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La justice répressive et la protection de la faune sauvage au Congo et au Cameroun

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Faculté de Droit et Sciences Économiques de Limoges  - Master2  2016
  

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Chapitre II : Les obstacles à une application effective

du corpus juridique consacré à la protection de la

faune sauvage par la justice répressive.

Nous avons mentionné supra, que la délinquance faunique est aujourd'hui considérée comme une composante importante de la criminalité environnementale. Le caractère tentaculaire des infractions dans ce domaine dépasse largement les sphères nationales et échappent à la connaissance du juge répressive. Celui-ci étant un juge infra-légal, il est soumis au principe de l'interprétation stricte de la loi pénale. Au cours de ces dernières décennies, la criminalité environnementale, dans laquelle il faut inclure la délinquance faunique, s'est hissée au quatrième (4ème) rang des activités illicites internationales79. Aussi, la recrudescence des phénomènes tels que : le braconnage ou le commerce illégal des espèces menacées d'extinction dans la plupart des pays d'Afrique, met en péril les écosystèmes et la survie des espèces pour le bien des générations présentes et futures. Cette situation préoccupante a fait l'objet de plusieurs rapports et études d'experts faisant office d'alerte. Dans bon nombre de cas, un accent a été mis sur l'ineffectivité du dispositif répressif élaboré par les Etats dans le cadre de leurs législations fauniques internes. Mais, il a été aussi pointé du doigt la profusion ainsi que le caractère évasif et aléatoire des normes internationales en la matière, celles-ci étant souvent confrontées aux intérêts divergents des Etats souverains.

C'est à ce titre qu'il nous ait paru évident d'affirmer avec Nathalie RORET et Mathilde PORRET-BLANC que : « la mise en oeuvre d'un système effectif de répression des atteintes à l'environnement -et partant contre la faune sauvage- se heurte aujourd'hui à des nombreuses difficultés »80. Certains de ces obstacles relèvent du droit interne (Section1) tel qu'institué par chaque Etat. Mais d'autres par contre découlent de l'application des normes internationales consacrée à la protection des espèces fauniques (Section2).

Section1 : Les obstacles à la mise en oeuvre du régime de protection pénale en droit interne.

Il est évident qu'aujourd'hui, au Congo et au Cameroun, la lutte pour la préservation des écosystèmes riches en biodiversité que regorgent ces pays ne passe que par la mise en place d'un régime de répression effectif dont le juge pénal serait le maître d'orchestre. Pour ce faire, au cours de ces dernières décennies, on a relevé dans ces deux (2) pays une intensification dans la production normative consacrée à la protection des ressources fauniques.

79 RORET (N) et PORRET-BLANC (M), L'effectivité du droit pénal de l'environnement : Etat des lieux et perspectives, Les Revues Lexisnexis n°7, juillet 2016, page.13.

80 RORET (N) et PORRET-BLANC (M), op.cit, page.14

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Cependant, la persistance du braconnage à grande échelle, du commerce illicite des espèces menacées d'extinction ainsi que des autres types d'infractions y relatives, nous renvoient à cette évidence : qu'en matière d'environnement, les règles répressives sont en apparence redoutable, mais leur efficacité est plus que douteuse81.

En effet, qu'il s'agisse de la transaction instituée par les lois fauniques congolaise et camerounaise (§1) que des faiblesses et insuffisances de ces textes (§2). Le régime de protection pénale des ressources fauniques mis en place par ces deux Etats porte en son sein, des germes d'une ineffectivité dans sa mise en oeuvre.

Paragraphe1 : La transaction en matière faunique : un obstacle majeur à la mise en oeuvre de la répression pénale.

Qu'il s'agisse de la loi camerounaise n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche ou de celle n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées en République du Congo. Une possibilité est accordée aux délinquants fauniques, auteurs d'infractions, de procéder à une transaction qui constitue dans les deux systèmes répressifs, une cause d'extinction de l'action publique. La grande question est celle de savoir : En quoi, une transaction en matière faunique peut-elle être considérée comme l'un des obstacles majeurs à la mise en oeuvre du régime répressif consacré à la protection des espèces ? On peut trouver un début de réponse à cette question, en rappelant que le régime répressif mis en place par ces Etats est constitué par un ensemble des dispositions qui jouent un rôle dans la prévention et la sanction des différentes atteintes exercées par l'homme contre le milieu naturel. Certes, réprimer n'est pas le remède miracle qui sauvera l'environnement des maux qui l'accablent. Mais c'est affirmer qu'un intérêt social a été lésé et que, par conséquent, les éléments de l'environnement sont des valeurs à respecter. L'action du juge pénal est donc irremplaçable et déterminante en la matière82.

Or, la transaction a pour but, de soustraire le délinquant de sa responsabilité pénal. Elle permet à ce dernier d'échapper à la sanction du juge pénal en substituant l'acte incriminé au paiement d'une amende devant l'autorité administrative. Mais, par définition, la transaction83 est d'abord et avant tout un acte qui répond à une procédure spéciale définit par les lois fauniques en vigueur et dont certains aspects méritent un examen minutieux (A). Ensuite, comme tout acte juridique, elle produit nécessairement des effets sur le contentieux faunique (B).

81 Cette affirmation nous renvoie à l'article de M-J. LITTMANN-MARTIN, Droit pénal de l'environnement. Apparence redoutable et efficacité douteuse, Justice, Syndicat de la magistrature, 1988, n°122, pages.15-29. Elle a aussi été reprise par Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE, Le Droit pénal de l'environnement : un droit encore à l'apparence redoutable et à l'efficacité douteuse, in Sauvegarde de l'environnement et droit pénal, edition l'Harmattan Sciences criminelles 2005, page.13.

82 LASSERRE-CAPDEVILLE (J), op.cit, page.17

83 Sur la définition juridique de la transaction voir le Lexique des termes juridiques, 13ème édition Dalloz 2001, page.548.

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A)-La procédure de transaction mise en place par les lois fauniques au Congo et Cameroun.

Deux aspects essentiels de la procédure de transaction telle qu'instituée par les lois fauniques au Congo et au Cameroun méritent d'être examinées à savoir : L'institution d'un régime différencié entre le délinquant primaire et le délinquant récidiviste en matière de transaction (1) d'une part. L'examen des régimes d'habilitation à transiger reconnus aux différentes autorités administratives (2) d'autre part.

1-Un régime différencié entre délinquant primaire et récidiviste.

Au Congo, c'est le chapitre II du titre VI, de la loi de 2008 sur la faune et les aires protégées qui détermine le régime de la transaction en matière faunique. Ainsi, l'article 106 dispose en son dernier alinéa que : « Les récidivistes ne peuvent prétendre à aucune transaction ». Cette mention pose tout de même un sérieux problème de logique procédurale. En effet, la récidive est définit en droit pénal comme : une « cause d'aggravation de la peine résultant pour un délinquant de la commission d'une seconde infraction dans les conditions précisées par la loi, après avoir été condamné définitivement pour une première infraction (...) »84. A ce titre deux questions méritent d'être posées. D'abord comment parler de récidive en matière faunique s'il est donné une possibilité aux délinquants primaires de transiger et donc d'échapper à une première condamnation sans laquelle on saurait parler de la récidive ? Ensuite, en l'état actuel du système pénal congolais, il n'existe pas un fichier pénal national dans lequel se trouverait répertorié toutes les condamnations. De sorte qu'une même personne peut faire l'objet de plusieurs condamnations. Soit dans les juridictions répressives de la même localité ou dans des localités différentes, sans que cela ne puisse avoir un impact sur son statut pénal. Alors, dans ces conditions, comment parler de seconde condamnation et mieux de récidive ?

Tout au moins, en théorie, cette loi établit donc un régime différencié entre le délinquant primaire. Lequel peut prétendre à une possibilité de transaction et le délinquant récidiviste qui n'a pas droit à cette possibilité. Il ne s'agit nullement d'une entorse au principe d'égalité des citoyens devant les services judiciaires. Mais plutôt, d'une volonté de rendre plus stricte le traitement réservé aux citoyens qui persistent dans la commission des actes attentatoires à la faune. Ceux-ci, constituant un véritable danger pour la survie des espèces, il faut les soumettre à des peines d'emprisonnement. C'est le seul moyen de les dissuader.

Ce régime qui apparaît comme un traitement de faveur fait au délinquant primaire, est aussi prévu par la loi camerounaise du 20 janvier 1994 dont l'article 146 al.4.c dispose que : « En cas de transaction : c)-Les matériels saisis, s'ils sont impliqués pour la première fois dans une infraction et si le contrevenant est délinquant primaire, sont restitués au contrevenant après règlement définitif de la transaction ». Il s'agit là, d'une grande faiblesse de cette loi et un obstacle sérieux quant à la répression et donc à la dissuasion de la délinquance faunique.

84 Sur la définition juridique de la récidive, voir le Lexique des termes juridiques, op.cit, page.462.

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En effet, si à un délinquant qui a été pris en flagrant délit d'abattage d'un animal intégralement protégé, non seulement on lui donne la possibilité de se soustraire à la justice et donc à des sanctions pénales moyennant le paiement d'une somme d'argent, on doit aussi lui restituer le matériel qui lui aurait servir dans la commission de son forfait, comme pour l'inciter à continuer dans son entreprise infractionnelle. Il y a donc de quoi se demander, si entre la protection des espèces fauniques à travers la mise en oeuvre des sanctions pénales et la dissuasion de la délinquance faunique grâce à l'application des mesures administratives souples, le législateur a opté pour la seconde option.

Mais la solution camerounaise, semble aller plus loin dans cette option de souplesse. Elle accorde cette possibilité de transiger même aux délinquants récidivistes avec une petite différence. Pour s'en convaincre, l'article 146 al.4.d poursuit en ces termes : « En cas de transaction : d)- Les matériels saisis, s'ils sont impliqués pour plus d'une fois dans une infraction et si le contrevenant a récidivé, ne sont pas restitués et sont vendus aux enchères publiques ou de gré à gré en l'absence d'adjudicataire, à l'exception des armes à feu et munitions qui sont transmises aux autorités compétentes de l'administration territoriale ». Au regard de cette disposition, on peut s'interroger sur ce qu'il en est des armes à feu et munitions du délinquant primaire qui a bénéficié d'une transaction ? Outre cette aspect de traitement entre délinquant primaire et récidiviste, la transaction telle qu'instituée par les textes congolais et camerounais pose, un autre problème, celui de savoir quelles sont les autorités habilitées à transiger ?

2-Les niveaux habilitations reconnus aux autorités administratives pour transiger.

Aux termes de la loi congolaise sur la faune et les aires protégées, les niveaux d'habilitation pour transiger sont repartis entre différentes autorités du Ministère en charge de la faune. En ce sens, l'article 106 al. 1-3 dispose que : « Le ministre chargé des eaux et forêts, le directeur général et les directeurs départementaux chargés des eaux et forêts sont autorisés à transiger au nom de l'Etat pour les infractions en matière de faune et de chasse. Les niveaux de transaction sont fixés conformément à la législation en vigueur. Les conservateurs sont autorisés à transiger pour les infractions de nature à entraîner une amende de 5.000.000 de francs CFA maximum conformément au règlement intérieur de l'aire protégée ». Ainsi, sont autorisés à transiger au nom de l'Etat : le Ministre en charge de la faune, le Directeur Général et les Directeurs Départementaux. Il s'agit donc d'une répartition hiérarchique des compétences dans l'habilitation à transiger. Par contre, la loi camerounaise de 1994 ne fournie aucun renseignement sur les autorités habilitées à transiger. Mais il est évident que cette compétence relève du ministère en charge de la faune.

Comme tout acte juridique, la transaction en matière faunique entraine des effets dans le cas où, elle est passée avec l'administration, mais aussi au cas où elle n'aboutie pas.

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B)-Les effets de la transaction en matière faunique.

Rappelons d'abord que l'article 6 al.1 du Code de Procédure Pénale congolais dispose que : « L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale, la transaction lorsque la loi en dispose spécialement (...) ». Il en est de même de l'article 62 du Code de Procédure Pénale camerounais qui parle de la transaction comme cause d'extinction de l'action publique : « lorsque la loi le prévoit expressément ». Il résulte donc de ces prévisions légales qu'une loi spéciale peut ériger la transaction comme un moyen pour le délinquant d'arrêter le déclenchement de l'action publique. Ainsi, en cas d'exécution (1) ou même de non exécution (2), la transaction produit forcément des effets juridiques à l'égard du délinquant faunique.

1-Les effets en cas d'exécution de la transaction.

L'effet immédiat de la transaction en matière faunique est l'extinction de l'action publique. En ce sens, l'article 109 de la loi congolaise sur la faune dispose que : « Avant le jugement, la transaction éteint l'action publique. Elle ne porte que sur les amendes ». De même que l'article 146 al.2 de la loi de 1994 au Cameroun dispose que : « La transaction sollicitée par le contrevenant éteint l'action publique, sous réserve de son exécution effective dans les délais impartis ». Elle permet aussi, dans le modèle camerounais, la restitution des matériels confisqués lors de l'arrestation du délinquant, à condition que celui-ci soit un délinquant primaire. Elle peut également, si le délinquant est un récidiviste, donner lieu à une vente aux enchères publiques ou de gré à gré des matériels confisqués.

Mais qu'en est-il en cas de non transaction ?

2-Les effets en cas de non exécution de la transaction.

Les lois congolaise et camerounaise déterminent un délai pour l'exécution de la transaction. Dans le cas du Congo, le délai est de deux (2) mois. Dépassé celui-ci, il est procédé aux poursuites pénales contre le contrevenant85. Or l'article 107 n'assortie pas ce délai d'une mise en demeure du délinquant et une autre défaillance de la loi congolaise réside en ce qu'il convient de se demander : Pendant les deux (2) mois qu'advient-il du contrevenant qui a manifester la volonté de transiger ? Est-il mis en liberté, le temps qu'il ne s'acquitte du montant fixé à titre de transaction ? Ou, placé en détention préventive ? Dans le premier cas, n'y a-t-il pas dans ce cas, un risque que celui-ci ne prenne la fuite sans avoir honoré à sa promesse de transiger ? Le model camerounais, semble donc offrir une meilleure rédaction puisqu'il résulte de l'article 147 de la loi de 1994 que : « En l'absence de transaction ou en cas de non exécution de celle-ci, et après mise en demeure préalablement notifiée au contrevenant, l'action publique est mise en mouvement dans un délai de soixante douze (72) heures sur la demande des administrations chargées selon le cas (...) de la faune, partie procès. A cet effet, elles ont compétence pour :

85 Voir en ce sens, l'article 107 de la loi sur la faune et les aires protégées qui dispose que : « Le montant de la transaction doit être acquitté dans le délai fixé par l'acte de transaction, qui ne peut dépasser deux mois, faute de quoi il est procédé aux poursuites du contrevenant ».

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-faire citer aux frais du Trésor Public tout contrevenant devant la juridiction compétente ;

-déposer leurs mémoires et conclusions et faire toutes observations qu'elles estiment utiles à la sauvegarde de leurs intérêts (...) ».

Il ressort donc de ce qui précède que la transaction en matière faunique, constitue un véritable obstacle au régime de répression. En effet, à travers elle l'administration vol la vedette au juge répressif. Elle accorde ainsi au délinquant un moyen de se soustraire à un jugement pénal. La mise en oeuvre de la transaction dans le régime de protection de la faune sauvage rejoint une approche sociologique qui veut que : « la répression pénale, en tant que manifestation par excellence de la réprobation sociale, se révèle parfois peu adaptée à la protection d'une valeur encore émergente, comme la protection de l'environnement, dans la conscience collective. Ainsi, pour certains, le délinquant écologique ne mériterait pas l'opprobre »86. Or cette approche ne concoure pas à la préservation des écosystèmes et à leur gestion durable pour le bien des générations présentes et futures.

Mais outre la transaction, le régime répressif mis en place grâce aux lois fauniques, comporte bien plus de germes d'ineffectivité caractérisés par des faiblesses et des insuffisances qu'il convient d'examiner.

Paragraphe 2 : Les faiblesses et insuffisances du corpus juridique consacré à la protection de la faune sauvage.

Depuis plusieurs années, le corpus juridique au plan interne mis en place au Congo et au Cameroun pour assurer une protection efficace de la faune sauvage, apparaît comme un « maquis juridique dont seuls quelques spécialistes savent débrouiller les pistes »87. En effet, l'ensemble des textes en matière faunique comportent une multiplicité d'incriminations extérieures au Code pénal. Elles sont souvent imprécises, illisibles et lapidaires. Du fait de leurs insuffisances, ces textes donnent lieu à une technique d'incrimination par renvoi et à des concours de qualification. Mais outre ces griefs qui peuvent être faites à l'égard des textes d'incriminations (A). Il faut aussi relever que ces faiblesses tiennent du fait des contrariétés entre les règles procédurales spéciales, instituées par les lois fauniques, et les règles relevant de la procédure pénale générale (B).

A)-Un corpus juridique constitué des textes d'incriminations épars et lapidaires.

Il conviendra d'examiner successivement la multiplicité des incriminations prévues dans divers textes consacrés à la protection de la faune sauvage (1). Ainsi que le caractère lapidaire de ces incriminations (2). A travers cet examen, nous montrerons que ces griefs faites au régime répressif institué par le législateur congolais et camerounais, constituent un obstacle à la mise en oeuvre du dispositif répressif en matière de la faune sauvage.

86 LASSERRE CAPDEVILLE (J), op.cit, page.65.

87 ROBERT (J.H), Droit pénal et environnement, Paris, A.J.D.A, 1994, page.583

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1-Des textes d'incriminations épars.

Dans la plupart des cas, les incriminations portant sur la faune sauvage sont extérieures au Code Pénal, qu'il s'agisse du Congo ou du Cameroun. Elles sont dispersées à travers plusieurs textes légaux ou réglementaires. Au Congo, par exemple, cette hétérogénéité des incriminations en matière fauniques, relève d'une combinaison entre la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées, la loi n°16-2000 du 20 novembre 2000 portant code forestier et la loi n°003/91 du 23 avril 1991 sur la protection de l'environnement. Au Cameroun, la loi de 1994 combine trois secteurs la forêt, la faune et la pêche. De ce fait les incriminations qui y sont prévues sont protéiformes. Certains revêtant parfois la nature de prescriptions administratives.

Au nombre des incriminations prévues par l'ensemble de ces textes, on relève deux grandes catégories en tenant compte du comportement du délinquant faunique. Ainsi, on distinguera les incriminations basées sur la faute d'inobservation des règlements, ce sont des infractions d'omission et celles basées sur des actes d'exécution. Ce sont des infractions de commission. A ce titre, dans la loi congolaise de 2008 seront considérées comme des infractions d'omission : le fait de chasser sans être détenteur du permis ou de la licence de chasse requis ou de chasser pendant une période interdite ou dans une zone non ouverte à la chasse. De même que chasser sans autorisation à l'intérieur d'une aire protégée. Par contre, seront considérées comme des infractions de commission, le fait de d'abattre une femelle suitée ou un animal intégralement protégés. Or, ces incriminations sont combinées dans les mêmes dispositions des articles 112 et 113 de ladite loi. Aussi cette hétérogénéité ne facilite pas le travail du juge qui doit recourir à plusieurs textes à la fois pour trouver une meilleure qualification à l'acte infractionnel déféré devant sa barre. De plus, cette dispersion entraine à de nombreuses confusions dans la caractérisation et même dans l'adoption des sanctions, puisqu'il existe des exemples dans ces textes de lois ou la même incrimination apparait deux fois, entrainant cependant deux infractions distinctes. Il en est ainsi s'agissant de l'infraction consistant à rejeter ou déverser des substances ou des déchets préjudiciables à la faune ou à son milieu, cette infraction est punie à l'article 113 d'une peine d'amende de 100.000 francs CFA à 5.000.000 de francs CFA et à celle d'un emprisonnement de deux (2) à cinq (5) ans. Alors que la même infraction est reprise par l'article 114 avec des peines d'amende de 10.000.000 de francs CFA à 50.000.000 de francs CFA et celle d'emprisonnement de dix (10) ans à vingt (20) ans de réclusion.

Ces incomplétudes liées au caractère « fourre-tout » des textes d'incriminations en matière faunique apparaissent également dans la loi camerounaise de 1994. Pour s'en convaincre on pourrait citer le cas des articles 155 et 158 qui répriment différemment les mêmes infractions. Il résulte donc de cette analyse des textes d'incriminations en matière faunique, que les méthodes d'élaboration de ces textes par les législateurs marquées par un confinement de ces incriminations et leur dispersion à travers divers instruments juridiques de droit interne entraine une autre conséquence à savoir, le caractère lapidaire de ces incriminations qui est une forme d'obstacle à son effectivité.

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2-Des textes d'incriminations lapidaires.

Les textes d'incriminations tels qu'envisagés dans les lois fauniques au Congo et au Cameroun, manquent de précision, de clarté. Ils donnent lieu à une opacité de sorte que les auteurs comme : J-H Robert et M. REMOND-GOUILLOUD parlent d' « un sentiment de suffocation » lorsque le juge pénal ou même le juriste est confronté face à de telles dispositions. L'une des conséquences immédiates qui résulte de cette situation, est le recours fréquent à un système d'incrimination par renvoi. Il s'agit d'un style adopté par le législateur dans la rédaction suivant lequel : Un texte ne précise que la sanction encourue, alors que la description de l'acte incriminé se trouve ailleurs, soit dans le même texte. On parle alors, d'un renvoi interne. Soit dans un autre texte de loi, il s'agit dans ce cas d'un renvoi externe.

Le législateur camerounais de 1994, à fait recours plusieurs fois à des renvois internes s'agissant des incriminations en matière faunique. Tel est le cas par exemple pour l'article 155 dont l'alinéa 1er prévoit la sanction en ces termes : « Est puni d'une amende de 50.000 francs CFA à 200.000 francs CFA et d'un emprisonnement de vingt (20) jours à deux (2) mois ou de l'une seulement de ces peines, l'auteur de l'une des infractions suivantes » et son alinéa 9 opère un renvoi interne en ces termes : « la violation des dispositions en matière de chasse prévue aux articles 87, 90, 91, 93, 98, 99, 100, 101 et 103 ci-dessus ; ». Il en est de même pour l'article 156 dont l'alinéa 1er prévoit la peine et l'avant dernier opère un renvoi aux articles 106, 107 et 108 en matière d'armes de chasse.

Ces renvois peuvent aussi porter sur des instruments internationaux relatifs à la protection de la faune sauvage. Ainsi l'article 113 de la loi congolaise de 2008 tout en prévoyant des sanctions à son alinéa 1er soumet les conditions d'importation, exportation, commercialisation ou de transit sur le territoire national des animaux sauvages ou leurs trophées par rapport aux conventions internationales sans autres précisions sur les prévisions ou même la dénomination de cette convention. Dans ces cas, le juge pénal appelé à connaitre une telle infraction peut se tromper en faisant appel à une convention de portée régionale, alors qu'il s'agit d'une convention sous-régionale ou même mondiale. Le caractère lapidaire des textes d'incriminations constitue également pour le juge pénal un véritable dédale dans la mesure où, leur confinement en deux ou trois articles rédigés de façon très laconique entraine une superposition d'infractions. Cette situation conduit souvent à des concours de qualification, le même fait pouvant donner lieu à plusieurs incriminations et suscitant donc plusieurs qualifications pénales parfois erronées. A titre d'exemple, on peut citer les articles 112 et 113 de la loi faunique au Congo.

Il résulte de tout ce qui précède, qu'au Congo comme au Cameroun, les faiblesses et les insuffisances constituent un obstacle à l'application effective des lois fauniques. Elles tiennent du fait de l'éparpillement des incriminations à travers plusieurs textes. Mais aussi du fait du caractère laconique de celles-ci. Mais, ces faiblesses résultent aussi du fait de l'illisibilité des incriminations. Ainsi que de certains aspects procéduraux consacrés par ces lois. Ces difficultés d'appréhension relevant de la nature technique et scientifique du domaine de la faune, obligent souvent le juge répressif à procéder à une interprétation qui peut être soit authentique ou législative, soit judiciaire ou doctrinale.

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Lorsque cette interprétation est dite authentique ou législative, elle peut être incorporée dans le même texte spécial ou dans un autre texte de renvoi. Tel est le cas de l'article 5 de la loi de 2008 sur la faune et les aires protégées qui fournie les définitions d'une multitude d'expressions techniques relevant du domaine de la faune. A défaut d'une interprétation authentique, les juges répressifs font parfois appel à la doctrine ou même à la jurisprudence pour les éclairer dans l'interprétation de la loi dans un sens comme dans l'autre.

Il est donc nécessaire d'examiner dans une seconde rubrique, le caractère illisible des incriminations et de certains aspects procéduraux tels qu'envisagé par les législateurs de ces deux pays. Dans un souci d'analyse approfondie, nous aborderons aussi les contrariétés entre les dispositifs répressifs spécifiquement consacrés au domaine faunique et les règles générales prévues dans les textes répressifs classiques (Code pénal et de procédure pénale).

B)-Un corpus juridique comportant des règles procédurales et des incriminations illisibles entrainant des graves contrariétés avec les textes répressifs généraux.

Les critiques formulées à l'encontre des textes répressifs consacrés dans les lois en matière faunique au Congo et au Cameroun tiennent également du caractère illisible des incriminations et de certains aspects procéduraux contenus dans ces textes de lois (1). Ce qui ne facilite pas la tâche du juge dans la caractérisation des infractions. Mais, on relève aussi des graves contrariétés entre les règles répressives spéciales et celles qui relèvent du droit pénal classique (2).

1-L'illisibilité des règles procédurales et des incriminations fauniques.

Devant les juridictions répressives, le contentieux faunique est appréhendé comme un contentieux spécial nécessitant, pour le juge pénal, le recours à un droit pénal spécial avec des règles, des infractions et parfois même une procédure spécifique. Or, le droit pénal protégeant la faune sauvage est une partie du droit de l'environnement dont la conception des règles et des principes font appel à des spécialistes du domaine de la faune (ingénieurs des eaux et forêts, biologistes, naturalistes...). C'est donc un droit pénal « profondément marqué par sa dépendance étroite avec les sciences et la technologie. Sa compréhension exige un minimum de connaissance scientifiques et toute réflexion critique à son propos impose une approche pluridisciplinaire »88. Ainsi donc, la plupart des infractions fauniques sont difficiles dans la caractérisation. En effet, comment un juge pénal peut-il dégager l'élément intentionnel ou même matériel dans une infraction comme le fait d'abattre une femelle suitée, un oiseau ou un reptile en nidation89 ? Olivier LECUCQ a estimé que : « Les ambiguïtés, les incertitudes, l'élasticité du droit de l'environnement augmente le pouvoir d'appréciation du juge »90.

88 LASSERRE CAPDEVILLE (J), op.cit, page.38

89 Voir article 113 alinéas 2 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées.

90 LECUCQ (O), Le rôle du juge dans le développement du droit de l'environnement, 1ère édition, Bruxelles, BRUYLANT 2008, page.18.

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Ainsi donc, l'illisibilité des incriminations en matière faunique, tient du fait que les textes sectoriels sont souvent rédigés par des techniciens relevant des eaux et forêts. Le plus souvent les infractions qui y sont prévues, ne sont pas rédigées en des termes clairs, encore moins selon le style classique du code pénal. Or, le juge pénal qui applique ces infractions est soumis au principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, même si celle-ci est portée sur un domaine spécial. Aussi, lorsque les infractions prévues dans une loi, qui lui sert de base légale ne sont pas claires, le juge pénal court le risque de réprimer des faits qui ne relèvent pas formellement de la loi faunique. Mais de sanctionner sur la base d'une interprétation erronée qu'il ferait du texte, au motif que celui-ci est difficilement compréhensible. La conséquence immédiate de la complexité des incriminations prévues par les lois fauniques au Congo et au Cameroun est la mise en place des procédures dérogeant, parfois, à la procédure classique adaptée aux infractions de droit commun.

Il en sera ainsi, pour la constatation de ces infractions et pour la recherche des preuves concourant à faire assoir l'accusation ou l'imputabilité des faits au prévenu. C'est dans ce sens que le législateur a institué des Agents relevant du Ministère en charge de la faune dotés des compétences spéciales pour procéder à tous les actes d'enquêtes en cas d'infractions fauniques. Pour s'en convaincre, l'article 141 alinéa1 de la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche dispose que : « Sans préjudice des prérogatives reconnues au Ministère public et aux officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés des administrations chargées (...) de la faune, dans l'intérêt de l'Etat, des communes, des communautés ou des particuliers sont chargés de la recherche, de la constatation et des poursuites en répression des infractions commises en matière (...) de la faune » et l'article 142 alinéa 3 confère à ses agents des prérogatives très larges dans la poursuite des enquêtes en matière faunique.

A coté du caractère illisible des aspects procéduraux et des incriminations prévus par les lois fauniques. On peut aussi citer comme obstacles à leur application effective, les contrariétés qui existent entre ces textes sectoriels et les codes classiques.

2-Les exemples de contrariétés entre les règles répressives sectorielles et les codes répressifs généraux.

Le procès pénal est régi par un ensemble de principes qui garantissent sa bonne tenue. Au nombre de ces principes : il y a l'égalité de tous les citoyens devant la justice d'où est tiré la maxime « nul n'est au dessus de la loi ». De même, les magistrats du siège et du parquet son régis par un principe d'impartialité. Or, aux termes de l'article 147 alinéa 3 : l'administration en charge de la faune a compétence pour : « déposer leurs mémoires et conclusions et faire toutes observations qu'elles estiment utiles à la sauvegarde de leurs intérêts ; leurs représentants siègent à la suite du Procureur de la république, en uniforme et découverts, la parole ne peut leur être refusée ». Cette prérogative reconnue aux agents de l'administration de la faune était également prévue dans la loi congolaise du 21 avril 1983. Cette prérogative pose cependant des contrariétés avec les règles du procès pénal classique.

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En effet, la partie civile a les mêmes droits que le prévenu, elle ne peut en aucun cas être juge et partie. En siégeant aux cotés du Ministère Publique, alors qu'elle est partie civile, l'administration apparaît à la fois comme l'organe accusateur et partie civile. Un autre aspect de la procédure suscite des contrariétés avec les règles classiques, en ce sens, l'article 103 de la loi sur la faune et les aires protégées au Congo dispose que : « Si dans une instance pénale consécutive à une infraction en matière de faune ou de chasse, le prévenu excipe d'un droit réel, le tribunal sursoit à statuer sur cette affaire jusqu'à ce que le juge compétent se prononce sur l'exception préjudicielle. Celle-ci ne peut être admise que si elle est fondée sur des moyens de droit et de fait de nature à ôter au fait incriminé son caractère délictueux ». Cette disposition pose un bémol à la prévision de l'article 322 du Code de procédure pénale : « Le tribunal saisi de l'action publique est compétent pour statuer sur toutes exceptions proposées par le prévenu pour sa défense, à moins que la loi n'en dispose autrement, ou que le prévenu n'excipe d'un droit réel immobilier ».

Cependant, l'article 103 de la loi faunique doit être confronté aux conditions prévues à l'article 324 du Code de procédure pénale sur la recevabilité de l'exception préjudicielle.

1ère condition : l'exception préjudicielle n'est recevable que si elle est de nature à retirer au fait qui sert de base à la poursuite le caractère d'une infraction. Or l'article 103 sus évoqué, parle des moyens de droit et de fait de nature à ôter au fait incriminé son caractère délictueux. Il convient donc de se poser la question suivante : Quels sont les moyens de droit et de fait qui peuvent constituer une exception préjudicielle et par conséquent susceptibles d'ôter au fait incriminé (commission d'une atteinte à la faune ou omission à une règlementation faunique) son caractère délictueux ?

2ème condition : l'exception préjudicielle n'est recevable que si elle s'appuie sur des faits ou sur des titres donnant un fondement à la prétention du prévenu.

Quels sont les faits ou titres que peut invoquer le prévenu au fondement de sa prétention pour le caractère délictueux attaché au fait à lui reproché soit ôté ?

3ème condition : Si l'exception est admissible, le tribunal impartit un délai dans lequel le prévenu doit saisir la juridiction compétente. Quelle est la juridiction compétente devant laquelle doit se tourner le prévenu ?

Mais lorsqu'il s'agit d'un acte administratif, le juge pénal ne peut sursoir à statuer car en vertu de l'article 64 de la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire, pose le principe d'une plénitude de juridiction du juge répressif en vertu duquel, celui-ci a compétence pour interpréter et apprécier la régularité d'un acte administratif91.

91 L'article 64 de la loi n° n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire au Congo dispose

que : « En matière pénale, le Tribunal de Grande Instance connait des infractions punies des peines correctionnelles et des contraventions qui leur sont connexes. Il a, au cours des instances dont-il est saisi plénitude de juridiction et peut interpréter les décisions des diverses autorités administratives et en apprécier la régularité juridique, à la demande de l'une des parties »

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Aussi, si l'exception préjudicielle est fondée sur la régularité d'un permis de chasse, qui par essence est un acte administratif, l'exception n'est pas fondée dans la mesure où, le juge répressif à compétence pour apprécier la régularité d'un permis ou d'une licence de chasse ayant servi dans l'abattage d'une espèce sauvage.

Au regard de tout ce qui précède, il convient de retenir que plusieurs obstacles concourent à l'ineffectivité dans l'application des régimes répressifs mis en place au plan interne par les Etats. Mais notre étude n'étant pas exhaustive sur ce point, il est paru nécessaire de n'examiner que la transaction et certaines insuffisances et faiblesses. Il résulte de cette examen que si, au cours de ces dernières le Congo et le Cameroun ont fourni des efforts considérables dans la protection pénale des espèces fauniques, la persistance de la criminalité faunique démontre que le chemin est encore très long, ces textes doivent être amélioré et surtout leur contenu en terme de dispositions répressives et procédurales mieux adaptées aux enjeux de la lutte contre cette forme de délinquance.

A coté des obstacles découlant des textes de droit interne, il reste à examiner ceux qui découlent des normes de droit international de l'environnement applicable en matière de la faune sauvage.

Section2 : Les obstacles découlant de l'application des normes internationales.

De nombreux auteurs se conviennent pour dire que : « le développement du droit international de l'environnement -et en particulier des normes internationales consacrées à la faune sauvage- s'est effectué d'une manière non coordonné, se traduisant par des doubles emplois, des incohérences et des lacunes »92. En effet, la profusion des normes internationales, surtout en matière de protection de la nature et donc de la faune sauvage, résulte de la prise de conscience d'une menace imminente de la disparition des écosystèmes et de l'extinction de certaines espèces. C'est le souci de préserver « ce bien commun » qui a conduit les Etats, depuis la fin des années 1970 à intensifier la production des instruments internationaux. On compte plus de cinq cents traités multilatéraux93qui ont été adoptés dans divers domaines de l'environnement. Mais, ce foisonnement conventionnel n'est pas sans conséquence. En effet on note, surtout dans les pays en développement comme le Congo et le Cameroun, de nombreuses difficultés quant à la mise en oeuvre de ces instruments. Les intérêts de préservation de la faune et de son habitat vont parfois à l'encontre des besoins de développement socio-économique. A ce titre, les Etats invoquent souvent le principe de souveraineté permanente sur leurs ressources. Celui-ci étant reconnu comme valeur coutumière du droit international général, il peut se révéler comme un véritable obstacle à l'application des instruments internationaux en matière environnementale (§2). On note également des sérieux problèmes de cohérence. L'hétérogénéité et le caractère évasif des instruments internationaux peuvent avoir aussi des conséquences sur leur mise en oeuvre effective (§1).

92 MALJEAN-DUBOIS (S), La mise en oeuvre de droit international de l'environnement, Paris, iddri 2003, page.11

93 MALJEAN-DUBOIS (S), idem.

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Paragraphe1 : L'hétérogénéité et le caractère évasif des normes de droit international de l'environnement en matière de la protection de la faune sauvage.

Un « atelier d'expérimentation juridique »94, c'est l'expression empruntée à L. CONDORELLI par Alain PELLET, Patrick DAILLIER et Mathias FORTEAU, pour qualifier le droit international de l'environnement. Ces auteurs ajoutent aussi que c'est un droit où la soft law ou droit mou foisonne. Mais ce foisonnement ne résume pas seulement en termes de droit mou ou de règles non contraignantes. Les textes en eux même sont protéiformes et cette surabondance entraine une juxtaposition entre les normes internationales de portée mondiale et celles de portée régionale ou sous régionale. Ce phénomène n'est pas sans conséquence sur leur effectivité (A). Il en est de même pour son manque total de précision s'agissant des normes répressives en matière faunique (B).

A)-Les conséquences de la profusion des normes internationales de l'environnement en matière de la protection de la faune sauvage.

Le buissonnement normatif qui caractérise, la réglementation internationale en matière de protection de la faune sauvage n'est pas sans conséquence. En effet, il entraine une juxtaposition entre les différentes normes de portée mondiale et celles qui sont conclues dans un cadre régional ou sous-régional (1). Il s'ensuit que pour le juge répressif national qui se réfère à ces instruments, il peut exister des risques de redondance ou même de confusion (2). Ces conséquences empiètent parfois sur l'effectivité de leurs applications.

1-La juxtaposition entre les normes de portée mondiale et celles de portée régionale ou sous régionale.

Depuis plusieurs décennies, l'outil juridique est plus sollicité pour la protection des écosystèmes. Face au caractère transnational des préoccupations portant sur la préservation et la protection des espèces faunique, le droit international a été le canal par excellence de l'expression de la volonté commune des Etats pour endiguer la criminalité faunique. Or cette vitalité dans la production de la norme internationale se fait à différent niveau tant sur le plan universel que régional et sous régional. Il en résulte donc que les instruments peuvent porter sur les mêmes objectifs, avec les mêmes prescriptions et parfois la même approche de protection. C'est ainsi que plusieurs conventions sur la protection des espèces fauniques offrent un model de classification des espèces par liste ou par annexe. Tel est le cas pour la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage ou convention de Bonn. Adoptée en 1979, elle prévoit une protection sous forme d'annexes (Annexe. I (article 3) sur les espèces migratrices en danger. Annexe 2 (article 4) sur les espèces migratrices devant faire l'objet d'accord).

94DAILLIER (P), FORTEAU (M) et PELLET (A), Droit International Public, 8ème édition, Paris, L.G.D.J 2009, page.1417

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On citera aussi la Convention de Washington de 1973, sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d'extinction (CITES), qui, elle aussi prévoit une protection en trois annexes. S'agissant de la protection de l'habitat des espèces fauniques, plusieurs conventions ont également institué une protection par inscription sur des listes. Ainsi donc aux termes de l'article 2 de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972 : « Aux fins de la présente convention, sont considéré comme : « Patrimoine naturel » : Les monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques (...) des zones strictement délimitées constituant l'habitat d'espèces animales et végétales menacées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vu de la science ou de la conservation ».

Il en est de même de la convention relative aux zones humides d'importance ou convention de Ramsar, qui institut également une protection des espaces par inscription sur des listes. Il est vrai que certaines conventions portent sur des aspects bien spécifiés. Il n'en demeure pas moins vrai qu'il existe une superposition et une juxtaposition entre elles. Cela rend parfois flou les objectifs de chacun en engendrant une grande confusion, car un site peut être inscrit sur une liste sans en être dans une autre. Il arrive aussi qu'une espèce fasse l'objet d'une protection dans une convention et non dans une autre. Tout dépend donc des critères de sélection aux fins d'inscription sur une liste ou une annexe. S'agissant du régime de protection des espèces sauvages, on note une juxtaposition entre la convention CITES et la Convention Africaine de Maputo en 2003. En effet, l'article 3 de cette dernière vise également le commerce des spécimens et de leurs produits. L'annexe 1 de la Convention de Maputo vise les espèces menacées et l'annexe 2 les aires de conservation.

Mais cette juxtaposition des instruments internationaux peut aussi avoir pour conséquence, la redondance et parfois même, la confusion dans l'application en tant que texte de référence par le juge.

2-Les risques de redondance et de confusion dans la référence au droit international par le juge pénal.

Il faut remarquer que la profusion normative en droit international de l'environnement et partant dans le domaine de la protection de la faune sauvage, pose des problèmes de cohérence. On note donc une relative fragmentation et une sorte de compartimentation entre des normes visant pourtant le même objectif. Ainsi, on pourrait remarquer qu'il existe des instruments à chaque niveau notamment sur le plan mondial, régional et sous-régional. Cette division dans l'espace relève parfois des conflits d'intérêts et du niveau de coopération entre les Etats. Il s'ensuit que ces textes n'échappent pas aux redondances et aux répétitions multiples. Ces inconvénients se répercutent ainsi, sur l'effectivité de leur application. Le plus souvent, les Etats parties à plusieurs conventions ayant la même vocation, mais intervenant sur diverses sphères géographiques ont tendance à ne tenir compte que de celles qui coïncident le plus de leurs intérêts. Surtout lorsque, ces normes n'ont pas un caractère contraignant et qu'elles disent quasiment la même chose.

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Ces inconvénients posent également un problème pour le juge pénal, chargé d'appliquer les lois internes et qui peut recourir, parfois, à la norme internationale. Ainsi, lorsqu'il y a concours des normes internationales sur le même domaine, le juge peut être dubitatif en raison de la confusion. Cet état peut affecter gravement son interprétation et même parfois son analyse ou son jugement. Il est donc clair que la profusion des normes internationales en matière de protection de la faune sauvage n'a pas pour effet, seulement, l'avantage de pluralité. Mais elle entraine aussi une confusion, un manque de clarté et même parfois une réelle difficulté de l'appréciation ou dans l'application.

En outre, le caractère évasif des normes non contraignantes peut aussi être constitutif d'ineffectivité dans la répression des atteintes contre la faune sauvage.

B)-Le caractère évasif des normes internationales relevant du soft law

Selon le Doyen CARBONNIER et son hypothèse du non-droit : « L'environnement appartient ainsi encore aux domaines pour lesquels le non-droit est quantitativement plus important que le droit ». En effet, le droit international de l'environnement en général et celui portant sur la protection de la faune sauvage en particulier, est un domaine où on a noté un foisonnement du droit mou. Autrement dit, c'est un domaine où les normes internationales ne se limitent qu'à édicter de simples recommandations, des incitations et non des obligations encore moins des sanctions. C'est cette abondance de la soft law qui est considérée comme le symptôme d'une pathologie qui affecte l'efficacité du régime international en matière de protection de la faune sauvage. La prolifération du droit mou ou droit vert place les Etats parties aux accords multilatéraux dans des sphères de non-droit. Ils sont dans une situation où le manquement à un engagement n'entraine pas forcément une sanction. Comment cela, en sera autrement, dans la mesure où, le texte à la base de cet engagement n'est ni contraignant ni obligatoire ou assortie de sanctions. Il faut relever que la protection de l'environnement et plus précisément, celle des espèces, est souvent tributaire des intérêts multiples des Etats. Dans ce cadre, l'instrument juridique au niveau international le plus typique ne peut pas être le droit dur ou hard law. Il ne faut pas oublié que celui-ci a pour but de restreindre le comportement des acteurs internationaux ainsi que leurs actions souveraines.

Or, le droit mou ou soft law paraît plus adapté, il propose des instruments plus adaptables et modulables selon les intérêts des parties. Cette ascension des normes internationales à la juridicité plus atténuée n'est pas sans conséquence sur l'effectivité de leur application. En effet, la norme à la juridicité atténuée peut constituer une source d'insécurité juridique. De par son caractère évasif, elle manque de précision, de fermeté, de contrainte ou de sanction. Ainsi, on pourrait affirmer qu' « En droit de l'environnement, le développement de l'usage du soft law conduit à ce que les concepts traditionnels du droit en tant que contrainte ou limite, cèdent la place à une gamme juridique à graduation diversifiée »95.

95 CHATZISTAVROU (F), L'usage du soft law dans le système juridique international et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de la règle de droit, in Portique (Revue de philosophie et sciences humaines) 2005, page.2

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En doctrine, il y a eu de nombreux débats entre des auteurs tels que M. VIRALLY, F. ROESSIER et M. BOTHE sur le seuil de juridicité nécessaire à atteindre pour qu'un instrument de droit international de l'environnement soit reconnu comme produisant des effets juridiques. Certains ont estimé qu'il n'existait pas de catégorie intermédiaire entre les textes ayant une portée juridique et ceux qui en sont dépourvus. D'autres par contre affirment qu'il est assez difficile de parvenir à une distinction nette et rigoureuse entre obligations juridiques et absence d'obligations juridiques, formuler dans des termes qui permettraient de faire disparaître toutes les incertitudes le plus souvent volontaires96.

Paragraphe2 : Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles comme obstacle à une application efficace des normes de droit international de l'environnement.

Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles peut constituer un véritable obstacle à une application effective des normes de droit international de l'environnement consacrées à la protection des espèces fauniques. Il est définit comme une notion selon laquelle : « L'Etat décide en dernier instance et en toute indépendance du sort des ressources naturelles qui se trouvent sur son territoire et des activités économiques qui s'y exercent »97. En d'autres termes, le Congo et le Cameroun disposent respectivement des pouvoirs souverains permanents, exclusifs et inaliénables sur leurs ressources naturelles et sur les activités économiques qui y sont attachées. Ce principe est considéré comme un prolongement de la souveraineté nationale reconnue à chaque Etat. Il trouve son fondement en droit international à travers la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat et le droit des peuples à disposer d'eux même (A). De ce principe découle, pour l'Etat, des pouvoirs de dominium et d'imperium sur les ressources fauniques (B).

A)-La libre exploitation par les Etats de leurs ressources naturelles : une extension du principe de souveraineté consacré par le droit international.

Il a été établit supra que le Congo et le Cameroun disposent chacun sur leur territoire, des écosystèmes riches en biodiversité. C'est la menace de leur extinction qui a conduit ces pays à mettre en oeuvre un régime répressif pour dissuader les délinquants fauniques. Il est aussi constant que selon leurs lois fauniques, la gestion des ressources naturelles relève du domaine des pouvoirs publics. Ainsi, depuis la fin des années 1990, l'avènement de la démocratie et du multipartisme a entrainé l'élaboration de nouvelles constitutions qui prenaient en compte les aspects environnementaux. Aussi, elles consacrent le droit à un environnement sain, satisfaisant et durable98.

96 Idem

97 SALOMON (J), Dictionnaire de Droit International Public, Bruxelles, Bruylant 2001, page.1046

98 Voir en ce sens les articles 46 de la Constitution Congolaise du 15 mars 1992 et Préambule de la Constitution Camerounaise.

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Bien plus, ces constitutions consacrent également le principe de la souveraineté permanente de l'Etat sur ses ressources naturelles et la libre exploitation de celles-ci99. Il s'agit donc d'un prolongement du principe de la souveraineté nationale qui est consacré dans les constitutions congolaises et camerounaise (1). Mais, il trouve aussi un écho favorable en droit international (2).

1-Une extension du principe de la souveraineté étatique.

D'abord au Congo, ce principe est apparu pour la première fois dans la constitution du 15 mars 1992. Sont article 9 disposant que : « L'Etat exerce sa souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses et ses ressources naturelles, y compris la possession et le droit de les utilisées et d'en disposer (...) ». La constitution du 20 janvier 2002 a repris cette disposition dans son préambule en ces termes : « Réaffirmons solennellement, notre droit permanent de souveraineté inaliénable sur toutes nos richesses et nos ressources naturelles comme élément fondamental de notre développement ». De même, son l'article 38 va plus loin en affirmant que : « Tout acte, tout accord, toutes conventions, tout arrangement administratif ou tout autre fait qui a pour conséquence directe de priver la Nation de tout ou partie de ses propres moyens d'existence tiré de ses ressources ou de ses richesses naturelles, est considéré comme crime de pillage imprescriptible et punis par la loi ». Plus récemment ces dispositions ont été reprises tant par le préambule de la nouvelle constitution congolaise du 25 octobre 2015 que par son article 44. Ensuite, au Cameroun, ce principe est consacré par le préambule de la constitution en ces termes : « Le peuple camerounais (...) Résolu à exploiter ses richesses naturelles afin d'assurer le bien être de tous, en relevant le niveau de vie des populations sans aucune discrimination ».

Il résulte clairement de l'ensemble de ces dispositions que le Congo et le Cameroun rattachent l'exploitation de leurs ressources naturelles, dont la faune sauvage, à deux concepts à savoir :

? La souveraineté nationale qui s'assimile systématiquement à la notion d'indépendance de l'Etat. En ce sens, Max HUBER affirme dans l'affaire de l'île des Palmes que : « La souveraineté dans les relations entre Etats signifie l'indépendance »100.

Ainsi, l'indépendance de l'Etat ne peut être affectée par les limitations que lui imposent ses engagements dans le cadre du droit international de l'environnement. Cette opinion a été évoquée par le juge ANZILOTTI, au titre des opinions dissidentes dans l'affaire du Régime douanier Austro-allemand101. La souveraineté est l'élément essentiel par lequel l'Etat affirme son existence dans le concert des nations. Et la libre exploitation des ressources naturelles est une des manifestations de l'affirmation de cette souveraineté étatique et partant, de son indépendance.

99 Voir l'article 9 de la Constitution Congolaise du 15 mars 1992, le Préambule de la Constitution du 20 janvier 2002 et Préambule de la Constitution congolaise du 25 octobre 2015 et Préambule de la Constitution camerounaise.

100 CPA, 4 avril 1928, RSA, II, p.838

101 Voir opinion dissidente d'Anzilotti dans l'affaire du Régime douanier Austro-allemand, CPJI, série A/B, n°41, page.57

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Ainsi, l'Etat qui a une emprise sur les ressources fauniques comprises sur son territoire doit avoir la latitude de les gérer en toute indépendance sans aucune influence extérieur.

? Ensuite, aux termes de ces dispositions constitutionnelles, il apparaît que la libre exploitation des ressources naturelles par l'Etat sur son territoire est rattachée à la nécessité d'un développement socio-économique. En effet, au début des années 1990, l'avènement des régimes multipartistes et des démocraties capitalistes étaient accompagnés d'une volonté des pouvoirs publics de sortir du sous développement. Aussi, les nouvelles constitutions à l'image de la constitution congolaise du 15 mars 1992, devaient réaffirmer la libre exploitation, par les Etats, de leurs richesses en toute indépendance. Il ne pouvait en être autrement puisque l'essentielle de leurs activités économiques étaient basée sur l'exploitation forestière. Elle portait donc, par nature, sur la destruction de l'habitat des espèces fauniques, ce qui allait à l'encontre des impératives de protection de l'environnement.

En réalité, la souveraineté permanente sur les ressources naturelles est un principe classique de droit international consacré par les Nations Unies. Pour George FISHER : « La souveraineté permanente des peuples sur leurs richesses et ressources naturelles est considérée comme un corolaire du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes »102. Il convient donc d'examiner les fondements juridiques de ce principe en droit international.

2-Un principe fondé sur la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat et sur le droit des peuples à disposer d'eux même.

L'article premier des deux projets relatifs aux Droits de l'Homme est ainsi libellé : « Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes comprend en outre un droit de souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs ressources naturelles. Les droits que les autres Etats peuvent revendiquer ne pourront en aucun cas justifier qu'un peuple soit privé de ses propres moyens de substance ». Ainsi aux termes de la résolution 523 (VI) du 12 février 1952 : « Les pays insuffisamment développés ont le droit de disposer librement de leurs richesses naturelles (...) qu'ils doivent utiliser de manière à se mettre dans une position plus favorable pour faire progresser d'avantage l'exécution de leurs plans de développement économique conformément à leurs intérêts nationaux ». Il en est de même pour la résolution 626 (VII) du 21 décembre 1952 qui prévoit que : « L'Assemblée Générale, considérant qu'il importe d'encourager les pays insuffisamment développés à mettre à profit et à exploiter comme il convient leurs richesses et leurs ressources naturelles ». Pour l'Assemblée Générale des Nations Unies aucun pouvoir direct ou indirect ne doit porter atteinte à l'exercice par l'Etat de sa souveraineté sur ses ressources naturelles. Or cette approche peut constituer un sérieux obstacle quant à l'application effective des normes de droit international de l'environnement. Dans la mesure où, et le plus souvent, les intérêts économiques des Etats sont aux antipodes des impératives de protection de l'environnement.

102 FISHER (G), La souveraineté sur les ressources naturelles, Persée Annuaire français de Droit International, page.516

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Ce principe trouve ses fondements d'abord dans le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes qui découle de la Charte des Nations Unies. L'article premier paragraphe 2 dispose que : « développer entre les Nations des relations amicales fondées sur le principe du respect de l'égalité des droits des peuples et leurs droit à disposer d'eux-mêmes ». Dans la jurisprudence internationale, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a consacré ce principe dans ses avis respectifs de 1971 et 1975 sur la Namibie et le Sahara Occidental. En réalité, le principe des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes peut être subdivisé en deux (2) aspects : politique et économique. L'aspect politique de ce principe se traduit à travers le principe de l'autodétermination qui s'analyse par l'indépendance d'un peuple à choisir librement son système politique, social et culturel. C'est dans son aspect économique que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes se traduit par la souveraineté permanente sur les ressources naturelles et donc à l'indépendance économique des peuples. Ce principe qui a longtemps été considéré comme un lex imperfecta a cependant joué un rôle sans précédent dans le processus de la décolonisation des pays africains. Certains auteurs ont estimé que ce principe constituait une norme impérative de droit international public et d'autres comme une norme anticolonialiste. Il constituera un fer de lance pour les pays du tiers monde dans la lutte des indépendances au début des années 1960.

Ensuite, la libre exploitation des ressources naturelles est fondée sur le principe de non ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat qui est également un principe de droit international public. Ce dernier se traduit par le fait qu'un Etat ne peut intervenir dans les compétences qui sont exclusivement reconnues à un autre Etat, telle que la compétence territoriale. En effet, l'Etat est la seule entité juridique à exercer son pouvoir souverain sur l'étendue de son territoire. C'est de là que découle les droits de possession de l'Etat sur ses ressources naturelles. Il résulte donc qu'au-delà de la consécration de ce principe dans les constitutions congolaise et camerounaise, la souveraineté permanente de l'Etat sur ses ressources naturelles est intégrée dans le droit international. Dans la pratique, ce principe confère à tout Etat des pouvoirs de dominium et d'imperium sur ses ressources naturelles et donc sur la faune sauvage se trouvant sur son territoire.

B)-Les droits de l'Etat issus du principe de la souveraineté sur les ressources naturelles : Les pouvoirs de dominium et d'imperium.

La souveraineté permanente de l'Etat sur ses ressources naturelles lui confère les pouvoirs de dominium (1) et d'imprium (2) sur ses ressources fauniques.

1-Un pouvoir de dominium sur la faune sauvage existant sur son territoire.

La souveraineté permanente sur les ressources naturelles est un principe qui confère à l'Etat des pouvoirs de dominium sur les richesses et les ressources se trouvant sur son territoire, notamment sur la faune sauvage. Autrement dit, l'Etat dispose sur ses ressources naturelles un droit réel similaire à celui que possède un propriétaire sur ses biens avec les mêmes attributs. Tel est le cas du droit de disposer de ses ressources, de les contrôler et de règlementer leur exploitation. Ainsi, l'Etat dispose d'un droit domanial sur le sol, sous-sol ou sur ses ressources renouvelables et non renouvelables.

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L'Etat aura donc en vertu de son dominium, le droit d'utiliser, d'exploiter, de nationaliser et même d'exproprier, autant de droits que lui confèrent l'usus et le fructus.

A coté du dominium, l'Etat dispose aussi l'imperium sur ses ressources naturelles. 2-Un pouvoir d'imperium sur la faune sauvage existant sur son territoire.

L'impurium est le corollaire du dominium, il constitue le pouvoir de commandement. C'est le pouvoir exercé par l'Etat sur les personnes et les choses se trouvant sur son territoire. Ce pouvoir lui permet donc de concevoir les règles qui régissent la faune sauvage se trouvant sur son territoire. Il peut ainsi définir les règles concourant à la répression des ressources naturelles se trouvant sur son territoire. Les lois fauniques entrent donc dans ce cadre.

Au terme de cette première partie, il convient de retenir que le commerce illicite d'espèces sauvages, le braconnage et partant les autres infractions y afférentes, se sont transformés en une véritable industrie criminelle. Ces infractions mettent à mal l'ensemble des écosystèmes dans les pays des Bassins du Congo. De nombreux rapports ont révélé que le commerce illicite pèse aujourd'hui près de dix neuf (19) milliards de dollars US par an. La délinquance faunique apporte de l'eau au moulin de la criminalité internationale. Mais pourtant, au cours de ces dernières décennies, les pays d'Afrique dont le Congo et le Cameroun n'ont pas cessez de mettre en place un cadre légal consacré à la répression de cette forme de crime. Cette volonté a été plus manifeste à travers l'internalisation des instruments juridiques du droit international de l'environnement. Or, nous avons démontré que ce dispositif répressif conçu pour apporter une réponse pénale plus adaptée aux enjeux de la criminalité faunique porte les gènes de son ineffectivité car de nombreux obstacles concourent à sa mise en oeuvre.

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Deuxième Partie :

LA MISE EN PLACE D'UNE CHAÎNE PENALE EN

VU D'UNE REPONSE EFFICACE CONTRE LA

CRIMINALITE FAUNIQUE.

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L'augmentation de la criminalité dans le domaine de la faune sauvage, la persistance de la destruction des importants réservoirs de biodiversité que regorge le Bassin du Congo. De même que l'imminence de la menace d'extinction des centaines d'espèces de faune aboutissent à une même conclusion : Après plusieurs décennies, le bilan du processus de mise en oeuvre des mécanismes de protection pénale de la faune sauvage au Congo et au Cameroun est mitigé. Il est donc plus qu'évident que la prolifération et la vitalité dans la production des normes internes et internationales, n'est pas la condition suffisante pour assurer une réponse pénale effective et efficace dans la lutte contre la délinquance faunique et la préservation des écosystèmes. Il ne s'agit donc pas seulement de s'interroger sur l'existence d'un cadre normatif consacré à la répression de la délinquance faunique ou même sur l'effectivité de son application. A ce niveau, les réponses apportées à travers nos développements sus évoqués sont claires. En effet, il existe au Congo et au Cameroun un cadre juridique constitué de règles de droit interne et de droit international. Il a été mis en place pour garantir une protection pénale de la faune sauvage. Par ailleurs, il ne fait l'ombre d'aucun doute que ce cadre juridique, du moins dans son aspect pénal, est constitué de normes ineffectives et en proie à de nombreux obstacles qui ne facilitent guère leur application.

Mais notre approche binaire ne pourra avoir tout son sens qui si, on s'interroge aussi sur l'action de l'ensemble des acteurs chargés de veiller à l'application des normes consacrées à la protection pénale des espèces fauniques. A ce titre, Sandrine MALJEAN-DUBOIS, en rappelant les mots du doyen VEDEL : « le droit vécu est le fait du juge » a affirmé que : « le champ de la protection de l'environnement illustre remarquablement la montée en puissance des juges » et, poursuivant sa pensée, elle se pose plusieurs questions entre autre : « Quelle est la contribution du juge à l'universalisation de la préoccupation environnementale ? Le juge participe-t-il à la gouvernance des questions environnementales ? »103. Or la justice pénale ne saurait se limiter au seul juge pénal. Il faut donc examiner l'ensemble des acteurs qui concourent à la répression des atteintes à la faune sauvage et qui forment ainsi, une chaîne pénale (Chapitre I). Ensuite, les causes de l'inefficacité de la réponse qu'ils apportent au phénomène de la délinquance faunique (Chapitre II).

103 MALJEAN-DUBOIS (S), Juge(s) et développement du droit de l'environnement, des juges passeurs de frontière pour un droit cosmopolite ? In : Le rôle du juge dans le développement du droit de l'environnement, 1ère édition, Bruxelles, BRUYLANT 2008, page.17

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry