WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La bête du Gévaudan, l'animal pluriel.

( Télécharger le fichier original )
par Laurent Mourlat
Université d'Oslo - Maitrise 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

VI. Les représentations zoomorphiques de la Bête du Gévaudan, l'animal pluriel

L'iconographie liée à notre histoire est aussi volumineuse qu'intéressante. Composée de dessins imprimés à des milliers d'exemplaires, elle témoigne de la vitalité de la presse de l'époque. Comme nous allons nous en rendre compte, les illustrations dédiées à la Bête du Gévaudan dépeignent un animal hors du commun. Alliant des mensurations monstrueuses à des détails qui semblent sortir du bestiaire du Moyen Âge, elles forment, avec la culture populaire, le socle commun de l'interprétation du Tiers-Etat.

Afin d'illustrer mon propos, je me propose de faire l'analyse de plusieurs icônes. Datée de 1765, l' image intitulée « Combat de la bête et des sept enfants du Villeret d'Apcher, dirigés par le petit Portefaix » est représentative du choix éditorial de la presse. Le caractère dramatique de la scène et l'apparition de détails que l'on pourrait sans peine qualifier d' «anomaliques» 391 participent ici à la création d'un imaginaire. On peut en effet remarquer la forme qui est donnée à la patte de la Bête.

Située entre le jeune enfant qui se tient la tête et l'adolescent qui brandit un bâton où une lame de couteau est attachée, elle est composée de trois griffes qui, si l'on en mesure la longueur, sont environ deux fois plus longues que la tête de l'adolescent.

391 Je me réfère ici au sens qui en est donné par Michel Meurger dans, « Les félins exotiques dans le légendaire français » Loc cit.

Par « anomalique » Meurger renvoie au mot anomalie, donc à tout détail qui ne correspond pas avec l'idée que l'on se fait de la chose en question. Concernant l'image étudiée, c'est Jay Smith dans, « monsters of the Gévaudan, The Making of a Beast » Loc cit, qui relève des anomalies. Il écrit : «(...) the animals left forelegs are visible partly concealed, vaguely resemble's a dragon's claws, and its taut and wavy coat resembles (...) , feathers, or scaly reptilian skin (...) «. Traduction : « Les pattes avant gauches de l'animal, qui sont quelque peu cachées, ressemblent vaguement à des griffes de dragon et son manteau ondulé à des plumes ou à une peau reptilienne ».

93

« Combat de la bête et des sept enfants du Villeret d'Apcher, dirigés par le petit Portefaix »

Image du combat de Portefaix comme elle est illustrée à l'époque 392

En plus d'être d'une taille impressionnante, cette partie du corps de l'animal a une forme très particulière : elle ressemble du fait du nombre de griffes et la forme des « doigts » à des représentations bien plus anciennes.

Représentation des pattes d'animaux fabuleux

Patte de sagittaire Patte de dragon Patte de la Bête

XVe, Armenie 393 XVe, Pays-bas 394 1765, France 395

392 Cette image est consultable à la Bibliothèque Nationale de France, à la référence suivante : Qbi 17641788. Elle fut selon toute vraisemblance publiée en 1765 (B. Soulier, conversation télephonique, 12.03.2015)

393 Cette image a été retrouvée sur un site de partage où est hebergé un forum consacré aux animaux fabuleux. L'icône originale du « signe du Sagittaire représenté avec une queue à tête de dragon » est consultable dans l'annexe 19 de cette étude. Pour visiter le site où l'image a été trouvée, se référer à la bibliographie.

394 Représentation de Sainte Marguerite luttant contre le dragon

Source iconographique : Livre d'heures d'Amherst, XVè siècle., Baltimore, Walters Art Museum, Ms W.167, f.101v. L'image originale se trouve dans l'annexe 20 de cette étude.

395 Partie choisie tirée de l'illustration du « Combat de la bête et des sept enfants du Villeret d'Apcher, dirigés par le petit Portefaix »

94

Tirées d'icônes du XVè siècle et du XIXè siècle, les représentations des pattes du Sagittaire ou du dragon peuvent à mon sens être comparées à celle de la patte de la Bête du Gévaudan. En effet, même si elles ne sont pas orientées de la même façon, on y retrouve bien trois « doigts » allongés et munis de griffes. Si cette manière d'illustrer les attributs d'animaux fabuleux est remarquable par le fait qu'elle semble indiquer une sorte de récurrence des modes de représentation, 396 elle ne l'est pas moins du fait de ce qu'elle représente. Si l'on s'attache à la première image, nous avons à faire à un Sagittaire. Souvent assimilé au Centaure 397, il fait partie d'une mythologie qui prédate la chrétienté. Issu de l'imaginaire de la Grèce antique, cet être vivait, disait-on sur le mont Helicon 398, en compagnie des muses 399.

Tirée du « Livre d'heures d'Amherst » 400, un ouvrage XVè siècle, la deuxième image nous vient des Pays-bas. Mettant en scène sainte Marguerite aux prises avec un dragon, ce dernier symbolise ici l'image du mal 401. Créature mythique s'il en est, on le considère au Moyen Âge comme un animal céleste, aquatique, terrestre, voire souterrain. Si l'on retrouve le Sagittaire chez les Hébreux 402, les Syriens 403 et même en Inde où il porte un nom différent selon les langues pratiquées 404, l'origine du dragon, elle, ne semble pas être délimitée géographiquement. On trouve des représentations de cette figure imaginaire en Chine, dans des monuments funéraires 405 du

396 Il faut ici noter que les dragons peuvent être représentés de manières différentes. Par exemple, on trouve des dragons à quatre griffes, à cinq griffes ou qui possèdent des attributs différents selon les époques, les religions ou les territoires. Cependant, le dragon à trois griffes semble être assez fréquent pour que l'on puisse y déceler une sorte d'habitude de représentation. Si cela n'est pas un début de standardisation des formes, on peut tout du moins remarquer une récurrence, ceci indépendamment des époques et des continents. (ALPHA, 1968).

397 Le Sagittaire est une créature mythologique qui est souvent symbolisée par le Centaure. L'animalité et l'attachement au monde matériel de l'homme est représentée par la partie animal du Centaure ( le cheval, partie inférieure ), tandis que la spiritualité trouve son expression à travers sa partie humaine ( le tronc et la tête humaine, partie supérieure). Muni d'un arc, le Centaure décoche des flèches, qui, selon l'interprétation des spécialistes, représentent la « rapidité de son esprit ». (ANEAU, 2000 : 363)

398 Le mont Hélicon était du temps de la Grèce antique considéré comme une montagne divine. Pégase y aurait d'un coup de sabot fait jaillir la source Hippocrène. (CROUZET, 1963)

399 Les muses sont les filles de Zeus. Elles auraient, selon la mythologie grecque, vécu sur le mont Parnasse et le mont Hélicon. Les muses symbolisent les qualités requises pour la pratique des arts. Elles sont au nombre de neuf : « lio », « Thalia »,« Calliope »,« Uranie »,« Polymnie »,« Erato »,« Terpsichore », « Euterpe » et « Melpomène ». (ALPHA, 1968).

400 Le livre d'heures est à la fin de la période médiévale, un livre de prières destiné à la pratique personnelle de la religion. Personnalisés et enluminés à la demande des acquéreurs les plus fortunés, les livres d'heures sont quelquefois de véritables oeuvres d'art. (ALPHA, 1968).

401 Souvent considéré comme une créature maléfique, le dragon peut aussi représenter le bien. On le retrouve dans différents récits sous la forme d'une jeune vierge ou du gardien d'un trésor localisé dans une caverne (voir le mythe du jardin des Hespérides ou celui de la Toison d'or). Dans la mythologie chrétienne, précisément l'Apocalypse, il symbolise le mal vaincu par les anges au cours de l'ultime combat eschatologique. (BULOZ, 1866).

402 Pour les Hébreux, le Sagittaire se nomme « Kescheth » (ALPHA, 1968).

403 Chez les Syriens, il porte le nom de « Kestho » (ALPHA, 1968).

404 En pelhvi le Sagittaire est nommé « Vismap », en brame « Dhanoussou », (ALPHA, 1968).

405 ONIANS John, The atlas of world Art, Blume, 2005. p.46.

95

néolithique 406, dans la mythologie nordique 407, dans les mythes des sociétés grecques 408 et sur la porte d'Ishtar, une des huit portes de Babylone 409.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry