WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Kaamelott humour télévisuel et série intertextuelle

( Télécharger le fichier original )
par Sébastien Brossard
Université de Franche-Comté - M2 Discours Texte Communication Documentation 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

8. La communauté de fans.

C'est un phénomène qui est apparu au XXème avec l'essor de la société de consommation et de la culture de masse. Des millions de personnes ont ressenti le besoin de prolonger l'expérience et de partager leurs impressions sur leur série, film ou encore artiste favori à travers des fans club ou actuellement de forum ou des réseaux sociaux sur Internet.

C'est aux Etats Unis que cette pratique est né. L'arrivée de produits culturels de Science fiction telles que Star Wars ou encore Star Trek à la télévision et au cinéma et même auparavant les Comics Books et les héros Marvel de Stan Lee (Spiderman, X-Men, Superman, Hulk...) ont largement contribué au succès des communautés.

Au 21ème siècle nous avons constaté un enthousiasme inégalé pour les séries télévisées. Ce sont désormais les séries qui assurent les meilleures audiences des chaînes de télévisions, qui sont les plus téléchargés sur internet, les plus vendus en DVD et sont sont portés sur grand écran pour les plus populaires d'entre elles. Citons des séries cultes comme Mission Impossible ayant déjà été adaptés quatre fois au cinéma, Ma sorcière bien aimée, Le Saint, Drôles de dames, Star Trek ou encore Miami Vice. Notons que c'est J. J. Abrahams créateur de série télévisées (Lost, Alias, Heroes) qui a réalisé la dernière version de Star Trek27.

Les séries ont un avantage considérable sur le cinéma qui est de pouvoir fidéliser le spectateur. Il est en effet plus aisé de développer la personnalité des personnages sur 24 épisodes de 50 voire 25 minutes que sur 2h en moyenne pour un film. Le spectateur a donc tendance à s'attacher aux personnages ou à les détester mais ne reste pas indifférents. Il faut donc suivre une série pour savoir ce qu'il va arriver à notre personnage préféré. La spéculation entre deux épisodes, généralement une semaine, va alors bon train. C'est dans ce cadre que la

27 http://www.allocine.fr/personne/filmographie_gen_cpersonne=41000.html

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 24

communauté de fan est la plus intéressante. Le fan communique son avis et ses envies sur la série et peut ainsi savoir si ceux-ci sont partagés par les autres membres de la communauté.

a) Son pouvoir d'influence.

C'est une communauté désormais extrêmement influente qui a un réel pouvoir sur la vie ou la mort des séries. Par exemple, la mort d'un personnage peut provoquer un tel mécontentement dans la communauté que les producteurs peuvent imposer aux scénaristes de réintégrer le héros dans la série. L'exemple le plus célèbre est celui de la série Dallas ou les producteurs ont du faire croire que le personnage de Bobby Ewing avait rêvé pendant un an alors que ce dernier était mort au début de la saison. Même si la réintégration du personnage a été une bonne nouvelle pour le public celui-ci a tout de même jugé l'astuce scénaristique ridicule.

Pour l'instant Astier n'a pas eu à utiliser ce genre de ficelles : le casting de Kaamelott étant toujours le même (une prouesse pour une série de six saisons) et on ne compte à ce jour aucun personnage important mort à l'exception de la saison 6 particulièrement sanglante) ou même disparu. De plus Alexandre Astier a déjà vivement exprimé son refus de se laisser influencer, autant par les fans de la série que par le diffuseur ou les médias, dans l'écriture de Kaamelott. Ainsi lorsque certains magazine comme le mensuel Tétu, destiné à un public majoritairement homosexuel, a décrit le personnage de Bohort comme la figure du gay, Astier a décidé d'écrire un épisode levant toute ambiguïté dans lequel nous pouvons voir la femme de Bohort28. Cependant en agissant de la sorte nous pouvons donc affirmer qu'il s'est laissé influencer par le magazine Tétu.

b) Hypnoweb.

Hypnoweb est un site internet regroupant les communautés de fans de dizaines de séries en cours de diffusion ou non. Parmi celles ci nous retrouvons évidemment Kaamelott, ainsi que quelques autres séries françaises (Caméra Café, Off Prime de Simon Astier diffusés sur M6, Engrenages et Braquo qui sont deux créations originales de Canal +, Plus belle la vie ou Sous le soleil qui est une série sentimental ayant connu un grand succès sur TF1).

Pour appartenir à une ou plusieurs communauté (généralement les fans d'une série le sont également de plusieurs) il est conseillé de se créer un compte pour profiter pleinement de cet espace. Dans la partie consacrée à Kaamelott, nous avons accès à de très nombreuses option. Il est ainsi possible de visionner les épisodes, de lire un résumé bref ou long de et même

28 Kaamelott, Livre III, épisode 55 , Au bonheur des dames.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 25

l'intégralité des dialogues de l'épisode. Il est également possible de débattre de la série (son avenir, le rôle d'un personnage, la qualité d'un épisode, l'actualité des comédiens) et de contribuer en proposant son propre épisode ou ce que l'on appelle un fan art (dessin, parodie, chansons en lien avec la série).

L'actualité des comédiens est un aspect très important pour les fans et très avantageux pour les comédiens. En effet, un fan de Kaamelott a tendance à suivre les acteurs en dehors de la série puisque le fan a un a priori favorable sur l'acteur. Pour l'acteur c'est l'assurance d'avoir d'avoir un public déjà acquis pour ses projets hors Kaamelott. Il existe de nombreux sites relayant l'actualité de la communauté Kaamelott (Astier and co, On en a gros.etc).

Les dialogues des épisodes ont été réalisés et mis en ligne par des fans de Kaamelott. Il s'agit donc d'une version légèrement différente des manuscrits édités chez Télémaque. Le mode de saisie est différent puisqu'il s'agit d'une transcription des épisodes. Nous constatons alors des différences flagrantes d"un point de vue stylistique entre le forum et le manuscrit (« n' » sur le forum au lieu « de ne » dans le manuscrit ou « f'rais » à la place de « ferais »). Cela a pour conséquence de dynamiser le texte et de se rapprocher à la sensation vécue en visualisant la série. On se rapproche d'avantages du style télévisuel.

Alexandre Astier déplore le manque de rigueur des internautes au cours d'un entretien que nous pouvons lire dans le recueil des épisodes du Livre I. Il explique que la métrique est très importante pour lui et pour les comédiens et qu'il ne peut pas éviter certaines élisions. Par exemple, il écrit « vous avez pas le temps » pour éviter que le comédien dise « vous n'avez pas le temps » mais en revanche il écrira « on n'a pas le temps » et non pas « on a pas le temps ». L'internaute à tendance à choisir la faciliter et donc la deuxième solution. AA précise « je pars quand même de la phrase française clean. Ce qui n'est pas le cas de ceux qui ont relevé les textes sur Internet »29.

C'est pourquoi après mure réflexion, nous pouvons lire dans ce mémoire la version extraite du site internet pour les épisodes diffusés sur celui-ci. Bien évidemment les quelques fautes ou coquilles rencontrées sur le site sont ici corrigées et la vérification avec la version papier est systématique afin d'éviter de grossières erreurs qu'auraient pu commettre les internautes ayant transcrit le texte.

29 Astier (Alexandre), Kaamelott livre 1, texte intégral, p16, éd. Télémaque, 2009, Paris

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 26

Kaamelott :

De la Légende

Arthurienne à

Michel Audiard,

une série

construite sur

plusieurs niveaux

d'intertextualité.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 27

La Parodie de Daniel Sangsue30 recense, de façon chronologique, et critique les différentes définitions de la parodie et des notions qui en sont proches comme le pastiche ou le burlesque. Ces différentes approches de la parodie vont nous permettre de déterminer si Kaamelott en est une, et sinon, comment peut-on définir cette oeuvre.

La parodie a longtemps été considéré comme un sous genre, comme une régression ou une vision péjorative du texte. Il nous a fallu attendre la fin du XIXème et le début du XXème siècle avec le Formalisme Russe pour que la parodie soit considérée comme enrichissante

Tout d'abord parodie est emprunté au grec et signifie «imitation bouffonne d'un morceau poétique» (dérivé de «auteur de parodies», de «à côté de» et de «chant», ou ode)31

Nous pouvons également évoquer la racine latine parodia, « para » signifie plusieurs et « oda » signifie chant. Genette32 y voit le détournement de rhapsodia, une diction détournée de la rhapsodie. Il s'agit d'un détournement ou d'un travestissement d'une oeuvre tragique en une oeuvre comique.

L'objectif de ce travail sur la parodie n'étant pas la parodie en soi mais de définir Kaamelott et observer s'il s'agit d'une parodie de la LA et d'analyser les différences intertextualités que nous rencontrons à travers notre sujet d'analyse.

1. Les origines

Le premier à en parler est le philosophe Grec Aristote dans son ouvrage La Poétique3. Il ne la définit pas clairement et donc ne la considère pas comme un genre à part entière, ses travaux sur ce thème restant incomplets. Nous pouvons résumer qu'il aborde la parodie comme une anti-Iliade, texte d'Homère datant de l'antiquité et retraçant l'épopée de la dernière année de la guerre de Troie. Les personnages bas deviennent alors les héros d'une épopée.

Au XVIIIème siècle encore la parodie n'est toujours pas reconnue à sa juste valeur mais comme un « trope ». Dans le traité des tropes (1730), le grammairien Du Marais parle de « figure de sens adapté, consistant à rapporter des paroles connues en leur donnant un sens différent de celui qu'elles avaient originellement »33.

30 Sangsue (Daniel), la parodie, coll. Contours Littéraires, Hachette, 1994

31. http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1871725245;Définition du Trésor de Langue Française.

32 Genette (Gérard), palimpseste, Seuil, 1982

http://www.universalis.fr/encyclopedie/gerard-genette/

33 Sangsue (Daniel), la parodie, coll. Contours Littéraires, p17, Hachette, 1994

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 28

L'Abbé Sallier, dans son Discours sur l'origine et sur le caractère de la Parodie, affirme que cette dernière doit avoir pour visée l'utile et l'agréable, de même que tous les autres genres de poétique. On peut la regarder comme « une fiction ingénieuse, sous le voile de laquelle on propose quelques vérités. »34

Au XIXème siècle les choses vont évoluer considérablement. Certains comme le philosophe Charles Nodier dans Questions de littérature légales, ou encore Joseph Marie Quérard dans Les Supercheries littéraires dévoilées n'en parlent même pas, d'autres comme Etienne Gabriel Peignot dans Amusement philologique reprennent d'anciennes théories définissant toujours la parodie comme « une petite poétique curieuse et amusante »35.

Progressivement au cours de ce siècle cette notion prend de l'ampleur. Elle est confondue avec d'autres termes comme la caricature, notamment dans L'histoire de la caricature antique de Jules Champfleury (1865) ou par André Gill qui intitule son journal satirique La Parodie, ce qui va fortement populariser ce terme. La Monarchie de Juillet et le Second Empire sont des périodes propices à la presse humoristique.

A la fin de ce siècle et avec le déclin du romantisme36, la littérature réfléchit sur elle-même et sur des notions comme la réécriture (des auteurs et non des oeuvres comme il était monnaie courante avant l'apparition de la notion de droit d'auteur qui apparait au XIIème siècle en Angleterre). Proust débutera par des pastiches, le poète Stéphane Mallarmé imitera Baudelaire et le second degré s'installe dans le paysage littéraire, comme une nécessité. Léon Bloy écrira même en 1886 dans Le désespéré que «l'invention n'est plus possible »37, ou encore Guy de Maupassant dans Pierre et Jean « que reste-t-il à faire qui n'ait été fait, que reste-t-il à dire qui n'ait été dit? »38.

Octave Delepierre dans l'ouvrage « Essai sur la parodie » apporte de nouveaux éléments notamment dans la distinction entre parodie et burlesque. Selon lui le burlesque serait la déformation d'un sujet existant en changeant par exemple de registre de langue. La parodie est l'imitation d'un genre mais à partir d'un sujet nouveau. Elle serait donc la dégradation

34 Ibid, p19

35 Ibid, p21

36 Selon le Trésor de la Langue Française il s'agit d'un mouvement intellectuel, littéraire, artistique qui visait à renouveler les formes de pensée et d'expression en rejetant les règles classiques et le rationalisme, en prônant la nature, le culte du moi, la sensibilité, l'imagination, le rêve, la mélancolie, la spiritualité, en réhabilitant le goût contemporain, la couleur locale, la vérité historique. Romantisme, prédominance de la passion sur la forme et de l'inspiration sur la règle (FLAUB., Corresp., 1871, p. 230). Le romantisme (...), en exaltant le sentiment, l'imagination et l'intuition, allait provoquer un remaniement profond de la pensée occidentale (Hist. sc., 1957, p. 1565).

37 Op cit., p22

38 Ibid., p23

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 29

d'une oeuvre plus ancienne sous une forme différente, une vieille littérature qui ne respecte pas ses anciennes oeuvres.

Un autre point important dans les observations de Delpierre concerne la réception. Toujours selon lui la réception est différente selon le contexte historique. Par exemple, un texte du Moyen Âge n'a pas le même poids, lu plusieurs siècles plus tard et peut perdre de sa force satirique. Par sa dimension critique, il y a désormais une dimension sociale et politique qui est en partie reconnue à la parodie.

2. Le formalisme russe.

L'évolution majeure de la reconnaissance du genre parodique est le fruit du travail des formalistes russes et plus particulièrement celui de Mikhaïl Bakhtine. Mais revenons tout de même sur les théories développées par d'autres chercheurs russes avant lui.

Les théoriciens russes ont, dans un premier temps, cherché à démontrer la littéralité des objets littéraires ou plus simplement à définir ce qui différencie la langue poétique de la langue quotidienne. Ensuite, ils se sont attachés aux relations entre la nouvelle oeuvre (la parodie) et son modèle (l'original). Pour Iouri Tynianov la parodie est un procédé de destruction de l'ancienne oeuvre, dans le sens où elle la dépasse et l'enrichit39. Il cite Dostoïevski qui reprenait des procédés stylistiques de Gogol, et parlant de stylisation plutôt que d'imitation. Mais pour qu'il y ait parodie, il faut un décalage, un effet de discordance. Il parle de « mécanisation » du procédé créé par l'insertion de procédés tels que la contrepèterie, le calembour, le détournement de vers célèbre, etc. Tomachevski va plus loin en parlant de règle canonique lié aux époques et que la parodie fait voler en éclat.

Le principe fondamental pour Bakhtine est que tout oeuvre ne se conçoit qu'en rapport avec d'autres énoncés, ce qui est le principe du dialogisme. Dans chaque discours nous comptons deux sujets, l'homme qui parle et son groupe social et d'autre part « un déjà dit ». Il affirme également que le dialogisme est plus prédominant dans la prose que dans la poésie. Le roman a tendance à être polyphonique bien que certains le soit plus que d'autres. Il oppose notamment Dostoievski qu'il considère comme l'inventeur du roman polyphonique à Tolstoi qui est davantage monologique40.

En ce qui concerne la parodie, il montrera l'importance du langage en citant des auteurs anglais ou allemands (Charles Dickens pour ne citer que le plus connu), et soulignant l'emploi de toutes les couches du langage littéraires parlé et écrit de leur temps et en forçant le trait.

39 Ibid., p32

40 Problème de la poétique de Dostoievski, M. Bakhtine, 1963

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 30

Il évoque également l'hybridation des langages ou le mélange de deux langages sociaux dans le même énoncé.

En ce sens, Kaamelott rentre parfaitement dans cette définition de la parodie. Le Roi Arthur, mais pas seulement lui, passe très souvent d'un langage protocolaire ou bien technique à un langage plus familier et même, mais cela nous le verrons plus tard d'un langage supposé médiéval à un langage plus moderne.

Nous pouvons donc constater toute la complexité à définir la parodie étant donné le caractère polyphonique donné à ce terme. Nous pouvons tout de même retenir la pratique d'imitation ou de transformation d'un texte, un langage ou un thème. C'est également destiné à un usage plus polémique pour dénoncer à travers le langage social.

Il est encore plus difficile de différencier parodie de pastiche mais ce n'est pas l'essentiel dans la démarche entreprise par Bakhtine. Il accorde une plus grande importance à l'aspect idéologique du genre. La parodie existe depuis l'antiquité, elle est le pendant nécessaire, voire indispensable de toute oeuvre dite sérieuse. Mais la parodie par le biais du rire, de la moquerie, de la légèreté s'inscrit davantage dans la réalité que les formes canoniques telles que l'épopée. C'est une lutte contre les stéréotypes et la déformation angélique de la réalité. Elle implique également une distanciation de l'auteur créant alors une « conscience parodique ».

Pour résumer l'apport de Bakhtine nous pouvons souligner qu'il considère la parodie non pas comme une simple technique de renouvellement ou un moteur de l'évolution littéraire mais qu'elle engageait également des postures sociales, culturelles ou encore politiques.

3. La transtextualité de Genette.

Nous finirons par les théories de Gérard Genette. Genette est le père de la transtextualité41 qu'il définit comme « tout ce qui met un texte en relation, manifeste ou secrète avec d'autres textes ».

Selon Genette, et c'est une théorie que nous appliquerons, tout texte est en relation avec des textes antérieurs. Il distingue deux processus, la transformation et l'imitation. C'est aussi la distinction que l'on peut faire de pastiche et parodie. Le premier imite un style (écrire à la manière de) alors que le second s'en prend à un texte. Il parle alors d'imitation caricaturale ou pastiche satirique.

Dans notre cas, Kaamelott relève à la fois de la parodie (appropriation des textes de la légende Arthurienne sur le fond) mais également du pastiche (langage d'Audiard, que l'on pourrait lui même qualifier à certains égards de rabelaisien (un style gai, licencieux, grivois, parfois

41 Palimpseste, Seuil 1982

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 31

grossier et cynique), pour certains personnages comme Arthur ou encore Léodagan et registre médiéval plus proche de la représentation des écrit traditionnels relatant la légende pour Lancelot ou encore Gauvain.

Pour Genette la parodie se réduit à « la transformation textuelle à fonction ludique ».

Toutes ces définitions de la parodie allant d'Aristote à Genette ne sont que des repères, certes indispensables, pour entrer dans notre travail et mieux définir l'esprit Kaamelott mais il s'agit de théories s'appliquant à des textes. Or ici, comme nous avons pu le voir dans les parties précédentes, nous sommes en présence d'un objet télévisuel. Bien que le corpus soit un manuscrit des épisodes ou la transcription des épisodes par des internautes c'est avant tout une série télévisée qui a été retranscrite à l'écrit dans un but pédagogique42 ou plus simplement un produit dérivé ou objet de collection afin de satisfaire les fans de la série toujours désireux d'en connaître davantage sur leur série favorite.

Kaamelott est donc à la fois une parodie de la légende arthurienne en en reprenant les bases narratives qu'ils s'agissent de la quête du Graal par les chevaliers de la table ronde ou les intrigues sentimentales comme la romance de Guenièvre et Lancelot. Nous pouvons également parler des lieux, des protagonistes ou de péripéties diverses que l'on retrouve dans le roman arthurien. D'après la définition de Delpierre, Kaamelott est une oeuvre burlesque détournant la légende Arthurienne mais ne peut pas être considéré comme une parodie puisque la base est la même.

Certaines oeuvres ne gardent que la base narrative et transposent le récit dans un autre cadre historique. Prenons l'exemple de Songes d'une nuit d'été du dramaturge anglais William Shakespeare43 ».Cette pièce écrite entre 1594 et 1595 fut transposée en 2011 par Nicolas Briançon dans les années 19708.

4.Le pastiche

Nous l'avons vu c'est également un pastiche par la multiplicité de ses langages. Arthur est obligé d'adapter le sien selon ses interlocuteurs. L'épisode Ambidextrie44 est un très bon exemple. Il peut employer un langage très technique en tant que chef de guerre avec Lancelot , son second.

42 l est précisé sur la quatrième de couverture du manuscrit que c'est un outil idéal pour les professionnels du spectacle et de l'éducation.

43 http://www.lexpress.fr/culture/scene/shakespeare-c-est-bon-pour-le-moral_1035325.html

44 59Kaamelott Livre I, épisode 35, Ambidextrie

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 32

Arthur - Donc on reprend: Calogrenant est posté depuis hier au

nord-ouest de la zone d'attaque.

Lancelot - Et Léodagan, sud-sud-est, un peu plus en retrait avec

les cavaliers.

Cependant tous ses hommes n'ont pas ce niveau de compréhension de la tactique militaire.

Perceval - J'aime pas bien ces histoires de sud-est, de nord ouest et tous ces machins.

L'épisode est intitulé Ambidextrie. Ambidextre signifie pouvoir se servir aussi bien de sa main droite que de sa main gauche, notamment pour l'écriture. Ici Perceval ne sait pas faire la différence la différence entre ces deux notions. Mais le dialogue suivant nous permet de mieux comprendre ce choix de titre :

Perceval : D'accord ! Allez c'est bon (tire son épée) j'les attends les

envahisseurs ! Ils vont s'prendre mon épée dans les côtelettes ça va

les calmer pour un moment ! Ah j'ai hâte d'y être ! Ils vont s'frotter

à la fausse-patte du Pays d'Galles !

Lancelot : Les fausses-pattes c'est des gauchers.

Perceval : Bah oui !

Arthur : Vous êtes pas gaucher vous.

Perceval : Ben si !

Lancelot : Vous dégainez d'la main droite.

La confusion entre la droite et la gauche est ainsi accentué. Perceval n'et pas un valeureux combattant. Nous pouvons le vérifier dans de nombreux épisodes dont celui-ci qu'il n'est pas un expert militaire et que cet univers le dépasse.

Lancelot : Le Seigneur Calogrenant est parti il y a deux jours pour placer son armée en amon de la rivière.

Perceval : Ah, c'est pour ça qu'il est plus là.

Lancelot : Bah oui, on l'a envoyé se positionner en avance...

Perceval : Ah bon, moi j'croyais qu'il était rentré chez lui alors j'me disais "il s'fait pas chier quand même" !

Nous pouvons tout de même reconnaitre à Perceval sa volonté de bien faire et de progresser. Il manifeste son enthousiasme à pourfendre l'ennemi une fois qu'Arthur et Lancelot ont fini de lui expliquer la marche à suivre. Pour cela ils abandonnent les repères spatiaux, étrangers à

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 33

Perceval, et s'expriment par le biais d'élément naturel que devra rencontrer Perceval sur son chemin (arbre, rocher, rivières).

Ce lien à la nature est assez révélateur de la personnalité de Perceval. Enfant naïf et protégé par sa mère, dans la série par « sa mamie », Perceval est un homme crédule mais d'une grande bonté et d'une fidélité à toute épreuve.

Arthur est également un homme de son époque, c'est à dire rustre et s'emporte facilement ce qui l'incite à employer également un registre plus familier.

Arthur - (s'adressant à Perceval) Mais vous êtes complètement con !

Ce langage est d'ailleurs partagé par la majorité des protagonistes de la série. Ce registre familier ou argotique, emprunté à Audiard, est une des clefs du succès de la série.

D'autres personnages tels que Léodagan ne changent pas de registre (pour ce cas il s'agit du familier). Citons également Yvain qui s'exprime davantage comme un adolescent du XXIème siècle qu'à la manière d'un chevalier du VIème ou du XIIème siècle.

Yvain - (refusant d'aller au combat) Je m'en fous, j'irai pas !

Et voici la réaction face aux menaces de son père :

Yvain - (levant les yeux au ciel) Super ! Bonjour la pédagogie !

Nous reverrons plus en détail les particularités d'Yvain dans la troisième partie.

Enfin, il est important de préciser que Kaamelott réfléchit sur de nombreuses questions en lien avec le monde des arts en général et de la littérature en particulier. Ainsi plusieurs épisodes s'intitulent La poétique et font clairement référence à Aristote45.

Nous pouvons voir Arthur enseigné à Perceval l'art de raconter aux autres chevaliers de la Table Ronde des récits de ses aventures épiques. Il cite alors Aristote et à son grand étonnement Perceval précise que c'est « lui qui a écrit La poétique. » Précisons que Perceval ne sait pas lire. Il lui explique alors, qu'un tout est constitué d'un début, un milieu et une fin.

45 Kaamelott, Livre III, épisode 27 et 28, La poétique

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 34

Arthur insiste sur la nécessité de susciter l'intérêt du lecteur en allant à l'essentiel afin de ne pas perdre le lecteur et qu'il faut parfois embellir la réalité. Arthur fait remarquer à Perceval que tout le monde emploie cette technique, même Lancelot et que c'est pour cette raison que ses récits ont l'air vrai. En alternance ; nous voyons donc dans l'épisode Perceval relater ses prétendues aventures aux autres chevaliers et nous comprenons.

Dans un second épisode utilisant la même mécanique, Arthur explique à Perceval ce qu'est un élément déclencheur dans un récit. Les chevaliers de la table ronde ont conscience, ou au moins quelques uns de leur importance dans l'Histoire et de la portée de leurs récits. C'est pourquoi il est primordial de soigner l'image de la légende. Par exemple Arthur proteste contre Merlin qui surnomme le Roy « le sanglier de Cornouailles ». En représailles Arthur demandera au père Blaise, son copiste d'appeler l'enchanteur Coco l'asticot dans l'un des récits46.

De même nous pouvons voir Arthur enseigner l'art de la poésie à Guenièvre et la notion de licence poétique47

Guenièvre : Mais je vous en prie, éclairez-moi de vos lumières, puisque vous êtes soudainement devenu un expert en beau langage...

Arthur : Pas besoin de devenir un expert, s'il vous plaît ! « Le vent, pareil à l'enfance, se joue de l'arbre moqueur... » ?

Guenièvre : Oui, et ben ?

Arthur : Eh ben c'est nul. Nul, nul, nul, zéro. « L'arbre moqueur », déjà ; ils peuvent pas s'empêcher de foutre des épithètes à tout ce qui bouge, ces poètes, même à ce qui bouge pas ! « La fleur goguenarde », « L'abeille malicieuse », « Le roseau pliable », « L'ourson rabat-joie ». Et même, des fois, ils le mettent avant le mot, comme ça, ça fait genre : « Le gai souriceau », « Le prompt madrigal », « La frisottée moustache ». (Il lève les yeux au ciel.)

46 Kaamelott, Livre III, épisode 8, Le sanglier de Cornouailles

47 Kaamelott, Livre II, épisode 19, Le poème

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 35

Cette réflexion sur les arts et en particulier sur la langue et le langage est un nouvel indice de l'originalité de ce programme et un ingrédient essentiels pour la particularité de son humour.

Astier est, finalement, très fidèle à la légende et certaines intrigues qui paraissent anodines ne le sont pas. Par exemple, dans l'épisode Le Chevalier mystère, Perceval éprouve des difficultés à retenir son patronyme et accomplit une quête sous le nom de Provençal le Gaulois. le seigneur Perceval dans le roman inachevé Perceval ou le conte du Graal de Chrétien de Troyes écrit en 1181 ne connait pas son identité. Sa mère l'ayant toujours appelé mon enfant ou par des surnoms propre à une mère pour son fils. Son identité lui viendra miraculeusement en se présentant devant Arthur.

Il est important de rappeler que l'action de Kaamelott se situe à la chute de l'Empire Romain. Le roi Arthur a pour mission de fédérer les peuples bretons afin d'en faire une nation unie et indivisible. Arthur tient son autorité d'Excalibur, son épée magique. Celui qui retira l'épée du rocher deviendra maître de tout le royaume de Logres. Arthur, devenu roi, fait bâtir la forteresse de Kaamelott48 et cherche des chevaliers à travers toute le royaume de Logres pour accomplir la mission que les Dieux lui ont confiée. C'est une incohérence de la série puisqu'il devrait s'agir du Dieu unique de la chrétienneté. : conquérir le Saint Graal49. Une fois les chevaliers trouvés, Arthur fit construire une table ronde autour de laquelle ils pourront se réunir pour traiter des affaires du royaume et surtout de la quête du Graal.

Par la suite la chronologie devient plus confuse et nous fait voyager à travers plusieurs siècles. Si la première partie de Kaamelott (bien que ce ne soit pas systématique) semble se dérouler autour du Vème siècle, les Romains quittent la Bretagne en 410 dans une Bretagne encore en proie aux invasions barbares et à la chrétienneté, Nous pouvons également percevoir de nombreux indices sur l'incohérence historique du récit. Ainsi Arthur et les siens sont au fait de culture qui leur sont logiquement pratiquement inconnu. Nous pouvons notamment voir Arthur réciter un poème chinois50. Ou encore jouer d'un instrument oriental51. Nous suivons alors Arthur dans un moyen Âge féodal radicalement différent du moyen Âge plus « primitif » par bien des aspects (politique, religieux, culturelle ; etc.).

Astier ne prétend pas respecter à la règle une chronologie historique, ce n'est pas un travail d'historien mais se servir de manière optimale de la Légende Arthurienne. N'oublions pas que

48 Chabbert, (Christophe), Aux sources de Kaamelott, acte 1 : les moeurs et les femmes,

Livre II, 28 septembre 2005, M6 Vidéo

49 Le Graal est le récipient à l'aide duquel Joseph d'Arimathie aurait recueilli le sang du Christ lors de sa crucifixion.

50 Kaamelott, Livre II, épisode 19, Le poème 51Kaamelott, Livre 1, épisode 39, Le Oud

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 36

celle-ci n'est pas cloisonnée dans une période bien précise mais a considérablement évolué au cours des siècles. Ainsi les intrigues sentimentales (amours courtois entre Guenièvre et Lancelot par exemple) prennent toute leur importance dans les récits du XIIème siècle et plus spécifiquement sous la plume de Chrétien de Troyes.

L'originalité de Kaamelott réside également dans le choix de son sujet. C'est-à-dire la légende Arthurienne, vieille de plus de 1500 an, connu de tous mais de manière imprécise. La difficulté dans le traitement de ce sujet est de choisir quelles partie de la légende l'auteur veut exploiter. AA a choisi de ne pas respecter à la lettre telle ou telle version mais de proposer la sienne.

Les premiers écrits datent du Moyen Âge (autour de l'an mille) par Geoffroy de Monmouth52 Cependant, dans la tradition orale et dans plusieurs poèmes d'anonymes, il est déjà question des aventures de ce roi légendaire, défendeur de la Bretagne face aux invasions des Saxons autour du VIe siècle.

Après Geoffroy de Monmouth, il sera écrit d'innombrables versions, toutes très différentes. Nous retiendrons principalement les écrits de Chrétien de Troyes qui mettront en avant le concept de l'amour courtois, ou fin'amor, et s'attachera beaucoup au personnage de Lancelot, à la quête du Saint Graal et relatera les amours de Guenièvre et Lancelot.

Comme nous venons de le voir dans ce chapitre, Kaamelott n'est pas un pastiche ou une parodie de la LA mais une nouvelle version reprenant les mêmes éléments (intrigues, lieux, personnages) il s'agit d'hypertextualité que Genette définit comme « toute relation unissant un texte B (hypertexte) à un texte antérieur A (hypotexte) sur lequel il se greffe d'une manière qui n'est pas celle du commentaire. » L'hypertexte est un texte dérivé d'un autre texte préexistant au terme d'une opération de transformation.

Il existe donc quelques points communs à toutes les versions. Les personnages d'abord. On retrouve Arthur, sa femme Guenièvre, Merlin, Lancelot du Lac le chevalier errant ou encore Perceval le Gallois. Pour ce qui est des autres personnages, on trouve de nombreuses divergences, qu'il s'agisse des prénoms, de la fonction ou de l'importance dans les récits.

Il en va de même pour les objets. Tous les récits s'accordent sur Excalibur, l'épée des rois, qu'Arthur a retirée du rocher. Le caractère surnaturel d'Arthur et de Merlin fait aussi partie des bases de la légende.

En revanche, la Table Ronde ne fait pas consensus. Parfois elle est un objet très concret comme dans la série et a une importance politique et symbolique (ronde pour que tout le monde soit égal autour de cette table). Dans certains récits, elle ne serait qu'une désignation

52 NABOUR, Eric, Kaamelott, Tome 1 : Au coeur du Moyen Âge, Perrin, 2007

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 37

d'une confrérie et il existerait la table carrée, la table ovale, etc. Dans la version d'un anonyme de la fin du Moyen Âge, il y aurait plus de 1600 chevaliers à la Table Ronde, ce qui nous permettrait de douter de son existence physique.

Astier s'inspire fort logiquement de la LA pour créer des épisodes. Certains peuvent paraitre totalement absurdes et sans rapport direct avec la légende tels que les épisodes Unagi dans lesquelles nous pouvons assister aux entrainements de Perceval et Karadoc à de nouvelles techniques de combats de leurs inventions53. L'unagi est une anguille d'eau douce, on peut donc rapprocher cet animal aux techniques d'esquives en se basant sur l'expression « se faufiler comme une anguille » D'autres, notamment ceux évoquant la romance de Lancelot et Guenièvre, sont directement inspiré de la légende et plus particulièrement des romans de Chrétien de Troyes. Mais il existe également de nombreuses intrigues dont l'inspiration parait moins évidente pour les néophytes. Ainsi l'épisode En forme de Graal54 traite de la forme du graal. Nous assistons à une réunion de la table ronde et plusieurs versions s'affrontent. Pour certains il s'agit d'un vase ou d'une coupe, Bohort dit « un récipient », Perceval évoque une pierre incandescente. A la fin de l'épisode Perceval et Karadoc poursuivent le débat :

Karadoc : Franchement, vous êtes Joseph d'Arimathie. Vous vous pointez devant Jésus qui pisse le sang. Dans quoi vous le récupérez le sang ?

Perceval : Dans un bocal à anchois. Déjà pour la contenance, j'peux pomper un demi-gallon de sang, j'suis tranquille. Et surtout qu'après j'peux refermer le bocal, j'en fous pas de partout dans mon sac. Si Joseph d'Arimathie a pas été trop con, vous pouvez être sur que le Graal, c'est un bocal à Anchois.

Intéressons nous à ce bocal à anchois. Aux premiers abords il nous apparait simplement un gag de AA pour démontrer à la fois la naïveté et le sens pratique du Seigneur Perceval. Mais en effectuant quelques recherches sur l'origine du terme graal, nous apprenons qu'il s'agit du mot désignant au Moyen âge un plat à poisson.55 Or dans le roman de Chrétien de Troyes Le Conte du Graal, Perceval trouve dans le château du Roi Pêcheur « un graal merveilleux et une lance qui saigne. Nous ne retrouvons nulle trace dans Kaamelott d'une lance qui saigne

53 Kaamelott, Livre 1, épisode 93, Unagi, Livre 2, épisode 57, Unagi II, Livre 3, épisode 16, Unagi III, Livre 4, épisode 51, Unagi IV.

54 Kaamelott, Livre 1, épisode 18, En forme de Graal

55Christine Ferlampin Acher, Denis Hüe, Mythe et réalités, Histoire du Roi Arthur, Edition Ouest France

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 38

mais le graal est omniprésent. Dans la série le graal est le récipient ayant servi à recueillir le sang du Christ. Cette vision religieuse du graal n'est pas présente dans l'oeuvre de Chrétien de Troyes. Ce sont les continuateurs de son oeuvre qui donneront une fonction mystique à cet objet .Christian Ferlampin Acher et Denis Hüe écrivent dans Mythes et réalités, Histoire du Roi Arthur qu' il « revient à Messinier en quelques 11 000 vers, de mener à sa fin la quête du Graal, christianisant fortement le vaissel, présenté désormais comme une relique de la passion du Christ ».

Il parait donc évident à la lumière de tous ses éléments que l'emploi du bocal à anchois n'est pas anodin et qu'AA faisait directement référence au plat à poisson du Moyen âge. Le champ sémantique autour du graal comprend le bocal à anchois, le Roi pêcheur, unagi ou anguille.

La LA est une source d'inspiration considérable dans des oeuvres modernes tel que la saga Star Wars de Georges Lucas , Stargate de Roland Emereich ou bien encore Le seigneur des Anneaux de J.R Tolkien pour ne citer que les plus célèbres56.

Ce qui différencie Kaamelott des versions antérieures de la Légende, c'est la vision et la gestion de l'échec, l'incapacité face à la mission confié par les dieux à Arthur et le doute permanent qui finit par détruire l'ensemble. La désacralisation de la légende Arthurienne. Là où toutes les versions de la légende (excepté Sacré Graal des Monty Pythons qui est dans le registre de la parodie pure et dure) s'évertuent à montrer les qualités et les valeurs des protagonistes. La magie représente un quart des épisodes et est omniprésente dans Kaamelott et la Légende Arthurienne. Il semble logique que des héros dépassé par la réalité le soient également par les phénomènes surnaturels.

La légende Arthurienne est constitué d'un ensemble de texte écrit par des auteurs tels que Geoffroy de Monmouth ou encore Chrétien de Troyes mais également d'auteurs anonymes tout au long du moyen âge principalement. Cependant certains écrivains, Philippe Sollers par exemple, continuent d'être inspirés par ce sujet inépuisable.

A noter l'ambiguïté entre la croyance dans le Dieu unique imposé par la récente chrétienté du Royaume et malgré tout la présence des Dieux celtes qui guident Arthur par l'intermédiaire de la Dame du lac.

AA a une particularité dans sa manière de travailler qui est très intéressante. Il pense a un acteur puis écrit en fonction de ce dernier, alors que la plupart des auteurs pensent d'abord à

56

http://www.lequotidienducinema.com/index.php?option=com_content&task=view&id=327&Itemi d=109

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 39

un rôle et l'attribue ensuite à un comédien dont le profil correspond. Par exemple AA a envie de travailler avec un acteur qu'il admire, François Rollin pour ne citer que lui. Et ensuite, une fois que l'acteur accepte de travailler avec lui, il écrit un rôle adapté à ce dernier. Rollin est célèbre pour son personnage du Professeur Rollin qui est très cultivé et aime étaler sa culture aux yeux de tous. Le Professeur Rollin est réputé pour avoir « toujours quelque chose à dire » quelque soit le sujet. AA écrit alors un roi Loth finissant toutes ses phrases par une citation latine, rabaissant constamment ses collaborateurs et ayant toujours le dernier mot. D'autres auteurs écrivent d'abord leur personnage avec ses particularités et réfléchissent ensuite à qui pourrait bien l'incarner.

AA choisit donc des acteurs avec qui il souhaite travailler et ,selon leur jeu, leur parcours, il compose un personnage « sur-mesure ». L'intérêt de cette méthode est de pouvoir jouer avec la transtextualité. En effet, AA peut faire référence à travers un personnage à un autre texte Voici quelques exemples qui vont nous permettre de démontrer cette particularité et son efficacité comique, principalement tirés des épisodes La Table de Breccan et Le Maitre d'armes.

La Table de Breccan est le seul épisode de Kaamelott avec Yvan le Bolloch. Cet acteur a acquis une grande notoriété en incarnant Jean Claude Convenant dans la série télévisée humoristique Caméra Café sur M6.

Astier a décidé (ou a été contraint) pour les débuts de Kaamelott d'adresser un clin d'oeil à Caméra Café.

Dans CC Yvan Le Bolloch incarne donc Jean Claude Convenant, surnommé JC, représentant de commerce (VRP) pour une entreprise qui fabrique des appareils de Fitness. Jean Claude est un très bon vendeur mais il est aussi dragueur, bien que marié et père de trois enfants, alcoolique et particulièrement inculte.

Le personnage de Breccan, artisan ayant fabriqué la table ronde, dans Kaamelott à de nombreux points communs avec le personnage de JC. Les deux ont une profession commerciale et savent parler de leur produit. Breccan nous démontre ici tout son talent de camelot :

Attendez, le cuir, ça restera toujours le cuir ! D'autant que je vous ai pas mis de la vache moisie ! Là, c'est de la tannerie de luxe assemblée au crochet de six... Attendez, il y a du boulot derrière, là.

On voit dans cet extrait la verve habituelle de Jean Claude Convenant. Il semble vraiment s'y connaitre en expliquant la fabrication de sa table avec de nombreux détails techniques (notamment le crochet de six et la vache moisie, gage de bonne qualité).

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 40

Yvan Le Bolloch est l'auteur de Caméra Café avec Bruno Solo qui incarne Hervé Dumont. Or, comme AA, Le Bolloch et Solo sont de fins connaisseurs de Michel Audiard. Ses dialogues regorgent de métaphores, d'argot et sont marqués par un rythme rapide. Nous retrouvons un lexique propre aux truands, aux classes populaires et certaines professions.

Ici, le procédé est le même. Le rythme est soutenu, très accentué et le lexique ne parle qu'à un artisan spécialiste en tannerie. « Assemblé au crochet de 6 », ici, le personnage utilise le jargon propre à sa profession, jargon dont il est le seul à détenir la clé dans cette scène, ce qui lui confère l'autorité sur les autres

En employant des termes techniques, il s'impose et veut faire reconnaitre son savoir-faire, il démontre son autorité dans son domaine.

Cet extrait des tontons flingueurs, dialogué par Audiard, l'illustre parfaitement.

Raoul Volfoni :Mais moi les dingues, j'les soigne, j'm'en vais lui faire une ordonnance, et une sévère, j'vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quatre coins d'Paris qu'on va l'retrouver, éparpillé par petits bouts façon puzzle... Moi quand on m'en fait trop j'correctionne plus, j'dynamite... j'disperse... et j'ventile...

B.BLIER, Les tontons flingueurs

Ici, nous comprenons que le locuteur veut tuer quelqu'un et qu'il s'y connait en assassinat. A l'image nous le voyons préparer une bombe mais ses paroles nous suffisent pour comprendre ce qu'il fait. Il emploie ici des expressions populaires « je vais lui montrer qui c'est Raoul » et de nombreuses métaphores « on va l'retrouver, éparpillé par petits bouts façon puzzle. »

Dans l'épisode « La tête est les jambes » de Caméra Café Hervé à parié avec sa fiancée sur JC pour battre leur collègue Nancy, à une épreuve de triathlon, alors que sa fiancée à parié sur Nancy. Le perdant doit venir en short au bureau. Hervé dit à JC :

Hervé Dumont : Dis donc Jean Claude, c'est pas que j'sois complexé par mes mollets mais j'ai une image ici alors pas de galanterie hein. La Nancy tu l'écrabouilles, tu la pulvérises, tu la disperses.

B.SOLO, Caméra café

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 41

On retrouve la même idée que chez Audiard pour éliminer l'adversaire. « Disperser » figure même dans les deux répliques.

L'emploi de la métaphore est fréquent dans les trois oeuvres que sont Caméra Café, Kaamelott, et les dialogues d'Audiard.

Marina Yaguello dans l'ouvrage Alice au pays du langage parle de « substitution dans l'axe vertical d'un terme figuré à un terme propre ». 57« Disperser » ici signifie la battre à la course. Chez Audiard c'est aussi une métaphore, mais l'emploi d'une bombe donnerait un résultat plus proche de la dispersion qu'une simple victoire sportive. Dans Caméra Café c'est un hommage à Audiard, le terme « disperser » étant peu approprié à la situation.

Parlant du fait que le cuir de la table tache Breccan dit ! « Par contre, il faut essayer de pas trop manger comme des porcs ». Les porcs mangent salement, les chevaliers doivent éviter d'en faire autant pour ne pas abimer la table.

Toujours selon Yaguello, « la métaphore est un défi à la redondance, comme l'est toujours le langage poétique. La valeur expressive en est donc plus forte »

Caméra Café se situant au XXIème siècle, les auteurs peuvent se permettre de citer ouvertement un auteur passé. Dans Kaamelott l'exercice serait plus périlleux étant donné que l'intrigue se situe plusieurs siècles avant la naissance de Michel Audiard !

Michel. Riffaterre définit l'intertextualité comme « la perception, par le lecteur, de rapports entre une oeuvre et d'autres qui l'ont précédée ou suivie »

La frontière est mince entre la citation, clairement identifiée, le plagiat ou l'on cite quasiment mot pour mot mais sans laisser d'indice, de trace du texte cité et enfin l'allusion, ce qui est ici le cas.

Il est évident ici que la filiation entre Caméra Café et Kaamelott est bien au-delà d'un interprète commun mais d'une écriture et d'une référence commune, Audiard

Nous le voyons également énumérer les qualités de la table et devancer le client sur ses différentes utilisations possibles :

BRECCAN --Ah et puis là, je vous ai mis du costaud, vous pouvez

y aller ! Mettons pendant un banquet, s'il faut faire danser cinq ou six dames dessus, ça bougera pas !

ARTHUR -- C'est pas tellement l'ambiance.

BRECCAN -- Ah bah après, moi, je connais pas le détail, hein !

57 YAGUELLO, Marina, Alice au pays du langage, Seuil (1 mars 1981)

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 42

Nous voyons donc une référence supplémentaire à JC et là encore un rythme « à la Audiard ». Mais ceci est tout à fait normal vu que le style Astier, sans être un plagiat, utilise les mêmes codes à savoir le rythme, l'emploi de métaphore et une certaine forme d'argot.

AA dans le Livre II fera un deuxième clin d'oeil à Caméra Café en faisant jouer Bruno Solo dans l'épisode « Les Drapeaux ». Bruno Solo joue Hervé Dumont, dit Vèvère, le collègue syndicalise de JC.

Dans Kaamelott son personnage s'appelle Herveig et est le responsable des drapeaux pour faire des signaux à l'ennemi. Son rôle est de parlementer, négocier, il est le lien entre Arthur et le camp d'en face. Sa fonction est donc très proche de son rôle de syndicaliste dans Caméra Café et les conclusions les mêmes que pour JC /Breccan.

Notre deuxième exemple concerne donc le personnage du Maitre d'Armes. Nous le découvrons dans l'épisode éponyme, s'évertuant à pousser Arthur dans ses derniers retranchements en le provoquant pour que celui-ci s'entraine au combat efficacement. C'est un personnage récurrent que nous retrouvons dans les six saisons.Le rôle du Maître d'armes est interprété par Christian Bujeau. Ce dernier s'est fait connaitre du grand public pour son rôle de jean Pierre dans Les Visiteurs de Jean Marie Poiré.

Les Visiteurs est l'un des grands succès du cinéma comique français sorti en 1993. L'action se déroule en l'an de grâce 1123 . Godefroy de Montmirail et Jacquouille la Fripouille se retrouve propulsé en 1992. Les deux héros font alors la connaissance de leur descendance dont Beatrice de Montmirail, la descendante de Godefroy.et son mari Jean Pierre.

Le début de l'action se passe au Moyen Age et la suite du film au XXème siècle mais les deux héros parlent dans un français supposé être du XIIème siècle. En réalité la plupart des termes médiévaux ont été inventés par les scénaristes du film, Jean marie Poiré et Christian Clavier. Le premier point commun entre Kaamelott et Les Visiteurs est donc la période historique servant de trame à l'histoire.

Le second est donc la présence de Christian Bujeau. Si ce dernier a été choisi par AA ce n'est pas uniquement pour ses qualités d'acteur mais pour ses talents à l'épée. Christian Bujeau étant lui-même expert en combat médiéval.et chorégraphe sur Kaamelott. L'emploi de l'acteur pour ses spécificités est donc ici totalement justifié. AA voulait Bujeau et écrit donc un rôle taillé pour lui. Le Maitre d'Armes étant un personnage créé pour Kaamelott tout comme Breccan et Herveig.

Nous trouvons de nombreuses similitudes entre le langage du Maitre d'Armes et celui des héros des Visiteurs.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 43

JACQUOUILLE :Ne buvez pas messire , c'est une folie , vous aller vous transformer en boue , en chauve souris ou en cul de nonne ! GODEFROY : Bois , je verrai bien si tu te transformes en cul de nonne !

JACQUOUILLE : Pouah ! Ca puire !

JACQUOUILLE : (effrayé) Aahh ! Messire ! Un Sarrasin . Messire , un Sarrasin dans une chariotte du diable. C'est tout ferré , y a point de boeuf pour tirer

Le procédé consiste a légèrement transformé des mots contemporain telle que chariot en cha-riotte et lui attribuer un objet de notre temps. Dans cet exemple il s'agit d'une Renault 4L de La Poste.

Ici un extrait de l'épisode Le Maitre d'armes :

LE MAITRE D'ARMES -- « Gonzesse », c'est une formule ! Je ne le pensais pas ! Si j'avais voulu taper dans les potins, j'aurais très bien pu parler du vôtre, de père !

ARTHUR -- Quoi ?

LE MAITRE D'ARMES -- Au hasard, l'épisode de la grange de Brigit.

ARTHUR -- Quelle grange ?

LE MAITRE D'ARMES -- Celle où il s'était endormi dans le foin et où il s'est fait chier dessus par un bouc !

Nous voyons ici une méthode souvent employé dans Les Visiteurs, l'anecdote. Ici celle du père d'Arthur.

Nous remarquons également la présence de termes contemporains tels que « potins » ou « gonzesse ». AA n'invente pas de mot contrairement à Poiré et Clavier. Au néologisme il préfère l'anachronisme. Cependant ce sont deux termes argotiques.

Dans Les Visiteurs, Béa reproche souvent à son mari d'être « atrocement vulgaire ». Or nous avons déjà décrit le Maitre d'armes comme étant le personnage le plus grossier de la série. Même si dans Kaamelott la vulgarité est un une méthode pour énerver le Roi et le stimuler au combat.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 44

LE MAITRE D'ARMES (off) -- Ha, ha. Sire ! Je vous attends ! À moins que vous ne préfériez qu'on dise partout que le Roi est une petite pédale qui pisse dans son froc à l'idée de se battre ?

LE MAITRE D'ARMES --Il y a pas de « doucement » qui tienne ! Vous allez me faire le plaisir de vous remuer un peu les miches. Sire ! J'ai l'impression de me battre contre une vieille !

La vulgarité, le contexte historique, la fonction du personnage sont autant d'éléments qui appuient l'hypothèse d'un auteur choisissant d'abord ses acteurs et écrivant ensuite leur rôle. Mais là encore une fois le vrai lien entre Les Visiteurs et Kaamelott, c'est Audiard.

En effet, Jean Marie Poiré le réalisateur et co-auteur avec Christian Clavier des Visiteurs a débuté sa carrière de scénariste avec Michel Audiard. En 1968, Audiard réalise Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages sur une idée du jeune Jean Marie Poiré. Deux ans plus tard, Poiré est le scénariste du film d'Audiard Le cri du cormoran le soir au dessus des jonques. Il n'est donc pas étonnant de retrouver chez Poiré des similitudes d'écriture avec son maitre tout en ayant son propre style. Poiré est plus moderne dans son écriture ce qui le met moins à l'abri d'être passé de mode. Poiré et Clavier écriront plusieurs films ensemble et Clavier, aussi acteur, sera un des invités principaux de la saison 5 de Kaamelott.

Nous voyons donc avec le décryptage de ces deux épisodes que l'auteur à ses références, dont une très forte, Michel Audiard, et qu'ils s'inspirent des personnages de ses références pour en écrire d'autres et les proposer aux acteurs ayant incarné ses personnages. C'est le cas du Maitre d'armes, de Breccan ou encore d'Herveig, tous né de l'imagination d'AA auxquels on pourrait ajouter notamment Christian Clavier , héros des Visiteurs, en juriste hystérique et hautain, traits de caractère communs à nombres de ses personnages les plus célèbres ou encore François Rollin et son roi Loth que personne d'autres ne pourrait incarner.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 45

Les traces de

contemporanéité

dans Kaamelott, une

astuce scénaristique

pour évoquer le

siècle du

téléspectateur.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 46

1. Présentation du corpus

Pour appuyer l'hypothèse que Kaamelott se démarque singulièrement des autres productions françaises, et ce, tout formats confondus par son intertextualité et ses anachronismes nous allons nous appuyer sur quelques épisodes issus de la saison 1 choisi sur un critère bien défini. Pour rappel les saisons sont aussi appelés livres, elles sont au nombre de six dont quatre aux formats shortcom.

Nous allons donc nous pencher sur l'analyse des épisodes ayant pour intrigues des sujets toujours d'actualité, nous appellerons cela des traces de contemporanéité.

Cependant, ce n'est pas cette période qui nous intéresse pour constituer le corpus mais plutôt la corrélation entre le contexte médiéval (au sens large du terme comme nous venons de l'expliquer) et le XXIème siècle.

Comme nous l'avons vu précédemment les fictions françaises sont généralement assez frileuses, même si ce constat a considérablement évolué depuis Kaamelott, et reste bien souvent dans des intrigues classiques (histoire de couple, de famille, de travail) et toutes ancrées à notre époque. Nous pouvons donc déjà affirmer que le fait de proposer une série se situant à une période historique remontant à plus de deux siècles est un gage d'originalité. En effet certaines productions comme Un Village français se déroulent pendant la Seconde Guerre Mondiale et que la majorité des fictions de France 2 se déroule au XIXème siècle ou dans la première partie du XXème siècle. Et l'on peut également souligner que ces séries sont généralement vraisemblables et dramatiques alors que Kaamelott adopte un ton humoristique.

Mais ce qui marque une réelle différence avec toutes ces productions est la liberté totale prise sur la chronologie et cette manière d'assumer l'anachronisme. Ici l'anachronisme est un ressort humoristique, un prétexte scénaristique pour déclencher le rire chez le téléspectateur. Nous pouvons peut être invoquer un désir chez l'auteur de choisir ces sujets contemporains pour dénoncer ou simplement mettre en lumière certaines questions d'actualité encore brûlantes aujourd'hui.

Toutefois, Astier a souvent répondu dans différentes interviews ne pas vouloir utiliser Kaamelott comme un pamphlet politique et donc qu'il n'y pas à voir d'engagement idéologique dans son écriture58.

58 Chabbert, (Christophe), Aux sources de Kaamelott, acte III : l'art de la guerre, Livre IV, 26 septembre 2007, M6 Vidéo

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 47

2. Contextualisation des thèmes analysés.

Dans le Livre 1 il est question de la torture, de l'adolescence et la gestion de l'âge bête, de la peine de mort, de la sexualité chez les prêtres, du code du travail, de la retraite et enfin des sondages d'opinion.

Tous ces thèmes sont des questions de société revenant plus ou moins régulièrement dans l'actualité.

Systématiquement, chaque nouvelle guerre nous amène son lot de torture toutes plus ignobles les unes que les autres (évoquons la gégène durant la guerre d'Algérie de 1954 à 1962 par l'armée française59 ou encore les différents humiliations dont sont coupables les GI américains lors des guerres d'Irak et d'Afghanistan)

L'adolescence est une notion récente à l'échelle de l'humanité. Nous pouvons estimer l'essor de ce terme juste après la seconde guerre mondiale. Avant cette date « les jeunes » n'existaient pas, n'étaient pas considérés. Il n'y avait pas réellement de stade intermédiaire entre l'enfance et l'âge adulte. L'émancipation de la jeunesse se développera dans la culture occidentale à travers la culture (le rock, les yéyés) ou encore la forte politisation d'une génération qui ne veut pas vivre la même jeunesse que leurs parents et grands parents éduqués dans l'atrocité des conflits mondiaux et se révoltera. Nous pouvons citer les événements de mai 68 en France ou encore les manifestations pacifistes aux USA contre la guerre au Vietnam.

L'adolescence est donc une période difficile à gérer aussi bien pour le jeune que pour ses parents. Synonyme de rébellion, il est aussi appelé l'âge bête.

La peine de mort est un sujet extrêmement récurrent dans l'actualité. Si elle fut abolie en 1981 en France par François Mitterrand, ce n'est pas encore le cas dans de nombreux pays, les USA en tête. A chaque nouveau fait divers, notamment les actes pédophiles, nous pouvons entendre, particulièrement venant de l'extrême droite, s'élever des voix réclamant sa réhabilitation. C'est également un sujet polémique concernant La Chine60.

60 http://www.lexpress.fr/actualite/monde/polemique-faut-il-boycotter-les-jo-de-pekin-2008_470183.html

En 2008 de nombreuses associations ont appelé au boycott des jeux Olympiques de Pékin pour protester contre les nombreuses violations des droits de l'homme en Chine.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 48

La sexualité des prêtres est également un sujet très souvent liés aux très nombreuses affaires de pédophilie au sein de l'Eglise catholique. Il s'agit plus précisément de la question du mariage des prêtres afin d'éviter les frustrations et ainsi les empêcher de commettre l'irréparable. Nous savons que la question de la sexualité est un sujet tabou pour les différentes religions et que sa pratique est dans de très nombreux cas considérés comme pêché. L'Eglise catholique est encore aujourd'hui réticente à l'homosexualité61 ou encore au port du préservatif.

S'il y a bien un sujet que l'actualité traite quotidiennement c'est bien celui du monde du travail et par extension du code qui le régit. Le code du travail français est un recueil organisé de la plupart des textes législatifs et réglementaires applicables en matière de droit du travail, et qui concerne essentiellement les salariés sous contrat de travail de droit privé, les salariés du secteur public étant généralement soumis à des statuts particuliers. Chaque jour de nouveaux conflits éclatent en France et partout dans le monde dans des entreprises et il ne passe plus une journée, surtout dans cette période de crise, sans que nous n'entendions parler d'un plan social entraînant des licenciements ou la fermeture pure et simple de sites de production. C'est également quotidiennement que des propositions de lois sont soumises à l'Assemblée nationale modifiant le Code du travail. Sa première mouture date de 1910 bien qu'elle ne fût achevée qu'en 1922.

La retraite est un autre des thèmes contemporains abordé par la série à se trouver souvent sous les feux de l'actualité sociale. Encore une fois le contexte de la crise encourage les gouvernements à se pencher sur le problème épineux de la répartition et de la cotisation des retraites. La retraite correspond à l`âge légal à partir duquel un salarié peut arrêter de travailler. Les victoires sociales combinées à l'allongement de la durée de vie est à l'origine de ce droit pour les salariés. Cette notion contemporaine du mot retraite date du XXème siècle. La retraite désigne aussi l'arrêt d'un combat militaire, battre en retraite.

Enfin le dernier sujet abordé est celui des sondages d'opinions. Il faut remonter à 1936 pour trouver la trace du premier institut de sondage aux USA. L'objectif était de recueillir les attentes et les souhaits des citoyens américains en vue des élections présidentielles. Désormais nous sommes sondées tous les jours sur tous les sujets qu'ils soient d'ordre sociaux, politiques ou encore culturels. Les instituts français les plus célèbres sont Ifop, Tns Soffres, Opinion Way. La méthode est toujours la même, un panel représentatif de la population est interrogé

61 Dans son ouvrage-confession Lumière du monde le pape Benoit XI écrit que « L'homosexualité est injuste, s'oppose à la volonté de Dieu et est inconciliable avec la vocation de prêtre ».

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 49

sur une ou plusieurs questions. Par exemple, pour quel candidat voterez vous en 2012 à l'élection présidentielle, « Etes vous pour la réouverture des maisons closes », « Pensez vous que le sélectionneur de l'équipe de France de football devrait démissionner ». Désormais avec les nouvelles technologies (Internet et SMS) tout le monde peut répondre à ces sondages sans faire partie d'un panel.

3. Analyse des épisodes.

Dans cette partie nous allons donc observer de plus près les épisodes présentés dans le chapitre précédent, afin de trouver des traces de contemporanéité dans la langue, le sujet abordé ou les références présentes. Astier a une écriture très riche et utilise de nombreux procédé pour nourrir ses scénarios et ses dialogues. C'est pourquoi il est difficile, voire douloureux, de choisir d'étudier un aspect plutôt qu'un autre même si ici l'objectif est clairement de montrer que le vingtième siècle est très présent dans les aventures de Kaamelott. La méthode est sensiblement la même pour chaque épisode puisqu'il s'agit de mettre en exergue le sujet traité et de la transposer à notre époque. Une fois ce travail effectué, nous nous penchons sur la situation et les dialogues et les différents procédés pour rendre l'épisode amusant même lorsque celui-ci évoque la torture par exemple.

a) Arthur et la Question

Le premier sujet contemporain abordé dans la série est la torture. Ce thème sert d'intrigue à l'épisode 13 intitulé Arthur et la Question. Le titre est une référence au livre autobiographique La Question d' Henri Alleg sorti en 1958 et traitant de la torture des civils durant la guerre d'Algérie.

Mais c'est également le nom du processus d'interrogation des sorcières et des hérétiques par les inquisiteurs au XIIIème siècle. Dans un premier temps les bourreaux expliquaient à leurs victimes la façon dont ils allaient les torturer espérant que celles- ci soient suffisamment terrifiées pour passer aux aveux. Soit les victimes cédaient soit le bourreau commençait son office. Dans la majorité des cas, aveux ou non la victime était torturée.

Michèle Janin-Thivos dans son article intitulé « Torture inquisitoriale et nudité : la pudeur en question » paru dans la revue Rives méditerranéennes 2008/2 (n° 30) nous brosse le tableau de ces pratiques que l'on pense, à tort, d'un autre temps :

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 50

« Le XVIIIe siècle a popularisé une image violente et sanguinaire du tribunal de l'Inquisition. Mais la torture est un moyen de pression intégré à un processus juridique précis. Pratiquée par la justice séculière comme ecclésiastique, elle est destinée à la production de la preuve suprême : l'aveu. Elle vise à l'obtenir par des moyens autant psychologiques que physiques : les inquisiteurs encadrent cette pratique et confient à la justice séculière le soin de faire couler le sang. »

Alberto Bondolfi de l'Université de Lausanne évoque le lien entre religion et torture dans l'extrait de son article « La pensée et la pratique chrétiennes face à la torture : éléments pour un bilan critique » paru dans la Revue d'éthique et de théologie morale 2008/1 (n°248)

« Celle-ci faisait partie des pratiques auxquelles les premiers chrétiens ont été exposés. Des citoyens romains ont été torturés pendant l'Empire. Saint Augustin, dans la Cité de Dieu, s'est opposé à la torture qui ne peut être, selon lui, un moyen d'enquête judiciaire ou une preuve de culpabilité. Malgré cela, la torture fut encore utilisée au Moyen Âge. Incmar de Reims continuait à la légitimer. Le pape Nicolas Ier la condamna en 866, mais il ne fut pas plus écouté que saint Augustin en son temps. Malheureusement, la torture fut approuvée comme lutte contre les hérétiques : en 1244, Innocent IV confirme la loi pénale de l'empereur Frédéric II. La torture appartient même au système juridique à l'époque prémoderne et, parfois encore jusqu'aux constitutions du XXe siècle ».

Lors d'une réunion de la table ronde est évoquée le cas d'un voleur de bétail qui ne veut pas avouer son méfait et dénoncer son complice qui court toujours. Léodagan et Calogrenant souhaitent le torture pour le faire avouer mais Arthur, soutenu par Bohort est farouchement opposé à la torture.

Léodagan (à Arthur) - C'est vrai que c'est curieux, cette manie de pas vouloir torturer. Ca vient de quoi ça ?

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 51

Arthur - Ca vient que chez moi, il y a pas de torture, voilà. Bohort - Et c'est très bien comme ça.

Le seigneur Galessin appuie également son Roi :

Galessin - Ah oui, c'est très bien ! C'est moderne !

Arthur, comme souvent, est très évasif et n'explique pas les raison de son refus. Nous pouvons donc supposer qu'il s'agit d'une question d'éthique. Léodagan et Calogrenant essaye alors de le convaincre

Léodagan (à Arthur) - La torture, c'est pas ce que vous croyez ! Quand c'est fait par un pro, il y a pas une goutte de sang.

Calogrenant - Le simple fait de déballer les outils, le gars, il craque !

Cependant Arthur est sceptique :

Arthur - Et s'il craque pas ?

Léodagan - Ah bah là, c'est la boucherie...

Cet extrait est révélateur des caractères et des méthodes d'Arthur, Bohort, Léodagan et Calogrenant.

Arthur est un souverain « moderne », civilisé qui souhaitent se démarquer des chefs barbares d'un monde révolu. Son objectif est avant tout l'unification réelle et la pacification de la Bretagne. Une fois la nation unie il souhaite la développer dans le bien de la population (éducation notamment, développement de l'agriculture pour éviter les famines, protection de la population, etc). Il est également opposé à l'esclavage ou la peine de mort comme nous le verrons plus tard.

Léodagan est plus vieux qu'Arthur et d'une autre tradition. Arthur a été éduqué au sein de l'armée romaine ou il a reçu des cours de stratégie militaire mais également un enseignement plus classique (mathématiques, latin, grec, Histoire, etc.).Léodagan est surnommé le

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 52

sanguinaire et son père Gustan, le cruel. Arthur ne fut pas élevé par son père Uther Pendragon, réputé pour sa cruauté. Il cherche plutôt à s'en démarquer. Léodagan considère son gendre comme un mou, lui qui est obsédé par le renforcement de la défense.

Bohort est un être raffiné, sensible, détestant la violence1 et refusant souvent le combat au détriment et au péril des autres chevaliers. Il règne une certaine ambiguïté quant à son orientation sexuelle auprès des autres membres de Kaamelott mais le téléspectateur découvre son épouse lors de la saison 32. Il se situe donc naturellement dans le camp opposé à la torture par son pacifisme.. Il se laisse également guidé par sa couardise comme en témoigne ce dialogue de l'épisode de la saison 3, Le fléau de Dieu II dans lequel Arthur négocie avec Attila, chef des Huns :

Bohort : Sir, donnons lui les femmes, je vous en conjure !

Arthur : Les femmes lesquelles ?

Bohort (en colère) : Toutes ! Les duchesses, les rombières, les boniches et qu'est-ce qu'on en a foutre ? (tout le monde le regarde d'un air étonné) Parfaitement, s'il faut que je donne ma femme, je la donne et les vôtres avec !

Maître d'armes : Mais juste une question, on a pas encore évoqué l'éventualité de combattre. J'ai dis une bêtise là .

Bohort : Combattre Attila ? Vous êtes des dingos !

:

Calogrenant est également issu de traditions ancestrales et est roi de Calédonie. Sans être aussi rude que Léodagan, il prône toutefois un pragmatisme permettant de justifier l'emploi de la torture et autres méthodes peu orthodoxes. La fin justifie les moyens pourrait être son leitmotiv.

La suite de l'épisode est conçu pour confirmer l'aspect barbare, voire ludique de la torture.

Arthur - Mais le gars qui se fait broyer le pied, qu'est ce que ça peut lui foutre qu'on lui brûle, en plus ?

Léodagan : Non mais c'est pour la mise en scène un peu.

Léodagan : Mais sinon vous avez rien d'plus festif, là, de...

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 53

Ce qui est souvent reproché à la torture, au delà de son existence en soi, c'est le plaisir que prennent les tortionnaires, ou au minimum leur absence de scrupules. Il y a une déshumanisation qui provoque le transfert de moyen d'action inhumain mais utile à un divertissement populaire.

Les généraux français de la guerre d'Algérie se justifient en évoquant un mal nécessaire inhérent à la guerre. Mais au delà de l'aspect pratique il y a une cruauté inqualifiable et sans doute évitable. Que dire alors des G I posant en photo avec des prisonniers de guerre empilés les uns sur les autres3 ou bien encore en train d'uriner sur des morts62.

Astier pose donc ici à la fois le problème de la torture comme mal nécessaire mais également comme spectacle. Au Moyen Age les jeux sanguinaires divertissaient la foule (combat de joute, duel) les pendaisons et autres exécutions étaient publiques et ce jusqu'en 193963.

b) Compagnons de Chambrée.

L'homosexualité n'est pas évoquée qu'à travers le personnage de Bohort mais également dans l'épisode Compagnons de chambrée.

Arthur de retour de combat trouve dans son lit un homme de foi. Après un léger malentendu ce dernier se rend compte qu'il se trouve dans la chambre du Roi et qu'il n'y pas de chambre disponible et qu'il doit donc partager le lit avec le Roi. Arthur, bien que peu rassuré, souhaite dormir mais l'Archevêque engage la conversation.

Evèque : Ah je... j'voulais vous demander, et c'est un petit peu l'objet de ma visite ici, que pense le peuple breton du concept du Dieu unique, ça les inquiète ça ou...

Arthur : Le Dieu unique je sais pas mais moi qui couche avec un Evèque ça peut les inquiéter oui.

Evèque : Nan parce que bon, la chrétienté tout ça, c'est bon, c'est assez jeune faut que l'idée fasse son chemin... Mais je m'demandais justement si on pouvait pas faire dans un premier temps cohabiter l'idée du Dieu unique avec l'idée de vos Dieux anciens à vous.

Arthur : Voilà, et d'ailleurs éventuellement c'qu'on pourrait faire, c'est parler de tout ça demain !

62 http://www.sudouest.fr/2012/01/12/une-video-montre-des-soldats-americains-uriner-sur-des-cadavres-en-afghanistan-602909-4803.php

63 http://www.lepoint.fr/c-est-arrive-aujourd-hui/17-juin-1939-video-le-guillotine-weidmann-est-le-dernier-condamne-a-perdre-la-tete-en-public-17-06-2012-1474256_494.php

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 54

Le prêtre fait semblant d'écouter Arthur mais poursuit en précisant son propos :

Evèque : Bien sur. Mais je prends un exemple tout a fait au hasard, est-ce que... est-ce que l'idée de l'homosexualité c'est quelque chose de répandu chez vous c'est heu..

Arthur : J'sais pas, pas plus qu'ailleurs j'suppose.

Evèque : Ah nan parce que nous figurez vous, nous on s'tâte hein, pour savoir si on doit l'autoriser ou l'interdire...

Arthur : L'interdire ? Pourquoi faire ?

Evèque : (criant) Eh ben voilà ! Eh ben c'est exactement c'que j'leur dit ! Voilà ! Moi je fais partie de ceux qui se battent pour qu'on l'autorise, et même qu'on l'encourage ! Voilà !!

Dans cet extrait, il est clairement sous entendu que l'évêque est homosexuel ce qui produit ici l'effet comique. Mais au delà de cet effet, nous voyons ici de quelle façon Astier évoque l'hypocrisie de l'Église sur les questions se rapportant à la sexualité

C'est cet implicite qui est intéressant. L'évêque ne dit pas « moi je suis homosexuel donc je suis évidemment pour l'homosexualité » mais il dit qu'il est pour et même pour l'encourager. C'est évidemment excessif, il n'y a pas plus à l'encourager qu'à l'interdire mais en disant cela il n'avoue pas ouvertement son homosexualité tout en la faisant comprendre.

Les autorités chrétiennes souhaitent interdire l'homosexualité, seule l'union d'un homme et d'une femme est tolérée. Et c'est encore mieux si cette union n'est consommée qu'après le mariage et si l'épouse garde sa virginité jusqu'à ce jour. Aujourd'hui encore le Pape et l'ensemble de la communauté Chrétienne (politique compris) relaient une parole hostile à l'union de deux hommes ou de deux femmes assimilant cela à la zoophilie par exemple64.

«Si les forêts tropicales méritent notre protection, l'homme (...) ne la mérite pas moins», a résumé Le Pape Benoit XVI avant de plaider une fois de plus pour le mariage, «lien de toute la vie entre un homme et une femme».

64 Le député UMP Jacques Myard a déclaré à l'antenne de la radio le Mouv' " Vous me dites qu'il faut prendre en compte l'homosexualité car elle existe, moi je dis oui, mais, la zoophilie, elle existe aussi, on fait quoi alors?". Ce n'est malheureusement pas un cas isolé au sein de ce parti

Astier tourne le sujet à l'absurde en faisant dire à l'évêque qu'il souhaite encourager l'homosexualité. Nous pouvons percevoir de la provocation dans ce sketch, une de plus dans Kaamelott à l'encontre de la religion souvent perçue comme soporifique voire dangereuse. Le meilleur exemple est le personnage du répurgateur chassant les hérétiques et demandant qu'on les envoie au bûcher. Nous pouvons le voir dans l'épisode Monogame5 :

Demetra (souriante) : Bonjour.

Répurgateur (effrayé) : Ah m'adresse pas la parole ! Hérétique ! Démon !

Il lui crache dessus. Sous le regard effaré du roi et de sa maîtresse. Répurgateur (au roi) : Excusez-moi. Pour moi les femmes, j'aime pas ça, c'est d'la saloperie. (rit doucement) Vous me suivez là ? J'vous attends...

Arthur a du mal à en croire ses yeux.

Dans cet épisode le répurgateur veut faire signer à Arthur une loi sur la monogamie. Mais celui-ci ne veut pas alors le répurgateur essaye de le convaincre :

Répurgateur : Bon attendez. Heu.... Vous signez la loi et puis de temps en temps vous pouvez allez voir toutes les jeunes femmes que vous vouliez comme avant.

Arthur : Allez y, ouais, continuez.

Répurgateur : Et puis heu... Vous v'nez m'voir en confession. Arthur : En confession ?

Répurgateur (voix off) : Oui, j'vous expliquerez. Ça prend 5 minutes et après on est tranquille on peut faire c'qu'on veut.

Une nouvelle fois, nous pouvons constater que c'est l'hypocrisie de l'Eglise qui est pointée du doigt. Le repentir se fait encore de nos jours mais davantage par les médias. Dominique Strauss Kahn par exemple vient se confesser pour être pardonné au journal de 20h de TF1 après ses écarts conjugaux et les accusations de viol contre lui en avril 2011.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 55

c) Le cas Yvain.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 56

L'adolescence, ses difficultés et la pédagogie à employer, et un terme récurrent dans Kaamelott.

Yvain, frère de Guenièvre, est l'archétype de l'adolescent des XX et XIème siècle. Pour illustrer nos propos nous allons nous pencher sur deux épisodes en particulier, Le Cas Yvain6 et Le Pédagogue.

Yvain apparaît pour la deuxième fois dans la série après l'épisode Dîner dansant7. Au cours duquel nous apprenons que Guenièvre a un frère un peu plus jeune qu'elle. Ce sont les deux seuls enfants de Léodagan et Dame Séli. Nous pouvons déjà voir dans cet épisode de vives tensions familiales et l'immaturité d'Yvain.

Léodagan : Un p'tit différent familial vous pouvez supporter ça une fois d'temps en temps, non ?

Arthur : Une fois d'temps en temps ??? Ben vous manquez pas d'air !

Séli : Tout dépend de ce que vous appelez un « différent »

Arthur : A partir du moment où on commence à péter la vaisselle j'estime que le terme est pas excessif !

Il est difficile de déterminer l'âge d'Yvain mais il semble qu'il s'agisse plutôt d'un jeune adulte que d'un adolescent. L'adolescence est une conception extrêmement récente et donc il s'agit ici d'un anachronisme. L'adolescent comme nous le décrivons dans l'introduction du corpus est avant tout une nouvelle cible pour la consommation, qu'elle soit culturelle ou non, est apparue à la fin des années 50 et correspond à l'étape de la vie où l'enfant s'émancipe mais n'est pas encore concerné par les préoccupations de la vie d'adulte.

Cependant les traits caractéristiques de l'adolescent, du à son évolution physiologique ont toujours existé.comme en témoigne Jean Jacques Rousseau, dans ce passage de .Émile (1762)

:

« [L.]homme en général n.est pas fait pour rester toujours dans l.enfance. Il en sort au tems prescrit par la nature, et ce moment de crise, bien qu.assés court, a de longues influences. Comme le mugissement de la mer précède de loin la tempête, cette orageuse révolution s.annonce par le murmure des passions naissantes (...) [L.enfant] devient sourd à la voix qui le rendoit docile : c.est un lion dans sa fiévre ; il méconnoit son guide, il ne veut plus être

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 57

gouverné. (...) C.est ici la seconde naissance dont j.ai parlé ; c.est ici que l.homme nait véritablement à la vie (...). »65

L'enfant peut alors entrer dans une période de rébellion, un refus de toute autorité, à commencer par celle de ses parents. Il peut également se renfermer sur lui -même et le contact avec les adultes peut s'avérer délicat. C'est aussi la période de la vie où la sexualité apparaît et où l'on commence généralement à se questionner sur son orientation sexuelle.

Le refus de communication est l'un des signes nous présentant Yvain comme un adolescent. Nous pouvons le constater dans cet extrait du cas Yvain :

Arthur : (...)J'ai jamais entendu le ton de sa voix !

Yvain se racle la gorge.

Arthur : Si là, voilà.

Ou encore dans cet extrait :

Arthur : Mais comment voulez-vous qu'j'le sache il parle pas il bouge pas. Fait la gueule tout l'temps ! Dès qu'on lui fait une remarque il lève les yeux au ciel ! (Yvain lève effectivement les yeux) Tiens voilà !

Sa mère le défend, mettant en avant des prétendues qualités artistiques et évoquant sa nature sensible. Léodagan le préférerait plus viril et plus intéressé à la vie militaire :

Séli : Mais il est sensible ! Vous préféreriez peut être qu'il passe son temps à faire des concours de pets !

Arthur (énervé) : Parce que c'est là seule alternative que vous m'proposez, rien glander d'la journée où faire des concours de pets ??!

Léodagan : Entre parenthèse avec vos lubies d'vouloir lui faire faire du luth où je sais quelle connerie...

Séli : J'y peux rien si c'est un artiste, il écrit des poèmes magnifiques !

65 Rousseau (Jean Jacques), Emile, Flamarion, 1972

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 58

Yvain est contre la violence, encore un cliché sur les adolescents depuis le mouvement hippie et les différentes manifestations de la jeunesse s'opposant à la guerre (celle d'Algérie ou encore celle du Vietnam).

Lorsque Léodagan rassure Arthur en évoquant la bravoure de son fils au combat, ce dernier prend la parole :

Léodagan (souriant) : Mais vous allez voir à la prochaine campagne hein, quand il y aura du combat, alors là il va s'réveiller ! Yvain : M'en fous j'irais pas.

Léodagan et Arthur : Quoi ?

Yvain : Je refuse d'aller me battre pour soutenir une politique d'expansion territoriale dont je ne reconnais pas la légitimité.

Yvain s'exprime à la manière du milieu estudiantin des événements de mai 68 et de la jeunesse politisée refusant de combattre contre la décolonisation notamment en Algérie66. Ce langage propre à cette jeunesse déclarait également qu' « il est interdit d'interdire » comme nous l'avons vu avec Astérix et défiait la police et la les forces répressives en proclamant « CRS SS » ou encore « Mort aux vaches »67

Suite à cela Léodagan s'en prend d'abord à sa femme lui reprochant son éducation :

Léodagan : C'est vous qui lui avez mis ces conneries dans le crâne, mais j'vous préviens hein, la prochaine fois que j'le vois avec un luth, je lui casse sur la tête !

Séli lui répond qu'il devrait « être fier d'avoir un fils un peu moins bourrin qu'la moyenne ! »

Séli est d'ordinaire un personnage dur laissant peu de place aux sentiments mais laisse apparaître quelques failles lorsqu'il s'agit de ses enfants et ses futurs petits enfants. Par exemple dans l'épisode La tarte aux myrtille8, elle se projette en grand mère faisant des tartes.

66 http://www.unef100ans.fr/spip/spip.php?article22

67 http://www.evene.fr/citations/theme/mai-1968-slogan.php

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 59

Il n'est donc pas si surprenant de la voir prendre la défense de son fils même si l'on peut douter de la sincérité de ses propos.

Léodagan menace alors son fils. Et la réponse de son fils est surprenante :

Yvain (blasé) : Super. Bonjour la pédagogie...

Arthur est gêné et leur propose de se réunir pour « régler cette petite crise » (sous entendu la crise d'adolescence) mais Léodagan ne tient compte des remarques ni de l'un ni de l'autre :

Léodagan : Tu vas aller t'battre où j't'en mets une ! Yvain : J'réponds pas à la violence.

Sa mère intervient en l'encourageant à défendre ses opinions ce qui a le don d'énerver Léodagan :

Léodagan : Ah et vous si vous voulez pas vous en prendre une par

ricochet j'vous conseille de pas la ramener hein, il ira au combat !

S'en suit alors un dialogue de sourd entre le père et le fils :

Yvain : Non j'irais pas.

Léodagan : Si tu iras !

Yvain : Non.

Léodagan : Si !

Yvain (soupirant) : Okay j'y vais.

Léodagan (se calmant) : Tout d'même.

Yvain : Mais j'm'en fous. Je refuse de porter les armes.

Yvain sait qu'il ne sortira pas gagnant et accepte donc à cette condition ce qui est évidemment absurde.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 60

Pour terminer avec cet épisode, nous pouvons également souligner le premier dialogue entre Séli et Yvain :

Séli entre dans la chambre d'Yvain, celui-ci est au fond de son lit.

Séli : Bon allez ça fait 5 fois qu'je viens maintenant vous vous levez.

Yvain : J'peux pas y aller j'ai une otite.

Séli : Dépêchez vous, le cuissot de chevreuil c'est pas bon réchauffé !

Elle s'en va, Yvain soupire sur son oreiller.

Encore une fois nous sommes ici en présence de la caricature de l'adolescent qui se sent persécuté par ses parents et qui est prêt à toutes les excuses, notamment celle de la maladie, pour échapper à des obligations. Bien souvent il s'agit de l'école, ici c'est le fait de passer à table.

d) Le Pédagogue.

Dans l'épisode Le Pédagogue, Léodagan a conscience du fait que son fils est en crise :

Léodagan : Il traverse une mauvaise passe. C'est l'âge. Une petite crise, quoi...

Cependant Léodagan ne fait preuve d'aucune pédagogie :

Léodagan : Ah mais je m'en occupe ! Je viens de le coller trois jours sans bouffer. Si ça suffit pas, je l'enferme dans une cage sans lumière. Mais j'attends lundi, pour aviser.

Léodagan désespéré décide de consulter Merlin. Généralement Merlin est le tout dernier recours pour les chevaliers.

Après avoir constaté la brutalité de Léodagan (privation d'eau, de nourriture, coups) Merlin lui conseille d'écouter son fils. Léodagan trouve cette idée farfelue mais finit par s'y résoudre.

Léodagan : Ecoutez son môme... Merlin : Eh ben ?

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 61

Léodagan : Non mais pourquoi pas... De toute façon, dans la vie, faut tout connaître...

Le dialogue suivant entre Yvain et ses parents illustre bien le fossé entre les les deux parties. Le fils s'attend à être frappé s'il s'exprime et Séli est perturbé par le comportement de son mari. Yvain finit pas prendre la parole :

Yvain : J'estime ne pas avoir à subir les fantasmes carriéristes d'une entité générationnelle réactionnaire et oppressive.

Là encore, Yvain emploie le lexique de 1968 et de cette jeunesse se rebellant contre toutes formes d'autorité, notamment celle du père ou du professeur.

Les parents ne comprennent évidement pas ce « cri du coeur ». Cependant Léodagan se satisfait de cette réponse :

Yvain : Je peux partir maintenant ?

Léodagan : Tout à fait. Merci mon grand..

Ces marques d'affection sont inhabituelles de la part de Léodagan et cela crée un effet comique.

Léodagan pense pouvoir appliquer ce concept avec quiconque discutera avec lui. Il décide d'appliquer cette méthode sur Arthur au sujet de la construction de tourelle :

Léodagan : J'écoute ce que vous avez à me dire au sujet des tourelles et je ne vous coupe pas.

Arthur : Et après ?

Léodagan : Et après j'aurai entendu ce que vous avez à me dire et on pourra recommencer la discussion sur des bases saines.

Seulement la méthode ne porte pas ses fruits et les deux hommes s'emportent. Léodagan se rend donc dans le laboratoire de Merlin pour lui reprocher l'échec de sa méthode.

Merlin lui apprend alors que l écoute mène à la réflexion.

Léodagan : Quelle réflexion ? Vous avez dit « l'écoute », vous avez pas parlé d'autres choses !

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 62

Dans cet épisode il entremêle donc l'évolution médiévale et la deuxième moitié du XXème siècle, celle de « l'enfant roi ». Il est d'ailleurs amusant de faire le lien entre cette expression et sa signification.

Selon la définition de Jean-Marie Ledain, psychologue scolaire, « l'enfant-roi est égocentrique, revendique et se plaint constamment, refuse d'aider, a besoin de capter l'attention et de se faire remarquer, est intolérant aux frustrations, est agressif et manque de socialisation »68

Bernard Petre complète cette définition en précisant encore que l'enfant-roi est le nombril de la famille, sans limite et sans devoir, amoral, égoïste, seul, manipulateur, considéré trop tôt comme adulte, à qui on passe tout et dont on réalise tous les désirs. S'il est tyran, et nous rejoignons ce point de vue, il est aussi victime de ses parents comme de la société69.

Le ressort comique de cet épisode repose sur le personnage de Léodagan qui est dépassé par ce monde en mutation. Astier joue constamment de cette transition entre le Moyen Age barbare et un monde médiéval plus raffiné.

e) Le code de chevalerie.

Dans cet épisode, le code de chevalerie a été largement modifié par Léodagan et le Père Blaise sur ordre d'Arthur. Mais celui ci s'attendait à une traduction et non à un tel bouleversement.

Arthur : Bon allez, au boulot, ça évitera d'penser au reste ! Père

Blaise, l'ordre du jour.

Blaise : Ah bah aujourd'hui j'ai rien moi.

Arthur : Rien comment ça rien ?!

Blaise : Ben on est une veille de pleine lune, et normalement une

veille de pleine lune, c'est relâche.

Tous les chevaliers se lèvent.

Arthur : Oh là oh là oh là popopop on se calme !

Ils se rassoient.

Arthur : Qu'est-ce que c'est qu'cette histoire d'relâche ?

Blaise : Bah c'est écrit noir sur blanc dans l'nouveau code de

chevalerie !

68 Intervention sur L'enfant roi de Jean-Marie Ledain, le 27 janvier 2005, organisé par l'association de parents de l'école Emanuel à Sprimont et l'UFAPEC

69 Colloque Enfant-roi ? Op. cit.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 63

Arthur : Le nouveau code ??

Blaise : Vous nous avez d'mandé de dépoussiérer l'ancien, donc on a vu ça avec messire Léodagan...

Léodagan : Ah ouais 'puis c'était tout en ancien Celte hein, on en a chié.

Arthur : Non mais j'vous ai rien d'mandé d'dépoussiérer du tout j'vous ai demandé de le traduire c'est tout !

Blaise : Eh ben justement, quand on a traduit, ça a donné relâche.

La suite de l'épisode relate les négociations entre Arthur et les chevaliers. Pour Arthur cette nouvelle version est bien trop laxiste, trop souple, Léodagan est plus partagé.

Léodagan : Oui parce qu'avec le nouveau code, ils font plus de pause, mais du coup ben ils sont plus reposés. Et moi j'pense au combat.

Arthur : Moi j'pense que si on met pas le ohla tout de suite il vont finir par nous les demander pendant les combats les pauses.

Blaise et Léodagan échangent un regard.

Arthur : Ils les ont déjà demandé c'est ça ?

Blaise (cherche dans les papiers) : Heu paragraphe 16 alinéa 4.... Léodagan : Ouais c'est ça c'est ça sur les temps de pause....

Arthur : Bon, maintenant qu'on a terminé avec les bons côtés d'la nouvelle traduction, on peut p'tet la foutre en l'air et reprendre l'ancienne ?

Arthur emploie des arguments que l'on a pu entendre lors de la mise en place des 35 heures qui consiste à penser que moins l'on travaille, moins on a envie de travailler. Étonnamment Léodagan fait preuve de plus de souplesse et rétorque que les pauses leur permettront de se reposer. Là encore c'est l'argument en faveur de la réduction du temps de travail et qui a fait ses preuves depuis. En effet la France est l'un des pays où l'on travaille le moins mais ou la productivité est la plus importante.

On peut également souligner le gag de Léodagan recherchant cette loi dans ces papiers. C'est une critique de la lourdeur administrative en général et pour le monde du travail en particulier.

Léodagan tient également des propos illustrant parfaitement la néc éssité d'un code du travail clair et connu de tous, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Dans bien des situations les salariés ne le connaissent pas et se retrouvent floués par leur employeur du fait de leur méconnaissance de leurs droits.

Léodagan : Ah mais m'regardez pas comme ça hein, si vous êtes pas content fallait vous les farcir les négociations avec ces loustics là !

Arthur : Les négociations, mais quelles négociations ?

Léodagan : Bah tant qu'ils comprenaient rien à l'ancien code, on pouvait leur raconter c'qu'on voulait seulement depuis qu'il a été traduit alors là pardon hein ! Une pause par-ci une relâche par-là...Et puis 'c'est intolérable' et puis 'un acquis est un acquis' ah nan mais alors...

Ici le parallèle avec la société actuelle est évident, notamment avec l'évocation des acquis sociaux. Les acquis sociaux étant des droits majoritairement obtenus après de grandes luttes sociales comme les congés payés en 1936 ou la retraite qui a été accordée par Le Conseil national de la Résistance au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.

Comme nous l'avons vu dans la présentation des thèmes au chapitre précédent le code du travail date du début du XXème siècle et n'a cessé d'évoluer depuis. Ce code a pour but de fixer des règles, aussi bien pour les salariés que pour l'employeur afin d'appliquer un cadre légal. Des inspecteurs du travail sont chargés de surveiller que ce code est bien respecté. Ce code est donc remis en question et modifié très régulièrement par diverses réformes ou chaque partie essaye d'y trouver son intérêt. Régulièrement gouvernement patronat et syndicat se réunissent pour « ouvrir des négociations », suite aux prérogatives rendues par un « groupe de travail », afin de satisfaire dans la mesure du possible l'ensemble des acteurs.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 64

Encore une fois Arthur réagit violemment :

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 65

Arthur : Nan nan nan mais y a rien à négocier ! Moi les traines-

patins j'les remets au travail vite fait !!

Tous les chevaliers se lèvent.

Arthur (crie) : Asseyez-vous !!

Ils se rassoient.

Arthur : Mais qu'est-ce que c'est qu'ce cirque aujourd'hui ?!

Blaise : Ben ça c'est la traduction de l'article 13... "si l'honneur du

chevalier est bafouée pendant une assemblée, ce dernier pourra

recourir à son droit de vidage".

Arthur : Son droit d'vidage ??

Blaise : Oui oui, j'suis d'accord avec vous c'est pas la meilleure

traduction qu'on ai

Ce droit de « vidage » pourrait correspondre au droit de retrait, c'est-à-dire le droit de se défendre pour le salarié, en se syndiquant ou en portant une affaire au conseil des Prud'hommes.

Nous pouvons aussi l'interpréter comme une obligation pour les parties de se respecter et qu'aucune ne prévaut sur l'autre. Cela peut se résumer par de grands principes tels que « les hommes naissent libres et égaux en droit » ou encore « nul n'est censé ignorer la loi. ».

A noter qu'une fois encore cet épisode comporte également des éléments réels du Moyen Age et que le code de chevalerie n'est pas une invention d'Astier. Voici le code par Saint Jean de Terre Sainte (Jérusalem):

1-Tu croiras à l'enseignement de la Sainte Eglise du Christ et tu lui

seras obéissant.

2-Tu défendras l'Eglise Chrétienne.

3-Tu respecteras les faibles et seras leur protecteur.

4-Tu aimeras ta Patrie.

5-Tu ne reculeras jamais devant l'ennemi.

6-Tu combattras pour la Foi Chrétienne.

7-Tu ne diras que la Vérité et tu resteras Fidèle à ta Parole.

8-Tu seras Généreux et Charitable envers ton Prochain. Toujours

et en tout lieu tu agiras en Défenseur du Bien et de la Justice

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 66

contre le Mal etl'Iniquité70.

Arthur a la décision finale, ce qui implique un rapport de force en sa faveur. Il en est de même actuellement : c'est au gouvernement de décider s'il applique ou non les accords convenus avec les représentants des différentes parties.

Arthur : Dites moi je pensais à une chose, il faut bien qu'elle soit

ratifiée par moi cette nouvelle traduction ?

Léodagan : Ratifiée ?

Arthur : Enfin j'veux dire, validée quoi.

Léodagan : Ah oui oui.

Arthur : Parce que si j'refuse de la signer...

Blaise : Ah ben là c'est l'ancienne traduction qui s'applique.

Le dernier dialogue nous permet de constater la difficulté de se défendre quand on ne connaît pas la loi.

Perceval : Mais j'croyais qu'on y avait droit à ça, article 7 de j'sais

pas quoi là...

Arthur : Ah, alors attention, père Blaise s'il vous plait, l'article 7.

Blaise lit en ancien Celte.

Arthur : Voilà, ça répond à votre question ?

Perceval : Du coup on y a plus droit ?

Arthur : Vous voulez qu'on vous relise l'article ?

Perceval (Voix Off ): Non non, j'vous fais confiance.

Si dans ce cas le code était traduit, Perceval pourrait argumenter et faire appliquer ce fameux article 7. Mais dans cette situation il y a un flou juridique et il n'a d'autre choix que de croire en l'honnêteté de sa hiérarchie.

70 Massian (Michel), La Chevalerie, , coll. « Terre entière », Dupuis, 1967

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 67

f) Létal.

La peine de mort est un des autres sujets contemporains évoqués dans Kaamelott. L'épisode Létal traite de ce thème. Létal signifie ce qui concerne ou qui entraîne la mort. On parle également de dose létale pour une injection.

Deux questions essentielles sont soulevées dans cet épisode, l'aspect festif de la mise à mort et son existence propre.

Au début de l'épisode, Arthur annonce à Guenièvre que les pendaisons sont désormais privées.

Arthur : Y a plus d'peuple aux exécutions. C'est fini ça, maintenant c'est privé. Léodagan, Lancelot, père Blaise.

Guenièvre est déçue, la mise à mort étant une des distractions favorites de la Reine et de ses contemporains. Il serait même bon d'ajouter que c'est l'une de ses rares activités.

Guenièvre : Oh ben non... j'avais choisis ma toilette tout, j'me faisais une joie d'sortir !

Léodagan est très clair, c'est avant tout un spectacle.

Léodagan : Moi j'ai l'impression que c'qui vous échappe, c'est la notion de spectacle.

Arthur fait alors part de ses réticences pour la peine de mort.

Arthur : J'vais vous dire, j'ai jamais aimé qu'il y ai du public aux exécutions. Toute façon j'aime pas ça les exécutions.

Lancelot : Ah bon ?

Léodagan : Mais pourquoi qu'est-ce qui vous gêne ?

Arthur : J'sais pas. J'aime pas ça, j'saurais pas vous dire pourquoi...

Léodagan pense que ce n'est pas la peine de mort en soi qui gène Arthur mais la méthode d'exécution, la pendaison. Pour Lancelot c'est avant tout l'idée de justice qui prime. Léodagan considère la justice comme un prétexte et souhaiterait qu'Arthur mette en place un nouveau mode d'exécution plus spectaculaire.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 68

Léodagan : Mais la justice me faites pas marrer, ça dure des plombes le type remue à peine les doigts d'pieds à quoi ça r'ssemble j'vous l'demande !

Arthur : Bah ça r'ssemble à une pendaison à quoi voulez vous qu'ça r'ssemble on va pas faire venir les danseuses et les montreurs d'ours.

Lancelot : La pendaison c'est sobre et solennel, moi j'trouve ça parfait.

Léodagan : Prenez la roue, par exemple, ça c'est festif. Le condamné est attaché et on commence par lui casser les bras et les jambes, bon ben tout l'monde peut venir avec son p'tit bâton, les gens participent, c'est convivial !

Actuellement, la peine de mort est encore en vigueur dans de très nombreux pays. On peut citer pêle-mêle Les Etats Unis

En France elle est abolie depuis 1981 à l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand et fut imposée par ce pouvoir face à l'hostilité majoritaire de la population française. Malgré tout à chaque fait divers sordide, et particulièrement les infanticides (citons par exemple la tuerie dans l'école juive de Toulouse) des voix, généralement réactionnaires s'élèvent contre cette abolition. Régulièrement le Front National met en avant cet argument dans son programme électoral71.

Cependant, la visée du rétablissement de la peine de mort serait, à en croire ses partisans, uniquement dissuasive. Toutefois il est légitime de craindre une dérive de sa pratique surtout s'il est mis en place dans le cadre d'un régime non-démocratique voire totalitaire. Même dans un régime démocratique la peine de mort peut être ordonnée sans que l'on ait toutes les preuves de la culpabilité du condamné. Combien de prévenus se retrouvent dans le couloir de la mort aux USA alors que de sérieux doutes subsistent. Et il s'agit généralement d'individus appartenant à des minorités ethniques (afro-américain, latino-américains ou encore d'origine arabes)72.

71 http://www.europe1.fr/Politique/Peine-de-mort-Le-Pen-veut-un-referendum-824557/

Marine Le Pen, Présidente du Front national, déclarait le jeudi 15 septembre 2011au cours de l'émission Parole directe sur «Je ferai sur ce sujet un référendum. Je n'imagine pas d'imposer une décision telle que celle-là sans demander son avis au peuple français. Ils choisiraient alors entre la peine de mort et la perpétuité réelle, mais réelle». Interrogée plusieurs fois sur sa position personnelle, la présidente frontiste a répondu: «Moi je suis avocat, je suis pour l'échelle des peines et je pense que la peine de mort participe de cette échelle des peines».

72 http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/10/10/aux-etats-unis-la-peine-de-mort-est-une-continuation-de-la-segregation-raciale_1584856_3222.html

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 69

Arthur émet alors une idée qui pour le moins va surprendre ses comparses de supprimer purement et simplement la peine de mort.

Arthur : Bah j'vais vous l'dire, moi j'ai pensé à un truc alors vous allez p'tet trouver ça con, imaginez qu'on soit le seul pays, au monde, où on ne condamne plus... à mort.

Lancelot et Léodagan le fixent.

Léodagan : Bon, écoutez Sire j'suis désolé mais moi j'ai une diligence dans une heure, puis faut qu'on ait bouclé hein. Puis j'ai pas trop le temps d'raconter des conneries non plus.

Le lendemain Léodagan revient à la charge proposant à Arthur un voyage afin de découvrir d'autres méthodes d'exécution plus « festive ».

Léodagan : Mais vous avez tort de pas vouloir régler l'problème hein si on veut rester le pays le plus puissant il faut qu'on aie des exécutions spectaculaires ! Vous passerez pas à côté !!

Arthur : Eh ben si figurez vous ! Parce que j'vais décréter que l'île de Bretagne est la première nation où la peine de mort n'existe plus voilà !!

Léodagan a les yeux ronds comme des soucoupes.

L'argument avancé par Léodagan est assez similaire à celui du Front national, à savoir la démonstration de force rendant la peine de mort dissuasive. Cet argument tend à démontrer que plus la répression est impressionnante, plus elle est efficace.

L'argument principal en faveur de l'abolition est la lutte contre la barbarie. En effet si l'on estime que le meurtre est un acte barbare alors on ne peut pas faire subir à un assassin ce pourquoi on le condamne. L'homme civilisé ne peut pas s'abaisser à la barbarie. Arthur conclut l'épisode par une réflexion allant dans ce sens.

Arthur Voix Off : Dans 5 où 10 ans, y a plus qu'les barbares qui le feront.

Cet épisode est un très bon exemple de la volonté d'Astier de nous présenter Arthur comme un souverain progressiste, ayant la volonté de rompre avec les pratiques barbares de son époque même si évidemment le trait est fortement grossi dans le cas de la peine capitale. Astier à travers d'Arthur donne également son avis sur ce sujet en ne montrant aucune ambiguïté à ce

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 70

sujet. Cela peut paraître désuet de se prononcer en 2012 sur cette question mais les propositions du FN, notamment, et les exemples que nous renvoie d'autres pays nous prouve que ce débat reste hélas d'actualité.

g) La retraite.

Pour conclure, nous allons analyser l'épisode 99 de la saison 1, La retraite73.

Perceval se demande au cours de cet épisode à partir de quel âge il a le droit d'abandonner sa fonction de chevalier et ainsi pouvoir gouter aux joies d'une vie paisible retiré dans sa maison au Pays de Galles.

Perceval : Mais moi ça fait 10 ans qu'j'retape ma cabane au Pays d'Galles, alors maintenant qu'elle tient debout, j'aimerais bien pouvoir en profiter un peu !

Profiter de sa retraite. C'est aujourd'hui encore l'aspiration de millions de travailleurs dans les pays où le droit à la retraite existe. Nous pouvons compter deux éléments fondamentaux pour que la retraite soit un moment agréable de la vie. Le premier est la santé et le deuxième nécessite de bénéficier de conditions matérielles décentes. Actuellement de très nombreux travailleurs n'ont plus une santé digne de ce nom bien avant l'âge de départ en retraite. L'espérance de vie en bonne santé varie entre 59 ans et 74 ans pour les anciens salariés. Bien évidemment les retraites de travaux physiques ont une durée de vie plus réduite que ceux exerçant une activité intellectuelle ou ce que l'on appelle plus communément le travail de bureaux. La moyenne européenne est de 68 ans pour un homme et de 68 ans et 9 mois pour une femme. Or depuis le début de la décennie 2000 la majorité des pays de l'Union Européenne ont établi l'âge de la retraite à 65 ans (hors régimes spéciaux). Perceval en 2012 ne pourrait donc profiter de sa cabane que trois ans ! Les chiffres communiqués par le ministère du travail sont encore plus alarmants74.

Perceval n'obtient pas de réponse précise du Roi puisque ce cas de figure ne s'est encore jamais posé. Arthur pense simplement qu'il s'agit d'un honneur d'être un chevalier et qu'il faudrait mourir les armes à la main. Sans arrivée à de telles extrémités, il est aujourd'hui considé-

73Kaamelott, Livre I, épisode 100, La retraite.

74L'espérance de vie « en bonne santé » rend compte non seulement de l'allongement de la durée de vie mais aussi de cet allongement sans incapacité majeure, liée aux maladies chroniques ou aux séquelles des affections aiguës ou de traumatismes. En France, en 2005, l'espérance de vie « en bonne santé » à la naissance est estimée à 64,3 ans pour les femmes et à 62 ans pour les hommes, des scores comparables à ceux de pays voisins mais un peu inférieurs à ceux observés dans les pays nordiques. Pour les femmes et les hommes âgés de 65 ans, elle est respectivement de 9,4 et 8,2 années. Entre 1995 et 2003, l'espérance de vie en bonne santé à la naissance avait augmenté d'un an et demi pour les femmes et d'une demi-année pour les hommes, soit pour les femmes une amélioration plus rapide que celle de la seule espérance de vie.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 71

ré que la retraite est un privilège et que son âge légal doit être repoussée en fonction de l'espérance de la vie, sans prendre en compte la pénibilité ou des épisodes propres à la vie comme une période de chômage ou de maternité.

Nous pourrions analyser l'intégralité des épisodes tant cette série est riche de procédés anachroniques et ce, dans tous les domaines qu'ils s'agissent des arts, des questions de société, des moeurs, de la politique, de l'art militaire, etc. La série regorge d'anachronismes plus ou moins grossiers mais qui n'ont pas toujours la même utilité. Parfois il s'agit simplement de références à des oeuvres ayant inspirés AA comme la présence du sabre laser de la saga Star Wars. Mais bien souvent il s'agit d'astuces scénaristiques afin d'introduire un personnage, un fait ou un objet n'appartenant pas à la légende arthurienne. L'un des exemples les plus parlants est la présence d'Atttila, Roi des Huns (né vers 395 - mort en 453).

L'anachronisme est toutefois un terme inexacte puisque la LA est elle-même extrêmement floue d'un point de vue chronologique. Elle s'étire sur plusieurs siècles, les différentes versions se contredisent, se complètent et les historiens s'interrogent sur des faits n'ayant pour la grande majorité jamais existé.

Brossard Sébastien Kaamelott : humour télévisuel et série intertextuelle 72

précédent sommaire suivant










Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy



"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand