est assis sur une bombe et lé petite fille + elle elle est assis à côté elle elle pleure pour quelqu'un qui si elle entend: elle pleure là-bas ils vont venir l'aider et les libérer + parce que elle + le petit garçon elle lui il bouge pas il est resté assis comme ça + timide XX triste et lé fille elle est assis à côté et elle pleure pour quelqu'un qui l'entend pour venir les libérer [...]

    120

    Amina

    c'est pour ca ils sont en danger [...]

    128

    Amina

    je dis + euh + les deux enfants là ils sont trop petites pour venir assis tout seul pour: + faire + mourir tout suite

    Index 16 : Exemple n°13 (Amina en réaction à l'image Le Désespéré)

    167

    Amina

    [...] c'est quelqu'un qui rentrait à la maison + il tombe dessus sa femme et quelqu'un il a tué sa femme et là + parce que il va pas expliquer qui a tué son sa femme maintenant là qu'est ce qu'il doit dire si lé police elle est venue il va dire c'était lui qui l'a fait + et là (rires) ils vont l'envoyer et c'est pas lui + là il est il est

    Dans les deux cas proposés, Amina élabore des scénarii à forte consonance dramatique et policière, créés à partir de son analyse personnelle des indices graphiques (TP 90-167), qui l'obligent à une réelle construction narrative au niveau de la coordination des faits. Chez-elle, chaque situation s'intègre dans un schéma temporel où passé, présent et futur se mêlent le temps d'une image ; les personnages échappent à leur destin (« ils sont en danger », TP 120 ; « ils sont trop petites pour venir assis tout seul » TP 128 ; « et c'est pas lui », TP 167) qu'elle codifie en mots en imaginant le hors-champ et le hors-temps des cadres (« ils vont venir l'aider et les libérer », TP 90 ; « mourir tout suite », TP 128 ; « il va pas expliquer », « si lé police elle est venue il va dire », « ils vont l'envoyer », TP 167). Par ailleurs, elle n'hésite pas à reformuler certains passages, qui font appel à des notions grammaticales qu'elle n'a pas encore étudiées, dans une logique de mobilisation et de systématisation de la langue comme le prouvent ces trois variations syntaxiques d'une même idée.

    Index 17 : Exemple n°14

    090

    Amina

    [...] elle pleure pour quelqu'un qui si elle entend: elle pleure là-bas ils vont venir l'aider et les libérer [...] elle pleure pour quelqu'un qui l'entend pour venir les libérer [...]

    120

    Amina

    [...] c'est pour ca la petit fille elle elle est en train de pleurer si y a quelqu'un il est derrière pour venir

    Au fil des reformulations, nous notons que l'apprenante tend à préciser le rapport spatio-temporel qu'elle désire créer entre les pleurs de l'enfant et l'intervention salvatrice d'un tiers présent aux alentours.

    · L'approche sensible

    Index 18 : Exemple n°15 (Carin en réaction à l'image Tristes gosses)

    122

    Carin

    [...] si il est sur une bombe parce que il a un problème et si on fait rien après après (petit rire) + il va avoir plus de problèmes

    126

    Carin

    non non psychologiquement je voulais dire ?

    Index 19 : Exemple n°16 (Carin en réaction à l'image Le Désespéré)

    157

    Carin

    oui je pense qu'il il a passé quelque chose de horreur qu'il a vu ou qu'il a fait peut-être c'est un révolutionnaire qui qui a + tué quelqu'un + il se sent pas + il se sent très:: + +

    159

    Carin

    je pense peut-être qu'il a tué quelqu'un sans sans sans le voul-

    161

    Carin

    vouloir il + + il a de sentiment de:: peur de regret + hum + + je pense qu'il va + + qu'il va être (doucement) fou: (petit rire) + +

    164

    Carin

    oui il va devenir fou + parce qu'il se sent pas bien du tout psychologiquement ?

    Dans les deux cas proposés, Carin, s'intéressant davantage au fond qu'à la description formelle de l'objet, tend à se focaliser sur les états émotionnels (la violence, la peur, l'horreur, la folie, le regret) des sujets représentés. Elle place son expression sur le champ d'une détresse psychologique (la double occurrence de l'adverbe « psychologiquement », TP126-164) qui les accable et les dépasse comme le soulignent ses énoncés : « si on ne fait rien [...] il va y avoir plus de problèmes » (TP 122) ; « sans le vouloir », « il va être fou », « il va devenir fou » (TP 161-164). L'apprenante témoigne, ainsi, de sa vision intérieure et sensible de telles représentations picturales.

    · La référence à soi

    Index 20 : Exemple n°17 (Vince en réaction à l'image Le Désespéré)

    201

    Vince

    euh moi parfois quand j'ai un couchemar quand je me lève je je me présente comme ça dans la glace ah c'est pas vrai c'est pas vrai + + et les yeux parlent ça + + quand j'arrive et je tiens les chevaux

    Vince se projette dans l'oeuvre et commente l'attitude du Désespéré en lien avec son vécu similaire de la sortie d'un cauchemar (« quand j'ai un couchemar », TP 201). L'homme n'est plus caractérisé, il est un homme simple pris dans la torpeur du réveil à l'instar de tout un chacun, à l'instar de Vince, locuteur et sujet pensant, qui se réfère à ses émotions personnelles pour créer un sens à l'image. Il articule alors son énonciation autour du « je » (cinq occurrences, hors reformulations).

    Qu'ils fassent preuve, selon leur personnalité, d'intentions narratives, d'approches poétiques et sensibles ou d'introspections, les apprenants s'expriment, communiquent et créent oralement en français. Ces exemples témoignent de leur application à élaborer, chacun à leur manière et dans une récurrence des thématiques qui leur est propre, une expression orale non conventionnelle, construite pour répondre aux interrogations posées par le support image. Ainsi incités par la quête de sens, ils improvisent, inventent et se risquent à la création d'histoires originales ou intimes en français, ils jouent avec leurs idées, mettent des mots sur leurs émotions et se placent dans un rapport structurel avec la langue cible. Notre cadre théorique précise qu'une telle dynamique d'expression personnelle créative permet l'appropriation de données langagières.

    5.2.2. De l'usage directe de l'analogie avec d'autres images

    Face à la réception de ces photographies jusqu'alors inconnues, les apprenants mobilisent leur mémoire visuelle et tentent de dresser des parallèles avec d'autres images présentes dans leur répertoire mental. Les extraits suivants permettent de distinguer deux types d'analogie reliant la photographie Juste avant le sourire aux films d'horreur et à d'autres oeuvres picturales.

    · L'analogie avec les films d'horreur

    Index 21 : Exemple n°18

    225

    Amina

    mort-vivant

    229

    Amina

    c'est des morts-vivants

    231

    Amina

    non c'est les vamp- + les gens + dans les dans les clips de Michael Jackson maintenant ils sortent du cimetière (rires)

    284

    Amina

    c'est un masque

    287

    Amina

    un masque de bois

    295

    Amina

    oui tu sais les vieilles arbres là dans les +

    297

    Amina

    ancienne arbre + il était morte il était très très très vieille arbre + il était morte maintenant il a pris une + comment s'appelle une partie: du bois elle a fait un trou et fait masque + un masque + je sais pas ?

    301

    Amina

    c'est un vampire

    309

    Amina

    oui + c'est un mort + vampire

    312

    Amina

    c'est comme un vampire

    321

    Amina

    oui dans + quand on regarde les films dans le truc comme ils vont faire mort-vivant le cimetière il voulait faire comme ça peut-être ?

    339

    Amina

    ça + attends + souvent quelqu'un qui est mort longtemps + il a pris son tête

    342

    Amina

    ou quelqu'un ou les animaux avant tu sais là ils vont montrer le tête et vont mettre

    345

    Amina

    il a pris la tête

    L'apprenante s'appuie sur l'aspect monstrueux du personnage pour construire son analogie. Elle y décèle la présence d'un visage glauque qui n'a plus rien d'humain (« mort-vivant », « c'est des morts-vivants », TP 225-229). Elle compare alors le protagoniste de l'image aux zombies du clip Thriller de Michael JACKSON (TP 231). Plus tard, elle reprend les idées du masque (TP 284) et de la texture boisée (TP 287), précédemment émises par d'autres participants, et les approfondit (TP 295-297). La construction de son analogie se révèle perturbée par la difficulté à caractériser le sujet et ses motivations (« un masque, je sais pas », TP 297 ; « il voulait faire comme ça peut-être », TP 321), problématique centrale pour l'ensemble du groupe. Tout au long de l'étude de l'image, l'individu prend, ainsi, diverses identités : un mort-vivant sortant d'un cimetière (TP 225-229-231-321), une personne portant un masque taillé dans du bois mort (TP 297), un vampire (TP 301-309-312) et un cadavre (TP 309-339). Cela tranche avec ses interventions précédentes, plus spontanées, mais le problème suscité l'invite à fournir un effort d'expression plus fort et plus long. Elle clôt finalement sa pensée dans un renvoi à une scène macabre où fossoiement de tombes et décapitation post mortem se côtoient (TP 339-342-345). Celle-ci renvoie explicitement à une imagerie filmique (« quand on regarde les films dans le truc comme ils vont faire mort-vivant le cimetière », TP 321) morbide et horrifique dans laquelle elle veut ancrer, depuis le début, son énonciation. De par son aspect non conventionnel et orignal, cette solution fait preuve d'un réel désir d'expression langagière et d'un sens personnel créatif inédit et certain.

    · L'analogie avec des oeuvres picturales

    Index 22 : Exemple n°19

    300

    Carin

    je pense c'est une personne qui se sent comme ça mal + c'est une psychose

    346

    Carin

    il parait très Le Cri + Le Cri le tableau norvégienne Le Cri sur angoisse + il ressemble un peu de la même manière

    En fin de séance, Jeanna se réfère à la ressemblance de la photographie Juste avant le sourire avec Le Cri d'Edvard MUNCH. La sensation de mal-être qui se dégage du personnage (« c'est une personne qui se sent comme ça mal + c'est une psychose », TP 300 ; « angoisse », TP 346) et sa connaissance en art lui permettent de construire son analogie avec le tableau expressionniste. Analogie qu'elle agence en usant d'un vocabulaire propre à la comparaison (« parait », « ressemble », « de la même manière », TP 346).

    Index 23 : Exemple n°20

    271

    Fabien

    mais je ne pense pas que ce soit une peinture [...] c'est pas peint enfin si c'est un peintre en tout cas il s'est gavé le mec

    283

    Vince

    et même moi je connais un peu des artistes de graffiti qui sont super qui sait tout faire ouais

    286

    Fabien

    ah ouais qui arrive à faire la peau comme ça

    288

    Vince

    ouais qui arrive à faire tout les yeux XX parfaitement ouais c'est énorme avec les X XX c'est super

    Suite à l'interrogation de Fabien sur la nature originelle de l'oeuvre (TP 271), Vince met en parallèle l'image étudiée avec les techniques picturales de graffers qu'il a auparavant vus à l'ouvrage (TP 283). L'analogie procède, en l'espèce, d'une situation d'interaction. En effet, Vince la construit relativement à la réaction de son partenaire : « qui arrive à faire la peau comme ça » (TP 286) ; « ouais qui arrive à faire tout [...] parfaitement » (TP 288). La photographie peut, ainsi, être, selon lui, une peinture ou un graffiti.

    Par l'analogie, les apprenants mobilisent leurs connaissances en arts visuels (clip vidéo, cinéma, peinture, graffiti) et apportent des solutions personnelles et inédites aux problèmes posés par les images. Ces solutions sont, elles-mêmes, des créations langagières qui participent à l'usage de la langue cible et à son appropriation.

    Conclusion

    Au travers de ce mémoire, nous avons tenté d'accorder usage de l'image photographique et déclenchement de l'expression personnelle, de la communication et des interactions orales dans l'apprentissage du français enseigné comme langue seconde d'hôte.

    Certes, l'oeuvre iconographique de par sa charge culturelle, mythologique, sémantique et sémiologique peut impliquer les apprenants dans une recherche personnelle de sens qui trouve sa finalité dans l'acte de parole et l'écoute de l'autre. Certes, l'image tend à questionner l'individu, à le contraindre à la réflexion et à la résolution d'un problème l'impliquant dans son rapport au monde. Certes, elle l'encourage à déployer sa créativité et son imagination, à valoriser son vocabulaire, à se référer à soi, à l'autre, au temps et à l'espace, à libérer ses capacités d'expression et de communication. Néanmoins, il ne convient nullement, de négliger les variables subjectives, liées à l'âge, à la psychologie (notons la confiance en soi et en ses propos) et à l'expérience linguistique, sociale et culturelle de chaque apprenant, qui influeront sur ses pensées et ses prises de parole, à l'influence du groupe et du contexte sur l'individu. Ainsi, le cas de Gaëlle, apprenante qui n'accepte que partiellement l'entrée dans les champs de l'expression et de la communication orales, est symptomatique des limites de notre dispositif qui s'appuie, au-delà des capacités langagières intrinsèques, sur l'implication socio-psychologique effective de chacun comme le démontre l'exemple d'Amina, apprenante prolixe aux connaissances langagières moins approfondies, mais plus prompte à s'engager dans la communication et l'échange oral, à dépasser ses connaissances du moment pour s'exprimer de manière personnelle et créative. Il n'est cependant pas impossible qu'une telle situation puisse être contrecarrée par la mise en place d'un étayage individualisé, hors contexte de groupe, et d'une répétition de séances similaires pour placer progressivement tout apprenant mal à l'aise dans une sérénité plus propice au déploiement de l'acte de parole.

    Le dispositif mis en oeuvre a permis de favoriser l'éclosion d'une expression personnelle orale chez les apprenants impliqués et de placer l'enseignement/l'apprentissage de la langue parallèlement au champ des enjeux communicationnels et interactionnels. En prenant position, en créant verbalement, en réagissant et en se référant aux propos des autres (professeur inclus), en les questionnant, en initiant sciemment une conduite des débats et une déritualisation des schémas de classe classiques, en s'accordant ou s'opposant, en négociant et en argumentant, les apprenants s'impliquent dans une recherche de sens, communiquent et interagissent en réaction à l'image. Ils expriment leurs pensées et leur individualité, se redéfinissant, ainsi, en tant que locuteurs sociaux, personnes-sujets de leur énonciation. Cet ensemble d'éléments se révèle propice à l'appropriation de la langue ; et la validité de l'effectivité d'une favorisation de l'expression personnelle, de la communication et des interactions orales n'exige pas, à notre sens, un cumul exhaustif de ces comportements chez chacun, en dépit de leurs apparitions, à des degrés différents, chez, notamment, quatre apprenants (Amina, Carin, Junko et Vince). En effet, suite à notre analyse, nous notons que lesdits enjeux soulevés par la séance se révèlent empreints d'une polymorphie certaine comme nous le signale l'exemple de Nadine, qui, bien qu'elle ne prenne que peu part aux actes de commentaires personnels, fait preuve d'une capacité à réagir aux prises de parole des autres participants et à s'impliquer dans les autres motifs communicationnels sous-tendus par les photographies. Son comportement reste lié à un souci de comprendre l'image par le regard de l'autre et l'écoute de sa pensée.

    A nos questionnements, nous répondons, ainsi, que si l'image photographique permet de favoriser l'émergence d'une expression personnelle, d'une communication et d'interactions orales en classe de FLSH (et ce quel que soit le niveau en langue des apprenants), elle reste néanmoins dépendante de facteurs humains. De plus, ce mémoire se borne à l'analyse d'un groupe classe unique (composé d'adultes aux profils socioculturels et langagiers définis) et ne peut, de ce fait, tendre à l'éviction de certains biais inhérents à ce type de recherches basé sur la communication. La multiplication des séances types, destinées à différents groupes, aurait pu permettre une mise en perspective et en condition plus riche de la problématique initiale. La réalité du terrain ne put permettre la réalisation d'une telle démarche et la confrontation de données multiples. Nous pensons, pour conclure, reproduire ce dispositif, qu'il conviendra de moduler et d'améliorer, à des situations professionnelles futures d'enseignement du français en tant que langue étrangère ou seconde d'hôte.

    Bibliographie

    La présente bibliographie est réalisée conformément à l'adaptation francophone des normes APA 6ème édition.

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    Aden, J. (2009). La créativité artistique à l'école : refonder l'acte d'apprendre. Synergies Europe, 4, 173-180. Accès http://ressources-cla.univ-fcomte.fr/gerflint/Europe4/europe4.html

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    Table des index

    Index 01 : Schéma de la communication verbale par Roman JAKOBSON (Ibid.) 3

    Index 02 : Informations sur le déroulement de la séance et sur les apprenants 3

    Index 03 : Occurrences des marqueurs de la subjectivité explicite chez les apprenants 3

    Index 04 : Exemple n°01 3

    Index 05 : Exemple n°02 3

    Index 06 : Exemple n°03 3

    Index 07 : Exemple n°04 3

    Index 08 : Exemple n°05 3

    Index 09 : Exemple n°06 3

    Index 10 : Exemple n°07 3

    Index 11 : Exemple n°08 3

    Index 12 : Exemple n°09 3

    Index 13 : Exemple n°10 3

    Index 14 : Exemple n°11 3

    Index 15 : Exemple n°12 (Amina en réaction à l'image Tristes gosses) 3

    Index 16 : Exemple n°13 (Amina en réaction à l'image Le Désespéré) 3

    Index 17 : Exemple n°14 3

    Index 18 : Exemple n°15 (Carin en réaction à l'image Tristes gosses) 3

    Index 19 : Exemple n°16 (Carin en réaction à l'image Le Désespéré) 3

    Index 20 : Exemple n°17 (Vince en réaction à l'image Le Désespéré) 3

    Index 21 : Exemple n°18 3

    Index 22 : Exemple n°19 3

    Index 23 : Exemple n°20 3

    Table des annexes

    Annexe 1 : Les compétences par niveaux telles que définies par le Cadre européen commun de référence pour les langues (2001) 3

    Annexe 2 : L'affiche de présentation de l'atelier photographique destinée aux apprenants 3

    Annexe 3 : Une présentation succincte des séances 3

    Annexe 4 : Le corpus photographique utilisé au cours de l'atelier 3

    Annexe 5 : Les images photographiques distribuées aux apprenants au cours de la séance objet de l'analyse 3

    Annexe 6 : La transcription des données relatives à la séance objet de l'analyse 3

    Annexe 7: Les conventions de transcription 3

    Annexe 8 : Les marqueurs de la subjectivité chez les apprenants 3

    Table des matières

    Sommaire 3

    Introduction 3

    1. Le cadre théorique de l'étude 3

    1.1. L'image photographique comme déclencheur langagier 3

    1.1.1. L'image en relation avec l'être et son langage 3

    1.1.2. L'image comme outil didactique en classe de langue 3

    1.1.3. L'image et le discours créatif 3

    1.2. S'exprimer, communiquer et interagir oralement en classe de langue 3

    1.2.1. Les enjeux de la communication et de l'expression verbales 3

    1.2.2. La prégnance de l'oral dans les interactions communicatives entre apprenants en classe de langue 3

    1.2.3. L'implication des apprenants dans la communication 3

    1.2.4. Le professeur de langue médiateur 3

    1.3. Vers une appropriation de la langue ? 3

    1.3.1. Appropriation et élaboration du message verbal 3

    · La subjectivité et l'implication de l'apprenant dans le message 3

    · L'expression personnelle créative dans le message 3

    1.3.2. Appropriation et situations d'interactions communicatives 3

    2. Le contexte général de l'étude 3

    2.1. L'ASTI, l'associatif au service des adultes migrants 3

    2.2. Les objectifs visés : de l'insertion culturelle à la promotion sociale des adultes migrants 3

    2.3. Une double réalité enseignante : de l'alphabétisation au FLE 3

    3. Une problématique : susciter l'expression personnelle, la communication et les interactions orales en classe de FLSH 3

    3.1. La problématique 3

    3.2. Les hypothèses 3

    3.3. L'atelier photographique, un dispositif didactique en réponse à nos questions 3

    3.3.1. Une hétérogénéité de fait des apprenants 3

    3.3.2. Une approche orale actionnelle objectivée 3

    3.3.3. La réception d'images photographiques : vers une émergence des enjeux d'expression, de communication et d'interaction soulevés ? 3

    4. Le cadre méthodologique 3

    4.1. L'annonce de la méthodologie 3

    4.2. Une technique de recueil des données 3

    4.2.1. L'enregistrement audio 3

    4.2.2. L'éviction de la vidéo 3

    4.3. Une analyse du terrain : une séance au coeur de la méthodologie 3

    5. L'analyse des données 3

    5.1. Le témoignage des enjeux de l'expression et des interactions communicatives 3

    5.1.1. L'expression de la subjectivité des apprenants locuteurs 3

    5.1.2. L'émergence des interactions entre les apprenants 3

    · La collaboration entre apprenants 3

    · La négociation entre apprenants 3

    · Un cas particulier de négociation : le malentendu 3

    5.1.3. L'implication des apprenants dans les interactions communicatives 3

    · La gestion des échanges initiée par les apprenants 3

    · La dimension humoristique initiée par les apprenants 3

    · La recherche du lexique initiée par les apprenants 3

    5.2. La résolution du problème de sens par une expression personnelle créative 3

    5.2.1. Des signes graphiques à l'expression d'un sens personnel créatif 3

    · La scénarisation de faits corrélés 3

    · L'approche sensible 3

    · La référence à soi 3

    5.2.2. De l'usage directe de l'analogie avec d'autres images 3

    · L'analogie avec les films d'horreur 3

    · L'analogie avec des oeuvres picturales 3

    Conclusion 3

    Bibliographie 3

    Table des index 3

    Table des annexes 3

    Annexes 3

    Annexes

    Annexe 1 : Les compétences par niveaux telles que définies par le Cadre européen commun de référence pour les langues (2001)

    Annexe 2 : L'affiche de présentation de l'atelier photographique destinée aux apprenants

    Annexe 3 : Une présentation succincte des séances

    Caractéristiques communes à l'ensemble des séquences :

    Durée : 2 heures

    Position du professeur-médiateur : guidage et étayage individuels ou de groupe, reformulation, questionnement, gestion appropriée des tours de parole, réponses aux questions posées par les apprenants

    Séquences réalisées avec l'aide d'Anita.

    Séquence 1 : « Premiers pas dans le Photolangage. »

    Nombre de séances : 2 (lundi)

    Durée de chaque séance : 1 heure

    Nombre d'apprenants : 7

    Séance 1

    1ère phase : présentation générale du concept de l'atelier photographique ; présentation des apprenants ; recueil des représentations concernant la photographie (caractéristiques d'usage, éléments propres : titre...).

    2ème phase : première approche visant à démystifier l'outil image, à mettre en exergue la validité de points de vue pluriels en réaction à un objet unique en initiant un commentaire groupé de la photographie suivante :

    3ème phase : démarrage de la séance de Photolangage ; présentation de la tâche : « vous êtes libres de choisir une photographie qui vous parle, qui vous donne des émotions que vous avez peut-être envie de partager ; vous la présenterez, ensuite, aux autres, vous expliquerez votre choix et vous donnerez un titre à votre photo ; chacun pourra dire ce qu'il pense du choix de l'autre et exprimer son avis sur sa photo. »

    4ème phase : choix des photographies et explications ; discussions sur les commentaires et les photographies ; notification au tableau des mots-clés, des éléments prégnants des pensées des apprenants pour un retour en fin de séance.

    Séance 2

    1ère phase : présentation de la tâche : « chacun de vous va dire/proposer à son voisin un sentiment, une émotion, une idée ou un thème ; il va devoir ensuite choisir une image qui lui fait penser à ce sentiment..., et expliquer son choix aux autres ; je vous donne un exemple... »

    2ème phase : définitions des thèmes, choix des photographies et explications.

    Séquence 2 : « La balade photographique : de l'oeuvre personnelle aux mots. »

    Nombre de séances : 2 (séance 1 : mercredi ; séance 2 : vendredi)

    Durée de chaque séance : 2 heures et 1 heure

    Nombre d'apprenants : 8

    Séance 1

    1ère phase : retour sur le travail de la journée précédente ; présentation de la tâche : « nous allons nous balader dans le centre-ville d'Aix ; mais avant vous allez recevoir un appareil photo jetable ; vous prendrez en photo ce que vous voulez, c'est vous qui choisissez ; par contre, vendredi, vous aurez à choisir une de vos photos et vous écrirez un petit texte pour expliquer ce que vous avez voulu montrer, dire ou exprimer ; si vous êtes d'accord, votre travail sera montré aux personnes de l'ASTI qui pourront voir ce que vous avez fait et vous lire. »

    2ème phase : La balade.

    Séquence 3 : « Expression, communication et interactions orales. »

    Nombre de séances : 2 (jeudi)

    Durée de chaque séance : approximativement 1 heure

    Nombre d'apprenants : 8

    Séance 1

    1ère phase : retour sur le travail de la journée précédente ; présentation de la tâche : « maintenant vous allez travailler à partir d'une image que nous allons vous donner ; je vous propose d'écrire ce que vous voyez et ce que vous pensez de cette image : les émotions, les idées, ce qu'il se passe... ; si vous avez des difficultés, vous n'êtes pas obligés de faire des phrases, écrivez juste des mots ; vous donnerez un titre à l'image et direz ensuite aux autres ce que vous avez pensé de la photo. »

    L'image utilisée : Titre non trouvé (Robert Capa, 1939)

    2ème phase : travail individuel ; présentation de ses commentaires et réflexions par chacun ; interactions ; notification au tableau des mots-clés.

    Séance 2 (la séance au coeur de notre méthodologie de recherche)

    1ère phase : présentation de la tâche : « maintenant, vous allez travailler par deux ; nous allons distribuer à chaque groupe une photographie ; -vous en avez l'habitude maintenant- vous expliquerez, ensuite, aux autres, votre vision de la photo, ce que vous pensez (vos émotions, vos sentiments, vos idées...) et voulez dire sur la photo ; et bien-sûr chacun sera libre d'exprimer ce qu'il pense de l'image des autres. »

    2ème phase : définition des binômes ; distribution des photographies ; travail en groupes et interactions en leur sein ; légers guidages et étayages si cela est nécessaire (10 minutes).

    3ème phase : présentation de la première photographie par les apprenants concernés ; description, commentaires et réflexions ; interactions et échanges entre les apprenants concernant le sens de l'image ; retour sur l'ensemble des sens donnés, et, le cas échéant, brèves remarques historiques et artistiques sur l'image ; passage du groupe suivant...

    Les images utilisées : voir Annexe 7

    Séquence 4 : « Retour au Photolangage. »

    Séquence 2 (fin) : « La balade photographique : de l'oeuvre personnelle aux mots. »

    Nombre de séances : 2 (séance 1 de la séquence 4 ; séance 2 de la séquence 2) (vendredi)

    Durée de chaque séance : 1 heure

    Nombre d'apprenants : 9

    Séquence 4 

    Séance 1

    1ère phase : présentation de la tâche : « vous allez refaire ce que vous avez fait lundi : vous exprimez sur une photo que vous avez choisie ; vous êtes toujours libres de choisir une photographie qui vous parle, qui fait naitre en vous des émotions que vous avez peut-être envie de partager ; vous la présenterez, ensuite, aux autres, vous expliquerez votre choix et lui donnerez un titre ; chacun pourra bien-sûr dire ce qu'il pense du choix de l'autre et exprimer son avis sur l'image. »

    2ème phase : choix de la photographie et explication par chaque apprenant ; discussions sur les commentaires et les photographies.

    Séquence 2

    Séance 2

    1ère phase : présentation de la tâche : « vous vous souvenez que mercredi nous sommes sortis au centre-ville d'Aix pour prendre des photos ; les voici ; comme je vous l'avez déjà dit, je vous propose de choisir une de vos photographies, d'écrire un petit texte dessus (par exemple : pourquoi vous avez pris cette photo, ce que vous voulez exprimer...) et de lui donner un titre ; vous êtes libres ; ceux qui n'étaient pas là mercredi, vous pouvez choisir une photo parmi celles sur la table et expliquer pourquoi vous avez choisie cette photo... »

    2ème phase : distribution des tirages ; travail individuel (dictée à l'adulte pour certains apprenants en alphabétisation ayant des difficultés à l'écrit) ; aide sur le lexique et la syntaxe si demandée ; correction des fautes les plus probantes avec les apprenants (dans un souci non pas de perfection vis-à-vis de la norme mais de respect de la pensée de chacun qui trouve sa pérennité dans l'écrit).

    Les apprenants présents à la séance du mercredi mais absents à celle de ce vendredi ont pu réaliser ce travail ultérieurement.

    Annexe 4 : Le corpus photographique utilisé au cours de l'atelier

    Nous signalons que les images suivantes s'avéraient libres de droit ou régies par une licence Creative Commons, permettant une telle utilisation en classe, au moment de la réalisation du corpus.

    http://www.flickr.com/photos/israelmendoza/3782010367/sizes/l/in/photostream/

    http://2.bp.blogspot.com/_K_O2LOG8S4w/TPZPcgr_0RI/AAAAAAAACUE/4iSxa6evdy8/s1600/8%2BGustave%2BCourbet%2BAutoportrait%2B1844-45.jpg

    http://oniifez.deviantart.com/gallery/?offset=24#/d1f4slo

    http://msrben.deviantart.com/art/Rois-Renes-sous-la-Neige-118205082?q=boost%3Apopular%20aix%20en%20provence%20neige&qo=9

    http://prettydiana.deviantart.com/art/Aix-en-Provence-270537786?q=boost%3Apopular%20aix%20en%20provence%20ville&qo=2

    http://ruthsantcortis.deviantart.com/art/Maltese-cuisine-125416739?q=boost%3Apopular%20cuisine&qo=22

    http://www.flickr.com/photos/aletadreves/6212656478/sizes/o/in/photostream/

    http://garnalfaya.free.fr/images/ecoliers.jpg

    http://2.bp.blogspot.com/_dWyutA1IDWw/SRmFIKtKvII/AAAAAAAACMs/oQdn-DHaesQ/s400/Doisneau4.jpg

    http://www.polkamagazine.com/uploads/fixture/photo/thumbnails/988x688_1910beddb5fca865a34c731774c3dc38fbc5567e.jpg

    http://khap.deviantart.com/art/Weird-fountain-101082632?q=boost%3Apopular%20aix%20en%20provence%20ville&qo=33

    http://autre-chose.deviantart.com/art/scene-de-vie-243-210153203?q=boost%3Apopular%20scene%20de%20vie&qo=57

    http://www.flickr.com/photos/nwardez/3827023660/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/socodevi/6817092164/sizes/l/in/photostream/

    http://chabi-asseles.deviantart.com/art/Kabylie-271006714?q=boost%3Apopular%20kabylie&qo=2

    http://vengallery.deviantart.com/art/Holi-162200027?q=boost%3Apopular%20india%20holi&qo=69

    http://www.flickr.com/photos/worldworldworld/4169533699/sizes/o/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/aigle_dore/5951747455/

    http://www.flickr.com/photos/seanjc/6463075909/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/sylvainbourdos/5111086548/sizes/l/in/photostream/

    http://harlequinesque84.deviantart.com/art/Children-of-India-78958309?q=boost%3Apopular%20india&qo=38

    http://www.flickr.com/photos/mox07/3973493953/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/mafate69/3877088827/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/globetraveller/6459218357/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/44676123@N08/4729343152/sizes/z/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/photonquantique/3935849892/sizes/o/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/23912576@N05/3115301393/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/lesmontsdore/6813509653/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/lesmontsdore/5343857848/sizes/l/in/set-72157624852062351/

    http://www.flickr.com/photos/tranuf/383034221/sizes/l/in/photostream/

    http://3.bp.blogspot.com/_Gi8Tjqkvz_w/TSMRUPQd7ZI/AAAAAAAABfE/3U9gtX4c8As/s1600/max+ernst1.jpg

    http://www.humano.com/assets/BlogPost/2281/Max-Ernst_3_462x462.jpg

    http://2.bp.blogspot.com/_j5MvVCKMPvE/TQj7Equ6nHI/AAAAAAAAACE/zaJU5JIPEJ8/s1600/basquiat_post2.jpg

    http://www.flickr.com/photos/piccalillidays/5501139526/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/nickcummins/4238176443/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/cpchen/3284649913/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/65073487@N00/3052794799/

    http://1.bp.blogspot.com/_RP-zmwCdAYw/RwQiEsQ8GsI/AAAAAAAAAAw/jwRezQb1Ios/s400/1476198554_4a12b5cfe6_o.jpg

    http://www.flickr.com/photos/26002962@N07/4999706826/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/johnspooner/403718366/sizes/l/in/photostream/

    http://www.flickr.com/photos/monch_18/6312211085/sizes/l/in/photostream/

    Les photographies suivantes sont issues d'une pratique de notre entourage ou personnelle, d'où l'absence de référence quant à leur paternité.

    Annexe 5 : Les images photographiques distribuées aux apprenants au cours de la séance objet de l'analyse

    Image photographique n°1 : Amityville (Kousto, 2011)

    Image photographique n°2 : Tristes gosses, Berlin Germany (Mafate 69, 2009)

    Image photographique n°3 : Le Désespéré (Gustave Courbet, 1843-1845), reproduction photographique (s.n., S.d.)

    Image photographique n°4 : Juste avant le sourire (Antoine Monmarché alias Monch, 2011)

    Annexe 6 : La transcription des données relatives à la séance objet de l'analyse

    001

    Amina

    (découvre sa photographie) hu:: eh ben dis donc aïe aïe aïe (rires)

    002

    Junko

    (découvre sa photographie) pourquoi pourquoi pourquoi ?

    003

    P

    parce que parce que parce que ?

    004

    Junko

    d'accord

    005

    Vince

    (découvre sa photographie) j'adore ? (petit rire)

    006

    Nadine (à Junko)

    alors qu'est-ce que tu en penses ? c'est une maison athée hein ? euh han- +

    007

    P

    + athée ?

    008

    Nadine

    NON ? (rires)

    009

    P

    (rires) si c'est une maison athée ? il n'y a pas de Christ dedans

    010

    Junko 

    c'est quoi athée ?

    011

    Nadine

    c'est quelqu'un qui croit pas en Dieu

    012

    Junko

    ah (petit rire) c'est la maison athée alors on commence comme ça

    (10 minutes passent)

    Image photographique n°1 : Amityville (Kousto, 2011)

    013

    P

    regardez ? + Nadine et Junko vont vous présenter la photo ?

    014

    Amina 

    c'est la maison de quoi ?

    015

    Nadine

    c'est la maison d'une famille + la famille qui vienne passer les vacances + d'été voilà + ensuite il y a l'ange statue là la statue de l'ange là ici + et c'est bon non ?

    016

    P

    oui mais alors ça ?

    017

    Amina

    oui c'est ça + vous vous qu'est-ce que vous pensez ?

    018

    P

    voilà elle est forte Amina + elle prend ma place + c'est exactement ce que j'allais dire + là vous la décrivez + c'est très bien maintenant + réfléchissez + mais vous en êtes capables ? c'est comme quand tu regardes un film

    019

    As

    (éclats de rire)

    020

    Amina

    c'est à nous de juger ?

    021

    Vince

    le cave en bas ? + Pablo + qu'est-ce le contraire de le cave le cave en bas ? c'est quoi le ?

    022

    P

    *the attic* ? le grenier

    023

    Fabien

    le grenier ouais grenier ouais

    024

    Nadine

    il y a plein d'arbres + il y a plein d'arbres et c'est + c'est une XX

    025

    P

    ECOUTEZ NADINE ? ECOUTEZ NADINE ? + alors Nadine ?

    026

    Nadine

    il y a plein d'arbres + et oui c'est le printemps ?

    027

    Amina

    (éclat de rire)

    028

    Alexandre

    déjà c'est c'est la nuit + c'est la nuit

    029

    Nadine

    oui c'est la nuit (rires)

    030

    P

    alors alors on va aller autrement + quand vous regardez cette photo vous pensez à quoi + sans la décrire ? + quel est le sentiment que ?

    031

    Alexandre

    une maison hantée

    032

    Nadine

    oui voilà (rires)

    033

    P

    EH BEN DITES LE si vous voyez une maison hantée ?

    034

    Vince

    tu penses on a + inaudible

    035

    Nadine

    elle l'a dit tout à l'heure (désigne Junko)

    036

    As

    inaudible

    037

    Alexandre

    inaudible

    038

    P

    ECOUTEZ LE GENDARME ?

    039

    Amina

    on les laisse ? c'est normal

    040

    Nadine

    non mais vas-y ? nous on a fini

    041

    Amina

    non non non vas-y ?

    042

    Alexandre

    mais non

    043

    P

    non:: ? + + allez n'ayez pas peu- ? Junko prends la parole ?

    044

    Junko 

    d'abord j'ai pensé comme eux c'est la maison han- + hantée + mais: elle a dit non mais c'est une église ? elle a dit c'est une église elle a pensé de ça ?

    045

    Nadine

    oui: pourquoi pas ?

    046

    P

    et pourquoi tu as pensé à une église ?

    047

    Nadine

    ben après j'ai dit non c'est pas une église parce que: y a y a un: + euh non y a la fenêtre et le: le: le balcon là

    048

    Alexandre

    une statue

    049

    Junko

    il y a la fenêtre

    050

    P

    mais pourquoi tu as pensé à une église au début ?

    051

    Amina

    (rires)

    052

    Junko

    parce que c'est comme + luminée

    053

    Nadine

    parce que c'est comme + le la maison on dirait que: c'est une église

    054

    P

    dans la forme ?

    055

    Nadine

    oui voilà ?

    056

    Junko

    et oui c'est peut-être elle a pensé que avec cette luminée et c'est comme il y a une esc- + comment on dit ?

    057

    Nadine

    non

    058

    Junko

    ah non d'accord (rires)

    059

    P

    ah ben elle peut penser pour toi après c'est oui ou non

    060

    Junko

    peut-être elle a pensé avec luminée c'est comme + comme divine

    061

    Nadine

    (coupe Junko) qu'est-ce que toi tu penses ?

    062

    P

    ah moi je pense: + alors Amina avait quelque chose par rapport à la forme de la maison à dire

    063

    Amina

    moi je pense que c'est une maison + y a les gens qui ont habité d- dans la maison maintenant + ils sont morts + ça fait longtemps qu'ils ont habité dedans et maintenant ils sont morts

    064

    Alexandre

    une maison hantée

    065

    Amina

    oui maintenant lé lé maison c'est maison de famille + qui (petit rire)

    066

    Alexandre

    (petit rire) il y a tout qui bouge dedans

    067

    Amina

    oui moi c'est ca que j'imaginais + avec les les nuages qui (mime les nuages qui bougent) + dehors tout ça avec les arbres + moi je pense ça

    068

    Nadine

    oui

    069

    Junko

    oui c'est vrai personne n'est là-bas mais avant peut-être il y a beaucoup de gens: et puis c'était animé: mais maintenant il y a +

    070

    Nadine

    plus de il y a plus euh +

    071

    Junko

    plus des arbres plus de nature mais peut-être + il y a les lumières peut-être il y a quelqu'un mais: juste seulement pour les vacances + qui viennent

    072

    Nadine

    et oui il y a de la lumière

    073

    Vince

    un gars comme moi ? + un peu comme moi qui y va (rires)

    074

    Nadine

    c'est une maison hantée c'est ça hantée ?

    075

    P

    s'il y a un fantôme dans la maison c'est une maison qui est hantée + oui oui oui + et vous vous en pensez quoi de cette photo ? + pareil  des choses diff-

    076

    Vince

    je pense que c'était une maison hantée + ouais + je ne sais pas pourquoi mais quand j'ai vu + une maison avec les lumières allumées dans le grenier j'ai pensé aux fantômes

    077

    Fabien

    oui moi aussi je pense que c'est une maison hantée

    078

    As

    inaudible

    079

    P

    et Gaëlle qu'est-ce que vous voyez dans cette maison ? + + qu'est-ce que vous voyez dans cette maison vous ? (elle désigne sa photographie) ah OUI ? celle là oui celle là c'est la votre mais là nous on était en train de parler de cette photo c'était la photo de Nadine et Junko et qu'est-ce que vous ?

    080

    Gaëlle

    c'est la maison allumée + euh le fantôme (petit rire)

    081

    Amina

    et voilà (petit rire)

    082

    P

    oui le fantôme

    083

    Alexandre

    il vaudrait mieux pas habiter là dedans (petit rire)

    084

    P

    c'est une maison sataniste alors ? ou satanique ?

    085

    Carin

    oh non ne dis pas ça ?

    Image photographique n°2 : Tristes gosses, Berlin Germany (Mafate 69, 2009)

    086

    P

    alors Gaëlle et Amina ont cette photo à vous présenter + +

    087

    Gaëlle

    c'est deux enfants + +

    088

    Amina

    il y a + +

    089

    P

    allez-y on vous écoute ?

    090

    Amina

    il y a quelqu'un qui a kidnappé des enfants + un petit garçon et une petite fille + ils ont mis dans une salle + ils ont pris une bombe + ils ont allumé ils ont pris le petit garçon il est assis sur une bombe et lé petite fille + elle elle est assis à côté elle elle pleure pour quelqu'un qui si elle entend: elle pleure là-bas ils vont venir l'aider et les libérer + parce que elle + le petit garçon elle lui il bouge pas il est resté assis comme ça + timide XX triste et lé fille elle est assis à côté et elle pleure pour quelqu'un qui l'entend pour venir les libérer + c'est ce que j'ai pensé sur la photo

    091

    P

    D'ACCORD ? ok ouais très très bien + Gaëlle ?

    092

    Gaëlle

    aussi ? (petit rire)

    093

    As & P

    (rires)

    094

    Alexandre

    elle a le coeur brisé

    095

    P

    AH OUI ? regardez Alexandre ce qu'il vous dit elle a le coeur brisé

    096

    Fabien

    elle a le coeur brisé

    097

    Vince

    moi j'ai vu ça ? comme une métaphore pour les rêves brisés ?

    098

    P

    une métaphore voilà j'étais en train de penser à ça aussi

    099

    Carin

    une métaphore de quoi ?

    100

    Vince

    les rêves brisés les rêves cassés

    101

    Alexandre

    et sur le coeur on voit des dessins sur le coeur on voit le dessin de la fille et le garçon si tu regardes bien

    102

    Junko

    ah:

    103

    Alexandre

    c'est une séparation d'enfants + euh + d'enfants qui s'aiment + qui s'aiment pas d'amour + qui s'aiment de petit enfant

    104

    Junko

    ah:

    105

    Amina

    oui oui ça je sais

    106

    P

    platoniquement

    107

    Alexandre

    et le garçon a un problème parce qu'il est assis sur des grenades et la fille a le coeur brisé de voir que son copain a des problèmes + tu vois sur le coeur + brisé + au coeur rouge tu vois la tête du garçon et de la fille tu le vois là ? tu le vois le ?

    108

    Vince

    ensemble là ouais

    109

    Nadine

    oui là là

    110

    Amina

    il y a + il y a des + XX des jumeaux

    111

    As

    inaudible

    112

    Alexandre

    je pense hein ?

    113

    P

    tu penses ce que tu veux et c'est très bien ce que tu penses

    114

    Alexandre

    je pense que ça eux c'est leur problème

    115

    Junko

    je pense que c'est la fin de enfance ?

    116

    Vince 

    hum + oh je suis d'accord à ça ? + mais moi je regarde qu'est-ce qui vole dehors

    116 bis  Les trois garçons discutent sur le pollen qui tombe à l'extérieur.

    117

    Amina

    voilà à vous

    118

    P

    est-ce qu'on pourrait pas aussi comparer cet enfant qui est assis sur une bombe ? + à peut-être + euh + à la difficulté de l'enfance + dans ce monde + actuel + comme un enfant qui serait assis + sur la guerre finalement + parce qu'à tout moment tout peut exploser + et donc il + alors que c'est un enfant il devrait être en train de jouer assis sur une chaise non il est assis sur une BOMBE qui va exploser bientôt + alors comme tu le disais ils ont pu être kidnappés + mais ils ont également + ils sont en danger

    119

    Alexandre

    oui ils sont en danger

    120

    Amina

    c'est pour ça ils sont en danger c'est pour ça la petite fille elle elle est en train de pleurer si y a quelqu'un il est derrière pour venir

    121

    P

    oui c'est très très très bien

    122

    Carin

    je pense aussi que si il est sur une bombe parce que il a un problème et si on fait rien après après (petit rire) + il va avoir plus de problèmes

    123

    Alexandre

    il va sauter (petit rire)

    124

    As

    (rires)

    125

    P

    exactement quand on joue à un jeu dangereux parfois on peut dire

    126

    Carin

    non non psychologiquement je voulais dire ?

    127

    P

    aussi oui oui

    128

    Amina

    je dis + euh + les deux enfants là ils sont trop petites pour venir assis tout seul pour: + faire + mourir tout suite

    129

    P

    hun oui + finalement on les oblige là + ils sont comme tu disais kidnappés + psychologiquement ou + physiquement ?

    Image photographie n°3 : Le Désespéré (Gustave Courbet, 1843-1845), reproduction photographique (s.n., S.d.)

    130

    Alexandre

    alors nous + alors moi ce que je pense c'est: + (à Carin) tu veux expliquer toi ?

    131

    Carin

    non mais

    132

    P

    expliquez tous les deux ?

    133

    Carin

    on a un peu des problèmes

    134

    Alexandre

    ouais

    135

    P

    ah ben deux versions différentes très bien chacun dit la sienne ?

    136

    Alexandre

    bon moi je pense que c'est + ou un: + comme il est habillé comme il est: coiffé + comme sa moustache et son petit bouc + il ressemble un peu à des mousquetaires de:: + +

    137

    P

    d'Alexandre Dumas + des mousquetaires oui

    138

    Alexandre

    voilà + des mousquetaires ou alors à un pirate de: de: de bateau + et là je vois qu'il est émotionné + il a + il doit avoir quelque chose de: de: grave de: + et là où ça m'intrigue le plus

    139

    P

    il est ému voilà pas émotionné il est ému

    140

    Alexandre

    voilà ouais il est ému et là où ça m'inquiète le plus + c'est c'est + ses ses bras + ses bras et ses mains + je ne sais pas si vous voyez là ? + il a il a de la peau là ou alors il a une maladie on dirait que c'est de la peau morte

    141

    P

    d'accord ouais + +

    142

    Alexandre

    et + + il y a quelque chose de tragique qu'il voit hein ? +

    143

    P

    donc d'après toi il voit quelque chose de tragique et donc il réagit

    144

    Alexandre

    il réagit voilà + il est très: frustré + il est: + il est: + +

    145

    P

    oui il est ému + il vit une émotion

    146

    Alexandre

    il vit une grosse émotion

    147

    Fabien

    c'est un tableau je crois non ?

    148

    P

    ah ouais Fabien dit que c'est un tableau en effet c'est un tableau

    149

    Alexandre

    c'est un tableau peut-être oui oui oui

    150

    P

    c'est une photo d'un tableau + parce que je ne pourrais pas vous apporter

    151

    Nadine

    il ressemble quand même à Johnny Depp hein ?

    152

    P

    ah: c'est un pira:te des Caraï:bes ?

    153

    Nadine

    (éclat de rire) voilà

    154

    Alexandre

    ou alors un mousquetaire ?

    155

    Nadine & P

    oui

    156

    P

    alors Carin

    157

    Carin

    oui je pense qu'il il a passé quelque chose de horreur qu'il a vu ou qu'il a fait peut-être c'est un révolutionnaire qui qui a + tué quelqu'un + il se sent pas + il se sent très:: + +

    158

    P

    tu veux dire quoi ?

    159

    Carin

    je pense peut-être qu'il a tué quelqu'un sans sans sans le voul- +

    160

    Alexandre

    sans le vouloir

    161

    Carin

    vouloir il + + il a de sentiment de:: peur de regret + hum + + je pense qu'il va + + qu'il va être (doucement) fou: (petit rire) + +

    162

    Alexandre

    de regret

    163

    P

    il va être il devient fou

    164

    Carin

    oui il va devenir fou + parce qu'il se sent pas bien du tout psychologiquement ?

    165

    P

    vous avez tous les deux vu ça finalement + alors pour toi c'est un mousquetaire + pour toi un révolutionnaire

    166

    Alexandre

    moi ce qui m'a impressionné + c'est ses ses boules + ce qu'il a aux bras et à la main tu sais + la peau la peau qui tombe

    167

    Amina

    oui et sinon + + moi je voyais c'est quelqu'un qui rentrait à la maison + il tombe dessus sa femme et quelqu'un il a tué sa femme et là + parce que il va pas expliquer qui a tué son sa femme maintenant là qu'est-ce qu'il doit dire si lé police elle est venue il va dire c'était lui qui l'a fait + et là (rires) ils vont l'envoyer et c'est pas lui + là il est il est

    168

    Nadine

    (rires) oui pourquoi pas ? + et oui il est surpris quoi

    169

    As & P

    (rires)

    170

    Alexandre

    ou alors ou alors il a gagné au loto

    171

    As & P

    (éclats de rire)

    172

    P

    ce sont bien mes numéros:: (mime le personnage du tableau) + alors Gaëlle qu'est-ce que vous voyez ? + d'après vous qu'est-ce ce ça peut vouloir dire cette photo ? + quand vous voyez cette photo qu'est-ce que vous voulez dire en premier dans + les sentiments ?

    173

    Alexandre

    qu'il est beau ?

    174

    As & P

    (rires)

    175

    P

    ça je sais que ? ce sont tes propres sentiments vis-à-vis des hommes ?

    176

    Carin

    il dit « je vieillis:: » (petit rire)

    177

    Alexandre

    (petit rire)

    178

    Nadine

    dis-lui d'expliquer comme elle veut ?

    179

    P

    oh elle le sait Gaëlle + vous avez carte blanche

    180

    Amina

    si il va gagner au loto il va sourire et là il a pas gagné au loto

    181

    P

    alors non ? si ?

    182

    Gaëlle

    un révolutionnaire

    183

    P

    un révolutionnaire ? non: enfin pour Carin peut-être pas pour vous ?

    184

    Gaëlle

    je sais mais: + je (petit rire) + oui je sais mais: un petit peu

    185

    P

    je sais que vous savez + ben des mots simples + + qu'est-ce qu'elle vous dit cette photo quand vous la voyez

    186

    Nadine

    prends ton temps tranquille on n'est pas pressés ? (rires)

    187

    P

    ah c'est pas grave pour la prochaine fois

    188

    Amina

    inaudible + elle est pas comme moi elle est venue + inaudible

    189

    As

    inaudible

    190

    Carin (à Vince)

    et ça c'est pire

    191

    Vince (à Carin)

    c'est un couchemar

    192

    Carin (à Vince)

    et après il a regardé

    193

    Af

    il est énervé

    194

    P

    ah oui il est énervé on peut dire qu'il est énervé il y a quelque chose qui s'est passé et vous deux ? parce que vous n'avez pas parlé dessus ?

    195

    Vince

    euh je crois moi je pense qu'il a vu cette photo là (désigne et montre sa photographie) (rires)

    196

    As & P

    (rires)

    197

    P

    peut-être voilà on peut + on fait un diptyque (met les images face à face puis côte à côte)

    198

    As

    ouais

    199

    Carin

    « c'est moi ça » ?

    200

    P

    avant après

    201

    Vince

    euh moi hum + parfois quand j'ai un couchemar quand je me lève je je me présente comme ça dans la glace ah c'est pas vrai c'est pas vrai + + et les yeux parlent ça + + quand j'arrive XX et je tiens les chevaux

    202

    Amina

    XX ton cauchemar tu m'appelles comme ça (petit rire)

    203

    P

    les cheveux pas les chevaux + les cheveux comme « je veux »

    204

    Vince

    comment + cheveux + + je tiens les cheveux comme ça

    205

    P

    ouais et donc pareil Fabien ? vous avez des choses à rajouter par rapport à ce qui a été dit ? + + alors en fait cette peinture c'est un autoportrait + vous savez ce qu'est un autoportrait

    206

    Fabien

    non

    207

    Nadine

    de qui

    208

    Fabien

    de lui-même

    209

    Carin

    du peintre

    210

    Vince

    de l'artiste

    211

    P

    est-ce que vous comprenez ce que c'est un autoportrait

    212

    Nadine

    un autoportrait c'est: euh + c'est une photo non ?

    213

    P

    non c'est pas juste une photo ça peut être

    214

    Amina

    c'était quelqu'un qui fait le peintre non ?

    215

    Alexandre

    c'est lui-même

    216

    Vince

    ouais c'est comme + inaudible

    217

    P

    voilà un autoportrait c'est quand un peintre se dessine lui-même + vous vous prenez votre appareil et faites ça sur vous (click, mime une prise de photographie en autoportrait) c'est un autoportrait

    218

    Nadine

    ah ah c'est lui ah oui oui oui

    219

    P

    alors il s'appelle Gustave Courbet + et + cette toile donc cette peinture s'appelle et ça ça rejoint ce que vous dites s'appelle Le Désespéré + Le Désespéré et donc il n'a plus d'espoir + parce que (désigne Amina) sa femme est morte parce qu'il est désespéré (désigne Alexandre) en plus tu l'as vu dans les couleurs donc tu sens qu'il y a quelque chose de tragique en lui qui se passe

    220

    Alexandre

    oui c'est au temps des ?

    221

    P

    des Romains (petit rire) non Courbet ça doit être entre 1850 et 1900 + + alors maintenant on va écouter Fabien et Vince qui ont une photo très::

    222

    Nadine

    allez allez-y messieurs ?

    Image photographique n°4 : Juste avant le sourire (Antoine Monmarché alias Monch, 2011)

    223

    Fabien

    alors on a une photo un peu qui fait peur quoi + on on dirait que quelqu'un porte un masque ou: + (à Vince) j'sais pas + ce que tu en penses

    224

    Nadine

    on dirait mort

    225

    Amina

    mort-vivant

    226

    Vince

    une bouche X un visage

    227

    Fabien

    voilà qui porte un visage ou + j'sais pas on dirait que + qui fait peur

    228

    Vince

    moi je trouve que c'est:

    229

    Amina

    c'est des morts-vivants

    230

    Nadine

    on dirait mort oui (rires)

    231

    Amina

    non c'est les vamp- + les gens + dans les dans les clips de Michael Jackson maintenant ils sortent du cimetière (rires)

    232

    Vince

    ça c'est du bois

    233

    Alexandre

    ça c'est un rocher de pierre

    234

    Vince

    ah ouais ?

    235

    P (à Amina)

    toi j'ai compris que tu aimais les films d'horreur

    236

    Amina

    (rires)

    237

    Alexandre

    ça c'est un mur une casc- un mur dans un rocher + un mur dans un rocher + et après + euh + c'est c'est un mur

    238

    Vince

    ok + + moi j'ai vu le fil là

    239

    P

    ah d'accord oui

    240

    Alexandre

    non c'est une grotte c'est de la pierre ça c'est de la pierre

    241

    Carin

    je pensais que c'était sur ? XX

    242

    Fabien

    c'est quelqu'un qui est comme ça + ça serait comme ça tu verrais son pouce mais là tu le vois pas son pouce c'est comme si il se prenait la tête quoi mais c'est bizarre on dirait qu'il dirait qu'il crie

    243

    Carin

    ici je pensais que c'est comme XX + il y a quelque chose qui rend + inaudible

    244

    Vince

    s'il y a + inaudible

    245

    Alexandre

    s'il y a de l'eau là c'est comme une fontaine + une roche

    246

    Fabien

    moi j'ai un problème avec un truc ouais qui me gêne

    247

    P (à Alexandre et Fabien)

    laissez parler un peu Vince ? + après vous::

    248

    Vince

    moi j'ai le même problème là avec + moi j'ai vu un fil

    249

    Alexandre

    une clé ?

    250

    P

    laisse-le parler un peu ?

    251

    As

    (rires)

    252

    Nadine

    c'est vrai que aujourd'hui Vince il n'a pas parlé beaucoup (rires)

    253

    Vince

    hey: entre nous deux oui on a réussi + euh mais euh ici moi je pensais à un truc de migraine mal à la tête + avec les yeux + avec les yeux là + et même moi j'ai vu le le visage les yeux et la bouche et tout ça mais ça le rouge pour moi c'est plutôt comme du sang + du sang pour moi + euh et donc pour moi ça venait de XX des yeux + il y a quelque chose qui sort de la tête

    254

    P

    d'accord

    255

    Fabien

    je ne sais pas

    256

    Alexandre

    moi je pense que c'est une roche

    257

    Vince

    non moi je je suis d'accord que tout ça c'est un roche oui ? + le derrière là ?

    258

    Fabien

    oui oui moi aussi je suis d'accord avec toi tout ça +

    259

    Alexandre

    mais c'est bien fait parce que après

    260

    Vince

    je croyais que c'était un miur comme: + euh

    261

    P

    un lieu ?

    262

    Vince

    un miur

    263

    P

    un mieux ?

    264

    Alexandre

    un masque un masque

    265

    As

    mur

    266

    Alexandre

    un mur une roche

    267

    P

    mur

    268

    Vince

    mur

    269

    Nadine

    c'est un mur ça ?

    270

    P

    il a dit qu'il pensait ? que c'était un mur ?

    271

    Fabien

    mais je ne pense pas que ce soit une peinture parce que tu vois que c'est une photo ça pas une peinture parce que tu vois bien les mains quand même + tu vois les + c'est pas peint enfin si c'est un peintre en tout cas il s'est gavé le mec

    272

    Alexandre

    non mais les mains tu peux les mettre après

    273

    Vince

    moi je connais un peu des artistes

    274

    Amina

    (fait demander la photographie à ses camarades)

    275

    Fabien

    on voit un tatouage et tout on voit un tatouage + à un moment

    276

    P

    ah ouais ?

    277

    Fabien

    ouais en bas du: + on voit un tatouage

    278

    Vince

    un peu de ? *XXX*

    279

    P

    comment ?

    280

    Vince

    un peu de *XXX*

    281

    P

    ah ouais peut-être

    282

    Fabien

    on voit un tatouage là et un tatouage là un qu'on voit tout en bas

    283

    Vince

    et même moi je connais un peu des artistes de graffiti qui sont super qui sait tout faire ouais

    284

    Amina

    c'est un masque

    285

    P

    un masque ?

    286

    Fabien

    ah ouais qui arrive à faire la peau comme ça

    287

    Amina

    un masque de bois

    288

    Vince

    ouais qui arrive à faire tout les yeux XX parfaitement ouais c'est énorme avec les X XX c'est super

    289

    Amina

    c'est un masque de bois

    290

    P

    un masque de foire ?

    291

    Amina

    de bois

    292

    P

    AH:: de bois

    293

    Vince

    c'est d'accord aussi mais je suis d'accord avec toi que + inaudible

    294

    Alexandre

    moi je vois un mur tu vois + où il a la mousse

    295

    Amina

    oui tu sais les vieilles arbres là dans les +

    296

    P

    ah elle a des choses à dire oui ?

    297

    Amina

    ancienne arbre + il était morte il était très très très vieille arbre + il était morte maintenant il a pris une + comment s'appelle une partie: du bois elle a fait un trou et fait masque + un masque + je sais pas ?

    298

    Fabien

    ah: et il le porte comme ça ah:

    299

    P

    parfois oui comme elle dit même dans la nature on voit les arbres qui ont des formes particulières ils sont morts ou très très vieux ou ils ont pris la foudre et qu'est-ce que ?

    300

    Carin

    je pense c'est une personne qui se sent comme ça mal + c'est une psychose

    301

    Amina

    c'est un vampire

    302

    Vince

    et pourquoi il se sent comme ça:: ?

    303

    P

    ah: peut-être essayez de savoir pourquoi elle ne se sent pas bien cette personne ? enfin ou en tout cas qu'est-ce qui peut se passer ?

    304

    Fabien

    c'est une photo sombre quoi elle est sombre

    305

    Nadine

    très sombre oui + moi je dirais que

    306

    Alexandre

    moi je pense que c'est une roche

    307

    P

    je sais ? que tu penses que c'est une roche ? + mais au-delà de la roche qu'est ce que ça te fait ressentir ?

    308

    Nadine

    c'est un masque hein ?

    309

    Amina

    oui + c'est un mort + vampire

    310

    P

    Carin dit que c'est une psychose donc il y a de la folie

    311

    Alexandre

    oui oui oui

    312

    Amina

    c'est comme un vampire

    313

    P

    oui on peut dire un monstre aussi + les vampires les morts-vivants comme tu disais

    314

    Amina

    un monstre

    315

    Fabien

    on dirait de loin on dirait que c'est pas la même photo de loin quand elle est loin t'as vu + on peut imaginer regarde quand elle est de loin + inaudible

    316

    Alexandre

    comment ça s'appelle + + en Afrique ils ont beaucoup des ?

    317

    Nadine

    des masques là

    318

    Alexandre

    oui voilà

    319

    Fabien

    il y a des cheveux là on dirait des cheveux enfin je sais pas

    320

    Vince

    il y a des ombres là

    321

    Amina

    oui dans + quand on regarde les films dans le truc comme ils vont faire mort-vivant le cimetière il voulait faire comme ça peut-être ?

    322

    Fabien

    j'sais pas elle est bizarre cette photo de près et de loin c'est pas la même vision que tu vois + on dirait que c'est pas la même j'sais pas ça représente quelque chose mais quoi ? de près et de loin peut-être que c'est moi qui rêve mais je pense de loin on dirait j'sais pas c'est pas la même photo on dirait de près et de loin

    323

    Vince

    c'est possible que il porte quelque chose là ? (petit rire)

    324

    Amina

    je ne pense pas ?

    325

    Vince

    c'est comme il porte de l'eau (petit rire)

    326

    P

    eh ben montre-leur de loin sinon + est-ce que vous voyez la même chose ? alors Fabien dit que quand on éloigne la photo on voit quelque chose de différent

    327

    Carin

    non un autre point de vue différent

    328

    Vince

    et si on la mit à l'envers ?

    329

    Fabien

    à l'envers ?

    330

    Vince

    ouais qu'est-ce que tu vois ? si c'est comme à l'envers à l'envers c'est comme l'eau

    331

    Carin

    oui c'est vrai ?

    332

    Nadine

    je dirais que il a mis il a pris le masque

    333

    Fabien

    de loin on dirait que c'est pas la même photo quand tu regardes de près et de loin tu vois ce que je veux dire ? enfin je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire ?

    334

    P

    alors on dit que le point de vue + le point de vue change

    335

    Fabien

    le point de vue n'est pas le même + alors quoi je ne sais pas je ne pourrai pas te dire

    336

    Nadine

    moi je dirais que c'est un masque

    337

    Fabien

    ouais c'est un masque mais j'sais pas

    338

    P

    finalement en tout cas elle vous fait peur + Amina pense aux films d'horreur et aux histoires de morts-vivants quand elle le voit + toi tu penses à de la roche mais en même temps

    339

    Amina

    ça + attends + souvent quelqu'un qui est mort longtemps + il a pris son tête

    340

    Alexandre

    l'homme de pierre

    341

    Nadine

    non si si ?

    342

    Amina

    ou quelqu'un ou les animaux avant tu sais là ils vont montrer le tête et vont mettre

    343

    Alexandre

    les hommes préhistoriques ? non ?

    344

    P

    alors Amina tu parles d'un squelette + d'une personne + le corps

    345

    Amina

    il a pris la tête

    346

    Carin

    il parait très Le Cri Le Cri le tableau norvégienne Le Cri sur angoisse + il ressemble un peu de la même manière

    347

    Vince

    hun hun

    348

    Nadine

    bon dis-nous qu'est-ce que ce toi tu en penses ?

    349

    P

    qu'est-ce que moi j'en pense ? alors donc tu viens de dire quelque chose (désigne Carin) + c'est qu'en fait déjà c'est écrit en dessous (montre la signature de la photographie, Monch) + alors normalement il y a un tableau qui a été fait en 1850-1900 par un peintre expressionniste qui s'appelait Munch et il a fait ce qu'on appelle Le Cri + c'était un homme qui avait un visage à peu près pareil + si vous avez vu le film Scream qui fait peur

    350

    As

    oui

    351

    P

    il avait le même visage que le masque que portent les tueurs dans ce film là et donc il est là comme ça en plein milieu d'un pont et il crie + donc il crie sa douleur ses psychoses et comme tu disais (désigne Carin) donc c'est une réinterprétation c'est un un hommage à cette peinture là + alors moi je pense que c'est une peinture + ça peut être une photo retouchée

    352

    Amina

    c'est pas il a fait des poses ? + il a fait comme ça à sa main sous le + il a fait comme ça à sa main + ah c'est + il va faire comme ça à sa main ils vont faire une photo pour envoyer personne

    353

    P

    ah oui: + + mais après avec une photo on peut tout faire c'est vrai que: + après je ne sais pas ? je ne peux pas vous dire ? + si vous pensez que c'est une peinture c'est une peinture (désigne Alexandre) toi tu as raison sur la texture de la roche mais quand tu es un bon peintre et que tu veux expérimenter tu peux toujours essayer de faire des textures

    354

    Alexandre

    oui parce que moi j'ai vu dans des endroits de la roche plus tu t'approches eh ben tu t'imag- + tu vois le visage d'un être d'un être humain

    355

    P

    eh ben tu sais que Léonard De Vinci faisait ça + il voyait dans les arbres dans les écorces des arbres des visages13(*)

    356

    Alexandre

    des visages

    357

    Nadine

    ah bon ?

    358

    As

    oui

    359

    P

    dans la nature parfois tu te promènes et tu te dis tiens on dirait quelqu'un qui crie qui pleure qui est heureux bon généralement c'est plutôt triste mais ça dépend de l'artiste aussi (petit rire)

    360

    Nadine

    (petit rire) oui c'est sûr

    361

    Alexandre

    et il y a des pierres par terre il y a des pierres que tu regardes

    362

    Fabien

    quand tu regardes les nuages tu t'imagines des trucs

    363

    P

    ah oui

    364

    Fabien

    quand tu regardes les nuages c'est vrai tu t'imagines des choses + on dirait des formes d'animaux enfin

    365

    P

    qu'est-ce que vous voyez vous dans les nuages généralement ?

    365 bis : Nous discutons, ensemble, sur ce que chacun aperçoit quand il regarde le ciel et les nuages.

    Annexe 7: Les conventions de transcription

    Alexandre14(*)

    prénom de l'apprenant(e) identifié(e) comme locuteur(-trice)

    P

    professeur

    As

    plusieurs apprenant(e)s

    Af

    apprenante non identifiée

    Am

    apprenant non identifié

    (à P)

    désignation directe d'un nouvel interlocuteur privilégié

    (coupe Junko)

    commentaire sur les didascalies énonciatives

    (rires) et (désigne)

    commentaire sur le para-verbal et le non-verbal kinésique

    han-

    mot tronqué

    AH D'ACCORD

    emphase intonative

    X

    segment incompréhensible (le X correspond au nombre de syllabes)

    inaudible

    segment long inaudible et incompréhensible (bruit)

    énoncé

    énoncé

    chevauchement d'énoncés

    ?

    intonation montante

    ?

    intonation descendante

    :

    allongement de la syllabe

    ::

    allongement plus long de la syllabe

    +

    pose dans l'énoncé

    + +

    pose plus longue dans l'énoncé

    *XX*

    langue autre que la langue cible

     
     
     

    Annexe 8 : Les marqueurs de la subjectivité chez les apprenants

    Chez Amina

    TP 063 : moi je pense que c'est une maison [...]

    TP 067 : oui moi c'est ca que j'imaginais + [...] + moi je pense ça

    TP 090 : [...] c'est ce que j'ai pensé sur la photo

    TP 105 : oui oui ça je sais

    TP 128 : je dis + euh + les deux enfants là [...]

    TP 167 : [...] moi je voyais c'est quelqu'un qui rentrait à la maison [...]

    TP 188 : [...] elle est pas comme moi [...]

    TP 202 : XX ton cauchemar tu m'appelles comme ça

    TP 297 : [...] un masque + je sais pas ?

    TP 321 : [...] il voulait faire comme ça peut-être ?

    TP 324 : je ne pense pas ?

    TP 352 : c'est pas il a fait des poses ? [...]

    Chez Carin

    TP 122 : je pense aussi que si il est sur une bombe [...]

    TP 126 : non non psychologiquement je voulais dire ?

    TP 157 : oui je pense [...] qu'il a vu ou qu'il a fait peut-être [...]

    TP 159 : je pense peut-être qu'il a tué quelqu'un [...]

    TP 161 : [...] je pense qu'il va + + qu'il va être fou:

    TP 241 : je pensais que c'était sur ?

    TP 243 : ici je pensais que c'est comme [...]

    TP 300 : je pense c'est une personne qui se sent comme ça mal [...]

    TP 346 : [...] il ressemble un peu de la même manière

    Chez Gaëlle

    TP 184 : je sais mais: + je + oui je sais mais: un petit peu

    Chez Junko

    TP 044 : d'abord j'ai pensé comme eux c'est la maison [...] ?

    TP 056 : et oui c'est peut-être elle a pensé que [...]

    TP 060 : peut-être elle a pensé [...]

    TP 069 : oui c'est vrai personne n'est là bas mais avant peut-être [...]

    TP 071 : [...] plus de nature mais peut-être + il y a les lumières peut-être [...]

    TP 115 : je pense que c'est la fin de enfance ?

    Chez Nadine

    TP 053 : [...] la maison on dirait que: c'est une église

    TP 045 : oui: pourquoi pas ?

    TP 047 : ben après j'ai dit non [...]

    TP 151 : il ressemble quand même à Johnny Depp hein ?

    TP 168 : oui pourquoi pas [...]

    TP 224 : on dirait mort

    TP 230 : on dirait mort oui

    TP 305 : [...] moi je dirais que

    TP 332 : je dirais que il a mis il a pris le masque

    TP 336 : moi je dirais que c'est un masque

    Chez Vince

    TP 05 : j'adore ?

    TP 073 : un gars comme moi ? + un peu comme moi qui y va

    TP 076 : je pense que c'était une maison hantée + ouais + je ne sais pas pourquoi mais quand j'ai vu [...] j'ai pensé aux fantômes

    TP 097 : moi j'ai vu ça ? comme une métaphore pour les rêves brisés ?

    TP 116 : hum + oh je suis d'accord à ça ? [...]

    TP 195 : euh je crois moi je pense qu'il a vu cette photo là

    TP 201 : euh moi hum + parfois quand j'ai un couchemar quand je me lève je je me présente [...] quand j'arrive XX et je tiens les chevaux

    TP 228 : moi je trouve que c'est:

    TP 238 : [...] moi j'ai vu le fil là

    TP 283 : et même moi je connais un peu des artistes de graffiti [...]

    TP 260 : je croyais que c'était un miur [...]

    TP 257 : non moi je je suis d'accord que tout ça c'est un roche oui [...]

    TP 253 : [...] ici moi je pensais à [...] et même moi j'ai vu [...] mais ça le rouge pour moi c'est plutôt [...] du sang pour moi + euh et donc pour moi ça venait [...]

    TP 248 : moi j'ai le même problème là avec + moi j'ai vu un fil

    TP 323 : c'est possible que il porte quelque chose là ?

    TP 293 : [...] je suis d'accord avec toi que

    Les caractères gras mettent en évidence les termes analysés. Les couleurs renvoient à celles du graphique. Nous précisons qu'en cas d'utilisation du « moi » en tant que pronom tonique (« moi, je »), nous ne comptabilisons qu'une seule occurrence.

    Résumé

    Le présent mémoire s'attache à l'analyse de l'expression personnelle, de la communication et des interactions orales en classe de langue. Il procède de la capacité des images à susciter le langage. L'image photographique est, en l'espèce, considérée comme un déclencheur de messages verbaux. Le dispositif didactique mis en oeuvre se place dans un contexte de français enseigné comme langue seconde d'hôte avec des apprenants adultes de l'ASTI d'Aix-en-Provence à qui nous avons proposé de commenter des photographies. L'analyse d'une séance spécifique nous a permis de nous focaliser sur l'émergence d'interactions communicatives orales et d'une expression personnelle en classe de langue. La photographie suscite des enjeux communicatifs qui favorisent l'implication des apprenants et l'élaboration d'un discours créatif. Ces derniers communiquent et interagissent entre eux, ils inventent, s'expriment, jouent avec leurs idées et apprennent dans une atmosphère qui allie étude, humour et déritualisation du schéma de classe classique.

    Mots-clés : apprentissage et enseignement des langues - communication verbale - interaction orale - photographie et image- expression personnelle créative

    Abstract

    This dissertation deals with personal expression, communication and oral interactions analysis in foreign language classroom. It is a product of the capacity of images to trigger language. Picture is, in this case, considered as a means to induce verbal acts of communication. Our didactic approach deals with French as foreign language context including adult learners from l'ASTI d'Aix-en-Provence. We invited them to comment photographs. The analysis of a specific session allowed us to focus on the emergence of personal expression and communication acts and oral interactions in language classroom. Photograph arouses and sparks off communicative issues which induce students to get involved and develop a creative speech. They communicate, discourse and interact with others, they contrive, dally with their ideas and learn in an industrious but unconventional atmosphere where they can use humor and modify the classical classroom scheme.

    Keywords: foreign language teaching and learning - verbal communication - oral interaction - photograph and picture - personal creative expression

    * 1 Source : Insee, Population étrangère au sein de l'Union européenne en 2010

    * 2 L'auteur souligne que sa présente étude exclut « les images dites mixtes [qui] incluent du texte ». Nous la rejoignons sur cet état de fait.

    * 3 Par la subjectivité explicite, « j'informe autrui de ce que je pense de l'objet en question », « l'évaluation est ouvertement rattachée à une source évaluative individuelle ». Par la subjectivité implicite, « j'informe autrui d'une des propriétés (qui me semble être caractéristique) de l'objet », « l'évaluation est détachée du locuteur, ce qui produit un effet d'objectivité. »

    * 4 L'auteur définit les « négociations conversationnelles » en termes de « procédures visant à résorber le désaccord », « de mécanismes d'ajustement des comportements mutuels » opérés par les participants de la situation d'interaction (p. 94). En ce sens, elles s'opposent, au-delà de leur caractère commun de coopération, à la collaboration, qui fait fi de tout conflit (p. 96).

    * 5 Un milieu est dit exolingue lorsque les interlocuteurs ne partagent pas la même langue maternelle.

    * 6 Depuis 1978, l'UNESCO définit ainsi le concept : « une personne est analphabète du point de vue fonctionnel si elle ne peut se livrer à toutes les activités qui requièrent l'alphabétisme aux fins d'un fonctionnement efficace de son groupe ou de sa communauté et aussi pour lui permettre de continuer d'utiliser la lecture, l'écriture et le calcul par son propre développement et celui de la communauté. »

    * 7 Les groupes constitués par l'ASTI sont fonction des compétences et capacités des apprenants en français. Il existe, au sein de l'Association, quatre niveaux d'alphabétisation et trois de FLE.

    * 8 Les prénoms utilisés en l'espèce sont fictifs. Ils tiennent compte du sexe et du pays d'origine des apprenants, ou de l'origine du prénom réel.

    * 9 De plus, cela témoigne de la réalité exolingue dans laquelle se retrouvent quotidiennement les apprenants étrangers.

    * 10 Les pages 60 et 61 de l' Annexe 3 et la page 20 du présent corps du mémoire présentent cette séance.

    * 11 Nous tenons compte dans cette analyse des résultats dudit départ prémédité de l'apprenante.

    * 12 Les caractères gras portent l'attention sur les éléments significatifs, objets de notre analyse.

    * 13 Erratum : Léonard De Vinci affirmait, en réalité, la visibilité d'éléments « dans les murs barbouillés de taches ou les pierres de divers mélanges. »

    * 14 Les prénoms des apprenants sont fictifs. Ils tiennent compte de leur sexe et de leur pays d'origine, ou de l'origine du prénom réel.






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