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La conception de l'éducation chez les betsimisaraka: analyse à  travers les proverbes. Cas du village de Rantolava

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par Anonyme
Université de Rouen - Master 2 en Sciences de l'éducation 2014
  

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I.1.2. La problématique de la recherche

En se référant aux différents proverbes et expressions de la côte Est de la grande île, notamment chez les Betsimisaraka, on se demande parfois quelle est leur signification et, quel est leur objet. Les jeunes et les enfants doivent-ils toujours se soumettre à leurs parents ? Faut-il penser qu'en aucun cas, les cadets ne puissent pas surpasser les stades de leurs aînés ? Telles étaient, entre autres, les questions que nous nous sommes posées devant certains proverbes. Nous en retenons deux, par exemple, qui font nettement allusion à la gérontocratie: «Söño tsy mihoatra akondro » (littéralement, « Le taro ne surpassera jamais le bananier »8 et «Sambaha lava sômotro ny öraña, mböla zandrin'ny amaloño » (Aussi longues que soient les barbes de la crevette, elle reste toujours la soeur cadette de l'anguille)9. Autrement dit, ces proverbes enseignent que les parents et les aînés se placent au sommet de toutes les instances de la société et demeurent une référence indispensable dans la vie quotidienne.

La situation ne se limite pas uniquement au niveau de la relation cadet/aîné ; elle s'étend également à la manière dont les femmes sont considérées dans la société.

7 LEIF, RUSTIN, op.cit., p.27

8 Autrement dit, la taille d'un bon pied de taro (vôdin-tsöño ; vôdin-tsahôño) ne rivalisera jamais avec celui d'un bananier (vôdin'akondro). Ceci pour signifier qu'un aîné a toujours une longueur d'avance sur son cadet en termes de date de naissance.

9 Ce proverbe s'appuie sur le fait que, dans la conscience collective des Betsimisaraka, qu'une anguille est de par sa taille nettement plus longue qu'une crevette. C'est pour dire qu'un cadet a beau être plus socialement important que son aîné, mais cette réussite sociale ne le dédouanera jamais d'être respectueux envers son aîné. Et si nécessaire, ce dernier ne manquera pas de rappeler qu'en dépit de tout, sur le plan de l'âge il a toujours une longueur d'avance sur ce cadet.

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«Soy lahy nanambady akanga, lahiny tsy àry hely » (tel un colibri qui s'est accouplé à une pintade, le mal n'est jamais petit) enseignent-ils à leur propos. Ne voit-on pas dans ce passage un indice de la société phallocrate ? Certes, apparemment celle-ci n'est pas le modèle propre aux betsimisaraka, mais cela ne nous empêchera pas d'étudier le cas spécifique de ces populations.

D'autres aspects sociaux se présentent dans les proverbes, par exemple, « Telotelo mandeha misy añivo, roroa mandeha misy hikoraña, tökaña mandeha möra jerijery » (se promenant à trois, il y en a un qui se trouve au milieu ; à deux, il y en a un avec qui on peut discuter ; seul, facile de manquer de proches). Un proverbe qui rejoint la valeur distinctive des Malagasy dans leur ensemble : le fihavanana. Pourtant, cette affirmation n'est pas à l'abri des critiques ; elle est en effet en contradiction avec d'autres comme « Tsara ny maro fö vitsy möra rasaña » (il est bien d'être nombreux, mais il est facile de faire un partage lorsqu'on est moins nombreux). Tantôt, on parle de l'importance de la solidarité d'un grand nombre de personnes, tantôt on évoque l'intérêt de petits groupes. On fait souvent appel à la solidarité lorsque le besoin est indispensable (rasa-tsiñy, funérailles...), par contre, on préfère être moins nombreux lorsqu'il s'agit de partage de bien tel que le rasa-lôva (héritage). Effectivement, quelles idées sont transmises à travers « drakidraky mamana atodim-boay... » (Une canne qui couva des oeufs de caïman...), comme à travers «anti-bavy namotsy nify... (Une vieille dame qui se brosse les dents...) » ? La suite est : « misy raha kindreñy», c'est-à-dire qu'il y a là un but précis. Il s'agit des faits et observations qu'on ne pourrait pas ignorer. Il nous appartient alors de dégager la signification de ces différents proverbes afin de définir l'objet et la conception de l'éducation chez les Betsimisaraka, car l'éducation, disait CLAPAREDE10, est une vie et non une préparation à la vie.

10 Cité par LEIF, RUSTIN, op.cit.

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En ce sens, par l'analyse des proverbes, nous essayerons de définir grosso modo le mode de fonctionnement de la société betsimisaraka puisque l'éducation n'a pas de sens que si elle a un impact dans la vie sociale. On peut dire qu'elle n'a d'autre champ d'application qu'en société. Or, « il arrive que les individus qui vivent au sein d'une société ne soient pas ou ne soient que partiellement conscients des structures de cette société11». En fait, les proverbes que nous venons de citer ne sont que des exemples parmi tant d'autres. Ils ne sont que de simples hypothèses et ne reflètent pas forcément les significations profondes ou les conceptions complètes du modèle de la société betsimisaraka. Comme l'a écrit ANDRIAMANGATIANA, « ... ce n'est pas à travers l'habit qu'on puisse comprendre la fonction; et ce n'est pas à travers la fonction non plus qu'on puisse imaginer l'esprit. Il se peut que l'hypothèse et la réalité soient largement différentes12». Mais, quoi qu'il en soit, EVANS-PRITCHARD a bien souligné que « sans les théories et les hypothèses, on ne pourrait pas faire de recherche [...] car on ne trouve (lorsqu'on a la chance de trouver) que ce que l'on recherche13».

Dans la société de l'oralité qu'est la société traditionnelle malgache, les proverbes revêtent un statut particulier dans la mesure où il s'agit ici de « paroles bien frappées » et qui sont puisées à l'école de la vie et de l'expérience. Dans les proverbes, nous dit à ce sujet le Pasteur Richard ANDRIAMANJATO, « la structure même des phrases aident l'intuition à saisir par-delà les mots ce que l'on veut exprimer »14 . Les proverbes sont des paroles bien à propos, concises et faciles à retenir pour être ainsi reproduites. « A Madagascar, tout bon orateur doit avoir une

11 EVANS-PRITCHARD Edward Evans, Anthropologie sociale (1950), p.18

12 ANDRIAMANGATIANA Iharilanto Patrick, Vakivakim-piainana, p.25. Traduction libre de «... tsy ny fanamiana no hamantarana hatrany ny asa ; ary tsy ny asa no haminaniana sahady ny fanahy. Mety hifanalavitra manko ny tombana sy ny tena izy».

13 EVANS-PRITCHARD Edward Evan, op.cit., p.47

14 ANDRIAMANJATO Richard, Le Tsiny et le Tody dans la pensée malgache. Paris, Présence Africaine, 1957, (pp.8 et 9)

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bonne capacité mnémotechnique pour pouvoir reproduire tel ou tel proverbe « bien frappé »15 » s'il veut séduire son public. En une image, le proverbe est comme un socle qui permet de poser solidement ses propos pour être réellement entendus par l'autre. Dans des longues palabres, on ne retient pas tout. Mais grâce à des proverbes on s'accroche à l'essentiel de ce qui a été dit.

Dans ses études sur l'oralité malgache, Eugène Régis MANGALAZA précise la fonction des proverbes : « Il y a des paroles qui fuient dans les oreilles et qui n'arrivent à ficeler rien d'autre que le souffle de leur émission ; d'autres, à l'inverse, davantage mûries et mieux macérées dans l'intimité du silence intérieur de leurs auteurs, atterrissent tout naturellement dans les deux oreilles, pour s'y loger directement au fond du tympan. Comme une corde habilement tressée, cette deuxième catégorie de parole que sont les proverbes, sert à « lier », pour mieux empaqueter toutes les expériences sensibles et cognitives des uns et des autres pour enrichir ainsi le patrimoine culturel du groupe. A l'image d'un fagot de brindilles, il n'y a que les idées bien ficelées par les proverbes qui sont faciles à transporter sans qu'elles risquent d'être défaites en chemin par le vent de l'oubli16 »

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