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La marque de l'impermanence dans les expositions du palais de Tokyo

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par Thomas Bizien
Université Paris III - Sorbonne Nouvelle - Master de médiation culturelle 2010
  

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IV.2. D'un art in situ...

Les pratiques in situ se développent à partir des années 1960. Continuant les voies ouvertes par la dématérialisation de l'art, des artistes remettent en cause l'objet et de sa présence. Victor Burgin parle alors d'esthétique situationnelle. Prenant acte de la généralisation des moyens de reproduction technique qui enlève désormais à l'oeuvre son « aura », les pratiques in situ prennent forme dans l'ici et maintenant. Éphémère l'oeuvre in situ ne pourra se produire qu'une seule fois, n'existe qu'à l'endroit où elle se montre. Sans autonomie spatiale ni permanence temporelle, les pratiques in situ ne sont rendus accessibles que par l'archive, support à visée documentaire qui permet le référencement de l'oeuvre.

IV.2.a - Temporalité de l'oeuvre en site spécifique

En 2007, le Palais de Tokyo présentait deux oeuvres de Robert Smithson. Sous la verrière était montré Mirror vortex (1964), une sculpture en miroir aux perspectives kaléidoscopiques. Utilisé comme matériau, le miroir impliquait l'intégration dans l'oeuvre de l'image du regardant, ainsi que des parties de l'espace de la travée où elle se situait. De cette façon, l'oeuvre renvoyait toujours à autre chose, intégrait en son sein le réel environnant. Le miroir agissait comme un révélateur d'image à jamais actif, à la différence d'une peinture, d'une sculpture, à jamais figé dans un ensemble immuable. À côté était projeté Rundown (1969). Sur cette célèbre vidéo, une benne déverse une coulée d'asphalte le long d'une colline des hauteurs de Rome. L'oeuvre

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est cette coulure fugitive, capté avant de disparaître. Rundown rappelait les processus d'érosion déjà exploité dans Spiral Jetty. Pour cette pièce Robert Smithson déplaçait six milles tonnes de terres pour former une spirale dans un lac isolé de l'Utah. Fasciné par les processus d'échange, de mobilité, et de transformation, l'artiste choisissait le site pour sa forte concentration en sel, étant sûr que la dégradation viendrait faire patiner d'une couche blanchâtre la terre déplacée. Dans le de descriptif de l'oeuvre, il inscrivait d'ailleurs le sel - à côté de la terre, de l'eau et de la pierre À comme l'un de ses composants. Aujourd'hui c'est lorsque le niveau du lac est bas qu'émerge de l'eau Spiral Jetty. Comme l'envisager Smithson, les blocs ont blanchi. Le sel s'y est enraciné et sert d'indice à la marque du passage du temps. Partant autonome à « l'exploration de la structure cristalline du temps150 », comme une immense fluidité réfléchissante, le sel incorpore dans l'oeuvre les marques du ressac incessant. Comme du miroir, l'artiste use avec le sel de matériaux de transparence afin de créer des lieus réflexifs du temps et de son impermanence.

En formalisant l'oeuvre en fonction du site où elle viendra prendre place, les pratiques in situ jouent sur la temporalité. Anti-monuments de la précarité et de la fragilité, ces installations poussent à accepter les limites, à reconnaître que la durée n'est pas synonyme de qualité. Invité à intervenir dans les espaces du Palais de Tokyo, Daniel Buren présentait Quatre fois moins ou quatre fois plus151. Première exposition « historique » dans un lieu consacré à la création émergente, Nicolas Bourriaud insistait pour rendre hommage à l'investigateur du terme in situ à l'un des premiers artistes français à avoir consacré de l'importance au contexte de l'oeuvre. Tout au long de son activité artistique, Daniel Buren intervient en espace public, le plus souvent au moyen d'installation éphémère. La durée des oeuvres qu'il conçoit est toujours fonction d'adéquation avec le site et de son usage. Prenant en compte la dimension active du lieu - dimension qui imprimera sa temporalité sur l'oeuvre - Buren remplit de sens cette désagrégation progressive :

150 Robert Smithson, « Towards the Development of an Air Terminale Site » in Writings, 1953

151 Fig. #52

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« L'éphémérité de l'art, c'est sa grandeur et sa dignité. Toutes les oeuvres devraient avoir l'ambition d'être éphémères.152 »

En créant des environnements qui ne vivent que le temps de l'exposition, les oeuvres de Michael Lin sont aussi conditionnées par les lieux dans lesquelles elles s'insèrent. Créés pour un lieu et pour un temps spécifique, ces travaux dépendent des contraintes propres à leur élaboration. En 2003, l'artiste présentait Spring, une composition florale peinte à la main sur le sol du Palais de Tokyo. Mettant le visiteur dans une position d'iconoclaste, il invitait le public à marcher sur l'oeuvre sans précaution particulière. Au fur et à mesure, les piétinements détérioraient inéluctablement les surfaces peintes.

« Quand on considère la durée de l'exposition comme un élément à part entière de l'oeuvre, on envisage déjà l'exposition comme un événement, et non comme une collection d'objet exposé.153 »

En changeant notre rapport à l'oeuvre, Michael Lin interrogeait l'attitude du spectateur, renversait les dispositifs de création et d'exposition. Plus que de la contemplation, il attendait que son travail fournisse un cadre à d'autre scénario. Par la mise en contexte de l'oeuvre, Michael Lin montre bien que la signification de tout lieu tient aux activités qui s'y déroulent, que l'oeuvre n'est rien de plus que le théâtre de l'échange social, bref de par nature.

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