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La marque de l'impermanence dans les expositions du palais de Tokyo

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par Thomas Bizien
Université Paris III - Sorbonne Nouvelle - Master de médiation culturelle 2010
  

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III.2 L'obsolescence technologique et l'idée de progrès

III.2.a À La caducité de l'ère industrielle

Au sein de l'exposition collective Dynasty, Daniel Dewar & Grégory Gicquel présentait Waders, une salopette de marbre portée en éloge sur un socle. Faisant penser à un bleu de travail devenu sculpture, l'oeuvre appelait sur le registre du monument, à considérer historiquement l'ère industrielle comme une période révolue. Telle une relique, ce bleu de travail venait signifier une réalité révolue.

Suites aux mutations économiques des années 1960, l'Europe abandonne de nombreux sites et bâtiments industriels. Comme un naturaliste, Eric Tabuchi parcourt les paysages vernaculaires français à la recherche de ces constructions abandonnées. Dans l'espace d'un module, le Palais de Tokyo présentait en 2010 sa série Hyper Trophy, une archéologie industrielle de friches délaissées. Intitulé Réserve naturelle129, l'exposition présentait une série de photographies de la campagne désindustrialisée, des mutations fonctionnelles dont ces espaces font parfois l'objet. Sur Agrandissement du provisoire, le spectateur pouvait par exemple voir une station essence devenu un centre d'observation astronomique, un bâtiment industriel transformée en restaurant exotique. L'exposition présentait aussi une

127 Fig. #44

128 « Wang Du Parade #4 » in Le_Journal 5, Palais de Tokyo, 2005

129 Fig. #45

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maquette réduite de la station-service photographiée, comme une relique industrielle d'un temps dépassé. Ces formes collectées étaient autant de manifestations de l'itinérant, de l'instable, de l'éphémère. Des formes architecturales oubliées qui rappellent le célèbre récit de Robert Smithson, « A Tour of the Monuments of Passaic ». En 1967, l'artiste fait en bus le tour de cette petite ville du New Jersey. Mais ne rencontrant que des chantiers abandonnés, des machines au repos, la ville lui apparaît déserte. Robert Smithson conclut que l'espace vernaculaire contient les traces d'un passé si codifié que son avenir archéologique est déjà standardisé :

« Ce panorama zéro paraissait contenir des ruines à l'envers, c'est à dire toutes les constructions qui finiraient par y être édifiées. C'est le contraire de la ruine romantique, parce que les édifices ne tombent pas en ruine après qu'ils ont été construits, mais qu'ils s'élèvent en ruine avant même de l'être.130 »

Exposé à l'occasion de la session Pergola, Raphaël Zarka présentait sur le même registre La Draisine de l'aérotrain131 (2009). Comme Eric Tabuchi, l'artiste part en quête de paysages industriels passés, de vestiges révolus qu'il nomme « forme de repos ». Zarka photographie ces objets créés par l'homme puis abandonné. Lorsqu'il découvre près d'Orléans, le viaduc abandonné de l'aérotrain de Jean Bertin - véhicule glissant sur un coussin d'air -, il prolonge sa démarche photographique en réalisant une réplique hypothétique d'une draisine conçue pour cette voie d'essai en forme de T inversé. Il s'agit d'un véhicule composé de deux motos disposées tête-bêche. S'attachant à repérer les isomorphismes entre art et industrie, Raphael Zarka proposait une oeuvre se conjuguant dans un temps incompatible avec le réel. Le caractère absurde de cet engin, mis en regard des usages communs, le constituait en un objet hétérotopique, faisant signe vers le réel tout en bouleversant ses règles132. Ce véhicule apparaissait comme l'image d'une vision révolue du futur, une apparition d'un vestige de notre passé proche qui corrobore d'ailleurs bien l'idée du critique d'art britannique Lawrence Alloway selon laquelle le demain d'hier ne

130 « L'entropie et les nouveaux monuments » in Robert Smithson, une rétrospective, Marseille, RMN, 1994

131 Fig. #46

132 Vincent Pecoil, « La pergola comme hétérotopie » in ZéroDeux, 39, 2009

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correspond pas à notre présent : « yesterday's tomorrow is not today133 » C'est ce décalage temporel qui créait l'hétérotopie, un espace qui, tout en renvoyant à des espaces concrets, réalise leur conjonction, leur réversion impossibles dans le réel. Comme pour les séries d'Eric Tabuchi et le bleu de travail de Daniel Dewar & Grégory Gicquel, ces oeuvres accentuent l'idée d'un temps perçu comme un ressort ou une visse sans fin, alliant la linéarité de devenir et l'impermanence de la technologie. Ces travaux réussissaient ainsi à susciter des doutes sur l'idée de progrès, forcément révocable.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard