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Les attributions sociales du capitaine de navire

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par darly Russel KOUAMO
Université de Nantes - Master droit et sécurité des activités maritimes et océaniques 2014
  

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CHAPITRE I L'ORGANISATION DE LA SOCIETE DE BORD

Le transport maritime s'exerce dans un environnement hautement concurrentiel. C'est d'ailleurs le premier secteur d'activité qui a été atteint par la mondialisation. Dans ce contexte, les compagnies ne cessent de s'échiner à rationaliser l'exploitation de leurs expéditions. Tout cela passe par une très bonne organisation de la société de bord. Le capitaine de navire étant le principal agent d'exécution, il est tout à fait logique qu'il soit impliqué dans la préparation du voyage (section 1). Une fois le voyage entamé, il intervient activement dans la conduite de l'équipage (section 2).

Section 1 L'implication du capitaine dans la préparation du voyage

Une expédition maritime est la conjonction d'un ensemble d'actes concertés effectués par plusieurs acteurs. A priori, l'on serait porté à croire que les fonctions sociales du capitaine ne devraient être observées que lorsque le navire prend la mer. Ce serait porter un jugement assez critiquable. Etant donné que c'est le capitaine qui sera chargé de gérer l'équipage en mer, il est donc utile qu'il puisse être impliqué dans la constitution dudit équipage. L'on constatera à cet effet, que son implication en la matière a connu des balbutiements au fil du temps. Même s'il est aisé de voir une décroissance en la matière (paragraphe 1), il n'en demeure pas moins que l'on relève des indices attestant de sa résurgence dans la constitution de l'équipage (paragraphe 2).

§1-La décroissance du rôle du capitaine dans la constitution de l'équipage.

Le droit maritime s'est construit avec un ancrage sur les traditions maritimes. Les pratiques observées de nos jours sont le reflet du passé, le droit social maritime n'étant pas en reste. L'on verra donc les phases qui ont jalonné l'implication du capitaine dans la constitution de l'équipage.

Dans un premier temps, l'on verra le caractère absolu des pouvoirs du capitaine (A). Puis, nous constaterons une tendance à l'exclusivité de l'armateur et des sociétés de placement (B).

A- De l'absolutisme des pouvoirs du capitaine.

Depuis l'antiquité, la nécessité d'un équipage bien préparé est établie. Il fallait un ensemble bien cohérent qui devait être animé par un esprit de travail d'équipe. Ainsi, traitant des équipages de la Rome antique, il est écrit33 que l'équipage d'un navire est composé de manière à assurer l'unité de direction ; la simultanéité d'efforts nécessaires à sa conduite; les

33 Le Cour Grandmaison, Charles, Condition des gens de mer, en droit romain et en droit français, thèse pour le doctorat, Faculté de droit de Rennes. 1870, p.109.

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différents membres en sont liés par une sorte de hiérarchie et soumis à des règles qui se rapprochent de l'organisation militaire. Le capitaine se trouve ainsi investi de la constitution de l'équipage.

A l'époque de la navigation à voile, le capitaine a été un personnage d'un rang social égal à celui de son armateur. C'était un cadre au statut privilégié. Une sorte de maître jacques pratiquant à la fois 20 métiers différents34. Il était au Moyen Âge35, le « Senyor de la nau », c'est-à-dire un véritable gérant chargé de l'administration des biens exposés en commun aux risques maritimes. Il était le seul représentant de tous ceux qui participaient à l'aventure et de tous ceux qui partageaient les bénéfices résultant des biens mis en commun pour le voyage. Pour bien gérer lesdits biens, de larges pouvoirs lui étaient conférés. Il était chargé de recruter les membres de l'équipage et d'accomplir toutes les formalités administratives relatives.

C'est cette logique que suivra le législateur plus tard lorsqu'il édictera qu'il appartient au capitaine de former lui-même son équipage, de choisir et louer les matelots et autres personnes qu'il est appelé à commander36. Il faut toutefois noter qu'il le fait de concert avec l'armateur, notamment lorsque ce dernier est présent. Etant donné que l'armateur n'est généralement pas présent, l'on convient finalement qu'il ait le droit de faire son équipage. Car étant plus capable qu'aucune autre personne de juger de la capacité de ceux avec qui il s'associe, de leur ardeur pour le service ; enfin de leur caractère ou humeur, de leurs bonnes ou mauvaises qualités ; objets à considérer pour le moins autant que leur expérience au fait de la navigation. Bref, un équipage n'est jamais mieux composé que lorsqu'il est du choix du maître. Telle est la lecture qui découle l'article 2, du chapitre I5 du Guidon de la mer, des chapitres 55 & 195 du Consulat de la mer, et du droit Hanséatique, titre 3 , article 237.

En dépit de cette marge de manoeuvre qui était accordée au capitaine dans le choix des membres de son équipage, l'on note tout de même qu'il était astreint à respecter certaines dispositions. Il s'agit du respect de la loyauté dans l'engagement et de l'accomplissement des formalités administratives relatives audit équipage.

34 Martine Le Bihan-Guenolé, Droit du travail maritime, l'Harmathan, 2001, note 58, p.57.

35 Robert GARRON, La responsabilité personnelle du Capitaine navire, thèse Aix-en-Provence, Éd. Librairies techniques, Librairie de la cour de cassation, Paris 1966, p.25.

36 Code de commerce, édition originale et seule officielle, imprimerie impériale, Paris, 1810, article 228. 37M. René-Josué Valin, op. cit. P.364.

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Le capitaine était donc obligé de s'assurer préalablement que le marin qu'il recrute n'est pas déjà engagé dans un autre équipage. C'est dire qu'il lui était interdit de débaucher les marins. Desjardins nous enseigne qu'il y a bien longtemps que les Recès hanséatiques avaient défendu cette mauvaise action. L'ordonnance du 31 octobre 1784, titre XIV, art. 6 (2), la défend encore, en déclarant que le fait d'avoir sciemment et volontairement embauché un homme appartenant à l'équipage d'un autre navire constitue le délit de complicité de désertion puni par loi38. On voit là une obligation de prudence et de diligence qui pèse sur le capitaine. Lequel à l'image de tout employeur en droit du travail terrestre, est tenu de ne pas débaucher un salarié sous peine d'en être puni39.

De ce qui précède, le capitaine du navire autrefois se retrouvait au centre de l'engagement des marins et de ce fait était astreint à respecter un certain formalisme. C'est d'ailleurs en raison de son omniprésence que l'engagement maritime était défini en référence au capitaine. A titre illustratif, les Codes du commerce hollandais (art. 394) et portugais (art. 1440) définissent ainsi l'engagement des gens de mer comme étant « Le Contrat entre le Capitaine et les officiers et gens de l'équipage consistant, de la part de ceux-ci, dans le louage de leur service pour faire un ou plusieurs voyages de mer, chacun en sa qualité, moyennant un salaire convenu et, de la part du capitaine, dans l'obligation de les faire jouir de ce qui leur est dû en vertu de la stipulation et de la loi40».

Suite aux mutations intervenues dans le domaine maritime, le rôle du capitaine va peu à peu s'amenuiser.

B-L 'exclusivité de l'armateur et des sociétés de placement.

Depuis l'antiquité, le capitaine du navire était le principal agent dans l'engagement des marins. Du temps de la marine à voile, les bons marins en attente d'embarquement étaient directement recrutés par les capitaines le plus souvent dans les auberges41. Au cours du voyage, il les prenait en charge et en était garant, même si la plupart du temps la responsabilité était partagée avec l'armateur. Cette situation corroborait avec l'environnement qui prévalait. En effet, compte tenu de la dangerosité des expéditions, les lignes de transports n'étaient pas très nombreuses et les marins étaient engagés pour les expéditions précises. Ils

38 Desjardins Arthur, Traité de droit commercial maritime, tome second, Des Propriétaires de Navires. Des Capitaines. Commentaire du livre II, titres III et IV du Code de commerce et droit comparé, éd. A. DURAND et PEDONE-LAURIEL, PARIS, 1880, p.275.

39 V. Article L1237-3 du Code du travail.

40 Desjardins, Arthur, op.cit., n°620, p.58 à 59.

41 Patrick Chaumette, Le contrat d'engagement maritime, droit social des gens de mer, éd. CNRS droit, Paris, 1993, p.120.

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étaient plus liés au voyage qu'à l'armateur. Ainsi, avant le départ du navire, le capitaine constituait son équipage des marins qui étaient pour la circonstance rassemblés aux environs des ports.

Mais peu après, les progrès scientifiques et techniques réalisés vont considérablement améliorer la navigation maritime. Le développement de la navigation de ligne, des télécommunications, l'évolution des modes de propulsion de vitesse de navigation, ont conduit au renforcement des services sédentaires des compagnies d'armement.

Dans ce contexte, l'on verra la multiplication des lignes de transports avec un accroissement de la dimension des entreprises, ce qui incita les armateurs à multiplier les voyages. Cet état des choses a débouché sur la stabilisation des marins au sein des structures armoriales. Il apparaît donc que le capitaine, dans ces conditions perdit ses prérogatives dans la constitution de l'équipage. L'on vît apparaitre une multitude des structures intervenantes dans le recrutement et la gestion de la carrière des marins. La réduction du rôle du capitaine du navire en matière sociale se fit donc ressentir42. De ce fait, l'emprise des sociétés de placement sur les équipages prit de l'ampleur.

Il faut reconnaitre que ces structures intervenant dans le recrutement de la gestion de la carrière des marins, n'ont pas reçu un avis favorable, même si elles se sont par la suite universalisées.

Ceci étant, le marin n'est plus recruté par le capitaine et lié à un navire pour la durée d'un voyage43. Au cours du XXe siècle, le contrat d'engagement au voyage n'est plus la référence, le marin est lié à l'armement plus qu'à l'expédition maritime, le contrat d'engagement change de nature, devenant un contrat de travail et non seulement un contrat d'embarquement44.

Cet état des choses n'a pas été sans conséquences sur la situation sociale des marins. L'internationalisation du travail maritime a entrainé des effets sur le statut des gens de mer. Elle a créé un marché international du travail maritime où la préférence va aux marins les plus économiques, ce qui a des répercussions sur l'exercice des attributions sociales du capitaine.

42 Patrick Chaumette, op. cit. p.131.

43 Wahiba Sahed, Le contrat d'engagement maritime, mémoire de master 2 de droit maritime et des transports, AIX Marseille, 2007. P30.

44Patrick Chaumette, « L'exemplarité du droit social des gens de mer » ,in du droit du travail aux droits de l'humanité, études offertes à Philippe-Jean Hesse, Yvon Le Gall, Dominique Gaurier et Pierre-Yannick Legal (dir.), PUR, 2003, p 228.

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Les équipages, parfois gérés par les sociétés internationales de management ou de « marchands d'hommes », ne sont soumis qu'à des contrats individuels à prendre ou à laisser. L'absence de sécurité de l'emploi qui est une constance gênante pour ces gens de mer mais aussi et surtout pour le capitaine qui ne dispose d'aucune autorité dans l'exploitation du navire. Ainsi que l'ont montré les naufrages du Torrey Canyon et de l'Amoco Cadiz, le capitaine n'avait pas une maitrise sur les gens de l'équipage. Cette diversité culturelle rend complexes les tâches du capitaine45.

L'intervention des sociétés de placement s'opère sous deux angles. D'une part la société de placement peut fournir à l'armateur un équipage en tant qu'intermédiaire. Dans cette situation, une fois le marin en contact avec l'armement, le rôle de la société de placement s'arrête. D'autre part, la société de placement pourrait même gérer l'équipage pour le compte de l'armateur, rémunérer les marins, organiser leur rapatriement. Les sociétés de management de personnel prennent en main toutes les opérations sociales, la gestion de l'équipage, pour le compte de l'armateur. Il pourrait dans ces conditions se poser les questions sur le réel employeur du marin. Serait-ce la société de placement ou l'armement. En droit français traditionnel, l'employeur des marins reste l'armateur, l'exploitant commercial du navire46.

Il existe des cas de figure dans lesquels le capitaine traiterait directement avec les sociétés de placement. C'est le cas lorsque le capitaine recrute un marin pour pourvoir aux besoins du navire. Même s'il agit en lieu et place de l'armateur, il est évident que c'est lui qui va parapher le contrat de mise à disposition et donc s'assurera de la conformité dudit contrat aux règlements en vigueur. Bien plus, il devra s'assurer que la société de placement en cause dispose d'un agrément valable.

Pourtant, il y a peu, capitaine et équipage étaient de la même nationalité sinon de la même région. Ils travaillaient sur un navire de leur pays pour un armateur de leur pays, la gestion des rapports humains par le capitaine en était plus confortable47. Or il est évident que les relations humaines sont un facteur déterminant pour composer un équipage. Une mauvaise entente entre ses membres peut avoir des conséquences graves48. Relevons tout de même que,

45 Patrick Chaumette « Le contrôle des navires par l'Etat du port ou la déliquescence du pavillon », in La norme, le ville, la mer, écrits de Nantes pour le Doyen Yves Prats, éd. Maison des sciences de l'homme, paris, 2000, p269.

46 Patrick CHAUMETTE, « Marin ou pas marin : comment trancher ? », DMF 2008 688, disponible sur

Lamyline.fr, consulté le 30 mai 2014 à 11h44.

47Th. ROSSIGNOL, « Le Capitaine Marchand du XXIème siècle entre tradition et nouveauté », http://www.afcan.org/dossiers_juridiques/capitaine_marchand.html, consulté le 04 mars 2014 à 9h27. 48 Martine Le Bihan-Guenolé, droit du travail maritime, l'Harmathan, 2001, Note 58, p57.

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la dévolution par le passé du recrutement des marins au capitaine, pouvait se justifier par la taille des embarcations assez modestes. De nos jours l'ère est au gigantisme. Si l'on prend par exemple aujourd'hui le cas des paquebots, nous constatons que confier cette tâche au capitaine serait assez lourd. Il serait difficile pour lui d'administrer tous ces contrats.

Néanmoins, il faudrait reconnaitre que la convention MLC encadre l'intervention des sociétés de placement, qui doivent être contrôlées par les Etats. Au-delà de ce contrôle, la lecture de la règle 1.4 relative au recrutement et au placement des marins, fonde le capitaine à demander à toute personne travaillant à bord de lui justifier son identité et de lui présenter ses documents professionnels49. Il est légitime qu'il s'assure des compétences des membres de son équipage. Le contrat de mise à disposition de personnel doit comporter des mentions obligatoires sur les rémunérations, la durée du contrat, la protection sociale. Il en est de même du contrat d'engagement conclu entre le marin et la société de placement, qui doit préciser la qualification professionnelle. Ces contrats doivent se trouver à bord. Il s'avère donc que le capitaine soit à mesure de contrôler implicitement l'activité des sociétés de placement. Par conséquent, nous pouvons affirmer qu'il intervient implicitement dans le recrutement.

Malgré cet état des choses, l'on constate une résurgence du capitaine dans la préparation de l'expédition maritime.

§ 2 LA subsistance du capitaine dans la préparation du voyage.

Bien qu'en déclin comme nous l'avons constaté, l'immixtion du capitaine dans la préparation de l'expédition subsiste. Il faut reconnaitre que ce n'est toutefois pas avec la même proportion qu'autrefois. De plus, il est à noter que dans plusieurs cas, le capitaine, agit en représentation de l'armateur et peut de ce fait accomplir des actes à vocation sociale dévolues initialement à l'armateur.

Quoi qu'il en soit, l'on constate que le capitaine est impliqué dans le processus de certification sociale du navire (A) et, dans l'accomplissement des formalités administratives indispensables au voyage (B).

A- Le processus de certification du navire.

Le capitaine doit mettre son navire dans les conditions voulues pour effectuer une navigation sûre et fructueuse. Raison pour laquelle les exigences en matière sociale sont vérifiées par lui. Antérieurement à cela, il doit s'assurer que le navire dans lequel il embarque

49 Article L5533-2 du Code des transports, créé par la loi n°2013-619 du 16 juillet 2013, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable - art. 24.

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respecte les exigences techniques et sociales. Le capitaine veille à la qualité des contrôles et visites effectuées sur le navire50. Dans cette perspective, le capitaine est impliqué dans la certification sociale du navire.

Une grande avancée qui a été réalisée avec la convention du travail maritime : il est instauré un processus de certification sociale et de déclaration de conformité. Même si à priori, ces exigences relèvent des obligations dévolues à l'armateur, force est de constater que le rôle du capitaine demeure.

A l'article V alinéa 3 de la convention sur le travail maritime, il est écrit que « Tout Membre veille à ce que les navires battant son pavillon soient en possession d'un certificat de travail maritime et d'une déclaration de conformité du travail maritime, comme le prescrit la présente convention».

De ce fait, les armateurs possédant ou exploitant des navires d'une jauge brute supérieure ou égale à 500 tonneaux et qui effectuent des voyages internationaux ou des voyages entre ports étrangers seront tenus d'élaborer et de mettre en oeuvre des plans propres à garantir le respect des lois, règlements et autres mesures qui donnent effet à la convention51. Les capitaines seront quant à eux chargés d'appliquer ces plans et d'en démontrer, documents à l'appui, leur contenu. Une obligation d'imprégnation particulière pèse sur le capitaine. Cela constitue un préalable à la délivrance du certificat de travail maritime52.

Le certificat est délivré pour une période de 5 ans une fois que : le navire a été inspecté, l'armateur a démontré la mise en oeuvre des procédures adéquates, le capitaine connait les dispositions et l'obligation de mise en oeuvre, les infos requises pour l'établissement de la déclaration de conformité ont été admises

Dans la fixation des modalités de délivrance dudit certificat, il est prévu que des dérogations puissent être appliquées. Ainsi, un certificat de travail maritime peut être délivré à titre provisoire aux nouveaux navires, à la livraison ; en cas de changement de pavillon ou lorsqu'un armateur prend à son compte l'exploitation d'un navire qui est nouveau pour cet armateur.

50 Jean-Pierre BEURIER (dir), op. cit p.431.

51 V. Article L5514-1 du Code des transports Créé par la loi n°2013-619 du 16 juillet 2013, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable - art. 22.

52 Aude Tokatlian, « les droits de l'homme dans le monde maritime », journées d'études marseillaises de 2006 de l'observatoires des droits des marins., P104.

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Plus loin, énumérant les conditions matérielles de délivrance dudit certificat provisoire, la norme A5.1.3 7 c précise qu'en plus de l'état technique du navire, la connaissance des prescriptions par le capitaine conditionne la délivrance du certificat de travail maritime provisoire53. C'est dire que du capitaine, dépendra la délivrance du certificat de travail maritime provisoire.

Bien plus, le capitaine, tout comme l'armateur , est obligé de s'arrimer aux progrès réalisés dans l'amélioration des conditions de vie des travailleurs. C'est d'ailleurs sur cette base que la déclaration de conformité du certificat de travail maritime pourra être délivrée au navire qu'il dirige. C'est ce que rappelle le principe directeur B5.1.3 3. « Les mesures pour assurer une conformité continue devraient se référer notamment aux prescriptions internationales générales faisant obligation à l'armateur et au capitaine de se tenir informés des derniers progrès réalisés en matière technologique et scientifique en ce qui concerne l'aménagement des lieux de travail, compte tenu des dangers inhérents au travail des gens de mer, et d'informer en conséquence les représentants des gens de mer, garantissant ainsi un meilleur niveau de protection des conditions de travail et de vie des gens de mer à bord ».

Une fois le Navire certifié et déclaré conforme du point de vue social, le capitaine doit accomplir des formalités avant d'entamer son voyage.

B- Les formalités préalables au voyage.

Avant d'embarquer, le capitaine doit accomplir les formalités administratives qui attestent que son équipage est conforme aux exigences légales. Le capitaine signe et dépose le rôle d'équipage auprès de l'administration maritime. En droit français, il est fait usage de l'expression d'effectif minimal que doit respecter tout navire. Il relève donc au capitaine de s'assurer de ce qu'à bord de son navire, l'effectif minimal a été atteint.

53 Norme A5.1.3 7. Un certificat de travail maritime provisoire n'est délivré qu'une fois qu'il a été établi que:

a) le navire a été inspecté, dans la mesure où cela est raisonnablement possible, au regard des prescriptions énumérées à l'annexe A5-I, en tenant compte de la vérification des éléments visés aux alinéas b), c) et d) du présent paragraphe;

b) l'armateur a démontré à l'autorité compétente ou à l'organisme reconnu que des procédures adéquates sont mises en oeuvre à bord en vue d'assurer le respect des dispositions de la présente convention;

c) le capitaine connaît les prescriptions de la présente convention et les obligations en matière de mise en oeuvre;

d) les informations requises ont été présentées à l'autorité compétente ou à l'organisme reconnu en vue de l'établissement d'une déclaration de conformité du travail maritime.

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C'est ce qui ressort des dispositions de l'article L5522-2 du Code des transports. Ainsi, le capitaine signe et dépose la liste d'équipage54. Cette liste est annexée au rôle qui contient les contrats d'engagements des marins. Dans cette opération, le capitaine procèdera aux vérifications des différents contrats de mise à disposition et d'engagement des membres de son équipage. Cette exigence, fondamentalement érigée pour les impératifs de sécurité, regorge aussi des répercussions sur l'organisation du travail à bord du navire.

Le fait de s'assurer de la crédibilité de son équipage, renforce l'autorité du capitaine et lui confère une certaine assurance, gage du succès de l'expédition. A travers cette tâche, il est appelé à corriger les manquements éventuels qu'aurait observé l'armement ou la société de placement. Toute chose qui va aussi de l'intérêt des marins. Ce faisant, l'on constatera que le capitaine, qui a priori ne dispose pas compétences dans la conclusion du contrat d'engagement des marins, pourrait tout de même interférer avant même que l'exécution ne commence. Son intervention pourrait même déboucher sur une reformation voire une remise en cause dudit contrat, ce qui est d'une importance indéniable.

Il y a lieu de relever ici qu'on est passé d'un contrôle a priori à un contrôle a posteriori des contrats d'engagement. La pratique de la revue d'armement a disparu avec la loi du 18 novembre 199755. Avec l'allègement de la tutelle traditionnelle de l'administration sur les relations de bord, le capitaine a plus de prérogatives. Cependant, il a une obligation d'information au marin, laquelle ne se limite pas à la remise d'un exemplaire du contrat d'engagement maritime. Les textes réglementaires et le contrat d'engagement doivent se trouver à bord. Ils pourront être communiqués par le capitaine au marin sur simple demande. C'est ce qui est rappelé à la norme A2.1 d de la MLC : « des mesures sont prises pour que les gens de mer, y compris le capitaine du navire, puissent obtenir à bord, sans difficulté, des informations précises sur les conditions de leur emploi, et pour que les fonctionnaires de l'autorité compétente, y compris dans les ports où le navire fait escale, puissent aussi accéder à ces informations, y compris la copie du contrat d'engagement maritime ». Nous constatons que cette norme protège non seulement le capitaine, mais aussi les autres marins. Elle permet d'éviter que les gens de mer soient employés dans la clandestinité.

Historiquement, l'engagement du marin s'est toujours présenté comme un acte solennel dont l'accomplissement des formalités reposait sur le capitaine. Il s'agit de l'inscription maritime. Pour qu'il y ait engagement des gens de mer, il ne suffit pas, pour le former, du

54 V. Jean-Pierre BEURIER (dir), op cit.p.586.

55 V. loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.

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consentement des parties, il faut encore que ce consentement soit exprimé devant un officier public ayant qualité pour le recevoir, et constaté par lui sur le rôle d'équipage.

Cette nécessité existait aussi dans la législation anglaise où le Statut de Georges II, C :36,

s. 1., rendu perpétuel par Georges III dans le Merchant Shipping Act., § CL dispose que : le capitaine et le marin doivent se présenter au Bureau du Shipping master, et faire constater leur engagement par acte authentique. Une disposition analogue, édictée par un acte du Congrès des Etats-Unis56.

Edictant la procédure d'inscription en France, la loi du 29 janvier 1881 sur la marine marchande prévoit qu'aucun marin, s'il n'est inscrit, ne peut être embarqué à bord d'un des bâtiments français de commerce. Les capitaines des navires en armement, conjointement avec leurs armateurs lorsque ces derniers sont sur les lieux, doivent, par conséquent, présenter au bureau du quartier les hommes qu'ils ont engagés et faire connaître les conventions arrêtées entre eux. Les commissaires des quartiers et les administrateurs des sous-quartiers sont, en effet, expressément chargés de passer la revue des équipages des bâtiments de commerce et des bateaux de pêche en même temps que de veiller à l'observation des prescriptions concernant la composition des équipages et le commandement des bâtiments : ils devraient notamment refuser d'expédier les rôles d'armement et les permis de navigation si l'on prétendait embarquer des marins non-inscrits57.

La revue de l'équipage consistait à faire la déclaration verbale du contrat d'engagement devant un fonctionnaire préposé aux gens de mer. L'expédition du procès-verbal de revue délivrée par le fonctionnaire préposé aux gens de mer constitue le rôle d'équipage. Lors de toute revue faite dans la Confédération, le commissaire en fait mention sur le livret de chaque homme de l'équipage et y mentionne le jour de son entrée au service. Quand un homme de l'équipage qui a été soumis à la revue est mis hors d'état par un obstacle insurmontable d'entrer au service, il doit en avertir le plus tôt possible le capitaine et le fonctionnaire devant lequel a eu lieu la revue. Nous constatons donc qu'il s'agit d'une ancienne pratique qui a juste connu des mutations.

56 Le Cour Grandmaison, Charles op.cit., P129.

57 Desjardins, Arthur, Traité de droit commercial maritime, tome troisième, traité des gens de mer. -- Traité du contrat d'affrètement. -- Du transport des passagers par mer. (Commentaire du livre II, titres V, VI et VIII du Code de commerce et droit comparé). Commentaire de la loi du 29 janvier 1881 sur la marine marchande, éd. A. DURAND ET PEDONE-LAURIEL, Paris, 1882 n° 601, p.22.

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Par ailleurs, il faut ajouter que le capitaine doit vérifier que les marins embarqués disposent d'un certificat médical. Sinon il s'expose aux poursuites.

Au demeurant, il est aisé de constater qu'avant l'entame du voyage, le rôle du capitaine a été rétréci. Comme nous avons pu l'observer, ses interventions demeurent toujours capitales pour l'expédition et elles le seront d'avantage une fois le voyage entamé.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld