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Ethnicité et pouvoir politique en côte d'Ivoire.

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par Harkité Hippolyte SIB
Université Générale Lansana Conte/Conakry - Master II 2015
  

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SECTION II : L'APPROCHE ETHNOCRATIQUE

L'ethnocratie est la gestion de l'Etat par l'ethnie au pouvoir au détriment des autres ethnies du pays. L'ethnie étant un construit social. Cette théorie admet que les politiciens s'appuient sur leur appartenance culturelle voir ethnique pour obtenir des votes. L'ethnocratie peut être assimilé à une dérive de la monarchie dans la mesure ou le pouvoir est transmis de père en fils ou encor à l'intérieure d'une même ethnie. Parlant des causes des violences ethniques contemporaines dans l'Afrique des Grands Lacs, suivant une analyse historique et sociopolitique Joseph Gahama (2006 ; 25) perçoit la chute de Mobutu au Congo en 1996 comme un mobile d'ethnocratie contrairement aux idées largement propagées par les médias à sensation. Pour lui :

L'ethnocratie ne relève pas simplement des antagonismes ancestraux qui surgissent périodiquement. Elle est une cause facilement identifiables qui s'enracine dans un passé relativement récent. Cependant, elle conduit à un constat amer : les élites successives qui ont dirigé la région des Grands Lacs depuis les indépendances ont choisi délibérément d'accentuer les clivages ethniques des pays concernés, de marginaliser et d'exclure après avoir déshumanisé ceux qui n'étaient pas au pouvoir en légitiment le recours à la violence ethnique.

En s'appuyant sur l'ethnocratie du Rwanda, du Burundi et de l'Est de la République Démocratique du Congo, Joseph Gahama attribut la hiérarchisation des ethnies à la colonisation qui a, par la suite aboutit à l'ethnocratie. Pour lui, les ethnies de l'Afrique centrale vivaient en parfaite cohésion dans des entités monarchiques stables avant l'arrivée des colons Allemands et Belges. C'est face à la marginalisation et la répression de certaines ethnies que s'est développée l'ethnocratie qui a engendré des départs en exil de milliers de personnes, une insécurité généralisée, un marasme économique et un mauvais environnement sous-régional.

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Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire.
SIB Harkité Hippolyte. hyppolytesib@gmail.com . Année académique 2013-2015.

Ainsi, l'oeuvre de L. Seligman, Races of Africa, paru à Londres en 1930 et réédité jusque récemment pour l'Afrique britannique, les écrits de A. Moeller pour l'Est de la République Démocratique du Congo ou ceux de P. Ryckmans, de Mgr L. Classe, de L. De Lacger, démontrent aussi que les causes lointaines de l'ethnocratie contemporaine sont à chercher davantage dans la politique de manipulation des ethnies par le pouvoir colonial, qu'il soit allemand, belge ou britannique. Selon la théorie des invasions successives préconisées par l'explorateur John Speke en 1863 dans le cadre du mythe hamitique, les administrateurs coloniaux, appuyés fortement par les missionnaires en majorité catholiques, classèrent les populations de manière très hiérarchisées en Hamites, en Bantous et en Pygmées.

Les populations furent décrites sur le plan physique de manière caricaturale. Les Hamites dont les représentants seraient les Tutsi du Rwanda et du Burundi, ainsi que les Hima du Nkore, du Karagwe et du Buhaya furent perçus comme une race de géants aux allures aristocratiques, tandis que les Hutu, les Bairu, les Baganda, les Bashi et les Bahavu, d'appartenance au groupe Bantu étaient décrits comme des gens trapus, aux cheveux crépus, aux nez épatés.

Les Twa pygmoïdes étaient qualifiés de « grotesques petites créatures », faisant partie d'une race vieille et fatiguée, vouée à la disparition. Ces descriptions furent à l'origine des études scientifiques anthropomorphiques effectuées par G. Gerkens et J. Hiernaux dans les années 1930 au Rwanda et au Burundi. Ils procédèrent aux mensurations des « échantillons » des diverses composantes ethniques que l'administration coloniale avait eu le soin de leur présenter. Il en résulta des stéréotypes centrés sur la beauté avec la mise en exergue de la prestance, de la finesse des traits et de l'élégance des uns par rapport aux autres.

Cela fut repris systématiquement par tous les travaux ultérieurs. Pi encore, le regard colonial et missionnaire porta sur les ethnies des jugements moraux globalisants. Aussi, par exemple, les Tutsi étaient-ils considérés comme intelligents, doués d'aptitude au commandement, dès lors que les Hutu étaient moins malins, ils s'étaient laissés naturellement asservir. De ce fait, la nouvelle élite grandit, en se nourrissant du mythe hamitique qui créa chez les uns un complexe de supériorité et chez les autres un complexe d'infériorité.

À partir de la deuxième moitié des années 1950, le discours colonial opéra un extraordinaire retournement. Les Tutsi n'étaient plus les « bons auxiliaires » dont pouvait se passer le pouvoir colonial, mais devenaient des « envahisseurs hamites » venus coloniser les Hutu. Lorsque le vent du nationalisme commença à souffler à la veille des années 1960, la Belgique en étroite collaboration avec l'Église catholique changea de stratégie. Elle prit l'option de s'appuyer cette fois-ci sur « le brave peuple hutu », victime, selon elle, des exactions des « Tutsi féodaux ».

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Ces derniers devaient ainsi endosser les responsabilités des erreurs commises par l'administration coloniale. L'action des élites politiques africaines Les violences actuelles sont également imputables aux élites politiques qui se sont succédé à la tête des États postcoloniaux de la région des Grands Lacs. Cette ethnocratie a engendré des politiques divisionnistes basées sur l'idéologie du génocide, de la haine et de l'exclusion.

Dans la pratique de l'ethnocratie, les grands services, la direction du pays sont répartis selon des considérations ethniques et régionales. Pour Barancira (1994 ; 38), l'instauration du Parti unique, des régimes militaires autoritaires dès l'indépendance constituent des facteurs qui ont favorisés l'ethnocratie. Il énumère le pouvoir ethnocratique de Mobutu au Congo, Habyarimana au Rwanda, Micombero et Bagaza au Burundi, Amin en Ouganda. Il affirme ainsi que : « Les dictatures durant lesquelles l'ethnocratie prit une très grande ampleur ».

Outre la dictature et le mauvais leadership. Les grandes décisions politiques sont toujours prises par une poignée de personnes du même groupe ethnique qui s'approprient tous les pouvoirs, qui les gardent jalousement et qui excluent les autres citoyens de la participation dans la direction du pays. Lorsque le pouvoir politique est la source essentielle des revenus, la lutte pour y accéder peut devenir une question de vie ou de mort.

Ainsi, l'ethnocratie est une pratique politique qui exclue d'autres ethnies. C'est le cas des ressortissants des anciennes préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri sous Habyarimana au Rwanda ou des élites Tutsi des provinces du sud du Burundi sous Micombero, Bagaza et Buyoya on refuser la citoyenneté à des groupes ethniques considérés comme étrangers dans leur propre pays. Un bel exemple nous est offert par les Banyamulenge dont on dit qu'ils ont une « nationalité congolaise douteuse ».

Chrétien, (1991 ; 37) montre dans son oeuvre « les racines de la violence contemporaine en Afrique » que :

dans l'ethnocratie les facteurs psychologiques des causes politiques et économiques qu'on peut qualifier d'« objectives » s'entremêlent d'autres facteurs dits « subjectifs » jouent sur le registre psychologique de la manipulation, de la passion, de l'émotion, de la peur, des mécanismes de défense, etc. De ce fait, ils mobilisent des populations entières, alimentent les crises et mènent vers les violences ethniques.

Pourtant chaque violence rappelle la précédente et chaque ethnie ou chaque région reste persuadée qu'elle a le monopole de la souffrance et se voit menacée dans sa survie physique et dans son

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épanouissement. Comme les concepteurs des crimes ne sont jamais identifiés individuellement, c'est tout le groupe qui s'identifie comme victime des violences ou de la répression.

Ainsi une même conduite répréhensible est tantôt acceptée, voire encouragée, tantôt réprimée non pas selon les conséquences de toute la société, mais selon l'ethnie ou la région de la personne qui commet le forfait ou celle de celui qui juge l'acte. Enfin, lorsqu'une des ethnies ou des régions croit avoir mis les autres hors d'état de nuire par leur exclusion ou le massacre d'une partie de leur groupe, quand elle les a sérieusement terrorisées, elle pense ainsi les dominer et jouir d'une paix durable.

Cette illusion de domination va se traduire notamment dans les périodes électorales à travers une propagande raciste et une mobilisation qui confond sciemment compétition électorale et affrontement ethnique ou régional. Ainsi, l'unité nationale, qui est un concept pratique matérialisé par des manifestations concrètes de la vie quotidienne, notamment par des gestes de solidarité, à travers les relations de parenté et de bon voisinage perd tout son sens, dans la mesure où l'ethnocratie a été l'occasion de s'entretuer sur base ethnique et régionale.

Pour Classe L, (1930) il y a dans l'ethnocratie une crise d'identité qui se traduit par l'effritement de la conscience historique d'appartenir à une même nation et par l'ébranlement de la confiance entre les différentes composantes de la société. Actuellement, nombreux sont, particulièrement dans la classe politique, qui prônent et privilégient l'appartenance ethnique ou régionale au dépens de la citoyenneté nationale. Ainsi, l'idéologie de la haine, du génocide et de l'exclusion s'enracine partout.

Dans la région des Grands Lacs, les leaders politiques instrumentalisent les réfugiés à des fins ethnocratiques. Ils utilisent les réfugiés comme une arme redoutable pour déstabiliser leurs pays d'origine. Des rébellions prennent naissance dans d'autres pays et ont parfois réussi à s'emparer du pouvoir après de meurtrières guerres de libération sous fond ethnocratique.

Par contre Bazin et Amselle (1995) rappellent que même si la colonisation a favorisé l'ethnocratie, les leaders politiques ont aussi joué un rôle capital dans son application et son expansion. C. Vidal ajoute qu'i1 n'y avait jamais eu en Afrique une ethnie en soi, mais l'ethnocratie est une production institutionnelle récente qui s'érige dans le nouveau langage du pouvoir. Lonsdale (1964 ; 50) quand à lui affirme que :

L?ethnocratie est une forme de revendication des ethnies africaines(...) de contrôle de leur relation au monde, et même si nécessaire en se renfermant.

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Avec l'indépendance, le calcul électoral, vient aussi récompenser la politisation de l'ethnicité. En entretenant la politique avec les ethnies, avec tous les rites et rituels de la coutume, l'ethnocratie c'est développée. Elle a cristallisé et consacré la légalisation des traditions ethniques. Ntumba (1993 ; 31) dans cette même lancée affirme que :

Le multipartisme aurait eu tendance à s'articuler autour des ethnies et à cristalliser les divisions ethniques. Le pluralisme ethnique ou tribal constituerait ainsi un obstacle aux efforts en vue d'instaurer la paix et de réaliser l'unité nationale. Mais ni le monopartisme, ni le multipartisme n'ont su expurger le fait ethnique de la vie politique africaine. La raison en est simple: l'instrumentalisation des ethnies et tribus pour l'accession au pouvoir et sa conservation. Ainsi, le monopartisme tourne à l'ethnocratie et le multipartisme au multi-ethnisme politique.

Les transitions vers le multipartisme et la démocratie en Afrique s'accompagnent d'une transposition et d'un investissement des forces ethniques dans la fonction partisane et sur l'échiquier électoral. Les élites politiques africaines apparaissent comme "les premiers usagers des ressources ethniques à des fins politiciennes", y recourant pour consolider le statu quo ou pour la conquête du pouvoir.

En République Démocratique du Congo, la loi fondamentale de 1960 et la constitution de 1964 ne consacrent pas un titre spécial au pouvoir traditionnel ou coutumier (Gonidec ; 1996). Cependant, les chefs coutumiers se retrouvent dans la composition du Sénat. Sous la loi fondamentale, les membres du Sénat, élus par les Assemblées Provinciales à raison de quatorze par provinces, doivent comprendre au moins trois chefs coutumiers ou notables (art. 87). La constitution de 1967 disposait que l'un des six sénateurs, représentant chaque province, est un chef coutumier ou un notable élu en cette qualité (art. 75). Une telle disposition sera absente de la Constitution de 1977, mais des chefs coutumiers se retrouveront dans les instances du parti unique (comité central, bureau politique), coiffant ainsi les organes de l'Etat.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery