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Ce que "casseur" veut dire. La figure de l'ennemi dans le discours politique

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par Pierre CHARTIER
Université de Bretagne Occidentale - Master 1 2017
  

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IV.1. « CASSEURS », UNE DÉNOMINATION À GÉOMÉTRIE VARIABLE

« Tout commence en rhétorique, dans le discours social et dans les idéologies, en donnant des noms aux choses » (Angenot 2014 : §4). Comme nous venons de le voir, la façon dont l'objet du discours est présenté est primordiale pour définir si un discours a une valeur énonciative, « qui dit des choses sur l'identité et les intentions des interlocuteurs » (Charaudeau 2007 : 28) ou de croyance qui « témoigne des jugements sociaux portés sur les êtres et les faits du monde » (op. cit.). C'est pourquoi le discours politique nous dit quel regard portent les politiques sur les « casseurs ».

a) Condamnation des « casseurs » dans la sphère politique

Visiblement, il n'y a pas vraiment des regards mais bien un regard sur les « casseurs ». Comme nous l'avons déjà évoqué dans la première partie, il semblerait que le terme fasse consensus, si l'on se fie au traitement médiatico-politique uniformisé où aucune voix discordante ne se fait entendre. L'incendie d'une voiture de police le 18 mai 2016 en marge de la manifestation contre « la haine anti-flics »81 illustre très bien ce consensus : pas une personnalité politique n'a eu de mot assez dur pour dénoncer ces « tentatives de meurtres » (Jean-Pierre Giran, France Bleu, 20 mai), cette « volonté de se payer un flic » (Manuel Valls, RTL, 19 mai) perpétrées par « ces milices d'extrême-gauche » (Marine Lepen, Europe 1, 20 mai) qui seraient « au service de nos adversaires » (Jean-Luc Mélenchon, Institut BVA, 20 juin).

En effet, c'est la (presque) totalité du spectre de l'échiquier politique qui condamne

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d'une même voix, mais chacun-e à sa façon, les « casseurs ». Le seul parti politique qui n'a pas voulu condamner les violences, c'est le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) par la voix d'Olivier Besancenot qui a refusé de critiquer les manifestant-e-s violent-e-s tout en rappelant que lui-même n'est pas un « casseur », que « le fait de casser des vitrines » n'est pas un « moyen d'action du NPA » (BFM TV, 4 novembre 2014). Il ne condamne pas les « casseurs » mais plutôt « cette stratégie politique, qui fonctionne visiblement très bien puisqu'on ne parle que de ça, qui est de la responsabilité du pouvoir, qui crée les conditions de ces débordements et de ces violences, voilà » (RMC, 02 mai 2016).

b) La sphère médiatique au diapason

La sphère médiatique rejoint la sphère politique dans une condamnation sans équivoque puisque les éditorialistes, présentateurs/présentatrices des journaux télévisés et journalistes ont produit un flot continu de condamnations des violences. Il suffit de lire les éditoriaux du 16 juin 2016 au sujet du « saccage » de l'hôpital Necker pour s'en rendre compte :

La violence antidémocratique ne doit pas faire reculer la démocratie, dont les principes et les procédures doivent être maintenus, même dans des circonstances difficiles. Ce serait, sinon, rendre des points aux activistes que l'on dénonce. (Laurent Joffrin, Libération) ;

Au lieu de décréter purement et simplement que l'état d'urgence commande de proscrire toute sorte de manifestations et de rappeler fermement que la police, durement endeuillée par la barbarie islamiste, a autre chose à faire que de disperser des voyous encagoulés et dont la sauvagerie sidère (Paul-Henri du Limbert, Le Figaro) ;

Il est légitime de manifester (...) c'est même un droit constitutionnel. Mais ne pas se désolidariser du nihilisme de certains éléments incontrôlés, c'est affaiblir la cause que l'on entend défendre (Guillaume Goubert, La Croix) ;

Il n'y a qu'à voir les images pour comprendre à qui on a affaire: les abrutis qui assaillent nos forces de l'ordre, qui brisent les vitrines, qui défoncent les murs de Necker sont des lâches... Ces cinglés sont casqués, armés, se cachent, ne sont pas reconnaissables. E...] Martinez, Mailly and Co ne sont pas débordés par leurs troupes. Ils sont dépassés dans la file de la manif' par des hordes de sauvages qui profitent de tout et n'importe quoi pour casser, voler, détruire, blesser (Jean-Marc Chavauché, Courrier picard).

c) Dépolitiser la violence politique

À travers ces condamnations, c'est surtout la dépolitisation de l'acte violent dans le cadre d'une manifestation politique qui est ici à l'oeuvre. Nous retrouvons ce processus dans notre corpus (Hollande 17 mai : 539-542 ; Baylet 3 mai : 155-157 ; Touraine 19

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mai : 51-56 ; Valls 19 mai : 98-100).

La condamnation et la dépolitisation se font grâce aux accusations d'intentions : les « casseurs » viendraient juste pour casser puisque c'est la seule revendication qu'ils auraient. De même, les « jeunes » qui s'intéressent à la politique sont encensé-e-s sans imaginer que se sont potentiellement les mêmes qui cassent. Nous l'avons vu tout au long de notre étude, les « casseurs » n'ont aucune conscience politique, ils cassent pour s'amuser et attaquent la police car ils sont habités par la haine.

La condamnation est unanime et les voix discordantes sont comme recouvertes par le discours officiel. Cependant, comme le montre les exemples précédents, le trait condamnatoire des « casseurs » est la « casse » et il semble que ce soit un des principaux griefs qui leur sont reprochés. Pourtant, nous allons voir que ce n'est pas le seul groupe manifestant à utiliser la « casse » comme moyen d'action.

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