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Le processus démocratique du benin 1990-2006


par Marius Bly
Université Felix Houphouët Boigny - Master 2 Histoire 2019
  

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Chapitre 2 : Une situation intérieure «explosive« au Bénin,

Les militaires au pouvoir balayent le système et ses hommes. Le code d'investissement élaboré avant le coup de force n'a pas été dépoussiéré. Il avait été institué pour encourager l'investissement. Les encouragements vont de l'exemption de droits à l'importation et de la réduction de l'impôt sur le bénéfice à un ensemble d'avantages négociés pour les gros investissements. Et cela favorise la stabilité politique depuis l'arrivée de Kérékou. Très vite, il fait face à une situation économique difficile. Elle provoque aussitôt les mobilisations sociales pour imposer le changement. La situation sociale est pesante. Les organisations syndicales, des femmes et des jeunes se mobilisent pour faire barrières aux réformes économiques. Cette mobilisation collectives conduit à affaiblir le pouvoir. Quel est la situation socioéconomique du Benin alors sous la dictature de Kérékou ?

Il s'agit d'invoquer la situation économique délétère des années 1980 et la mobilisation sociale que cela a provoqué.

I- Une économie délétère

Le Benin fait face à une banqueroute qui impose des réformes. 1- La banqueroute dès 1982

Le pays fait face à la crise dans les années 1980. La crise économique au Bénin est le fait d'un endettement de plus en plus considérable et à la difficulté d'assurer le service de la dette. Les prêts accordés entraient un déficit occasionné par le service de la dette. Kérékou décrit la situation comme suit : « la production nationale très faible, le commerce extérieur déséquilibré, des difficultés de trésoreries des banques nationale et la diminution des moyens de l'Etat nous conduisent à ceci... »33

Ainsi le pays accumule la dette. Elle passe de 93.8 millions de dollars en 1973 à 718.9 millions de dollars en 198134 soit sept fois plus. Entre 1980 et 1985, le service annuel de sa dette extérieure passe de 20 à 49 millions de dollars, tandis que son produit national brut (PNB) chute de 1,402 à 1,024 milliards et que le stock de sa dette explose de 424 à 817 millions. Le

33 Frédéric Lejeal Bénin, in Marchés tropicaux et méditerranéens, , N°1938, du 31 décembre 1998 2750 (24-juil-98)

34 Stéphane Richard, la nouvelle économie du Benin, Bulletin de l'Afrique noire, n°1182 du 12 mai 1983. P6

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rapport entre le stock de la dette et le PIB du Bénin passe de 30 à 80% au cours de la première moitié des années 80.

Dans le même temps, les scandales de corruption et de détournement font la une au Benin. de tels actes, selon Agnès Campbell, avocate à la Cour de Cotonou, repris par Wilfrid Hervé ADOUN et François K. AWOUDO, s'apprécient comme «l'abus du pouvoir public pour obtenir un profit personnel »35. Et c'est manifestement dans des affaires publiques les scandales sont découverts. « ...Ces dernières années, des cas de détournements de derniers publics dont le nombre n'a jamais été atteint dans le passé. Tout porte à croire que les autorités cautionnent cette situation. »36.

Il s'agit entre autre de

« l'affaire Beta, l'affaire Sonacop14/Odific, l'affaire Sonapra/Marlan's Cotton Industries, les détournements en série à la Sonapra15et à la Société des Ciments d'Onigbolo (SCO), l'incroyable affaire des frais de justice criminelle, les malversations à la police (révélée par la commission Danon), l'affaire des malversations dans l'Armée (révélée par le rapport Azonhiho), l'affaire des 32 millions de la coopération danoise à l'Armée béninoise, l'ahurissante passation de marché gré à gré pour l'équipement du siège de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale,.. » autant de situation qui peuvent conduire peu à peu a une banqueroute. Puisque à cela s'ajoute la politique bancaire ambiguë de l'Etat. En effet les autorités béninoises invitent les banques à limiter leurs opérations dans le crédit à court terme au profit du long dans le secteur des PME. Le soutien financier doit être facilité pour les grosses entreprises mixte et étatiques.

Cette politique ambiguë de l'Etat paralyse l'économie en occasionnant un dysfonctionnement et un faible pouvoir d'achat des petites entreprises. Et pour éviter les tensions sociales des réformes sont envisagées.

2- La restructuration et l'implication des PAS

L'Etat s'organise pour relever l'économie avec des idées nouvelles. Il s'agit de la restructuration du système économique. La nouvelle vision de l'Etat est d'avoir une entreprise publique meilleure, efficace et responsable. Elle doit rendre compte continuellement aux

35 Wilfrid Hervé ADOUN François K. AWOUDO, BENIN : une démocratie prisonnière de la corruption investigation sur des faits et scandales de1990 À2006

36 Adjovi, étude de croissance économique et de conjoncture de la République populaire du Benin de 1973 à 1979 Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Ministère de l'économie, 1991, 321p

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autorités. C'est l'objet de la mise en place d'un ministère de l'inspection des entreprises publiques et semi publiques37. Puis La nouvelle restructuration des entreprises nécessite la mise en place de mesure et une intervention de l'Etat. Loi No. 82-005 du 20 mai 1982 portant Code des Investissements entreprises publiques disposent d'avantages substantiels parmi lesquels l'exonération de l'impôt sur Ie chiffre d'affaires et l'exonération pendant deux ans de l'impôt sur les bénéfices suivie d'une réduction à hauteur de 50 pour cent pendant 3 ans.

A cela s'ajoute la nouvelle gestion de l'administration. Les sociétés d'Etat, elles sont soient supprimées soient fusionnées. C'est la marche vers la nationalisation de tous les secteurs de l'économie, la réforme du système éducatif, la mise en place de coopératives agricoles et de nouvelles structures d'administration locale (comités révolutionnaires locaux), l'interdiction des activités politiques et syndicales. Cette volonté politique traduite par la fusion et ou la privatisation répond au souci de la performance et la fin de l'anarchie d'alors. Pour l'Etat il s'agit « d'améliorer la maitrise de l'appareil de production national en assurant une meilleure coordination des décisions et des actions complémentaires des entreprises d'Etat. »38

Malgré cela l'impôt spécial de 10% sur les salaires de base, réduction de 50% des indemnités et accessoires de solde, départs forcés à la retraite, gel des embauches. Malgré cela, les salaires des quelques 55 000 fonctionnaires sont payés avec quatre à cinq mois de retard, et par à-coups. Le petit peuple a fini par trouver le mot de la situation: "Les fonctionnaires béninois sont malades du SIDA", entendez: "Salaires Insuffisants et Difficilement Acquis".

L'Etat de faillite est constaté. En 1989 le pays se plie aux exigences des bailleurs internationaux. Il adopte à cet effet des programmes d'ajustement structurel. Un premier plan signé en juin de la même année. Les institutions internationales notamment le FMI et la BM demande de faire la lumière sur les malversations et les détournements de fonds39. Pris la main dans le sac avec l'affaire Cissé40, Kérékou est contraint d'accepter ces ingérences et les

37 Décret 80-39 du 12 décembre 1980

38 Ministère du développement rurale et de l'action coopérative, Benin, ministère du développement rural et de

l'action coopérative, rapport préliminaire en vue de la table ronde sur les bailleurs de fonds, mai 1982, porto novo, 1981, p75

39En février 1989, quatre administrateurs français des finances sont envoyés en mission à Cotonou pour le compte de la Banque Mondial

40 Confident et marabout personnel du chef de l'Etat, ministre d'Etat

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conditions imposées par le PAS41. « Tous les Béninois doivent faire table rase du passé et resserrer leurs rangs pour mener à bien notre programme d'ajustement structurel. ».42

Il faut retenir que le la dette élevé et les scandales de détournement et de corruption amène l'Etat à tenter des Réformes. La restructuration des entreprises vers la privatisation ou la dissolution ne suffisent pas à redresser l'économie béninoise. Les institutions volent au secours du pays avec les conséquences d'ingérence. Kérékou perd la main du pouvoir peu à peu. Le pays n'est pas loin d'une contestation sociale.

II- La mobilisation sociale contre Kérékou

Elle concerne la jeunesse estudiantine et l'Église constitué en force d'opposition au pouvoir dictatorial de Kérékou.

1- La jeunesse estudiantine porte flambeau de la lutte

La jeunesse estudiantine béninoise est la seconde force d'opposition à s'être affirmée au cours de l'année 1988 comme fer de lance de la contestation. Les universitaires béninois, comme ailleurs en Afrique, se mobilisent en vue d'un climat politique démocratique. En effet à la rentrée 1988 et surtout à partir de janvier 1989, les étudiants manifestent leur mécontentement, se mettent en grève pour réclamer le versement des arriérés de bourses et contester le projet de suppression des aides scolaires prévu par le programme d'austérité annoncé par le chef de 1'Etat dans ses voeux du 31 décembre. Le mouvement se radicalise rapidement : le 17 janvier, la grève illimitée est déclarée, les étudiants manifestent et affrontent les forces de l'ordre pendant une semaine dans les rue de Cotonou et de Porto-Novo où des émeutes éclatent et sont violemment réprimées. Rejoints à partir d'avril par leurs professeurs

41 La notion d'ajustement structurel, appliquée aux pays sous-développés, est étroitement liée à la spirale infernale de l'endettement international, ainsi qu'à la crise de paiement qui l'a suivie au début des années 1980. Limité, au départ, à certains pays de l'Amérique latine, le phénomène de cessation de paiement s'était généralisé pour toucher plusieurs pays producteurs de pétrole, notamment après le contrechoc pétrolier de 1986. Face à l'ampleur du phénomène d'insolvabilité, les bailleurs de fonds internationaux, notamment le FMI et la Banque Mondiale, avaient décidé d'exiger des pays emprunteurs de s'engager à prendre des mesures économiques et financières radicales, pour parvenir à dégager des excédents financiers et rembourser leur dette extérieure. Ces mesures étaient consignées dans des programmes annuels ou pluriannuels appelés « Plans d'Ajustement Structurel ».

42 Mathieu KÉRÉKOU, Extrait du discours du lundi 31 juillet 1989 à l'installation de la 3e législature de l'Assemblée Nationale Révolutionnaire, in www.rfi.fr, 31 juillet 1998. Consulté le 21-12-2019

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qui s'engagent eux aussi dans la grève illimitée, les étudiants vont rester mobilisés jusqu'à la Conférence nationale de février 1990.

Le mouvement est organisé. Les militants communistes, en effet, sont très présents sur le campus d'Abomey-Calavi, mobilisant leurs camarades, initiant les mouvements de grève, animant les assemblées générales et les meetings. Leurs appels sont semble-t-il très suivis, du fait notamment des mesures de rétorsion sévères et violentes contre les réticents.

la direction du mouvement était partagée entre celui-ci et le BEN (Bureau exécutif national) de la coopérative universitaire.43 Seul organe représentatif autorisé, modéré dans ses revendications (arriérés de bourse, réparation des bus...), c'est celui-ci qui était chargé de mener les négociations avec le pouvoir pendant que les militants du PCD organisaient les grèves et les manifestations. Une sorte de division du travail semblait s'être ainsi établie entre les deux organisations de mouvement : le BEN et les étudiants non communistes instrumentalisant en quelque sorte l'action du PCD pour faire avancer leurs revendications.

En réalité, cette complémentarité naissait plutôt de la concurrence, de la rivalité entre les deux structures pour l'orientation et le monopole du mouvement, les luttes internes ayant été assez intenses après que les militants communistes aient été écartés de la direction de la coopérative universitaire en 1988 pour avoir tenté d'en faire leur porte-voix sur le campus. De ces tensions naissaient les forces pour combattre le pouvoir.

2- Le bras de fer entre l'Eglise et Kérékou

Quant à l'Eglise, elle est ainsi fustigée, expropriée, réprimée, elle n'oppose aucune résistance au régime. Ou du moins elle fait une résistance passive souterraine, jusqu'au milieu des années 1980. Ses réactions sont menées de façon prudente. Elle conteste certaines décisions en employant même les arguments du pouvoir pour contester. L'objet étant de garantir la survie de l'institution. Plutôt que l'engagement politique, les clercs choisissent la voie de l'action sociale de terrain et de la conscientisation avec la multiplication des bureaux diocésains, des ONG de développement, des centres de formation, de promotion de la femme. Par son action et ses structures, l'Eglise tente de se poser en alternative à la prétention du pouvoir révolutionnaire qui veut régir et contrôler l'ensemble de la société. Elle va alors s'organiser pour convertir le peuple béninois au rejet de la violence. Ainsi en 1982, la création des communautés chrétiennes de quartier à Ouidah qui font boucle aux cellules de bases et autres

43 Créé en septembre 1988 par les étudiants modérés moins violent. Cette plateforme organisait réunions et les débats d`idées.

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comités locaux de défense de la révolution.44 L'arrivée du pape en 1982 favorise une détente entre les gouvernants et les clercs. A cette occasion même si la tonalité du discours ne connait pas de changement, Kérékou oblige les membres du gouvernement et du Comité central à assister à la messe pontificale. Le dégel des relations entre ces institutions profite à l'Eglise dirigé par Souza45 dont la position reste beaucoup plus sévère avec la révolution.

Mais la publication de la première lettre pastorale en mars 1989 par la hiérarchie catholique engage véritablement l'Eglise46 dans le débat public. Par celle-ci doit s'énoncer l'alternative politique.

« Nous sommes tous acteurs, donc tous responsables à différents niveaux, de la situation ; tous sans exception aucune (...) La racine des causes de notre situation réside dans le fait que nous n'aimons pas réellement notre pays et que nous ne nous aimons pas les uns et les autres ».

L`intention est clairement celle d'éviter « de trancher le débat en donnant entièrement raison aux uns contre les autres, mais plutôt de calmer ce jeu de rejet réciproque des responsabilités ».47 Le changement recommandé est d'abord personnel : « avant de vouloir changer les hommes et les structures, il est nécessaire que chacun s'engage résolument dans la voie du changement intérieur ».

Les évêques, dénoncent l'attitude des gouvernants, l'enrichissement scandaleux des dignitaires, la corruption, le népotisme et appellent au changement démocratique.

Même si Robert Banégas estime « qu'elle semble plutôt avoir accompagné et suscité le mouvement de revendication politique à la fin des années 1980 », il faut noter que cette attitude était commune à tous les évêques africains qui ont pris la parole à partir de la fin des années 80. Ceux-ci « préfèrent d'ailleurs éviter d'attribuer la faute aux gouvernants et responsables politiques, et adoptent la thèse de la culpabilité collective qui consiste à dire que tout le monde est responsable de la crise politique ».48 Pour changer la situation, il convient alors d'« accepter de se remettre en question (...) Avant de vouloir changer les hommes et les structures, il est nécessaire que chacun s'engage résolument dans la voie du changement intérieur », de «

45Il arrive au vennat de côte d'ivoire. Il est nommé prête à l'église sainte Rita du Bénin.

46 L'Église catholique, à l'occasion du carême, diffuse une lettre pastorale, intitulée Convertissez-vous et le Bénin vivra qui connaîtra un grand retentissement dans tout le pays.

47 idem

48 Florence Boillot, « L'Église catholique face aux processus de changement politique du début des années quatre-vingt-dix », L'Année africaine 1992-1993, Bordeaux, CEAN, 1992, p. 122.

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revenir à Dieu » ce qui est « la condition imprescriptible d'un véritable changement ». Dans une telle exigence le pays peut se prendre son destin en main.

Il faut noter que la mobilisation estudiantine s'accentuait comme un signe annonciateur des intentions des populations. Cet aspect n'échappe pas à Kérékou qui faisait déjà face à la critique croissante d'une frange de l'appareil d'Etat. Il n'en fut pas trop pour convoquer une conférence des cadres, pour discuter des problèmes du régime et envisager des réformes structurelles. Malgré la mise en place d`un comité chargé de l'application des résolutions les tensions s'élargissent aux couches de la société. L'Eglise pousse le pouvoir à plus de transparence. Dans le bras de fer qui les a opposés, elle obtient la conversion de l'Etat au dialogue franc à travers les assises nationales prévu.

Il ressort de notre analyse que le contexte international marqué par le vent de l'Est a provoquée en Afrique des bouleversements sociopolitiques. Plusieurs pays à l'instar des Etats d'Europe centrale et orientale ont mis fin au régime communiste. C'est le cas de la Hongrie, la Pologne et de la Roumanie. Ces changements ont été sanglant pour la plupart comme il est remarqué avec l'assassinat de Thomas Sankara. Alors que dans le reste des pays africains, les dictatures démantelées offraient le multipartisme comme le Gabon. Cette fin du parti unique suscite de profond changement.

Au Benin, toutes ces situations environnantes s'ajoutent un contexte explosif qui est la banqueroute étatique. Celle-ci conduit à plusieurs réformes sans grand changement chez les populations. L'appui international ne suffit pas à calmer les mobilisations sociales grandissantes notamment chez les étudiants et dans l'Eglise.

Face à un contexte extérieur et intérieur pesant au niveau politique, économique et sociale, le Benin de Kérékou fait le choix du changement vers le renouveau démocratique. Mais de quelle manière ?

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DEUXIÈME PARTIE

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Une conférence nationale comme catalyseur du renouveau démocratique

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo