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Le processus démocratique du benin 1990-2006


par Marius Bly
Université Felix Houphouët Boigny - Master 2 Histoire 2019
  

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Partie 3

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La mise en place des institutions démocratiques

Au lendemain de la conférence nationale de février 1990, le Benin est face à l'avenir. Les assises de Cotonou ont été un succès et la portée qu'elle a eu au niveau international se résume par la présence de Kérékou à la Baule. Si l'ex communiste est auprès de Mitterand, c'est pour l'encourager dans la marche démocratique. Dans le discours du 20 juin 1990, le président français, affirme que son « lierait désormais tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté ». Pour la première fois depuis les indépendances, un dirigeant de l'Hexagone semblait poser une condition à la poursuite de l'aide et de la coopération avec le continent africain : plus de liberté et de démocratie. Le Benin saisit alors l'occasion d'affermir sa position par la mise en place d'institutions démocratique. Quel est l'impact de la mise en place des institutions démocratiques au Benin ? Il s'agit d'évoquer les institutions de contrepouvoir et la régularité de l'alternance.

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Chapitre 1 : La mise en place des institutions de contre-pouvoir

La théorie de la séparation des pouvoirs vise à séparer les différentes fonctions de l'État, afin de limiter l'arbitraire et d'empêcher les abus liés à l'exercice de missions souveraines. Dans les sociétés démocratiques, il y a une forte séparation entre les pouvoirs. C'est ce que tente de faire le Benin par la mise place de contrepouvoir de l'exécutif. Il s'agit de l'assemblée nationale, du pouvoir judiciaire et les autres pouvoir légitime.

I- L'assemblée nationale et le pouvoir judiciaire du renouveau démocratique

1- Une assemblée nationale stable

L'Assemblée nationale du renouveau démocratique demeure stable et démocratique. Mais c'est la stabilité qui apparaît aux yeux de tous comme la caractéristique fondamentale de l'Assemblée nationale sous le renouveau démocratique. À première vue, il n'échappe pas que depuis l'installation de la première législature en 1991, le Bénin n'a connu aucune rupture de législature. Ainsi, depuis l'organisation des premières élections législatives de l'ère du renouveau démocratique, le 2 février 1991, quatre élections ont été organisées régulièrement, pour permettre, non seulement, l'alternance démocratique, mais aussi, la participation du peuple au pouvoir qui est le sien, à travers ses représentants dûment élus.

Au regard des différentes élections législatives organisées depuis le renouveau démocratique79, il ressort clairement que le Bénin a le mérite de renouveler à terme échu les différentes législatures qui assurent le fonctionnement du pouvoir législatif. Au bout de quatre ans de législature, tous les postes de Députés sont remis en jeu et l'Assemblée nationale pourrait donc se renouveler intégralement si le peuple en décide ainsi. Il en a été ainsi et les élections législatives qui ont été successivement organisées ont consacré non seulement la stabilité de la législature mais surtout la révocabilité du mandat parlementaire.

79 Ainsi, le 17 février 1991, les premières élections législatives libres sont organisées. La coalition soutenant le premier ministre d'alors, Nicéphore Soglo arrive en tête (17 sièges obtenus sur 64 disponibles à l'origine). Le 28 mars 1995 se tiennent les deuxièmes élections législatives. La Renaissance du Bénin (RB), parti du Président Soglo, remporte cette fois-ci 21 sièges sur 83 à pourvoir; le Parti du renouveau démocratique (PRD) d'Adrien Houngbédji obtient lui, 19 sièges. Le 30 mars 1999, troisièmes élections législatives. La Renaissance du Bénin obtient de nouveau le plus grand nombre de députés (27 sur un total de 83). Le 30 mars 2003, quatrième législature. La mouvance présidentielle obtient 53 élus à l'Assemblée nationale contre 15 pour la RB et 11 pour le PRD. Puis en 2007 a lieu de nouveau le renouvellement du Parlement béninois, consacrant de fait l'ouverture du mandat de la Vème législature.

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Cette régularité des élections exprime la manifestation même de la souveraineté du peuple qui a toujours fait preuve d'une liberté totale dans la sélection de ses représentants. Certaines élections législatives ont ainsi pu consacrer le renouvellement partiel des effectifs d'une législature à une autre. D'autres par contre ont très largement reconfiguré la composition de l'hémicycle. Mais, au-delà de cette recomposition partielle ou totale des bancs de l'Assemblée, c'est en filigrane la régularité des scrutins législatifs qui est mise en exergue et soulignée par tous les commentateurs. Elle tranche avec la précarité du pouvoir législatif et les ruptures de législature devenues chroniques sous les précédentes Républiques.

Ensuite la composition et le fonctionnement de l'institution semblent avoir obéit aux prescriptions des textes fondamentaux appropriés. Ce fonctionnement plus ou moins régulier des organes du Parlement cadre avec la volonté du constituant d'imprimer ce caractère démocratique à l'institution. Le résultat permet aujourd'hui de prendre acte du renouvellement constant des organes de l'Assemblée nationale. Ce sont d'abord les bureaux de l'Assemblée qui attestent du bon fonctionnement de l'institution. Quatre présidents se sont succédé à la tête des cinq législatures80, autant de présidents à la tête de chaque commission ou de groupe parlementaire que de législatures. Ensuite, l'on évoquera les commissions permanentes et les groupes parlementaires. Tous ces organes, constamment renouvelés ont toujours fonctionné conformément aux textes qui les instituent.

le Parlement béninois peut se prévaloir, à tout point de vue, de son indépendance par rapport au gouvernement. D'abord, le législateur béninois a la maîtrise de son ordre du jour, de ses sessions, et a juste le devoir d'informer le président de la République, de l'ordre du jour de ses séances et de celui de ses commissions81. Ainsi, l'Assemblée nationale n'a pas manqué depuis l'indépendance82, mais particulièrement depuis l'ouverture du processus démocratique en cours, d'afficher ouvertement son insubordination au pouvoir exécutif.

80 Maître Adrien Houngbédji pour les législatures de 1991-1995 et 1999-2003, M. Bruno Amoussou, entre 1995 et 1999, M. Antoine Kolawolé Idji entre 2003 et 2007, le Professeur Mathurin Nago, depuis 2007.

81 Article 94 de la Constitution du 11 décembre 1990.

82 « En novembre 1960, l'Union Démocratique Dahoméenne de Justin T. Ahomadégbé qui était alors l'une des trois grandes composantes du PDU, parti dominant unifié au pouvoir, tente de mettre en jeu la responsabilité du gouvernement Maga avec la complicité tacite de Sourou Migan Apithy, Vice-Président de la République. Cette

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Il en est souvent résulté que les rapports entre l'exécutif et le législatif sont de plus en plus malaisés, au point que les activités parlementaires se sont quasiment réduites à un contrôle systématique de l'action gouvernementale, au détriment de l'élaboration de lois de réformes économiques et sociales. Il est cependant opportun de préciser que cette insubordination du législateur n'est flagrante que par cycle, ou du moins au cours des périodes pendant lesquelles le président de la République ne dispose pas de majorité au Parlement. L'insoumission dont le Parlement, toutes législatures confondues, s'est illustré depuis 1991, se traduit particulièrement par la liberté de ton qui caractérise individuellement les Députés et collectivement certains des organes politiques et techniques qui animent l'institution.

Il n'est donc pas infondé de faire remarquer que la stabilité retrouvée de l'Assemblée nationale, sous le renouveau démocratique, est en grande partie, un des traits saillants qui ressort de l'évaluation du fonctionnement du régime politique béninois. Tout comme la stabilité de la législature, il apparaît également indispensable d'associer le fonctionnement régulier des organes de l'Assemblée nationale à la réussite du processus démocratique en cours au Bénin.

2- Un pouvoir judiciaire indépendant

Le pouvoir judiciaire est exercé par « la cours constitutionnelle, Cour suprême, les cours et tribunaux » conformément à la constitution. Sa composition donne une structure spéciale et ordinaire. La Cour constitutionnelle est composée de sept membres. Quatre sont nommés par le bureau de l'Assemblée nationale et trois par le Président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Trois de ces membres ainsi nommés sont des magistrats ayant une expérience de quinze années au moins dont deux sont nommés l'un par le bureau de

initiative tout à fait légale et constitutionnelle fut interprétée comme une forfaiture (...) la motion de censure était considérée comme une attaque personnelle contre le Chef de l'État dont la volonté d'instrumentaliser le parlement était déjà bien perceptible. La liberté des parlementaires de l'UDD coûta au parti la perte de tous ses portefeuilles ministériels et plus tard, sa dissolution le 11 avril 1961. Mais l'exemple le plus instructif est celui de 1965. Opposés sur la nomination du président de la Cour suprême, le président de la République et son Vice-président, chef du gouvernement se sont livrés durant tout le mois de novembre, une vraie bataille juridico-politique qui a finalement connu un aboutissement peu courant en Afrique. Mis en difficulté devant l'Assemblée nationale par son Vice-président, le chef de l'État a d'abord été démis de ses fonctions par les parlementaires, puis contraint à remettre son mandat aux instances du parti par la perte de la confiance des militants du Parti Démocratique Dahoméen. », in Aïvo (F. J.), Le président de la République en Afrique noire francophone. Genèse, mutations, et avenir de la fonction, Paris, l'Harmattan, 2007, p.183.

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l'assemblée nationale et l'autre par le président de la république. Les deux autres sont des personnalités de grandes réputations professionnelles nommées l'une par le bureau de l'assemblée nationale et l'autre par le président de la république.

Cette désignation qui semble faire un portrait des membres, reste paritaire. La procédure béninoise exclut l'élection des juges non pas par le peuple, mais plutôt au second degré par les parlementaires ou des corps intermédiaires83. Elle offre l'opportunité au peuple et pouvoir de se sentir impliquer et d'être membre de la juridiction.

La composition dite spécial concerne la Haute Cour de Justice.

« La Haute Cour de Justice est composée des membres de la Cour constitutionnelle, à l'exception de son président, de six députés élus par l'Assemblée nationale et du président de la Cour suprême. La Haute Cour élit en son sein son président. Une loi organique fixe les règles de son fonctionnement ainsi que la procédure suivie devant elle. »84

La composition de cette cour par plusieurs institutions fait d'elle un organe de croisée de réflexions du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire.

À côté de cette structure spéciale se trouvent des organes ordinaires à savoir les tribunaux, la Cour d'Appel, la Cour suprême, le Conseil Supérieur de la Magistrature. En effet « la Cour suprême est la plus haute juridiction de l'Etat en matière administrative, judiciaire et des comptes de l'Etat. »85. Elle est dirigée par un président issu du consensus entre l'exécutif et le législatif.

« Le président de la Cour suprême est nommé pour une durée de cinq ans par le président de la République, après avis du président de l'Assemblée nationale, parmi les magistrats et les juristes de haut niveau ayant quinze ans au moins d'expérience

83 Frédéric Joël Aïvo, la cour constitutionnelle du bénin, Presses Universitaires de France | « Revue française de droit constitutionnel » 2014, 100p

84 Art. 135 de la constitution du 11 décembre 1990

85 Article 131 de la constitution du 11 décembre 1990

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professionnelle, par décret pris en Conseil des ministres. Il est inamovible pendant la durée de son mandat, qui n'est renouvelé qu'une seule fois. »86.

Trois présidents ont dirigé cette institution. Il s'agit de Frédéric Noutaï HOUNDETON87, Président de 1990 à 1995 ; Me Abraham ZINZINDOHOUE88, Président de 1995 à 2000 et Saliou ABOUDOU89, Président depuis 2001.

Le président, les présidents de chambres90, les conseillers, le procureur général près la cour d'appel, les avocats généraux, les substituts généraux les auditeurs, le greffier en chef, les greffiers qui la composent assurent avec le président un bon fonctionnement de l'institution comme le précise la loi organique 200-31 du 27 août 2002 .

« Les présidents de Chambre et les conseillers sont nommés parmi les magistrats et les juristes de haut niveau, ayant quinze ans au moins d'expérience professionnelle, par décret pris en Conseil des ministres par le président de la République, sur proposition du président de la Cour suprême et après avis du Conseil supérieur de la Magistrature. La loi détermine le statut des magistrats de la Cour suprême »91

La loi de 2002 a également supprimé l'exclusivité de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, dans le règlement du contentieux administratif. Sont désormais créées une chambre administrative par Tribunal de Première Instance et par Cour d'Appel. Mais l'effectivité de cette réforme est aussi tributaire de l'installation des nouveaux tribunaux.

86 Article 133 de la constitution du 11 décembre 1990

87 Frédéric Noutaï HOUNDETOTON, magistrat catégorie A Président de la Cour Suprême, fonction qu'il a assumée du 30 octobre 1990 au 30 octobre 1995, l'homme a privilégié l'intérêt de la patrie à sa retraite professionnelle qui devrait prendre effet le 1er janvier 1991. Il était récemment président Honoraire de la Cour Suprême notamment depuis le 15 février 2006.

88 Abraham Zinzindohoue (né le 27 octobre 1948 à Bohicon), est un avocat et homme politique béninois. Député, puis Ministre de la Justice du 10 avril 2006 .Il fut Président de la Cour suprême du Bénin et Premier vice-président du Conseil supérieur de la magistrature en 2005.

90 Il était composée de chambre et de cour Populaire Centrale qui, avec les tribunaux populaires locaux des divers échelons, qui sont les « Organes Judiciaires » de la République Populaire du Bénin selon la loi fondamentale adoptée le 26 août 1977 sous le régime révolutionnaire marxiste-léniniste consacra le changement de dénomination de la Cour article 104 .

91 Article 134 de la constitution du 11 décembre 1990.

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« Le Conseil supérieur de la magistrature comprend 10 membres, dont sept de droit, et trois autres membres nommés par décret du Président de la République, Président dudit Conseil (art. 1er). Les trois membres autres que ceux de droit sont deux magistrats dont un du parquet désigné par l'assemblée générale des magistrats et une personnalité extérieure à la magistrature »92

Il statue comme Conseil de discipline des magistrats. La composition, les attributions, l'organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature sont fixés par une loi organique. En 2002, la composition de la juridiction est plus détaillée. Elle se compose de cour d'appel et de tribunaux de première instance.

La Cour d'Appel a une composition comme suit : « Le président - les présidents de chambres - les conseillers - le procureur général près la cour d'appel - les avocats généraux - les substituts généraux les auditeurs - le greffier en chef - les greffiers ».93. Un département de cette juridiction est même détaché pour organiser l'activité commerciale. Il s'agit de la cour d'appel de commerce.

Le tribunal de première instance est composé de « Le président du tribunal - le ou les vice-présidents - les juges d'instruction - les juges - le procureur de la République - les substituts - les auditeurs - le greffier en chef - les greffiers. ». Il traite les questions de commerce et de conciliation.

Toute cette organisation renforcée au besoin a pour seul but une justice rompu à la démocratie. La composition des organes du pouvoir judiciaire et les attributions fixées par loi organique sous proposition des présidents concourent à la consolidation de la démocratie au Benin.

La justice béninoise s'effraye une autonomie à travers l'arbitrage des différends entre Institutions de l'Etat (Cour Constitutionnelle, Cour Suprême, Conseil Supérieur justice) et des différends entre Institutions de I `Etat et les citoyens (Cour Constitutionnelle, Cour Suprême, Tribunaux).

92 La loi organique no 94-027 du 15 juin 1999 en fixe la composition, les attributions, l'organisation et le fonctionnement (art. 128 de la Constitution)

93 Constitution du Benin du 11 décembre 1990

La justice béninoise est l'organe régulateur des décisions du chef de l'Etat. En effet le président de la République se fait assister par un conseil supérieur de la Magistrature94. Les décisions de l'exécutif résultent des consultations de l'organe judiciaire.

Quant aux citoyens, il peut saisir le procureur et réclamer la justice. Cette saisine est facilitée par la réforme de 2002 modifie la carte judiciaire du pays qui comptait huit Tribunaux répartis sur l'ensemble du territoire depuis l'accession du pays à la souveraineté internationale. Elle créé vingt-huit tribunaux de première instance et trois cours d'appel. Cette loi qui élargit la carte judiciaire du pays rapproche la justice du citoyen. Les Cours d'Appel installées dans chacune des grandes villes du Sud, du Centre et du Nord du pays (Cotonou, Abomey et Parakou, respectivement) sont déjà fonctionnels.

En définitive, le pouvoir judiciaire est une véritable institution de contrepoids. la composition des membres par le président de la république et le bureau de l'assemblée nationale la cour constitutionnelle et la nomination des membres de la cour suprême rendent équipé l'organe afin d'équilibrer les forces politiques du pays. Sa présidence choisit par le vote des membres et l'application du droit par les juristes qui l'ont dirigé sans contestation majeure est gage de l'adhésion des citoyens. Il est donc possible de conclure que la cour constitutionnelle est inflexible à la marche démocratique du Benin.

II- Une presse libre et l'autorité religieuse

1- La liberté d'expression de la presse

La liberté de presse au Bénin est en évolution. La Conférence nationale de 1990 est venue briser le carcan passé pour instaurer le pluralisme démocratique et libérer la presse. Auparavant, se pliant aux exigences du pouvoir révolutionnaire alors vacillant, quelques titres privés avaient fait leur apparition entre 1988 et 1990, moyennant une autorisation ministérielle et parfois celle du comité central du Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB). C'est à ce prix que sont nés La Gazette du Golfe en mars 1988, «Tam-Tam Express« en juin 1988 et «La Récade« en juin 1989.

La véritable explosion médiatique n'a donc pu avoir lieu qu'au lendemain de la Conférence nationale. Pendant la période de transition qui succéda à cette conférence, d'autres organes de presse virent le jour dont Le Forum de la semaine, «L'Observateur«, «Le Soleil«, «24

heures«, «Le Canard du Golfe«, «Le Satirique«« Le

94 Article 127 de la constitution du 11 décembre 1990

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Quotidien«, «Libération«, « L'Indépendant«, «Je sais tout«, «La Voix du

Bénin«, «L'Union«,« L'Eveil«. Il se créait un journal presque toutes les deux semaines : Le Soleil (25 mars 1990), Le Forum de la Semaine (4 avril 1990), Le Canard du Golfe (10 avril 1990), 24 heures (15 octobre 1990), pour ne citer que ceux-là. Les organes publics de presse ont aussi fait leur toilette démocratique. Le quotidien gouvernemental est devenu «La Nation« et «La Voix de la Révolution« est devenue «Radio-Cotonou«.

Le Bénin comptait en avril 2001 18 quotidiens, 41 périodiques, cinq radios rurales locales, 17 radios non commerciales, neuf radios commerciales et deux chaînes de télévision, dont une privée. Quinze ans auparavant, le Bénin ne comptait qu'une seule radio, une seule télévision et un seul journal, toutes propriétés de l'État ! Cette véritable explosion médiatique est à mettre à l'actif du processus démocratique que le Bénin a, de façon originale, inauguré en Afrique depuis la Conférence nationale des forces vives du 19 février 199095.

À la faveur de la démocratie, le paysage médiatique béninois s'est donc profondément transformé. En retour, la presse béninoise contribue grandement à la vitalité de la démocratie et fournit d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le Bénin est toujours perçu comme « le laboratoire de la démocratie en Afrique »96. Cette presse « a contribué à l'apaisement des tensions et à une grande discipline » au Bénin et « constitue un moyen pédagogique sûr pour agir et contrôler les dirigeants97 ». à sa suite Kérékou approuvait la presse à travers ces mots de remerciements.

« Mes remerciements vont également aux journalistes et aux animateurs de nos médias nationaux qui ont été les acteurs efficaces de diffusion des informations relatives au processus électoral. Je les félicite tout particulièrement d'avoir pu braver les difficultés de toutes sortes dans la pleine conscience de leur responsabilité et des exigences de leur déontologie. Pour éclairer sainement

95 Voir la dépêche de l'Agence panafricaine d'information (PANA), Cotonou, 27 avril 2001 : « Une centaine d'organes de presse privés en 10 ans de démocratie »

96 Voir la dépêche de l'Agence France Presse (AFP), Cotonou, 2 mars 2001 : « Le Bénin, laboratoire de la démocratie en Afrique (Dossier-Encadré) ».

97 le ministre béninois de la Culture et de la Communication, Gaston Zossou, a rendu un « hommage mérité » à la presse béninoise à l'occasion de la journée internationale de la liberté de presse du 3 mai 2001,

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l'opinion publique dans un souci d'objectivité et d'impartialité qui mérite d'être souligné et salué ».

Ce rôle avait été reconnu depuis 1990 par la Conférence des forces vives, qui a d'ailleurs consacré une motion spéciale de remerciement aux journalistes.

Dès le renouveau démocratique au Bénin, la presse privée écrite a commencé à s'organiser pour faire face au défi du professionnalisme. C'est dans cette optique qu'a été créé en juin 1992 l'Union des journalistes de la presse privée du Bénin (UJPB). Ce groupement s'est attaqué à la formation de ses membres, qui étaient pour la plupart des diplômés de l'Université nationale du Bénin dans d'autres domaines que le journalisme.

De ces motivations va naitre, en mai 1996, l'Observatoire de la déontologie et de l'éthique dans les médias (ODEM). En réalité, l'ODEM est une initiative conjointe de l'UJPB et de plusieurs autres associations de médias, dont l'Association des journalistes du Bénin qui regroupe les journalistes du secteur public. Il a pour objectifs de faire observer les règles de déontologie et d'éthique dans les médias. Puis il doit protéger le droit du public à une information libre, complète, honnête et exacte. Aussi l'organe s'engage à défendre la liberté de presse et veiller à la sécurité des journalistes dans l'exercice de leur fonction et de garantir leur droit. Et il doit enquêter librement sur tous les faits concernant la vie publique. Il encourage en plus les journalistes et les organes de presse qui font preuve de professionnalisme avant de mener des recherches et des réflexions sur l'évolution des médias. En tant que police interne l'observatoire peut être saisi par toute personne physique ou morale se sentant victime d'abus de la liberté d'expression98.

En somme la mise place d'un organe de régulation HAAC et la loi 97-010 du 20 août 1997 portant libéralisation de l'espace audiovisuel et dispositions pénales spéciales relatives aux délits en matière de presse et de communication audiovisuelle en République du Bénin. selon la constitution parait novatrice. Ce contrôle de l'Etat à l'occasion de chaque élection, se fait à travers la prise des « Décisions » pour régir le comportement des médias lors des campagnes. Cette terminologie paraît un peu trop fort pour caractériser l'acte de mise en oeuvre de la mission constitutionnelle dont la HAAC est investie, à savoir garantir « la liberté de presse, ainsi que tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi ». Pour faciliter l'expression durant les compétitions électorales, il serait peut-être préférable que la HAAC

98Cette saisie se fait dans un délai de trois mois

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adopte un «règlement général» sur le comportement et l'utilisation des médias lors des campagnes électorales. L'adoption d'un règlement d'application générale et intemporelle aurait l'avantage de ne pas assujettir la réglementation de la presse aux contingences politiques. Il faut noter que les membres de la HAAC exercent un mandat de cinq ans non renouvelable. La durée de ce mandat peut coïncider avec celle du président de la République. Si la configuration de la HAAC change en fonction du ou des partis au pouvoir, la façon de régir la presse peut également changer pour mieux encadrer le débat. C'est donc évident que la caution de l'Etat à la liberté d'expression et l'enthousiasme des journalistes exprimé à travers la prolifération des organes de presse, soit suffisants pour confirmer une bonne marche de la démocratie.

2- L'implication informel des élites religieuses à la démocratisation du Benin

La Conférence nationale, qui s'est tenue du 19 au 28 février 1990, reste pour les Béninois l'évènement fondateur du nouveau régime, celui qui a permis le passage pacifique d'un régime révolutionnaire agonisant à un régime pluraliste et démocratique. L'implication des acteurs religieux autour de cet événement rétablit l'autorité des élites.

L'intervention des acteurs religieux dans les semaines qui précèdent la tenue de la Conférence nationale traduit la nécessité stratégique pour des institutions ou des acteurs individuels religieux de se positionner dans un contexte particulièrement amovible. Les organisations ses succèdent pour appeler à un pays démocratique.

C'est à juste titre que l'Union des jeunes musulmans du Bénin (UJMB) abonde dans le même sens, précisant que « seule la démocratie est capable de résoudre les problèmes de ce pays, car elle seule permet à des hommes de différentes tribus, de langues et de religions différentes, de cohabiter en paix, sans s'exclure »99 . à sa suite l'Organisation de la jeunesse islamique de l'Ouémé (OJIO) a renchérit Pour l'édification d'un Bénin véritablement démocratique1°° : ses deux priorités sont « le pluralisme politique [qui], quelle que soit sa forme, est nécessaire pour une vie démocratique et pour l'avènement de la primauté du droit et du règne de la transparence dans la gestion des affaires publiques » et « la liberté d'expression et la liberté de la presse [qui] sont des exigences de la démocratie ».

99 Lettre de l'UJMB, signé par le Comité directeur le 8 janvier 1990

100 Titre donné à son document de 16 pages pour interpeler l'autorité publique

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La mission d'éveil devient un succès avec à la clé, la ténue de la conférence nationale. Les communautés religieuses disposaient de dix-huit représentants (respectivement quatre pour l'Église catholique, pour le CIPB, pour la religion musulmane, pour les cultes traditionnels et deux pour l'Église du christianisme céleste).101

Ainsi les acteurs religieux sont associés à la gestion de la société. Un Haut conseil de la République (HCR) de 28 membres présidé par Mgr de Souza, faisant office d'assemblée législative, est instauré, ainsi qu'une Commission constitutionnelle chargée de rédiger une nouvelle loi fondamentale, dont les principales orientations sont fixées à la clôture des travaux de la Conférence nationale.

Le regard porté sur l'élites religieuse s'améliore surtout pour le christianisme. En effet une nouvelle attitude vis-à-vis de l'Eglise catholique est adopte par l'Etat. La mesure d'interdiction à l'encontre des Témoins de Jéhovah est ainsi levée par décret le 23 janvier 1990102. Elle peut désormais exercer en toute liberté.

Puis le gouvernement de transition va chercher à mobiliser les communautés religieuses, en particulier dans la préparation des consultations référendaire et électorales. Il sollicite les guides religieux dans la sensibilisation des béninois pour améliorer le taux de participation au Référendum du 2 décembre 1990.

L'adoption de la constitution ouvre définitivement sur le fait que « la République du Bénin est une et indivisible, laïque et démocratique ». Elle reconnait que

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d'opinion et d'expression dans le respect de l'ordre public établi par la loi et les règlements. L'exercice du culte et l'expression des croyances s'effectuent dans le respect de la laïcité de l'État. Les institutions, les communautés religieuses ou philosophiques ont le droit de se développer sans entraves. Elles ne sont pas soumises à la tutelle de l'État. Elles règlent et administrent leurs affaires d'une manière autonome » 103

101 La liste des participants à la Conférence nationale in Fondation Friedrich Naumann, Les actes de la Conférence nationale, Cotonou, Editions ONEPI, 1994, pp. 191-209.

102 Depuis la fin des années 1980, les activités de l'Eglise catholique n'étaient pas officiellement autorisées

103 Art. 23 de la constitution du 11 décembre 1990

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Il faut noter que l'implication des acteurs religieux dans la mobilisation sociale et active pour la démocratie. L'élite religieuse a joué le rôle de premier rang dans la conférence des forces vives de la nation et dans la prise de décision lors du referendum. L'investissement des religieux à la démocratisation a permis une légalité du culte et une crédibilité des acteurs de culte.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams