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Le processus démocratique du benin 1990-2006


par Marius Bly
Université Felix Houphouët Boigny - Master 2 Histoire 2019
  

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Chapitre 1 : un contexte international marqué par le vent de l'Est15

Le contexte international de la fin des années 1980 conduit mieux comprendre la pression sur les épaules de Kérékou et du Benin. Durant cette période les compères idéologiques font face à de profondes mutation causées par la nouvelle orientation du communisme. Cette politique d'ouverture communiste favorise la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. C'est le début d'un bouleversement en Allemagne et en Europe qui suscite l'envie d'une ère démocratique dans de nombreux pays. Ce chapitre évoque la nouvelle politique communiste et ses conséquences en Europe.

I. La nouvelle politique soviétique et la chute du mur

La situation politique, sociale et économique en URSS16, impose au PCUS de mettre en scène la nouvelle stratégie politique. Et l'arrivée de nouveau dirigeant comme Gorbatchev est l'occasion d'expérimenter les réformes envisagées. Celles-ci impactent l'Allemagne et sa capitale.

1. La nouvelle vision soviétique à partir de 1985

L'élection de Mikhaïl Gorbatchev17, le 11 mars 1985, au poste de secrétaire général du PCUS, ouvre une période au cours de laquelle, de réforme en réforme, d'emballement en emballement, le projet gorbatchévien originel, qui n'avait que pour but que de rendre plus efficient le système soviétique existant, d'améliorer le fonctionnement du système et, par-là, d'améliorer la qualité de vie des Soviétiques. Son programme s'appuyait sur trois mots d'ordre : l'uskorenie (accélération), la glasnost (transparence) et la perestroïka (restructuration).

La uskorenie visait l'accélération de la croissance économique. À cette fin, il fallait mettre en oeuvre des réformes économiques orientées vers une coordination par le marché. Mais, dans la

15 Expression qui désigne la vague de démocratie qui a soufflé à la suite de la chute du mur de Berlin

16 L'Union soviétique des années post-brejnéviennes avait subi une mutation morale, un pessimisme systémique qui signifiait la remise en cause de la suprématie du système socialiste sur celui capitaliste.

17 Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev ou Gorbatchov, est un homme d'État soviétique et russe qui dirigea l'URSS entre 1985 et 1991. Il sera le septième et dernier secrétaire général du Comité central du PCUS, dans l'histoire de l'URSS. Rappelons qu'il fut précédé par Vladimir Lénine (1917?1924), Iossif Staline (1924?1953), Nikita Khrouchtchev (1953?1964), Léonid Brejnev (1964?1982), Jourij Andropov (de novembre 1982 à février 1984), Konstantin Tchernenko (de février 1984 à mars 1985).

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fièvre des réformes, le mot fut vite oublié. La glasnost18 (transparence) visait l'ouverture des débats publics sur des problèmes sociaux, moraux, économiques et politiques, caractéristiques de l'ensemble du système soviétique. La perestroïka19 qui signifie « reconstruction ». Gorbatchev (1987, p. 9) l'avait définie comme une politique dont le but fut « d'activer les progrès sociaux et économiques du pays et de créer un renouveau dans toutes les sphères de la vie ». La perestroïka comporta deux volets : l'un socio-politique et l'autre économique et fut donc synonyme d'un ébranlement du système soviétique dans son intégralité.

Durant ce bref laps de temps, c'est une immense révolution idéologique, politique, diplomatique, économique et sociale qui bouleverse de fond en comble non seulement l'ensemble des structures étatiques et économiques, mais aussi l'ordre européen et mondial qui semblait, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, figé en un antagonisme irréductible entre deux blocs. La réforme impulsée, à partir de 1985-1986, par la nouvelle équipe en place n'était nullement le fruit d'une génération spontanée. Les principales orientations de la pérestroïka et du Glasnost avaient été abondamment discutées d'abord dans des cercles « informels », puis au sein même des instances dirigeantes du parti.

Ceux qui, en mars 1985, prirent les commandes de l'État et du parti ne pouvaient ignorer l'état de crise avancée de l'économie soviétique et l'affaiblissement politique qui en résultait pour le pays sur la scène internationale. L'ampleur de la crise, sa nature même rendaient indispensable un véritable sursaut national. Après deux années, l'immobilisme politique est marqué par d'importantes mutations sociales largement ignorées par le pouvoir, les enjeux étaient autrement plus vastes : il ne s'agissait pas moins que de changer le mode de régulation économique, de relever le défi extérieur, de libérer l'économie et la société.

L'appel aux réformes déclencha une dynamique, faite de résistances et de débordements, qui allaient contraindre Mikhaïl Gorbatchev à adapter sans cesse son programme aux exigences et aux rythmes d'un mouvement résultant d'une dialectique des réformes et d'une contestation sociale et nationale stimulée par la libération de la parole.

18 La traduction française littérale de « glasnost » serait « publicité » C'est la portée politique du terme - rendre publique l'information sur les actes de l'État - qui le rendrait équivalent de celui de « transparence ». Selon la même source, les origines du terme russe, avec le sens que l'on connait, remontent au xixe siècle, aux discours des opposants du régime tsariste. Quant à l'usage du mot en Moldavie, il y fut initialement traduit par « publicité » et ensuite remplacé par « transparence »

19 Crosnier, Gueit & Tinguy, Pour une chronologie de la perestroïka, en URSS, de 1985 à 1991, , 1993, p. 153

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En visite en Tchécoslovaquie20 en 1987, Gorbatchev expose sa vision d'une «maison commune européenne». S'il estime que c'est ensemble collectivement que les Européens pourront sauver leur maison. Il admet que chaque nation peut «vivre sa propre vie, suivre ses propres traditions». En 1988, il précise, devant l'ONU, que la liberté de choix doit être reconnue aux peuples. Ce changement de doctrine débouche sur l'émancipation de l'Europe de l'Est. Il abandonne donc la «doctrine de souveraineté limitée» énoncée par Brejnev et souhaite l'installation dans les démocraties populaires de gouvernements réformateurs acquis à ses idées. Il annonce la réduction des forces armées soviétiques en RDA, Hongrie et Tchécoslovaquie. Il affirme par ailleurs l'universalité du principe de l'autodétermination des peuples. L'URSS renonce donc ainsi à imposer par la force à d'autres nations sa propre forme de gouvernement. Il veut aussi donner des gages à l'Occident dont il attend un soutien politique et une aide financière : l'Armée rouge assiste donc sans sortir de ses casernes au grand chambardement de 1989.

Il faut noter que les nouvelles politiques visent à démocratiser le régime par des élections libres, le multipartisme et l'affirmation des libertés, mais aussi à mettre en place un semblant d'économie de marché. Il suscite un brusque réveil des populations. Les manifestations de masse qui secouent les différents pays expriment la soif de liberté mais plus encore le rejet d'un système économique qui contraste avec les images d'abondances occidentale transmises par les médias.

2. L'Allemagne, la chute du mur 09 novembre 198921

L'ouverture du mur de Berlin marque la décrysptations des relation européenne Est-Ouest et la possible réunification de l'Allemagne. Le 9 novembre, Günter Shabowski22, secrétaire du Comité central de la SED, annonce lors d'une conférence de presse que tous les citoyens de la RDA peuvent voyager à l'étranger « sans aucune condition particulière ». Cette déclaration est retransmise à la télévision. Aussitôt, les Berlinois se précipitent vers les postes-

20 Tchécoslovaquie est un territoire occupé par les soviétique de 1968 à 1991

21 Pendant la nuit du 12 au 13 août 1961, les soldats de l'Allemagne de l'Est et les Soviétiques construisent un « mur » à la limite des deux parties de la ville Berlin afin de stopper la fuite des Est-Berlinois vers l'Ouest. Il était souvent surnommé le mur de la honte. Il était destiné à interdire le passage des Berlinois de l'Est vers l'ouest de Berlin. Il fut construit en 1961 et détruit en 1989. La partie occidentale de Berlin était entourée d'un rideau de fer, qui l'isolait du territoire de la RDA ou DDR (Deutsche Demokratische Republik, ou en français: République Démocratique Allemande). Le mur était très long : 155 kilomètres.

22 Günter Schabowski, est un journaliste et homme politique allemand. Il a été membre du Politbüro du Comité central du Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED), le parti dirigeant de la RDA.

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frontière pour aller à l'Ouest. Les gardes-frontière sont rapidement totalement submergés ; ils reçoivent l'ordre de laisser passer à l'Ouest toute personne munie d'une pièce d'identité. Des milliers de Berlinois de l'Est et d'Allemands de l'Est qui passent la frontière cette nuit-là font spontanément la fête avec les Allemands de l'Ouest qui les accueillent avec enthousiasme.

Le 10 novembre 1989, Willy Brandt, l'ancien chancelier de la RFA qui avait assisté à la construction du mur comme bourgmestre de Berlin-Ouest, déclare devant l'hôtel de ville : « La division de l'Europe, de l'Allemagne et de Berlin s'est créée à cause de la guerre et de la désunion des forces victorieuses. Maintenant s'unit ce qui appartient l'un à l'autre. Maintenant, nous le constatons [..] : les diverses parties de l'Europe s'unissent. »23

Le symbole de la guerre froide disparaît. C'est ce qu'ont bien compris les télévisions du monde entier qui viennent à Berlin pour immortaliser l'événement. La chute du mur de Berlin aura pour conséquence l'effondrement de la RDA. La population se met immédiatement à détruire le mur, s'y attaquant avec marteaux et burins. En décembre 1989, le ministère des Affaires étrangères de la RDA stoppe officiellement le renforcement du mur et des installations frontalières interallemandes. Dès le 29 décembre 1989, le gouvernement intérimaire de la RDA décide la destruction du mur, qui s'achèvera le 30 novembre 1990.

Cette situation en Allemagne suscite aussi la réunification politique du pays. L'effondrement rapide du régime communiste en Allemagne de l'Est est inattendu. Alors que le régime se libéralise sous l'impulsion des réformes de Mikhaïl Gorbatchev en URSS et que des mouvements d'opposition grandissent dans les démocraties populaires, la position du communisme en RDA apparaît solide. Les dirigeants se refusent à toute évolution. Malgré l'emprise de la police secrète, un courant de contestation se développe, avec l'appui des Églises protestantes. Parti de Leipzig, un mouvement de protestation contre le régime policier (les « prières du lundi ») s'étend dans le pays. Au cours de grandes manifestations, les Allemands de l'Est réclament la démocratisation véritable du régime avec comme préalable la liberté d'expression et de réunion. La population manifeste également en faveur de l'unité allemande.

Gorbatchev incite le gouvernement Est-allemand d'Erich Honecker24 à faire des réformes. Honecker s'y refuse. Il est remplacé le 18 octobre à la tête du parti communiste par Egon Krenz.

23 Discours de Willy Brandt à l'occasion de la chute du mur de Berlin, in www.lefigaro.fr

24 Ancien dirigeant de la République démocratique allemande, est un homme politique allemand, principal dirigeant de l'Allemagne de l'Est de 1971 à 1989. Il occupa les postes de secrétaire général du Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED) ainsi que de président du Conseil d'État et de responsable du Conseil de défense nationale

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Toujours avec l'accord de Moscou, Hans Modrow, favorable aux réformes, devient chef du gouvernement. Mais les nouveaux dirigeants sont hués par la foule à Berlin-Est le 4 novembre, ce qui les conduit à provoquer l'ouverture du mur. Suite aux manifestations de novembre, les dirigeants est-allemands promettent des élections « libres et secrètes » le 10 novembre1989.

Il faut noter que cette situation en Allemagne montre la fin des régimes autoritaires. La chute du mur et les manifestations pour la démocratisation du pays sont médiatisé en vue de provoquer un effet Boomerang.

Retenons que les régimes autoritaires sont abandonnés par la nouvelle politique menée par l'URSS et la chute du mur de Berlin. Le 9 novembre 1989, l'ouverture du mur de Berlin apparaît comme un moment majeur de l'histoire du XXe siècle. Il conduit à la disparition du « rideau de fer » qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et durant toute la période de la guerre froide, sépare l'Europe en deux blocs. La fin de plus de quarante années d'affrontement Est-Ouest conduit à une recomposition de l'espace européen qui permet la réunification de l'Allemagne, l'affranchissement de la tutelle soviétique des démocraties populaires d'Europe centrale et orientale.

II. 1989, l'année de la révolution en Europe de l'Est25 et en Afrique

Les jours qui suivent la chute du mur, sont beaucoup agités en Europe de l'Est. Il souffle un vent de révolution dans la majorité des pays de la région.

1. En Europe de l'Est

L'année 1989 sera riche en promesse, en espoir et en changements pour les pays d'Europe de l'Est. Les gouvernements en place ont compris qu'ils allaient devoir lâcher du lest. Les premières élections libres ont lieu dans de nombreux pays de l'Est, URSS comprise. Malgré l'ampleur de la contestation, des manifestations, des grèves, Gorbatchev refuse le recours à la répression et l'emploi des tanks. Des accords de démilitarisation de l'Europe de l'Est sont signés, les troupes soviétiques se retirent.

25 Ce terme désigne les pays sous domination communiste. Ils sont majoritairement proche de l'URSS qui est situé en Europe de l'Est.

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En République populaire de Hongrie, le parti au pouvoir, sous l'impulsion de Myklos Németh26, accepte le principe du multipartisme dès février 1989. En juin, Imre Nagy et les protagonistes de l'insurrection de Budapest sont réhabilités. Le 7 décembre 1988, à la tribune de l'ONU, Mikhaïl Gorbatchev fait une déclaration solennelle par laquelle il est favorable à la « souveraineté partielle des pays soviétiques ». C'est en Hongrie que débute, en mai 1989, le processus de démantèlement du glacis soviétique. La démocratie populaire est abolie par le parti communiste qui se transforme en parti socialiste. En 1989, pour la première fois, un parti communiste au pouvoir proclame sa dissolution. Il se présente aux premières élections libres organisées en mars 1990 sous le nom de « Nouveau parti socialiste hongrois » mais la victoire reviendra au Forum démocratique (centre-droit) de Jozsef Antall.

En République populaire de Pologne, le Syndicat Libre Solidaire est à nouveau autorisé en avril 1989. En juin, le mouvement remporte la victoire aux élections législatives, et refuse tout accord de gouvernement avec le Parti ouvrier unifié polonais. Wojciech Jaruzelski, seul candidat autorisé, est élu Président de la République par le parlement, mais doit accepter Tadeusz Mazowiecki comme premier ministre. Un mois après la chute du mur, Lech Walesa27, le leader du syndicat Solidarité en Pologne, est élu président de la République polonaise

En République populaire de Bulgarie, Todor Jivkov démissionne le 10 novembre 1989, sous la pression des communistes réformateurs comme Andréi Lukanov28. Les communistes qui ont rebaptisé leur parti en parti socialiste, gagnent les élections. Mais les anciens communistes « gorbatchéviens » conduisent le changement et une nouvelle constitution.

En République socialiste Tchécoslovaque, la Révolution de Velours provoque l'effondrement du régime sans une goutte de sang versé. Des manifestations ont alors lieu dans tout le pays, pour réclamer des changements, le gouvernement cède. En effet, des manifestations

26 Miklós Németh est un économiste et homme d'État hongrois, Premier ministre de Hongrie du 24 novembre 1988 au 23 mai 1990. Pendant les années tumultueuses qui ont conduit à la chute du communisme en Europe centrale et orientale, il est un dirigeant du Parti socialiste ouvrier hongrois, le parti communiste hongrois.

27 Lech Waêsa, est un syndicaliste et homme d'État polonais, président de la République de 1990 à 1995. Électricien de formation, il est président-fondateur du mouvement Solidarnooeæ cofondé avec Anna Walentynowicz, et devient ainsi une figure emblématique de la Pologne s'affranchissant de l'influence de l'URSS à partir de la fin des années 1970. À ce titre, il est récompensé par le prix Nobel de la paix en 1983.

28 Il entre en 1963 au ministère des Affaires étrangères et adhère au Parti communiste bulgare en 1966. De 1976 à 1986 il est vice-président du conseil des ministres. De 1987 à 1990 il est ministre du Commerce extérieur. Il est nommé premier ministre le 8 février 1990

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contraignent les communistes à quitter le pouvoir. À Prague, la « révolution de velours » conduit à la formation d'un gouvernement non communiste le 10 décembre 1989. Alexander Dubèek est élu à la tête du parlement le 28 décembre ; le lendemain, le dissident Vaclav Havel est élu président de la République.

En Roumanie, la révolution tourne au drame. La chute des régimes du bloc de l'Est est essentiellement pacifique, mais pas en République socialiste de Roumanie. À cette époque la situation économique est des plus mauvaises et la Securitate, la police d'état, fait régner la terreur. Une partie des cadres du Parti communiste roumain décide, face à l'effondrement des autres régimes du bloc de l'Est, de renverser Nicolae Ceauþescu.

Le 21 décembre 1989 a lieu un rassemblement populaire. Mais soudain en plein discours, le dictateur est hué par des protestataires. Le lendemain, le bâtiment du Comité Central est attaqué : Ceausescu, lâché par la direction du parti, prend la fuite.

Des manifestants réussissent à prendre le bâtiment des télévisions puis fraternisent avec les militaires. Dans les jours qui suivent, Ceausescu et sa femme sont capturés. Le 25 décembre au cours d'un procès expéditif mené par un tribunal auto-proclamé, les époux sont condamnés à être fusillés. Le soir des images de leur corps sont diffusées à la télévision.

Les premières élections libres seront remportées par Ion Iliescu, ancien communiste. La révolution en Roumanie est la plus violente, avec 104 morts et 1 761 blessés.

Au total, le contexte international est marqué par l'assouplissement de la politique communiste de l'URSS. La mise en place de la Pérestyroïka et de la Glasnost favorise l'ouverture de Berlin Est vers l'Ouest. La RDA et la RFA s'ouvrent l'un à l'autre. Dans cette dynamique les pays sous emprise soviétique engagent de la démocratisation de leurs institutions comme ce fut le cas de l'Europe de l'Est. Ce vent de démocratie gagne progressivement le continent Africain.

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2- L'effondrement des régimes communistes et des dictatures en Afrique

La vague libérale dans l'ex-Union soviétique diffusée dans ses satellites de l'Europe centrale et orientale au cours de l'année 1989, s'introduit en Afrique d'abord sous la forme de l'effondrement des régimes qui lui sont alliés et exerce ensuite un effet d'entraînement partout ailleurs en incitant au démantèlement des dictatures.

L'un des grands coups dans les années 1980 est l'assassinat du président Thomas Sankara29 le 15 octobre 1987 au Burkina Faso. Militaire et homme politique panafricaniste et tiers-mondiste, héritier du congolais Patrice Lumumba et du ghanéen Kwame Nkrumah, Thomas Sankara incarna et dirigea la révolution burkinabé d'août 1983 à sa mort. Son gouvernement communiste mit sur pied toute une série de mesures visant à lutter contre la corruption et à améliorer l'éducation, l'agriculture et la condition des femmes.

Il dénonce le colonialisme et le néo-colonialisme, dont celui de la France, en Afrique. Il se rapproche de plusieurs pays du bloc socialiste. En octobre 1986, peu avant le sommet Gorbatchev-Reagan à Reykjavik, il se rend une semaine en URSS, mais aussi à Cuba du 25 septembre au 1er octobre 1984, puis une deuxième fois au mois de novembre 1986. Ces déplacements étaient pour renforcer les relations entre les pays et surtout s'instruire contre l'ennemi.

Parallèlement, il rejette le fardeau de la dette qui pèse sur les pays en voie de développement. Son discours contre la dette, prononcé le 29 juillet 1987 à Addis-Abeba lors d'un sommet de l'Organisation de l'Unité Africaine, est sans doute le plus connu des discours de Thomas Sankara. Il y déclare que son pays ne remboursera pas ses créanciers, et argumente notamment ainsi : « la dette ne peut pas être remboursée parce que si nous ne payons pas, nos bailleurs de fond ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par contre, si nous payons, c'est nous qui allons mourir. Soyons en sûrs également. »30.

Son programme politique qu'il définissait comme «anti-impérialiste» et ses nombreux discours publics dans lesquels, entre autres, il dénonçait la complicité de la France avec les dictatures africaines et l'accusait de s'être rendue coupable, des années durant, «d'exploitation et de domination impérialistes,» firent du capitaine Sankara l'ennemi juré de Paris. Il fut assassiné le

29 Fils d'un Peul et d'une Mossi, ce militaire de carrière s'était fait connaître lors de la malheureuse « guerre des pauvres » qui avait opposé son pays au Mali en 1975. Ses actes de bravoure pendant la guerre avaient fait de lui le militaire le plus populaire de la Haute-Volta, comme se nommait à l'époque le Burkina Faso.

30 Bruno Jaffré, biographie de thomas Sankara la patrie ou la mort, Harmattan, 2007, 235p

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15 octobre 1987 lors d'un coup d'État organisé par celui qu'il considérait comme son frère: Blaise Compaoré. Il s'empara immédiatement du pouvoir et est à la tête du Burkina Faso.

C'est la chute du communisme au Burkina Faso avec la mort de Sankara. La France à travers ce coup d'Etat met en garde les pouvoirs communistes. Elle approuve le choix de Blaise en témoigne ces sorties dans lesquelles « la France fut toujours pointée du doigt comme frein au développement en Afrique et surtout au Burkina Faso »31 .

Dans le Maghreb en Afrique, le président Algérien Chadli Bendjedid32 fait face à des émeutes à Alger et rapidement dans plusieurs villes du nord du pays. L'état de siège est décrété, la répression militaire est particulièrement violente : des centaines d'émeutiers sont tués. Dans les semaines qui suivent, les mobilisations concomitantes de divers groupes (imams, avocats, enseignants, étudiants, médecins, journalistes, militants des droits de l'homme, etc.) dénoncent la répression, puis leur capacité à imposer un sens politique et contestataire aux émeutes. Ils amènent alors le pouvoir exécutif à entreprendre une libéralisation inédite du régime de parti unique.

L'onde de choc « d'octobre 1988 » marque la fin d'une époque. Le séisme est tel que s'organise rapidement le passage au multipartisme. Le 10 octobre 1988, le président Chadli Bendjedid annonce un référendum révisant la Constitution de 1976, et instituant le principe de responsabilité du gouvernement. Cette première brèche est suivie, le 23 octobre, par la publication d'un projet de réformes politiques qui, en théorie, remet en cause le monopole de l'organisation et de l'expression politique organisée par le FLN, sur trois points: séparation de l'État et du FLN, liberté de candidatures aux élections municipales et législatives, indépendance des « organisations de masse ». Le 3 novembre, le référendum pour la modification de la Constitution est massivement approuvé (92,27 % de « oui », avec un taux de participation de 83,08 %).

En somme, les bouleversements sanglants au Burkina et en Algérie montrent la volonté des peuples à s'inscrire dans la mouvance démocratique. Dans le premier cas l'assassinat brutal de Thomas Sankara est un choc pour le monde aussi bien que l'inaction des communistes. Le

31 RFI Afrique, Mitterrand-Sankara : le vieux président et le capitaine impertinent, in www.rfi.fr sur (consulté le 21 juin 2016)

32 Chadli Bendjedid fut le troisième président de la République algérienne, de 1979 à 1992.

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second se termine par les élections avec un pouvoir Chadi fragilisé. Ce dernier assiste impuissant à la modification de la constitution. Les dictatures sont exposées.

C'est à la faveur du « vent d'Est » qui a soufflé sur les dictatures que les pays de l'Afrique sub-saharienne. Le Cameroun, ont pris le chemin de la libéralisation politique au début des années 1990. Même si le discours officiel au Cameroun à ce sujet soutient avec insistance que la démocratisation avait été amorcée bien avant cette date et en dehors de toute contrainte extérieure ou interne, force est de constater que huit ans après le retrait du président AHIDJO, le monolithisme politique était toujours maintenu, les droits et libertés des citoyens étroitement encadrés et la séparation des pouvoirs un mythe.

Quant au Tchad, Hissène Habré, chef des Forces armées du Nord (FAN), renverse Goukouni Oueddei le 7 juin 1982 pour occuper le poste de président de la République. Le poste de Premier ministre est supprimé le 19 juin et plusieurs opposants politiques sont exécutés. Habré transforme les FAN en armée régulière (FANT), puis crée une police politique, la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), responsable de milliers d'enlèvements et d'assassinats politiques.

Le 16 janvier, les étudiants de l'université Omar Bongo, au Gabon, entrent en grève et occupent l'université pour protester contre le manque de professeurs et de moyens. Il s'en suit des bagarres avec les forces de l'ordre qui font de nombreux blessés, mais ne parviennent pas à arrêter le mouvement de protestation au Gabon. Loin de se calmer, les étudiants développent la lutte. Le 18 janvier, ils entraînent les collégiens et lycéens, ainsi que les jeunes chômeurs. Ce jour-là, des centaines de manifestations sillonnent les artères de Libreville et s'affrontent avec les forces de l'ordre. Dans les quartiers populaires, comme Mont-Bouet, Akebe, Rio, Kembo, l'agitation se transforme en émeutes : des groupes de jeunes armés de bâtons et de cailloux s'attaquent aux bâtiments publics et pillent les boutiques. Des voitures sont incendiées et servent à constituer des barrages et barricades. Les manifestants défilent sur le périphérique qui conduit à l'aéroport et ils le bloquent. Le pouvoir riposte en fermant universités, lycées et collèges. Mais, l'agitation gagne de l'ampleur. Plus d'une centaine de boutiques sont pillées. Les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre se généralisent à la plupart des quartiers populaires. Le gouvernement interdit les attroupements, renforce les contrôles d'identité et instaure le couvre-feu à partir de 19 heures. Le mouvement, bien que réprimé, se poursuit au Gabon. Au Gabon, le couvre-feu semblait avoir rétabli le calme, mais c'était une apparence trompeuse : le 12 février, le mouvement prend un caractère social. Depuis cinq ans,

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les salaires sont bloqués, si bien que la grève d'une catégorie limitée met le feu aux poudres. La grève touche d'abord les fonctionnaires : enseignants du supérieur, médecins, agents du ministère des finances, agents des banques gabonaises et des sociétés de cigarettes arrêtent le travail, rapidement rejoints par les salariés des Postes et Télécommunications, de l'Energie Electrique et de nombreuses sociétés privées. L'électricité est coupée. Les centraux téléphoniques sont bloqués. Le transport aérien est en grève. Le pays est paralysé et coupé du monde. C'est une gifle pour Bongo. Les travailleurs de la Navigation entrent en lutte. Le dictateur Bongo accepte de négocier directement avec les grévistes, puisque les travailleurs en grève refusent d'être représentés par le syndicat unique, agent du pouvoir. Bongo essaie de négocier avec chaque catégorie à part, mais devant la menace de la généralisation de la lutte à toute la classe ouvrière, le dictateur recule. Il déclare qu'il reconnaît le multipartisme, alors qu'il avait toujours déclaré que, lui vivant, on ne verrait jamais cela au Gabon !

Retenons que l'Afrique est face à des contestations. Les dictateurs longtemps tranquilles dans leurs positions sont bousculés par des jeunesses résolument inscrite dans le multipartisme, l'alternance et transparence. Ce vent de démocratie semble toucher l'intérieur du Benin

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams