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La conception de l'éducation chez les betsimisaraka: analyse à  travers les proverbes. Cas du village de Rantolava

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par Anonyme
Université de Rouen - Master 2 en Sciences de l'éducation 2014
  

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II.2.2. L'éducation traditionnelle au village de Rantolava

A côté de l'éducation de type occidental, les villageois utilisent d'autres systèmes et méthodes éducatives. Chaque parent se charge d'éduquer ses enfants, notamment sur les pratiques de bonnes manières et du savoir-vivre. Cette éducation se transmet à travers de traditions orales. Et, selon FANONY Fulgence, la tradition orale betsimisaraka du Nord distingue toute une variété de genres, que l'on peut

39 RN5 : Route Nationale n°5

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répartir en trois classes. Il rapporte d'abord les genres narratifs (les contes angano, les légendes korambe, les discours kabary, les récits historiques tantara, et les généalogies jijy karazaña), ensuite les genres sapientiaux (les proverbes öhabölaña, les propos galants fankahitry, les circonlocutions hainteny, les maximes völantô, et les devinettes et contes-devinettes ankamantatra), et enfin, les genres poétiques (les dits, jijy, söva et tökatöka ; les chants ôsiky et les comptines enfantines dölan-jaza)40.

Dans le présent chapitre, nous analyserons chacun de ces genres et de décrirons son utilité dans la croissance et le développement de l'individu. Pour ce faire, nous prenons, au moins, un exemple de chaque. L'exemple est choisi en fonction de sa place dans la société actuelle.

II.2.2.1. Les genres narratifs a) L'angano (contes)

Le conte, souligne FANONY Fulgence, est le véhicule d'un savoir transmis de génération en génération qui, bien au-delà des leçons de morale sociale évidentes et souvent simplistes, perpétue des modèles de vie et contribue à former la vision du monde propre aux individus appartenant à une culture donnée. Dans la soirée, en attendant et/ou après le dîner, tous les enfants se rassemblent autour du père de la famille qui raconte une histoire issue des contes. C'est grâce à ces derniers que le père ou l'aîné transmet des messages ou de comportements que les enfants doivent adopter ou non, de leur faire comprendre une situation ou une tradition.

40 FANONY Fulgence, (2001). L'oiseau grand-tison et autres contes des Betsimisaraka du Nord (Madagascar), Littérature orale malgache, tome 1. L'Harmattan, 2001, p.10

Voici un exemple d'un conte concernant le chat et la souris :

Ra-posy sy ra-valavo

Le chat et la souris

1- Talöha elabe tañy hono, dia mpinamaña be ra-posy sy ra-valavo;

2- Indraiky andro, tafara-dià zareo ary sendra renirano ka voatery nañamboatra lakañan-tsomanga hitsakaña;

3- Izy koà vita ny lakaña, dia nivariña zareo roa ary nitsaka, ka ra-posy talöha ary ra-valavo tafara,

4- Tan-dalaña anefa, mikiky ny lakaña ra-valavo, hömana ilay tsomanga.

5- Nañotany hono ra-posy: ino marö raha mañeno zañy ra-valavo?

6- Namaly hono ra-valavo:

mañamboamboatra pilasy
foaña...

7- Isaky ny mañotany hono ra-posy, dia mitovy foaña ny valin-tenin'ny ra-valavo;

8- Farany tömbaka ny lakaña, ary dia lentika;

1-

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Il était une fois où le chat et la souris étaient de bons amis ;

2- Un jour, en se promenant, ils arrivèrent au bord de la rivière et, pour continuer leur trajet, ils devaient construire une pirogue en patate ;

3- Après avoir construit ladite pirogue ils montèrent à bord, le chat devant et la souris derrière.

4- Et à bord, la souris ne cesse de grignoter en mangeant la pirogue [patate],

5- Le chat lui demandait : quel est ce bruit ?

6- La sourie répondait : j'arrange ma place !

7- A chaque fois que le chat posait la question, la souris lui répondait par la même réponse.

8- Finalement la pirogue s'est écoulée ;

9- Ra-posy anefa nahay niloma flo, ka dia niloma flo izy nitsaka;

10- Ra-valavo kosa tsy nahay niloma flo ka dia niantso vonjy tamin'ny ra-posy fa efa tady ho sempotra.

11- Tsy na fleky anefa ra-posy satria fantany fa noho ny fitiavan-

te flan'ny ra-valavo no
nahalentika anjare.

12- Farany, efa nihevi-te fla ho faty izy ka dia niangavy mafy an-dra-posy : havoty zaho fö izy koà tonga an-tanety zaho hoaninao!

13- Nalaka toky tsarabe ra-posy, ary na flomia toky ra-valavo;

14- Lasa fla ra-posy nalaka azy, ary tonga tsarabe tan-tanety ra-valavo;

15- Na flotany amin'izay ra-posy: efa pare amin'izay ö? (izy efa maika te-hihina fla)

16- Namaly ra-valavo : andraso maimai fly hely fö mböla le fly!

17- Mandritra iza fly fotoa fla izany anefa izy efa manomboka mangady lavaka hilifasa fla,

18- Farany, tafalefa ra-valavo ary tsy

9- Le chat savait nager et, il a nagé jusqu'au bout de la rivière.

10-

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Par contre, la souris ne savait pas nager et elle demanda au chat de lui venir en aide,

11- Le chat a refusé parce qu'il savait que c'est à cause d'elle, que la pirogue s'est écoulée.

12- Alors, la souris se trouvait au bord de désespoir et a promis au chat : sauve-moi et tu me mangeras une fois sur terre !

13- Le chat lui a demandé une confirmation, et la souris lui a confirmé.

14- Le chat décida alors de la sauver,

15- En arrivant, le chat lui demanda : tu es prête ? (il a hâte de la manger)

16- mais la souris répondit : attends d'abord que je me sèche!

17- Alors qu'en même temps, elle commence à creuser la terre pour s'y enfuir,

18- Elle réussit à s'échapper en passant par le trou parce que le

afaka nañaraka raposy satria tsy
mahay mandeha ambanin'ny tany.

19- Viñitra mafy ra-posy satria nofitahin'ny ra-valavo ary nañoziña ny taranany izy nañano hoe: izy kö mbola taranako foaña dia tsy maintsy mañejika sy mamono sy hihinaña ireñy valavo ireñy.

20- `zeñy hono no mahatonga ny posy sy ny valavo mifañejika hatramin'izao!

chat, par contre n'était pas capable de suivre son trajet sous terre, et il s'est senti trahi,

19- Furieux, il a ordonné à ses descendants de ne pas laisser aucune souris à s'échapper devant eux ;

20- C'est ainsi que le chat et la souris sont devenus les pires ennemis !

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Ce conte nous fait comprendre qu'avant tout agissement, il faut penser à ses conséquences. Ici, on voit que l'impatience et la gourmandise de la souris, a failli lui coûter la vie. Et même, si elle n'a pas perdu sa vie, elle a été cependant privée de liberté. Alors que si elle n'avait pas été si égoïste et avec un peu de patience, elle aurait dû attendre l'arrivée pour manger cette patate. N'est-il pas un « véhicule d'un savoir transmis de génération en génération et qui, bien au-delà des leçons de morale sociale évidentes et souvent simplistes, perpétue des modèles de vie et contribue à former la vision du monde propre aux individus appartenant à une culture donnée41 » comme l'a si bien mentionné FANONY Fulgence ?

b) Le korambe (légendes)

Dans les villages betsimisaraka, le korambe est une sorte d'histoire racontée à un groupe de personnes en vue d'ouvrir un débat sur un sujet donné. A la différence

41 Ibid., p.11

d'un conte ou « angano », le korambe peut être une histoire réelle. Il peut être également inventé par son initiateur.

D'abord, il permet aux membres d'une société donnée de s'entraîner à parler en public, généralement avec les jeunes ayant environ les mêmes âges. Mais, cette question d'âge n'est pas une condition indiscutable pour un korambe. Il se peut qu'on assiste à un korambe dont l'initiateur est l'aîné. Ensuite, c'est une distraction, un passe-temps : « Korambe amin-karatsiaña : mampalady kiàka » (Korambe pendant une veillée mortuaire : la nuit passe vite).

Voici un exemple de korambe enregistré le soir du 29 août 2015. Il y avait eu plusieurs sujets abordés, mais nous avons choisi le sujet ci-après. A ce moment-là, c'est le père de famille qui aborde le sujet. Et, dans la maison, il y avait son épouse, ses trois enfants, deux amis proches à la famille, sa belle-fille (épouse de son fils aîné), une personne importante du village (Tangalamena) et nous-même.

1. Indraiky andro, nandeha namonjy taban-drafözaña ny vinanton'ôloño,

2. Kanjo böka, betsaka amoko be tany nandrian-jare tao ka nivölaña rafözan'öloño : « à ravinanto ô, anao midira añaty lay fö misy amoko ai ! »,

3. Tsy nahasahy zalahy io ;

4. Tonga andro hafa, efa paré koà ny rafözan'ôloño,

1. Un jour, un homme (gendre) est venu pour aider sa belle-mère dans son travail,

2.

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Or, la cabane où ils dorment était pleine de moustique et la belle-mère a dit à son beau-fils : « mon gendre, entre dans la voile-mousquetaire parce qu'il y a beaucoup de moustiques ! »

3. L'homme n'a pas osé de le faire ;

4. Un autre jour, la dame continue à inviter son gendre à entrer dans sa voile-mousquetaire ;

5. Farany, niditra tañaty lay zalahy, tsy nahadiñy.

6. Izy koa tönga tao böka, nandry. Nefa, sambaha hitodika amin-drafözaña, tsy sahiny;

7. Lasaña roa andro, karaha zèñy foaña. Farany tsy nahadiñy eky ny rafözan'ôloño kai nivölana: «anao io kony ravinanto, nañomezako zanako anao iñy kony, anao tsy havako ai; tokony hiditra añaty dara anao »

8. Niditra ny vinanton'ôloño ary tafañano ny raha natahöraña ary ela ny ela, bikibo möka ny rafözan'ôloño io;

9. Pé, nikabaron'ôloño böka i zalahy vinanto io.

10. Nihöla böka i zalahy io, ary notantarainy ny raha jiaby. Pé, voakabaro koa ny rafözan'ôloño satria na mañano karaha akôry ny amoko, ny vinanto tsy fantsôviña añaty lay.

5. Finalement, cet homme n'a pas pu résister et il a accepté.

6.

40

A l'intérieur, il a dormi. Cependant, il n'a pas osé tourner en face de sa belle-mère ;

7. Après deux jours, toujours la même chose. Et, la belle-mère demande encore : « mon gendre, si je t'ai accepté pour prendre ma fille, c'est parce que nous n'avons pas un lien de sang ; donc tu peux entrer dans ma couverture »

8. Le beau-fils accepte et ils ont fait ce que l'on craint déjà et la belle-mère a tombé enceinte.

9. En conséquence, le beau-fils a fait l'objet d'une sanction sociale qui est le kabaro.

10. A son tour, il a riposté et raconte tout ce qui s'est réellement passé. Alors, la belle-mère a été aussi sanctionnée de la même manière parce que quelle que soit la circonstance (ici, les moustiques), on ne peut pas demander ou inviter son beau-fils à dormir dans son lit.

41

A la fin de l'histoire, une question a été posée : qui est le fautif ? Puis, le débat est ouvert à toutes les personnes présentes. En fait, ce korambe a été initié pour apprendre aux jeunes les limites de la relation qui devrait exister entre les beaux-parents et leur gendre.

c) Le rasavölaña (discours)

En ce qui concerne le rasavölaña, il s'agit d'un discours partagé entre le « mpirasavölaña » (celui qui est à l'origine du discours, qui prend la parole en premier et explique l'objet de la rencontre et/ou de sa prise de parole) et le « mpamaly rasavölaña» (celui qui, par son statut social, est généralement l'aîné, si la parole s'adresse à un groupe de personne ; ou celui à qui la parole est directement destinée). Le rasavölaña nous apprend la culture d'écoute. Au moment de l'intervention du mpirasavölaña, les autres personnes gardent le silence et écoutent attentivement ce qu'il raconte. Et, en répondant, le mpamaly rasavölaña, reformule à sa manière ce que le mpirasavölaña a dit pour faire preuve qu'ils ont non seulement bien écouté, mais aussi et surtout bien compris. Ne voit-on la une forme d'écoute active ? Mais à côté de cette question d'écoute, on observe également un silence qui encadre l'apprentissage de l'assistance à travers les proverbes utilisés pour ficeler le rasavölaña. Ce dernier, utilisé dès la naissance jusqu'à la mort des gens, tient une place importante dans l'éducation des enfants, des jeunes voire des adultes. Il s'agit d'une éducation pour tout âge et à tout endroit.

d) Le jijy karazana (généalogies)

Le jijy karazana se fait à tout grand rassemblement villageois et familial. Généralement, tout évènement ou cérémonie d'une grande importance est précédé d'un tsimandrimandry (une sorte de veillée culturelle, voire une soirée). Pendant la soirée où la plupart des jeunes s'amusent à faire du totorebika (danser), d'autres par contre, en particulier les garçons, en profitent pour s'amuser à draguer les jeunes

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filles car les parents et les aînés sont tous préoccupés, soit par les préparatifs, soit par les boissons alcooliques. Notons qu'en betsimisaraka, tous les aînés doivent prendre un verre d'alcool.

Par ailleurs, avoir une relation amoureuse avec un membre de la famille est strictement interdit au village betsimisaraka de Rantolava, même s'il s'agit d'une famille lointaine. Aussi à chaque regroupement, il faut laisser place à un jijy karazana, une sorte de présentation traditionnelle. Non seulement il permet aux uns et aux autres de se faire connaissance (surtout entre les membres de la même famille), mais aussi, par le biais du jijy karazana, les jeunes sont en mesure de catégoriser ceux qu'ils peuvent fréquenter ou non.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo