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La mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef de l'état en droit congolais, en droit français et en droit international.

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par Yves KASHOSI CIRHUZA
Université catholique de Bukavu - Licence 2010
  

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CONCLUSION

Nous voici au terme de notre étude qui a porté sur la mise en oeuvre de la responsabilité pénale du chef de l'Etat en droit congolais et en droit international. Elle s'est articulée autour de la problématique consistant en l'apparente contradiction qui existe entre le droit congolais qui conserve les immunités et privilèges du chef de l'Etat alors que le droit international, particulièrement les règles en rapport avec la Cour pénale internationale les rejette. Pour ce faire, nous nous sommes posé la question de savoir premièrement si cette contradiction serait réductible ; quelle option primerait ; le système de 2006 a-t-il des justifications qui le maintiendraient ? Et deuxièmement, le système de la Cour pénale internationale comporte-t-il contrainte et sanction qui en assureraient l'effectivité et l'efficacité ?

A titre d'hypothèses, nous avons estimé que les théories constitutionnelles justifieraient la protection pénale accordée au chef de l'Etat, protection qui explique les privilèges et immunités en faveur du chef de l'Etat. Mais la réduction de ces privilèges et immunités devrait être envisagée pour faciliter la répression des infractions que pourrait commettre le chef de l'Etat. Les infractions politiques et celles de droit commun seraient de la compétence des organes étatiques de même que celles de droit international qui devraient être incorporées dans l'ordre interne congolais avec lequel il devrait être en harmonie. Tout en conservant la primauté des juridictions nationales sur la juridiction criminelle internationale, la concurrence des compétences en cas de poursuite du chef de l'Etat entre les Etats dont la RDC et la Cour pénale internationale devrait être formalisée. La primauté des juridictions internes devrait être réduite.

L'absence de contrainte et de sanction du système de la Cour pénale internationale fonderait le renforcement de cette juridiction pour son efficacité et son effectivité. On justifie cette faiblesse par la méfiance des Etats vis-à-vis de la Cour pénale internationale. Face à cette situation, la Cour pénale internationale recourt au Conseil de sécurité qui, pour qu'il exerce un véritable pouvoir au dessus des Etats, devrait substantiellement être reformé.

Ainsi pour traiter notre problématique et répondre à nos questions de recherche, nous avons subdivisé notre travail en trois chapitres. En effet, dans le premier chapitre, nous découvrons que le chef de l'Etat bénéficie d'une protection accordée par le droit constitutionnel. Il peut s'agir d'abord des immunités pouvant aboutir à l'inviolabilité et /ou à l'irresponsabilité du chef de l'Etat, et ensuite des privilèges en sa faveur.

Dans le deuxième chapitre, il ressort de l'analyse de la Constitution de 2006, spécialement en ses articles 164 à 167 que le chef de l'Etat engage sa responsabilité pénale devant la Cour constitutionnelle qui est compétente à la fois pour les infractions politiques de haute trahison, d'atteinte à l'honneur ou à la probité et de délit d'initié mais également pour toutes les autres infractions de droit commun commises dans l'exercice de ses fonctions. Seulement, le chef de l'Etat bénéficie de la suspension des poursuites contre lui pour les infractions commises en dehors de l'exercice de ses fonctions. Néanmoins, la compétence de la Cour constitutionnelle ne s'exercerait pas au regard du principe nullum crimen, nulla poena, nullum judicium sine lege. En effet, en même temps que la procédure de répression du chef de l'Etat n'a pas été prévue devant la Cour constitutionnelle alors qu'elle devrait être déterminée par une loi organique, les infractions politiques ci-haut citées n'ont pas été définies en même temps que les peines n'ont pas été déterminées. Ces qualifications resteront lettre morte.

Ce qui précède révèle que la Constitution de 2006 n'accorde au chef de l'Etat aucune immunité de fond mais simplement un privilège de juridiction. Mais il demeure qu'au regard de sa composition, la Cour constitutionnelle est un organe mi-politique et mi-juridictionnel. Cette composition fonde notre réserve sur l'indépendance et la neutralité d'une telle institution.

La mise en oeuvre de la responsabilité pénale internationale du chef de l'Etat est également envisageable en droit congolais et est rendue possible devant les juridictions militaires étant donné que le Code pénal militaire, en ses articles 164 à 175, prévoit et réprime les infractions de droit international (crime de génocide, crimes contre l'humanité et crime de guerre). Néanmoins, la compétence des juridictions militaires reste critiquable. En effet, les crimes internationaux de la compétence des juridictions militaires ne correspondent pas quant à leurs définitions au Statut de Rome, en même temps que leur régime répressif n'est pas conforme au Traité de Rome. Pour conformer le droit pénal congolais au Statut de Rome, nous avons vu qu'une loi de mise en oeuvre du Statut de Rome devrait modifier le Code pénal, le Code de procédure pénale, le Code de l'organisation et de la compétence judiciaires, le Code pénal militaire et le Code judiciaire Militaire. En même temps, les qualifications de crime de génocide, des crimes contre l'humanité et de crime de guerre ainsi que leurs régimes répressifs doivent se conformer au Statut de Rome.

Les dispositions du traité de Rome ont, cependant, fait l'objet d'application directe dans l'ordre juridique interne congolais par le tribunal militaire de garnison de Mbandaka dans l'affaire Songo Mboyo alors qu'au regard de la désharmonie entre le droit interne et le Statut de Rome, ce dernier devrait faire l'objet de l'application indirecte qui suppose que le législateur adapte d'abord sa législation interne aux dispositions du traité international avant que ce dernier ne s'applique au niveau interne. Pour appliquer directement le Statut de Rome, le tribunal militaire de garnison de Mbandaka s'est fondé sur l'article 215 de la Constitution en vertu duquel les traités internationaux ont une valeur supérieure à celle des lois au mépris de la condition posée par cet article. En réalité, selon l'article 215 précité, pour qu'un accord ou un traité international ait force supérieure à celle des lois, il faut qu'il soit publié au journal officiel. Pourtant le traité de Rome ou au moins l'acte le ratifiant n'a pas été appliqué suivant cette condition. De ce fait, le fondement du jugement de Mbandaka dans l'affaire Songo Mboyo est anticonstitutionnel.

Bien que la Cour constitutionnelle et les juridictions militaires puissent avoir un rôle important à jouer dans la répression pénale du chef de l'Etat, le Parquet près la Cour constitutionnelle ainsi que l'Auditorat des juridictions militaires risqueraient de ne pas

bénéficier de toute l'indépendance dans l'exercice de leurs fonctions répressives étant donné leur suppression par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 dans l'énumération des titulaires du pouvoir judiciaire.

A l'instar de la Constitution congolaise actuelle, celle française de 1958 consacre aussi la responsabilité pénale du chef de l'Etat dont la mise en oeuvre est assurée en France par la Haute Cour de justice. Dans les deux Constitutions, congolaise et française, le chef de l'Etat répond devant une juridiction particulière, bénéficiant de ce fait, d'un privilège de juridiction. Devant la Haute Cour, les règles de procédure dans laquelle interviennent une commission d'instruction, un Ministère public et un greffier, de même celles en rapport avec le déroulement du procès ont été prévues de manière claire. Ceci n'est pas le cas pour la Constitution de la RD Congo.

Quand au fond, la Constitution française de 1958 n'évoque la responsabilité pénale pour le chef de l'Etat qu'en cas de haute trahison. Les actes qu'il accomplit en qualité de chef de l'Etat sont soumis au régime de l'irresponsabilité alors que pour ceux qui sont détachables de sa fonction, le chef de l'Etat bénéficie soit d'un privilège de juridiction, soit d'une immunité temporaire. La Constitution congolaise est très claire et rigoureuse étant donné qu'elle rend le chef de l'Etat responsable à la fois pour les infractions politiques de haute trahison, d'atteinte à l'honneur ou à la probité et de délit d'initié et pour toutes les autres infractions de droit commun commises dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.

Mais si l'application du traité de Rome a été faite directement dans le droit interne congolais malgré l'absence d'harmonie entre le système de 2006 et celui de la Cour pénale internationale, il n'en est pas ainsi en droit français. En effet, en France, le traité de Rome ne pouvait être appliqué directement qu'après avoir été harmonisé avec le droit interne avec lequel il était en contradiction. C'est ainsi que le Conseil constitutionnel français, agissant sur base de contrôle de conventionalité, avait autorisé la révision de la Constitution française de 1958 après avoir constaté que cette dernière paraissait, sur le régime pénal du chef de l'Etat, contradictoire avec les dispositions de la Cour pénale internationale. Selon le Conseil constitutionnel « ...la compétence de la Cour pénale internationale n'était pas compatible avec le régime pénal du chef de l'Etat »257(*). Bien que cette décision du Conseil constitutionnel française n'a pas débouché sur une loi qui résoud la contradiction ou l'incompatibilité entre le droit français et le traité de Rome sur le régime pénal du chef de l'Etat, elle constitue néanmoins un exemple pertinent et relevant.

Les éléments développés dans ces chapitres nous ont conduit à la construction des réponses aux questions suscitées par notre thématique. En effet, pour ce qui est de notre première question, il ressort des résultats de nos recherches que le système de 2006 tire la justification de la protection pénale accordée au chef de l'Etat dans les théories constitutionnelles qui reconnaissent aux titulaires d'un mandat ou d'une fonction politique, en l'occurrence le chef de l'Etat, une protection fonctionnelle. C'est ainsi que la Constitution de 2006 accorde au chef de l'Etat une fonction représentative, symbolique de la Nation, de garantir le respect de la Constitution et d'arbitrage de sorte qu'il est « devenu la "clé de voûte des institutions dont la primauté est assurée tant par son origine que par la mission qui lui est confiée ou les pouvoirs qui lui sont attribués ;... »258(*). Il est donc clair que le fondement juridique du chef de l'Etat et le contenu de sa fonction justifient le fait que le système de 2006 lui accorde l'inviolabilité pour les infractions commises en dehors de l'exercice de sa fonction en même temps que le chef de l'Etat demeure responsable à la fois pour les infractions politiques que pour celles de droit commun ; qu'elles soient commises dans ou à l'occasion de sa fonction. Pour ces deux dernières catégories, le chef de l'Etat bénéficie du privilège des juridictions.

Pour ce qui est de la réduction de la contradiction entre la Constitution de 2006 et le Statut de Rome, disons que les organes étatiques ont la responsabilité première dans la poursuite et la répression de tous les crimes, quelle que soit leur nature. Ainsi, les infractions politiques de droit commun du chef de l'Etat sont de la compétence exclusive des organes internes. Mais s'agissant de la répression des crimes internationaux ; - et donc ceux de la compétence de la Cour pénale internationale, les règles en rapport avec leur poursuite et leur répression doivent faire l'objet d'incorporation dans le droit interne congolais avec lequel elles doivent être en harmonie. Pour qu'il en soit ainsi, d'abord l'adaptation de notre droit pénal interne par rapport aux dispositions de la Cour pénale internationale s'impose et elle devra se faire par une loi d'adaptation. Ensuite, le régime pénal du chef de l'Etat tel que posé dans la Constitution de 2006 devrait se conformer au Statut de Rome. En effet, l'article 167, alinéa 2 de la Constitution de la RD Congo pourrait faire échapper le chef de l'Etat à certaines poursuites qui peuvent pourtant rentrer dans la compétence de la Cour pénale internationale dans la mesure où cette Constitution suspend les poursuites contre le chef de l'Etat pour les infractions commises en dehors de l'exercice de ses fonctions alors que le traité de Rome spécialement à son article 27, point 2 exclut tout privilège qu'accorderait le droit interne afin de lutter contre l'impunité.

Nous affirmons que l'option du système de 2006 primerait sur celle de la Cour pénale internationale étant donné que c'est aux juridictions internes qu'il revient premièrement de réprimer toute infraction. La recherche menée dans ce travail démontre que si cette primauté est radicale pour ce qui est des infractions politiques et celles de droit commun, la nature des crimes internationaux justifie la réduction de la primauté des juridictions internes au profit de la Cour pénale internationale étant donné que les Etats ne se montrent pas disposés à coopérer avec la Cour pénale internationale, brandissant leur souveraineté. L'examen de l'affaire Omar El-Béchir s'est révélé pertinent sur ce point. En réalité, les règles interdisant et sanctionnant la commission des infractions graves de droit international étant considérées comme jus cogens, toute la communauté internationale a l'obligation de prêter main forte à la Cour pénale internationale.

S'agissant de la deuxième hypothèse, nous avons trouvé que le système de la Cour pénale internationale comporte contrainte et sanction mais souffre d'inefficacité et d'inaffectivité. En effet, dans la répression et la poursuite du chef de l'Etat, la Cour pénale internationale compte sur la bonne foi des Etats parties et non parties dans la coopération avec cette juridiction criminelle internationale. Pourtant, la Cour pénale internationale se voit affaiblie, comme le démontre l'analyse faite dans ce travail sur l'affaire El-Béchir, par la souveraineté reconnue aux Etats, avec comme conséquence, la subsidiarité de la Cour pénale internationale.

Pour surmonter les faiblesses du système de la Cour pénale internationale, la théorie de la souveraineté telle que conçue actuellement ainsi que le système de la Cour pénale internationale doivent être repensés. En réalité, l'on ne saurait guère affirmer une souveraineté absolue des Etats au regard de la nature des crimes internationaux que peut commettre le chef de l'Etat. Ainsi, une réduction de la souveraineté des Etats devra être envisagée par le concours des compétences entre la Cour pénale internationale et tous les Etats. En outre, au regard du rôle majeur que joue le Conseil de sécurité sur le fonctionnement de la Cour pénale internationale, il doit exercer un véritable pouvoir au dessus des Etats. Pour cela, des reformes sur le plan institutionnel doivent être envisagées étant donné que les règles régissant le fonctionnement et l'organisation de cet organe des Nations Unies ne lui permettent pas d'être dans bien des cas efficace et effectif. Pour cela, il faudrait augmenter le nombre des membres permanents selon le critère de la représentation géographique équitable afin d'assurer une meilleure prise en considération des points de vue et une plus grande influence des décisions mieux enracinées. Aussi, il faudrait supprimer le droit de véto dès lors que ce dernier paraît critiquable, que l'on se place sur le terrain de l'efficacité ou sur celui de la représentativité. En même temps, le Conseil de sécurité doit bénéficier de l'indépendance possible, excluant de ce fait, toute interférence ou ingérence dans l'action de la justice.

En somme, par le processus de notre réflexion et le développement théorique effectué dans ce travail, nous avons proposé un modèle de justice qui assurerait la répression et la poursuite du chef de l'Etat, réduisant ainsi la possibilité d'impunité. Mais il ne s'agit ici que des solutions théoriques. En effet, si théoriquement l'on envisagerait une justice nationale et internationale forte et en harmonie, et à même de poursuivre, et éventuellement de condamner le chef de l'Etat en fonction sans aucune possibilité d'impunité, pratiquement cela serait difficilement réalisable comme le démontre ce travail.

Nous ne pouvons pas prétendre avoir épuisé, dans le cadre de cette étude, toutes les questions relatives à notre thématique. Nous ne pouvons non plus affirmer avoir apporté des solutions dogmatiques à la problématique soulevée par le sujet de ce travail. Puisse notre postérité suppléer à cette oeuvre ! Puisse enfin les futurs chercheurs combler nos lacunes en abordant les questions qui n'ont pas été développées.

* 257 Site Internet de la faculté de droit virtuel université Lyon 3 : suel.univ-lyon3.fr/ressources/category/12?download=284, (consulté le 25/01/2012).

* 258 Dominique TURQUIN, Droit constitutionnel, PUF, Paris, 1992, p. 343.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon