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La conception de l'éducation chez les betsimisaraka: analyse à  travers les proverbes. Cas du village de Rantolava

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par Anonyme
Université de Rouen - Master 2 en Sciences de l'éducation 2014
  

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I.1.3. L'objectif général de la recherche

Ces exemples que nous venons de montrer permettent de comprendre jusqu'à quel point les proverbes ont une réelle fonction éducative en pays betsimisaraka. Et c'est ce sur quoi nous allons nous pencher dans la présente recherche.

15 FANONY Fulgence, Öhabölaña betsimisaraka (Proverbes betsimisaraka). Université de Toamasina. Article disponible sur : www.anthropomada.com/ibliothèque/FANONYFulgence-ohabolana betsimisaraka ou proverbes.pdf

16 MANGALAZA Eugène Régis, « Sensibilités malgaches » in, Revue Hermès, N° 40. Paris, 2004.

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Plus précisément, nous poursuivons l'objectif général de recherche de dégager la conception de l'éducation chez les Betsimisaraka par l'analyse de leurs proverbes. Pour ne pas nous éparpiller dans cette recherche (car le pays betsimisaraka est immense, voir la carte à l'annexe 1) nous allons limiter notre analyse aux proverbes d'un seul village : Rantolava (District de Fénérive-Est).

En plus de l'intérêt pour le sujet, notre choix s'explique également par notre parcours académique. Même si nous ne faisons pas partie du corps professoral, nous sommes très attaché au monde de l'éducation. Et nous ne ratons jamais la moindre occasion qui se présente pour traiter d'éducation. En plus, il nous est très agréable de nous investir dans notre propre groupe ethnique : nous appartenons à l'ethnie betsimisaraka. Cette recherche nous offre une excellente occasion de nous investir dans l'étude de notre groupe d'appartenance, nous mettant ainsi dans une posture à la fois difficile et excitante : vivre et se regarder vivre. Cependant, notre familiarité par rapport au groupe étudié du fait de notre appartenance à ce groupe comporte une certaine difficulté. Car pour mener objectivement une telle étude, il faut constamment faire preuve de distanciation, dans une oscillation constante entre le proche et le lointain.

Dans cette recherche, nous nous intéresserons plus particulièrement à ce que nous appelons la « pédagogie indirecte » en pays betsimisaraka. Un exemple : « Mahasöla ny mañatao satroko am-pihinanaña » (littéralement, « rend chauve le fait de porter son chapeau pendant le repas »). Il est question d'une manière de table que l'on veut inculquer à l'enfant et rappeler à l'adulte. Si en marchant, en cherchant du bois sec, en puisant de l'eau, en travaillant dans la rizière ou dans toutes autres activités de la journée, on peut porter son chapeau, il en est tout autrement, quand on s'assoit devant son plat de riz. Au lieu de dire, « décoiffe-toi chaque fois que tu prends ton repas », on fait plutôt allusion, au travers d'une pédagogie indirecte, à une situation peu enviable (surtout pour un jeune) : être chauve. Normalement, cette

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fâcheuse perspective suffit par décourager toute personne qui ose prendre le risque de porter son chapeau pendant le repas. Biologiquement, on sait que cela n'est pas si véridique. Mais comme cette relation « chapeau / repas » est devenue proverbiale, cela signifie qu'il ne faut pas prendre les choses à la légère. Le mieux est de s'y conformer. La question qui se pose maintenant est de se demander pourquoi faire cette recommandation vestimentaire (ne pas porter son chapeau en prenant son repas) ? Des enquêtes de terrain nous aideront certainement pour y répondre. Mais d'ores et déjà, nous pouvons avancer l'hypothèse selon laquelle si tous les membres de la famille s'amusent à porter leur chapeau en déjeunant ou en dînant, il n'y aura pas suffisamment de place autour de la natte commune où on présente le repas. Notons que nous sommes ici dans la société traditionnelle betsimisaraka où on portait un chapeau en paille à large bord. A cette époque-là, on ne portait pas encore de casquette. De plus, on peut noter que le satro-bory (un chapeau sans bord comme chez les musulmans) ne se porte traditionnellement que dans le Sud (chez les Antandroy) et dans Sud-Est (chez les Antaimoro, chez les Antaisaka, chez les Antambahoaka) de la Grande île. En réalité, ce proverbe porte sur une économie de l'espace pour qu'on ne se gêne pas les uns par rapport aux autres au cours du repas. Mais à côté de cela, il y a lieu de se demander aussi si le fait de se décoiffer ne renvoie pas au gestuel du croyant devant le sacré. N'y a-t-il pas une dimension sacrée dans le partage du repas familial, en pays betsimisaraka ?

Toujours dans cette « pédagogie indirecte », il y a cet autre dicton : « Boka izay mandàka anabavy » (littéralement : Sera frappé par la lèpre celui qui donne un coup de pied à sa soeur). Nous avons affaire ici à un dicton qui prône une attention bienveillante et une tolérance à toute épreuve d'un frère envers sa soeur. Car en cas de bagarre, le frère l'emporterait sur sa soeur. La force d'un jeune garçon et celle d'une jeune fille sont, aux yeux des betsimisaraka, différentes. Le jeune garçon ne doit donc pas en abuser. S'il veut se battre, il n'a qu'à trouver un jeune garçon de sa taille. En

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d'autres termes, frère et soeur ne devraient pas se battre, ou encore, aucun un homme ne devrait pas porter la main sur une femme et, plus particulièrement, sur sa femme.

Par ailleurs, l'intérêt de se pencher sur les proverbes est grand. Non seulement les proverbes ou öhabölaña, comme l'a si bien souligné Jean Pierre DOMENICHINI, présentent une grande valeur documentaire et conservent le souvenir de l'histoire de la société malgache17, mais ils permettent également d'avoir un regard global sur l'ensemble du mode de fonctionnement de la société. Autrement dit, les proverbes servent de porte d'entrée pour comprendre les valeurs cardinales de cette société. Dans ce sens, on peut se demander si ces proverbes ne constituent pas une sorte de « fait total » dont parlait Marcel MAUSS18, à la suite de Bronislaw MALINOWSKI19. L'exemple des proverbes relatifs au rapport aîné / cadet que nous avons évoqué plus haut est très éclairant à ce sujet. Nous y reviendrons plus tard. Nous nous attacherons également à montrer la place des proverbes dans le quotidien des Betsimisaraka. Par ce biais, nous serons en mesure de souligner, des exemples à l'appui, la dimension éducative de ces proverbes dans une société de l'oralité. Ensuite, nous essayerons d'approfondir jusqu'à quel point les proverbes ne se limitent pas à l'art oratoire, mais qu'ils contribuent à la consolidation du lien social par une éducation permanente de toutes les classes d'âge. Dans ce sens, les proverbes paraissent consister en une véritable école de la vie.

17 DOMENICHINI Jean-Pierre, « La chèvre et le Pouvoir. Première approche historienne d'un interdit ». in, Omaly sy Anio. Revue d'Etudes historiques, N°9, Antananarivo, 1979, p. 79.

18 MAUSS Marcel, Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques, Paris, PUF, 1960.

19 MALINOWSKI Bronislaw, Les Argonautes du Pacifique occidental, Paris, Gallimard, 1963 ; Les jardins de corail, Paris, Maspero, 1974

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