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La conception de l'éducation chez les betsimisaraka: analyse à  travers les proverbes. Cas du village de Rantolava

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par Anonyme
Université de Rouen - Master 2 en Sciences de l'éducation 2014
  

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III.2.2. Les priorités de l'éducation

A l'unanimité, toutes les familles faisant objet de notre enquête affirment que l'éducation des enfants relève de la mère de famille. Mais, en réalité, cette éducation est une affaire de tous les membres de la société qui sont en position d'aîné. Cependant, il n'y a pas vraiment une conception réelle de l'éducation. Questionnés sur les questions relatives aux domaines de croissance qu'ils développent chez les enfants, nos interlocuteurs répondent de manières différentes.

Plus de 80% des personnes interviewées parlent d'une éducation à la vie et à la morale comme priorité. Nous entendons ici par éducation morale, toute forme d'apprentissage permettant à l'individu de pouvoir se comporter conformément à ce que la société considère comme étant juste et qu'en même temps l'individu lui-même soit capable de faire un auto-jugement. Cette éducation morale concerne principalement le savoir-être et le savoir-vivre, c'est-à-dire l'adoption d'un comportement semblable aux autres membres de la société (les parents, les aînés, etc.). L'éducation à la vie, quant à elle, vise à préparer l'individu à être capable de prendre en main sa propre vie. C'est ainsi que les jeunes garçons sont appelés à suivre les traces de leur père ou de leur oncle. Après l'école ou pendant les vacances, ils travaillent la terre ou pratiquent de la pêche. Les filles aident leur mère à faire les tâches ménagères.

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III.2.2.1. L'obéissance

Dans la société betsimisaraka, l'obéissance vis-à-vis de l'aîné est une des premières priorités de l'éducation. Cette obéissance constitue le garant de l'harmonisation de la vie sociétale. Revenons-nous sur le proverbe concernant les oisons cité plus haut. A l'image de ce proverbe, les parents, sont aux yeux des Betsimisaraka, des personnes capables de gérer et de subvenir aux besoins de leur famille, de leurs enfants. Ils servent également de repères pour le futur foyer de leurs descendants.

En plus, la société rurale et traditionnelle betsimisaraka est obligée de vivre avec cette forme de discipline fondée sur l'obéissance. Lors d'un entretien avec les Tangalamena du village, la raison de cette obéissance est bien résumée par un proverbe : « Atody tsy miady amim-bato » (un oeuf n'affronte jamais une pierre).

III.2.2.2. La socialisation et l'éducation au travail a) La socialisation et l'entraide

L'éducation des enfants vers la socialisation et l'entraide est une préoccupation permanente des Betsimisaraka. « Mandehandeha mahita raha, midôko an-draño mahita jôfo » (se promener permet d'observer des choses, le fait de rester chez soi ne permet d'observer que du cendre) disent-ils à ce propos. Et, ils continuent avec « Aza variaña mampandihy vavitsy foaña fö, mbö mizahava raha fanoin'ôloño » (ne vous contentez pas de faire danser vos jambes, mais regardez ce que les autres font). Ce qui signifie que l'essentiel n'est pas la promenade. En invitant les jeunes à sortir de chez eux, les Betsimisaraka pensent que l'apprentissage ne se limite pas au sein de la famille. Cet horizon familial est nettement insuffisant pour l'épanouissement de l'individu. Pour que l'individu se développe, il a besoin de se

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familiariser à l'ensemble du monde. Et, ce n'est que par cette ouverture qu'il pourra comprendre le fonctionnement de la société dans son ensemble.

Mais, puisque l'observation peut être participante ou non, elle ne se limite pas au fait de « regarder », elle implique également la participation effective dans les différentes activités.

La socialisation et l'entraide se présentent sous plusieurs formes. Ainsi par exemple, si un membre du village est décédé, tous les membres du village se mobilisent pour rendre hommage à la famille du défunt parce que : « raha mahavoa fe, mety mahavoa valahaña » (ce qui touche la cuisse, pourra toucher le sexe). Les jeunes sont aussi mobilisés. Ici, l'objectif pédagogique est double. D'abord, inculquer cette idée d'assistance à l'égard des personnes en difficulté car rien n'est plus douloureux que de perdre un membre de la famille. Ensuite, pour qu'ils observent le comportement des gens dans ce genre de situation (les rites, les différentes sortes de discours...).

La culture et les méfaits de l'argent ne sont introduits au village que très tardivement. Auparavant, les habitants n'ont pas besoin de payer de la main d'oeuvre pour labourer leur terre ou encore pour construire leur maison. « Aleo very tsikalakalam-bola, tsy izay very tsikalakalam-pihavanana » (vaut mieux perdre de l'argent que de perdre ses relations amicales). On parlait généralement du « lampoña », « tambirô » et « fandriaka ».

- Le fandriàka ou mifampila tànana : c'est une sorte de travail tournant entre les membres de la société. Les membres du village s'organisent et fixent le calendrier pour effectuer le travail de chaque membre. Il appartient à la famille faisant objet du travail communautaire d'offrir des boissons, principalement des boissons alcooliques à titre de participation et de

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remerciements. Ces boissons sont offertes pendant le travail. Et, si la durée du travail prend une journée et plus, elle se chargera également du repas de midi.

- Le tambirô : à la différence du fandriaka, ce terme est composé de deux mots : « tamby » qui signifie « contrepartie » et « » qui veut dire « bouillon ». Littéralement, le tambirô désigne un travail communautaire contre du bouillon (viande de zébus). Alors, le tambirô n'est pas forcément systématique pour tous les membres. La famille qui fait appel à un tambirô ne dispose pas d'un libre choix sur le menu à présenter à ceux qui manifestent à son appel.

- Le lampoña : à la différence du tambirô, le lampoña est un travail contre boisson alcoolique.

A travers de ces différents types de travail communautaire, les jeunes apprennent non seulement à aider leurs voisins, mais ils apprennent également à travailler pour leur propre intérêt.

b) Adaptation et socialisation

En ce qui concerne la question de l'adaptation, « trandraka an-tanimena, vôlon-tany arahiñy » (tel un tanrec sous un sol rouge, devrait-il prendre la couleur de celle-ci), le proverbe affirme l'intérêt de l'adaptation pour l'inclusion sociale. Puisque l'inadaptation est une exclusion de la société, « l'homme est contraint de s'accommoder aux réalités52». C'est pour dire que la capacité d'adaptation est une des bases de la socialisation. Chez les Betsimisaraka, cette question d'adaptation inculquée aux jeunes se présente sous plusieurs aspects : humilité, compréhension et respect des autres, de leur valeur, de leur culture, de leur état, de leur situation...

52 CHARRIER Jean-Paul (1968). L'inconscient et la psychanalyse. P.U.F 108, Paris.

« Taölan-tsomanga nahaföla-nify, raha hitàn'ôloño aza famaraña »

(Tige de patate ayant coupé la dent, ne contredit pas ce que les autres ont vu).

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Ce proverbe signifie que chaque individu vit ses propres expériences, qu'il a son vécu personnel. Cela n'est pas forcément semblable à ce que vivent les autres, alors que ceux-ci influent certainement sur sa manière d'agir, de réfléchir, et de vivre. Il est donc préférable de ne pas contredire les propos d'autrui, de porter un pré-jugement, et, indépendamment des raisons évoquées, cette attitude permet d'harmoniser la communication.

Toujours dans les mêmes objectifs pédagogiques, mais avec un autre

concept :

« Vero tingenam-pody, tsy fölaka fö (Citronnelle à laquelle s'accroche un

milefitra » moineau, ce n'est pas de la fracture mais

de la souplesse)

« Lalitra kö mahöla, vày taköfaña » (Si les mouches sont folles, Il faut couvrir

la plaie)53

Ces proverbes visent à développer chez les enfants du pays, un esprit et comportement souple, simple, et ce, pour éviter des confrontations inutiles pouvant nuire aux relations sociales car « Faharetaña vidin'ny fitiavaña, meky ti- hisaraka mamboly antsa » (La patience est l'épouse de l'amitié, qui veut se séparer intente des alibis)54.

53 Traduction de FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf

54 Ibid.

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c) L'éducation au travail

Pour commencer ce paragraphe, nous reproduisons ici, un des proverbes relatifs à la relation cadet/aîné : « Manan-jandry, afaka olan'entana ; manan-joky afaka olan-teny » (Qui a un cadet est déchargé des bagages et aîné, de la parole). L'explication de proverbe est vraiment multiple. Nous essayons de proposer quelques interprétations qui sont toutes liées à la force physique de l'individu. La première explication se rapporte au développement physique de l'enfant, ici considéré comme le cadet. La force physique de l'enfant a besoin d'être entraînée à des différentes tâches que la vie lui réserve. Notons que nous sommes dans une société où les activités principales sont l'agriculture et la pêche. Ces activités nécessitent l'utilisation de l'énergie physique. Alors, le fait de toujours demander au cadet de porter des bagages signifie qu'il est nécessaire de préparer son corps au travail.

L'autre explication, quant à elle, est liée à l'état physique des parents. Plus on vieillit, plus on devient fragile. Alors, dans ce sens, on parle plutôt d'une éducation au respect vis-à-vis des personnes âgées.

Mais, on parlant de cette éducation au travail, nous ne pouvons pas passer sous silence cette expression souvent utilisée par les adultes betsimisaraka: « aza mitantara angano andro atoandro fö, mahavery » (ne raconte jamais un conte pendant journée, il risque de vous faire perdre dans la nature). Cette expression éducative explique bel et bien l'importance de la journée de travail dans la société betsimisaraka. Nous sommes conscient que cette expression n'est pas si claire en elle-même. Un autre message est transmis à travers d'elle : si vous perdez votre temps à raconter des contes, il se peut que vous laissiez à côté votre tâche la plus importante. Et, si l'enfant continue à prendre à la légère cette recommandation, il risquera de ne pas pouvoir faire grande chose dans la journée.

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Nous reprenons également quelques proverbes de l'article de Fulgence FANONY55, mettant en exergue cette volonté d'éduquer les enfants betsimisaraka à la culture du travail :

Dialecte local Traduction libre

Antidahim- bariky ny fiaiñaña:
izay tsy mambokiñy tsy hömaña .

Toto varim-Bazimba:
izay tsy mañaño tsy hômaña.

Vieux maki: celui qui ne sait pas sauter ne mange rien.

Pilonnage de riz de Vazimba (Premiers habitants de Madagascar), ceux qui ne font rien ne mangent pas.

Akôho be holy tsy be fe. Les poules paresseuses n'ont jamais

grosses cuisses.

Le point commun de ces proverbes est de faire apprendre que chacun est responsable de son propre développement. A ces proverbes cités par FANONY s'ajoute un autre : « tafôn'ny am-pamindro : tsy araka ny mpalaka kitaiñy » (le désir de celui qui veut se chauffer ne peut être satisfait par le chercheur de bois de chauffage). En d'autres termes, nous ne pouvons être mieux servis que par soi-même. Chacun est responsable de sa survie, de son épanouissement en matière économique. Si vous êtes paresseux, vous mourrez de la faim ; tel est le fond du message.

Mais, là aussi, cet apprentissage du travail s'effectue selon la division sexuelle. L'oeuvre de RAVOLOLOMANGA Bodo56 est très claire à ce sujet : « Au contact du père, le garçon se familiarise avec l'outil et la technique, comme avec la

55 FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf .

56 RAVOLOLOMANGA Bodo, Education, famille et société : cas de l'enfant Tanala. Taloha n°12, Archéologie des Hautes Terres, Paris, 1994.

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coutume et le savoir-faire. Il apprend ainsi comment manipuler une hache, une bêche, une scie ou un coupe-coupe. Comme son père, il participe à peine aux travaux domestiques et passe la plupart de son temps dans les champs, se charge des occupations nécessitant un effort. La fille de son côté fait l'apprentissage des corvées de la maison au contact de sa mère ou de ses grands-mères et ses mères classificatoires57. Les travaux féminins auxquels elle s'initie la lient étroitement au village et ses environs immédiats ».

d) Quelques dérives et certaines limites de la solidarité betsimisaraka

De nombreuses questions se posent également en matière de la solidarité betsimisaraka. Revenons sur le cas de « Drakidraky mamàna atodim-boay, manambitamby rano androaña » (Une canne couvant des oeufs de caïman, c'est pour se procurer de l'eau pour baigner). Est-il question d'inculquer un esprit de méfiance permanente ou d'une relation d'intérêt ? La réponse est vraiment très complexe : la méfiance, si elle existe se range avec le jugement du public, alors que l'intérêt se trouve du côté de l'acteur lui-même. A chaque action de l'individu, la société essaie d'imaginer sa face cachée. Quelle est vraiment son intention ? Où est-ce qu'il veut en venir ? N'y a-t-il pas d'un piège ? Ce sont, entre autres, les questions que posent certains membres de la société. En fait, comment pouvons-nous de ne pas y penser lorsque nous entendons un proverbe comme :

«Antimaroa tsy ary
indraiky mamy lela : izy
koa mamy lela, hindraña

(Les habitants de Maroa [diminutif de Maroantsetra, une ville au Sud d'Antalaha dans la baie d'Antongil] n'ont jamais la « langue douce », s'ils en usent, c'est

57 A Madagascar, toutes les femmes âgées sont considérées comme des mères. Les mères classificatoires sont l'ensemble de ces catégories de femmes.

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hiasa » certainement pour demander de l'aide) 58

Pour comprendre l'ampleur du problème, il faudrait remonter au XVIIIè siècle, période pendant laquelle s'est formée la confédération betsimisaraka, voire la « naissance » même du terme par l'initiative du Filohabe (grand-chef) Ratsimilaho Ramaromanompo. En analysant l'histoire de cette population, le lien est loin d'être naturel : il est d'ordre conjoncturel et contextuel. C'est d'ailleurs dans cet angle que nous posons la question : s'agit-il du « benatrötro » (nombreux qui se sont réunis) ou « betsimisaraka » (nombreux unis à jamais)? La première idée pose que l'unification de la population ou de l'ethnie betsimisaraka (si on peut l'appeler ainsi) a été d'ordre politique plutôt que social ; c'est le système et la volonté politique du dirigeant de l'époque qui la fait naître. Tandis que la seconde se rapproche du naturel qui pouvait être lié aux origines ou aux conditions géographiques (« union par contrainte ») telles que les petites îles, comme celle de Sainte Marie...

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984