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La justice répressive et la protection de la faune sauvage au Congo et au Cameroun

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Faculté de Droit et Sciences Économiques de Limoges  - Master2  2016
  

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Chapitre I : Une chaîne pénale constituée des

différents acteurs concourant à la répression des

infractions fauniques.

La lutte contre la criminalité faunique implique une collaboration multi-acteurs. Par acteurs de la lutte contre cette criminalité, il faut entendre les différentes entités qui oeuvrent au quotidien dans la lutte contre les activités d'exploitation illégale de la faune sauvage et dans la mise en application de la législation en vigueur à la matière104. Il résulte donc que l'oeuvre de répression contre les différentes atteintes aux espèces fauniques nécessite la contribution de plusieurs maillons qui constitue une chaîne pénale. Ainsi donc, certains acteurs sont placés en amont de cette chaîne de répression. Ils s'occupent essentiellement, chacun selon leur compétence, de la constatation, la dénonciation, la recherche des preuves ainsi qu'à tous actes préalables à la mise en oeuvre de l'action publique (Section1). D'autre par contre sont placés en aval de cette chaîne. Il s'agit entre autre du ministère public et du juge répressif (Section2).

Section1 : Les différents acteurs placés en amont de la chaîne pénale dans la répression contre la délinquance faunique.

En amont de la chaîne répressive, se trouve d'abord le Ministère en charge de la faune, qui joue un rôle prépondérant. A coté se trouve d'autres secteurs de l'administration qui sont considérés comme des acteurs principaux dans la lutte contre la délinquance faunique (§1). Ensuite, il y a des acteurs secondaires qui sont, soit institutionnels ou non institutionnels (§2).

Paragraphe1 : La prépondérance du rôle de l'Administration dans la lutte contre la délinquance faunique.

Comme nous l'avons évoqué, dans nos développements précédents, les ressources naturelles et partant les espèces fauniques constituent : « un patrimoine biologique commun de la nation, dont l'Etat garantie la gestion durable »105. Cette conception de l'Etat gestionnaire des ressources naturelles est prônée aussi bien par le législateur congolais que camerounais. Il s'ensuit donc que l'Etat a l'obligation de veiller à la protection et à la conservation de la faune sauvage. C'est pourquoi, lorsqu'une atteinte est portée contre celle-ci, il appartient à l'Etat grâce à ses démembrements d'engager des poursuites, en qualité de victime principale.

104 ONONINO (A.B), Lois et procédures en matière faunique au Cameroun, 1ère édition 2012, publié avec le concours de LAGA et de WWF programme Eléphant d'Afrique, page.43

105 Voir l'article 5 al.1 de la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées.

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Mais, la règlementation en matière faunique dans les deux pays attribut aussi une compétence spéciale au Ministère en charge de la faune. Il procède, par le truchement de ses agents, à tous les actes d'enquête nécessaire aux fins de mettre à la disposition de la justice répressive les contrevenants à la loi faunique. Dans ce sens, Maryse GRANDBOIS évoquant la prépondérance de l'administration dans la lutte contre la criminalité environnementale, affirme que : « C'est l'administration qui fait, applique et interprète le droit de l'environnement. C'est également l'administration qui commande la procédure, mène la recherche, la constatation et la poursuite des infractions environnementales »106. C'est en cela que le Ministère en charge de la faune est considéré comme le moteur jouant un rôle principal et essentiel dans la lutte contre la criminalité faunique (A). Cependant, la complémentarité entre les entités étatiques permet aux autres administrations d'accompagner le Ministère en charge de la faune dans sa mission, bien que leur rôle ne soit que secondaire (B).

A)-L'Administration de la faune : un acteur principal dans la lutte contre la délinquance faunique.

Le rôle principal reconnu à l'administration de la faune puise ses fondements dans des textes règlementaires et légaux. Au Cameroun, il s'agit des Décrets n°2011/408 du 09 décembre 2011 portant organisation du gouvernement et celui n°2005/099 du 06 avril 2005 portant organisation du Ministère des forêts et de la faune, modifié et complété par le décret n°2005/495 du 31 décembre 2005. Ces textes viennent compléter la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche. Au Congo, on peut citer entre autre le Décret n°2013-219 du 30 mai 2013 portant organisation du Ministère de l'économie forestière et du développement durable. Ainsi que la loi 37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées. A ces textes s'ajoutent les textes répressifs classiques que sont les codes de procédure pénale des deux pays qui déterminent les conditions exceptionnelles d'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ) à des fonctionnaires et agents relevant des administrations.

La lecture combinée des textes spéciaux et des dispositions du code de procédure pénale, sur l'attribution exceptionnelle de la qualité d'officier de police judiciaire à certains fonctionnaires permet de comprendre que : « la fonction de constatation des infractions environnementales ne peut être confiée aux non-initiés. Elle incombe naturellement aux spécialistes de la protection de la nature ou aux environnementalistes ». Il s'ensuit qu'il convient pour nous, d'examiner en premier lieu, les règles présidant à l'attribution de la qualité d'OPJ aux fonctionnaires des Ministères en charge de la faune (1). En second lieu, nous aborderons les prérogatives qui sont reconnues à ces fonctionnaires appelés OPJ à compétence spéciale (2).

106GRANDBOIS (M), Le Droit Pénal de l'Environnement : Une garantie d'impunité ? Extrait de criminologie. Vol.21, Canada, Ottawa 1986, page.77

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1-Les règles d'attribution de la qualité d'OPJ avec des compétences spéciales aux agents de l'Administration de la faune.

Au-delà d'une approche analytique, notre approche est aussi comparative. Dans cette perspective, il convient d'examiner successivement le model d'officier de police judiciaire à compétence spéciale tel qu'envisager par le législateur congolais (a) et camerounais (b).

a) Le model congolais : la Police de la faune et de la chasse

Il faut certainement partir des dispositions des articles 12, 14 et 15 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale issu de la loi n°1-63 du 13 janvier 1963. L'article 12 dispose que : « La police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la République, par les officiers, fonctionnaires et agents désignés au présent titre » et l'alinéa 2 de l'article 15 poursuit en ces termes : « La police judiciaire comprend : (...) 2° les fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire ». En réalité, la fonction de police judiciaire suppose une reconnaissance officielle de l'aptitude à constater les infractions107. C'est sur cette base que la loi de 2008 sur la faune et les aires protégées à prévus une grande innovation en instituant « la police de la faune et de la chasse ». Ainsi, l'article 95 de la loi faunique dispose que : « Sans préjudice des pouvoirs de la police judiciaire, la police de la faune et de la chasse est assurée par les services compétents du Ministère chargé des eaux et forêts, qui peuvent en cas de besoin, se faire assister par les chefs de villages et les associations locales oeuvrant dans ce domaine ». S'agissant de leurs compétences, l'article 14 alinéa 1 du Code de procédure pénale dispose que : « Elle est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en chercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte ». Cet article apporte des éclaircissements par rapport au renvoi indiqué à l'article 94 de la loi faunique aux termes duquel : « La recherche et la constatation des infractions se font conformément à la législation en vigueur ».

Mais qu'est ce que la police de la faune et de la chasse ? De qui est-elle composée ? Au plan organique, il s'agit d'un corps spécial des agents relevant du Ministère de l'économie forestière et du développement durable (MEFDD), il est constitué par des éco-gardes (article 96 de la loi sus-évoquée). Au plan fonctionnel, il s'agit d'un ensemble des missions qui consiste essentiellement en la surveillance ponctuelle des zones d'intérêts cynégétiques sur l'ensemble du territoire, prévention, recherche et constatation des infractions.

Ce model congolais qui s'apparente approximativement de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage en France, n'est pas aussi loin du model camerounais.

107 TCHOCA FANIKOUA (F), La contribution du Droit Pénal de l'Environnement à la répression des atteintes à l'environnement au Benin. Thèse pour obtenir le grade de Doctorat en Droit. Université de Maastricht, soutenue le 15 novembre 2012.

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b- Le model camerounais : les agents assermentés de l'administration en charge de la faune.

Au Cameroun, le texte de base portant attribution de la qualité d'officier de police judiciaire est l'article 78 alinéa 1 de la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale. Cet article dispose que : « La police judiciaire est exercée, sous la direction du Procureur de la République, par les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et tous autres fonctionnaires ou personnes auxquels des lois spéciales confèrent des pouvoirs de police judiciaire ». Ensuite, les articles 79 et 80 de cette même loi disposent qu'ont la qualité de police judiciaire : « Les fonctionnaires et agents des administrations et des services publics auxquels des textes spéciaux attribuent les compétences de police judiciaire, les exercent dans les conditions et les limites fixées par ces textes ». La loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche est considérée comme une loi spéciale qui confère des pouvoirs de police judiciaire aux agents du Ministère en charge de la faune.

En ce sens, l'article 141 de ladite loi, dispose que : « (1) Sans préjudice des prérogatives reconnues au Ministère public et aux officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés des administrations chargées (...) de la faune, dans l'intérêt de l'Etat, des communes, des communautés ou des particuliers sont chargés de la recherche, de la constatation et des poursuites en répression des infractions commises en matière (...) de la faune, selon le cas. (2) Les agents visés à l'alinéa (1) ci-dessus prêtent serment devant le tribunal compétent à la requête de l'administration intéressée, suivant des modalités fixées par décret ». L'article 142 poursuit en affirmant que ces agents assermentés de l'administration de la faune « sont des officiers de police judiciaire à compétence spéciale en matière de la faune » et ils procèdent à la constatation des faits, à la saisie des produits indûment récoltés.

Ainsi donc, les missions de police judiciaire relevant du domaine de la faune sauvage, notamment la constatation des atteintes à la faune sont spécialement confiées à des agents du Ministère des forêts et de la faune (MINFOF). Cette qualité d'officier de police judiciaire est cependant conditionnée à la prestation d'un serment devant le tribunal compétent. Il ne reste plus que d'examiner les prérogatives qui sont reconnues aux agents du Ministère en charge de la faune. A ce titre, l'approche comparative entre le model congolais et camerounais est la mieux appropriée.

2-Les prérogatives reconnus aux OPJ à compétence spéciale dans la constatation des infractions à la loi faunique.

Aux termes des dispositions de la loi de 2008 sur la faune et des aires protégées au Congo et celle de 1994 sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche au Cameroun, les prérogatives reconnues aux agents des Ministères en charge de la faune sont pratiquement similaires. Il conviendra néanmoins de les examiner distinctement à travers les pouvoirs reconnus aux agents de la police de la chasse et de la faune au Congo (a) et ceux reconnues aux agents assermentés au Cameroun (b).

a) Page | 80

Les pouvoirs reconnus aux agents de la police de la chasse et de la faune.

D'abord l'article 14 alinéa 1 du Code de procédure pénale congolais pose des compétences générales qui sont attachées à toute personne dotée des prérogatives de police judiciaire. En effet, il ressort de cette disposition que la qualité d'officier de police judiciaire donne compétence, aux fonctionnaires et agents désignés par des textes spéciaux : de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs. Mais, la loi faunique élargie les prérogatives des agents relevant du Ministère en charge de la faune. En effet, contrairement aux officiers de police judiciaire classique dont les procès-verbaux ne servent qu'à titre de simple renseignement108, l'article 98 de la faunique dispose que : « Le procès-verbal dressé par un fonctionnaire assermenté appartenant à un cadre hiérarchique équivalent ou inférieur à celui d'agents techniques des eaux et forêts fait foi jusqu'à preuve du contraire ». Les articles 99 à 101 de cette loi énumèrent les pouvoirs reconnus aux agents assermentés du Ministère de l'économie forestière. On peut citer entre autre : dresser des barrages pour renforcer la lutte contre la chasse illégale, procéder à des perquisitions pour rechercher des animaux ou des trophées irrégulièrement chassés ou détenus, requérir la force publique en cas de besoin.

Ces prérogatives sont, cependant, conditionnées par la prestation du serment devant le tribunal. Le Décret n°2002-433 du 31 décembre 2002 portant organisation et fonctionnement du corps des agents des eaux et forêts dispose en ses articles 20 et suivants : les agents du corps des eaux et forêts sont amenés à faire usage des armes de guerre, des armes de chasse et des explosifs. C'est le cas, lors des opérations de lutte anti braconnage. Ils ont la qualité d'agents de police judiciaire. Ils prêtent serment devant le tribunal de grande instance de leur lieu d'affectation. Ainsi, ces agents ont qualité pour arrêter tout individu qui commet une infraction à la loi. Ces prérogatives sont quasiment similaires à celles reconnues aux agents assermentés relevant du Ministère des forêts et de la faune au Cameroun.

b) Les prérogatives reconnues aux agents assermentés du Ministère en charge de la faune.

Les articles 82 et suivants du Code de procédure pénale camerounais fixent les attributions et devoirs de la police judiciaire. L'article 142 de la loi de 1994 énumère les prérogatives des agents assermentés relevant du Ministère en charge de la faune. Ainsi, ils procèdent à la constatation des faits, à la saisie des produits indûment récoltés et des objets ayant servi à la commission de l'infraction. Ils dressent également des procès-verbaux qui font foi des constatations matérielles qu'ils relatent jusqu'à inscription de faux. L'alinéa 3 poursuit en stipulant que ces agents peuvent visiter tous les moyens susceptibles de transporter les produits résultant de la commission des infractions fauniques. Ils peuvent aussi s'introduire de jour dans des maisons et les enclos, en cas de flagrant délit et exercer un droit de poursuite à l'encontre des contrevenants.

108 En ce sens l'article 365 du Code de Procédure Pénale congolaise dispose que : « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements ».

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Les similarités entre les agents des deux pays tiennent de l'astreinte à la prestation de serment devant un tribunal compétent du lieu de leur affectation. Malgré le silence des deux lois, il faut relever que ce serment, comme celui de tout autre corps de l'administration astreint à cette obligation n'est prêter qu'une seule fois, quelque soit le nombre d'affection qui peuvent intervenir par la suite. Il ne saurait en être autrement puisque les médecins ou les magistrats ne prêtent pas serment chaque fois qu'ils sont affectés d'un lieu à un autre. C'est ainsi qu'une interprétation tendant à lier la compétence territoriale du serment à celle de la juridiction devant laquelle l'agent du MINFOF l'a effectué et par conséquent faire de celui-ci « un serment mobile »109, ne pourrait tenir la route. Cependant, il est claire que l'article 88 alinéa 1 définit les limites territoriales dans lesquelles les agents doivent exercer leurs compétences. Au-delà des dispositions de la loi faunique de 1994, le décret de 1995 dispose en son article 68 alinéas 1 stipule que le contrôle et le suivi des activités fauniques sont assurés par le personnel de l'administration chargée de la faune. Ils procèdent à l'interpellation et à l'identification immédiate de tout contrevenant pris en flagrant délit.

A coté du rôle prépondérant joué par l'administration de la faune, les autres entités étatiques centrales, déconcentrées ou même décentralisées accompagnent le ministère en charge de la faune dans cette lutte.

B)-Le rôle assigné aux autres administrations dans la constatation des infractions à la loi faunique.

Mis à part le Ministère en charge de la faune, la compétence spéciale dans la recherche et la constatation des infractions à la faune sauvage est également confiée aux autres agents des administrations étatiques dont la loi reconnaît la qualité de police judiciaire. On citera les agents des services de douane (1) et certaines autorités de l'administration décentralisée ou déconcentrée (2).

1-Les agents relevant des services de douanes aux frontières.

Il faut relever de prime à bord que la douane Camerounaise et Congolaise est soumise à une réglementation communautaire notamment l'Acte n°5/001-UEAC-097-CM-06 du 03 août 2001 portant Code des Douanes de la CEMAC. Son article 1er dispose que : « Le présent code s'applique au territoire douanier de la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l'Afrique Centrale ». Ce Code offre donc un régime identique applicable en matière de taxations douanières. Il résulte donc des dispositions de ce Code que les brigades de douane sont créées et supprimées par décision du Gouvernement intéressé. Il en informe le Secrétariat Exécutif (article 61) et l'article 63 soumet les agents des douanes à la prestation d'un serment devant le tribunal compétent. Les agents de douanes font partis des fonctionnaires auxquels les articles 80 et 15 des codes de procédure pénale congolais et camerounais attribuent la qualité d'officier de police judiciaire.

109 ONONINO (A.B), NYA (F.A) et NKOKE (C.S), Guide : la mise en application de la loi faunique, Cameroun, les compétences, attributions, mission et responsabilités des différents corps. Rapport TRAFFIC, novembre 2016.page.40

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Ainsi donc, en cette qualité, l'article 70 du Code de douane dispose que : « Pour l'application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes ». Ces compétences sont élargies aux termes des articles 72, 73 et 74 du même code.

Au nombre de ses missions, les services de douanes camerounaise et congolaise appuient les autres administrations dont le Ministère en charge de la faune dans la lutte contre la criminalité faunique transnationale. En effet, ces agents sont implantés aux frontières et déployés de façon stratégique sur toute l'étendue des territoires des deux pays. A ce titre, ils sont habiletés à interdire l'entrée dans le territoire national de certains produits tels que : des espèces fauniques ou des trophées en violation avec les lois fauniques en vigueur. Ils contrôlent également le respect à la réglementation internationale en matière de protection des la faune sauvage. On peut citer entre autre : les quotas aux importations ou aux exportations prévus dans les conventions internationales dûment ratifier par le Congo et le Cameroun. Pour s'en convaincre on peut se référer à la Convention CITES ou à celle de Bonn sur les espèces migratrices appartenant à la faune sauvage.

A coté des agents relevant des administrations centrales de l'Etat, les législations congolaises et camerounaises ont connue une grande évolution dans le cadre des politiques de déconcentration et de décentralisation. A ce titre, des pouvoirs sont reconnus aux autorités déconcentrées et décentralisées dans la protection de l'environnement et partant de la faune sauvage.

2-Les agents des administrations déconcentrées et décentralisées : le Préfet et le Maire ayant qualité d'OPJ par attribution légale.

Notons d'abord que le code de procédure pénale congolais reconnait aux Préfets et aux Sous-préfets la qualité d'officier de police judiciaire (article 16 al.3). A ce titre, ils exercent toutes les compétences reconnues aux OPJ, dans les départements et les sous-préfectures où, ils représentent le pouvoir central et donc le Ministère en charge de la faune. Au Cameroun, l'article 71 alinéa 1 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes dispose que le Maire exerce la police municipale et à ce titre, il veille à la protection de l'environnement. Au Congo, avec la constitution du 20 janvier 2002, il a été consacré le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Ainsi en 2003, le législateur a mis en place plusieurs textes de lois pour donner un contenu au principe constitutionnel ainsi établit. Ces lois opèrent transfert de certains aspects de la nation au contrôle des collectivités locales. C'est ainsi que la loi n°10-2003 du 6 février 2003 portant transfère de compétences aux collectivités locales dispose en son article 16 que : « Les compétences dans les matières sont transférées aux collectivités locales dans leur ressort territorial respectif et selon des conditions définies aux articles 17 à 40 ci-dessus de la présente loi (...) -L'environnement ; les eaux, les forêts et la chasse (...) ». Ensuite, les articles 21 et 23 disposent que les départements ont compétence pour : Protéger les écosystèmes. Les Préfets et Sous-préfets assurent la politique de reboisement de proximité et d'exploitation artisanale de la flore ainsi que la faune.

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Ils protègent les espèces fauniques. Aux termes de l'article 33 de la même loi, les communes ont également une compétence dans la protection des écosystèmes.

Or, aux termes de l'article 27 du Décret n°2003-20 du 6 février 2003 portant fonctionnement des circonscriptions administratives territoriales : « Le Préfet est garant de l'ordre public (...). Il exerce dans le département des attributions de police judiciaire, donne des ordres directs aux services de police et adresse des demandes de concours à la gendarmerie. Il peut personnellement requérir les Officiers de police judiciaire de faire tous actes nécessaires à l'effet de constater les crimes et délit contre la sûreté intérieur et extérieur de l'Etat et d'en livrer les auteurs aux tribunaux. Ce pouvoir comporte le droit d'opérer des perquisitions ou des arrestations ». L'article 28 de ce Décret parle des compétences de police spéciale, en particulier celle de chasse, reconnue au Préfet. S'agissant des Sous-préfets, les articles 67 et 68 du Décret susvisé reconnaissent à celui-ci la qualité d'Officier de police judiciaire. A ce titre, ils sont compétents pour constater les crimes et délits et pour prendre toutes mesures utiles afin que les auteurs soient déférés devant les juridictions compétentes. Ils sont aussi chargés de l'application de la règlementation sur la protection de l'environnement, des aires protégées. L'article 81 de ce Décret est en contradiction avec les dispositions de l'article 16 alinéas 3 du Code de procédure pénale qui ne cite pas les Maires comme des agents ayant qualité d'officier de police judiciaire. Or cette disposition décrétale stipule que : « Le maire assure l'exécution des mesures de sûreté général et dispose des pouvoirs de police générale (...) Il est officier de police judiciaire (...) il est compétent pour constater les crimes et délits et pour prendre toutes mesures utiles afin que les auteurs soient déférés devant les juridictions compétentes ».

Il résulte de tout ce qui précède que l'administration, au premier plan le Ministère en charge de faune, aussi bien au niveau central que local, participe activement dans la lutte contre la criminalité faunique. Le droit interne congolais et camerounais a pour ce faire attribuer, de façon exceptionnelle, des prérogatives de police judiciaire dans un domaine spéciale qui est celui des infractions fauniques. Mais à coté de ce rôle principal assuré par les Ministères en charge de la faune et certaines administrations, il existe des acteurs dits « secondaires » qui peuvent être institutionnels ou non institutionnels.

Paragraphe2 : Les acteurs secondaires dans la lutte contre la criminalité faunique.

La lutte contre la délinquance faunique nécessite la mise en place d'un mécanisme permettant d'organiser des poursuites contre les contrevenants aux lois fauniques. A ce titre, l'action menée par l'administration en charge de la faune est certes essentielle et principale, mais elle n'est cependant pas suffisante. Elle ne peut être efficace que si, elle est accompagnée par d'autres acteurs institutionnels comme les services de Police nationale, de Gendarmerie. De même que par des Organismes internationaux comme Interpol (A). Il faut rappeler aussi, avec force, l'action menée par des Organisations privées, telles que les associations de lutte pour la protection de la faune et d'autres Organismes non gouvernementaux qui oeuvrent dans la protection de l'environnement (B).

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A)-Les acteurs institutionnels secondaires de lutte contre la criminalité faunique.

Il conviendra pour nous d'examiner successivement le rôle joué par la Police et la Gendarmerie nationale à travers leurs agents auxquels la loi reconnait la qualité d'officier de police judiciaire. Grâce à leurs compétences très larges en matière de la constatation, la recherche des infractions, ils peuvent ainsi intervenir en cas d'atteinte contre les espèces fauniques et d'inobservation des lois spéciales en la matière (1). Mais, le braconnage et le commerce illégal des espèces et de leurs produits ayant pris des formes transnationales, la contribution des services de la Police interétatique (INTERPOL) est parfois nécessaire pour endiguer ce phénomène (2).

1-Les OPJ à compétence générale : La Police nationale et la Gendarmerie nationale.

Il est à bon droit d'examiner distinctement des compétences et de l'action des Polices nationales (a) congolaise et camerounaise dans le domaine de la criminalité faunique et celles de la gendarmerie des deux pays (b).

a) Les officiers de la police nationale comme acteurs à compétence générale dans la lutte contre la criminalité faunique.

Au Congo, il faut tout d'abord retenir que les missions générales de la Police nationale sont prévues dans la loi n°6-2011 du 2 mars 2011 fixant les missions, l'organisation et le fonctionnement de la Police nationale en République du Congo. L'article 2 de cette loi dispose que la police nationale a pour mission de garantir la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat. A ce titre, elle est chargée de entre autre : Assurer le respect des lois et règlements ; exécuter les missions de police judiciaire. C'est dans ce sens que l'article 16 alinéa 1er du Code de procédure pénale congolais reconnait comme ayant qualité d'officier de police judiciaire : « les commissaires de police, les officiers de police et les inspecteurs principaux titulaires de l'examen technique d'officier de police judiciaire ». Ainsi donc, en cette qualité, ces officiers de la Police nationale sont chargés de constater les infractions à la loi pénale (en l'espèce à la loi spéciale sur la faune) ; d'en rassembler les preuves et les auteurs110. Cette compétence étant générale, en matière des infractions contre la faune qui est un domaine spécial avec des spécificités techniques que seuls les agents des ministères en charge de la faune peuvent métriser. Les officiers de la police, sont donc appeler à les assister dans tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité. Mais, ils peuvent aussi procéder à tout acte de constatation, d'interpellation en l'absence des agents assermentés du MEFDD.

Dans le même ordre d'idée, la police camerounaise dispose des compétences générale qui sont définit par le Décret n°2012/540 du 19 novembre 2012 portant organisation de la Délégation Générale à la Sûreté Nationale. Celui-ci stipule à son article 4 que la Police est chargée entre autre : De la recherche, de la constatation des infractions aux lois pénales et de la conduite de leurs auteurs devant les juridictions répressives. Elle lutte contre la criminalité nationale, internationale et transnationale.

110 Voir en ce sens, l'article 14 al. 1er du Code de Procédure Pénale Congolais.

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C'est à ce titre que l'article 79 du Code de procédure pénale camerounais dispose que : « Ont la qualité d'officier de police judiciaire : c)-Les Commissaires de police ; d)-Les officiers de police (...) ». De même, l'article 82 de ce code parlant des attributions et devoirs de la Police judiciaire précise que : « La Police judiciaire est chargée : a)-de constater les infractions, d'en rassembler les preuves, d'en rechercher les auteurs et les complices et, le cas échéant de les déférer au Parquet (...) ». La loi de 1994 sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche, les qualifie en son article 141 al. 1er des : « officiers de police judiciaire à compétence générale ». Certains auteurs dans la doctrine les ont aussi qualifiés comme des acteurs classiques dans la constatation des infractions ayant des compétences traditionnelles dans la recherche et la constatation des infractions de droit commun111. Ainsi donc au Cameroun les officiers de la Police nationale, ayant des compétences générales, peuvent intervenir même dans le cadre la commission des infractions fauniques. Pourtant, celles-ci peuvent s'avérées trop techniques et complexes en raison de la particularité du domaine faunique.

Mais à coté de la Police nationale, le code de procédure pénale attribut aussi la qualité d'officier de police judiciaire aux officiers de la Gendarmerie nationale, qui peuvent à ce titre intervenir également dans la lutte contre la criminalité faunique.

b- Les officiers de la gendarmerie nationale comme acteurs à compétence générale dans la lutte contre la criminalité faunique.

Au Congo, la Gendarmerie nationale est régie par l'ordonnance n°4-2001 du 5 février 2001 portant statut général des militaires et des gendarmes. Elle a entre autre mission, celle d'exercer la police judiciaire. C'est pourquoi l'alinéa 2 de l'article 16 du Code de procédure pénale dispose qu'ont la qualité d'officier de police judiciaire : « 2°-Les officiers de gendarmerie, les sous-officiers de gendarmerie exerçant les fonctions du commandant de section, de brigade et de peloton ». S'agissant de la Gendarmerie camerounaise, ses missions sont définis par le Décret n°2001/181 du 25 juillet 2001 portant organisation de la Gendarmerie nationale. Son article 2 précise entre autres fonctions, l'exécution des missions de police administrative et de police judiciaire, dans les conditions fixées par les textes en vigueur. Considérés comme des officiers de police judiciaire à compétences générales, les officiers de la gendarmerie peuvent donc valablement intervenir dans la constatation des infractions à la loi faunique. Ils constituent ainsi, aux cotés de la police nationale, des acteurs dont le rôle reste secondaire dans la lutte contre la criminalité faunique.

Cependant la délinquance faunique est un phénomène tentaculaire, dont les ramifications peuvent parfois dépasser le cadre national et s'étendre sur le territoire d'autres Etats. Ainsi, au cours de ces années, le braconnage et le commerce des espèces menacées d'extinction a pris des proportions internationales. C'est pourquoi, l'action d'INTERPOL est devenue plus que nécessaire.

111 TCHOCA FANIKOUA op.cit, page.80

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2-Les services d'INTERPOL : Une police au service de la lutte contre la criminalité faunique transnationale.

Reprenant ces mots de Alain Bernard ONONINO, qui en sa qualité de spécialiste des questions relevant de la criminalité faunique, affirmait que : « La menace devient cependant plus sérieuse et redoutable lorsque les animaux sauvages sont abattus et capturés à des fins commerciales, pour satisfaire la demande sans cesse croissante en espèces et produits de la faune des marchés locaux et internationaux (...) Il s'organise la plupart du temps en réseaux criminels bien huilé dont les membres se recrutent dans diverses couches de la société et parfois même dans plusieurs pays (...) du simple chasseur pygmée Baka (...) au commerçant chinois multimillionnaire possédant de nombreuses boutiques de luxe sur le marché asiatique »112. Cette pensée, illustre bien l'ampleur de la menace d'extinction que cours les espèces fauniques en Afrique Centrale. La raison principale de ce phénomène reste, la montée d'une criminalité qui ne cesse de prendre des proportions considérables à cause de la demande sans cesse croissante. Selon le rapport IFWA : la nature du crime concernant les répercussions du commerce illicite d'espèces sauvages sur la sécurité mondiale, publié en septembre 2013 : le commerce illégal des espèces fauniques et des produits qui en découlent est classé au 4ème rang des activités illicites mondiales113. Il est considéré par la Commission des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale comme : « une forme sérieuse de crime organisé ». De plus, il a été établit que ce commerce a des ramifications avec le terrorisme, le radicalisme et la fraude.

Ainsi donc face à une criminalité qui, au cours des décennies, a pris des proportions considérables, les agents des Etats agissant dans les limites des frontières de manière cloisonnée voient de plus en plus leur action s'anéantir face à un phénomène transnational. En effet, comment engager des poursuites contre des contrevenants agissant en bande organisée. Ils abattent plusieurs éléphants et s'emparent des ivoires, dans un pays (A) avec des complices dans un (B), et qui vendent les produits de leur contrebande sur un marché illicite dans un autre pays (C) à des acheteurs originaires d'un pays (D) et vont revendre un sur autre marché clandestin dans un pays (E) et que ces pays se trouvent sur trois continents différents? C'est face à ces difficultés que les Etats du monde ont crées L'Organisation de Police Criminelle (OIP-INTERPOL). C'est une Organisation Internationale de Police la plus importante au monde avec 190 pays membres dont le Congo et le Cameroun. Le rôle de cette institution internationale est de permettre aux polices du monde de travailler ensemble pour rendre le monde plus sûr114. Le statut de cette organisation multinationale a été adopté à Vienne en 1956 lors la 25ème session de son Assemblée Générale. Mais, il faut préciser que son but tel que visé à l'article 2 de son statut sur la répression des infractions de droit commun, a été revu au regard des enjeux de la criminalité environnementale.

112 ONONINO (A.B), idem.

113 Rapport IFAW, La nature du crime, op cit p.3 et 4

114 Voir en ce sens : Présentation INTERPOL sur le site internet : www. Interpol.int

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Ainsi peut-on lire sur la rubrique : criminalité (Atteintes à l'environnement) de leur site web : « A l'heure de la mondialisation, il est nécessaire de mettre en place une stratégie internationale, pour combattre cette forme de criminalité. Etant la seule organisation dont la mission consiste à centraliser et à traiter les informations criminelles au niveau mondial, INTERPOL est idéalement placé pour mener ce combat ». Il ressort de cela, que l'Organisation a mis en place une équipe chargée du Programme INTERPOL sur les atteintes à l'environnement dont l'essentielle des missions consiste entre autre à :

-Mener des opérations au niveau mondial et régional en vu de démanteler les réseaux criminels à l'origine des atteintes à l'environnement grâce à un travail de police fondé sur le renseignement.

-Donner aux organismes chargés de lutte contre les atteintes à l'environnement accès aux services de l'Organisation en renforçant leurs liens avec les Bureaux Centraux nationaux INTERPOL.

-Collaborer avec le Comité sur la criminalité de l'environnement afin de définir la stratégie et les orientations du Programme.

Ainsi, INTERPOL a mis en place plusieurs mécanismes de lutte contre la criminalité environnementale. Au nombre de ces infractions on cite, le braconnage et le commerce illicite des espèces. C'est pourquoi, le système des ECOMESSAGES est l'une des innovations les plus efficaces dans la lutte contre la criminalité faunique transnationale. Il fournit en temps réel des informations uniformes sur les atteintes à l'environnement et permet surtout de concevoir une base de donné fiable sur l'ensemble des pays membres.

Mais, la lutte contre la délinquance faunique, concerne aussi de nombreux organismes privés qui oeuvrent dans la lutte pour la protection de la faune sauvage. Au Congo et au Cameroun, leur rôle dans la répression des infractions fauniques est essentiel, ils travaillent en étroite collaboration avec les Ministère en charge de la faune. Ce sont des acteurs non institutionnels dont l'action, bien que souvent reléguée au second plan, est néanmoins essentielle dans la chaîne pénale.

B)-Les acteurs non institutionnels relégués à un rôle passif dans la répression des atteintes à la faune sauvage.

Aux termes des lois et règlements du Congo et du Cameroun, les organisations de la société civile contribuent à divers point dans la mise en oeuvre des politiques de protection des espèces fauniques. Dans ce sens, elles collaborent tant avec les Ministères en charge de la faune et avec les services judiciaires dans la poursuite des délinquants fauniques. Pourtant leur rôle dans le cadre répressif est souvent relégué au second plan. Il conviendra donc pour nous d'examiner, d'abord d'examiner le rôle des associations agréées pour la protection de la faune sauvage dans la répression des infractions fauniques (1). Ensuite, notre examen s'étendra sur les organisations dont l'objet est plus général à savoir la protection de l'environnement (2).

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1-Les Associations agréées de protection de la faune sauvage : un rôle dans la détection et la dénonciation des atteintes à la faune sauvage.

Par définition, une association est une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices115. Au Congo, la loi n°37-2008 du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées attribue un statut particulier aux associations spécialisées dans le domaine de la faune sauvage. Elles sont considérées comme : « des organes consultatifs pour l'élaboration des politiques de gestion de la faune ». Ainsi donc, plusieurs missions leurs sont reconnues par cette loi à son article 3. On compte entre autre celle de : « collaborer à la recherche des auteurs d'infraction à la présente loi et à ses textes d'application ». C'est le seul attribut répressif qui leurs soit reconnu par la loi. Au Cameroun, l'article 3 de la loi n°96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement dispose que : « Le Président de la République définit la politique nationale de l'environnement. Sa mise en oeuvre incombe au Gouvernement qui l'applique, de concert avec les Collectivités territoriales décentralisées, les Communautés de base et les associations de défense de l'environnement (...) ».

Devant la justice répressive, la disposition de l'article 3 peut faire l'objet d'une grande controverse dans son interprétation. En effet, lorsqu'il s'agit de savoir : Que faut-il entendre par une collaboration dans la recherche des auteurs d'infractions ? Et, quelles sont les limites de ce rôle dans la pratique ? En vertu de cette collaboration, ces associations peuvent-elles se constituer parties civiles au cours d'une instance ? Quelle est la position ou la place réelle de ces associations dans la mise en mouvement des poursuites pénale contre les délinquants fauniques ? Le code de procédure pénale constitue un obstacle quant à la possibilité pour les associations spécialisées dans la protection de la faune de se constituer partie civile devant la justice répressive. En effet, l'article 2 dispose que : « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par les faits objets de la prévention ». De même l'article 353 alinéa 1 surenchérie en ces termes : « Toute personne qui, conformément à l'article 2, prétend avoir été lésée par un délit, peut, si elle ne l'a déjà fait, se constituer partie civile à l'audience même ». Il résulte de ces dispositions que l'action civile, pour sa recevabilité devant le juge pénal, est soumise à deux conditions générales à savoir : un dommage qui soit direct et personnel. S'agissant des associations, elles n'ont pas d'action en principe, sauf si la loi le prévoit.

Sur ce point, Jean LARGUIER et Philippe CONTE estiment que : « Les associations représentent des intérêts trop généraux, proches de ceux que défend le Ministère public. Dans l'exercice de leur action, elles ne recherchent pas toujours à obtenir réparation. Elles souhaitent seulement déclencher le procès pénal ; cette action est donc très proche de l'action publique (...) C'est pourquoi, en dehors des cas où un texte admet l'action, la chambre criminelle exige qu'un préjudice personnel et direct ait été causé à l'association qui ne peut agir au pénal que si elle subit elle-même un tel dommage »116.

115 Sur la définition de l'Association voir, le Lexique des termes juridiques, 13ème édition Dalloz 2001. p. 49

116 LARGUIER (J) et CONTE (P), Procédure pénale, Mémentos 21ème édition, Dalloz 2006, p.119 et 120

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Mais dans d'autres pays, comme en France, l'évolution législative et jurisprudentielle à conduit la justice répressive à déclarer recevable, à certaines conditions, la constitution de partie civile117.

On compte au Congo et au Cameroun plusieurs associations spécialisées dans la protection de la faune sauvage. Il ne s'agira donc pas ici d'en donner une liste puisqu'elle ne serait pas exhaustive. Cependant, un certain nombre de ces associations s'impliquent activement, dans les deux pays, à la répression des atteintes contre la faune sauvage. On citera donc de manière exceptionnelle le réseau des Associations nées d'un consortium constitué par The Aspinall Fondation (TAF) et Wildlife Conservation Society (WCS). C'est de celui-ci qu'est né The Last Great Ape Organization (LAGA) au Cameroun et le Projet d'Appui à l'Application de la Loi sur la Faune sauvage (PALF) au Congo. Au niveau de ces deux pays, ces associations interviennent dans le cadre de l'appui à l'application des lois fauniques. Elles contribuent à la mise en oeuvre de l'action répressive des atteintes contre la faune sauvage à travers la dénonciation des infractions fauniques. La suivie des procédures devant les juridictions répressives en partant depuis les enquêtes, les procès, les condamnations et l'application des peines.

Mais, comme il ressort de ces mots tirés du rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) : « Faire honte est souvent la seule arme dont dispose un grand nombre d'organisations de la société civile. Mais cette arme peut être redoutable ». Le rôle de ces associations, pourtant spécialisées dans la protection de la faune sauvage, est souvent relégué aux simples dénonciations. Elles sont réduites à une action de collaboration en incitant les administrations à mettre en oeuvre les poursuites contre les délinquants fauniques. Leur but étant de dissuader ces derniers à grâce l'effet produit par les sanctions pénales. Cette action trouve plus d'écho avec la participation de certaines organisations non gouvernementale qui oeuvre de manière générale dans la lutte contre l'environnement.

2-Les ONG de protection de l'environnement.

Les organisations non gouvernementales sont considérées comme des acteurs jouant un rôle essentiel dans la protection de l'environnement. En réalité, une ONG est définit comme : « une association internationale créée par une initiative privée -ou mixte-, à l'exclusion de tout accord intergouvernemental, regroupant des personnes privées ou publiques, physiques ou morales, de nationalité diverses »118. C'est au cours des 1992, avec la conférence de Rio, qu'une reconnaissance juridique des ONG a été de plus en plus visible dans les textes internationaux de droit de l'environnement. A ce titre, certains auteurs estiment que : « La conférence de Rio constitue le point centrale d'analyse de la reconnaissance internationale de l'importance des ONG »119.

117 Sur la recevabilité de l'action civile d'une Association spécialisée devant les juridictions pénales, voir l'ouvrage de NERAC-CROISIER (R), Sauvegarde de l'environnement et droit pénal, 1ère édition, Paris, l'Harmattan Sciences criminelles, 2005, pages.315, 316 et 317

118 DAILLIER (P), FORTEAU (M) et PELLET (A), op.cit, page.711

119 LOWE GNINTEDEM (P.J), Les ONG et la protection de l'Environnement en Afrique Centrale, Mémoire pour l'obtention de la Maîtrise en Droit et Carrières Judiciaires, Limoges. Université de Limoges. 2003

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En effet, le chapitre 27 de l'Agenda 21 est consacré au renforcement du rôle des ONG, qui sont considérées comme des partenaires pour un développement durable. De même que l'article 4-i de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992, encourage la participation des ONG.

Cette prolifération des textes internationaux consacrant le rôle des ONG dans la protection de l'environnement a été également constaté dans le cadre sous-régional. C'est ainsi qu'en Afrique Centrale, de nombreux instruments adoptés par les Etats ont reconnu une place essentielle dans la protection de l'environnement. Tel est le cas de la Déclaration de Brazzaville issue de la Conférence sur les écosystèmes des forêts denses humides d'Afrique Centrale tenue du 28 au 30 mai 1996 qui contient une mention portant sur : « la nécessité d'impliquer d'avantage (...) les organisations non gouvernementales dans la conservation et la gestion des écosystèmes ». Les ONG participent à la protection de l'environnement dans son ensemble y compris la préservation des espèces fauniques. Elles exercent des actions de sensibilisation, d'alerte, de gestion et participation dans les politiques de conservations des écosystèmes. Au nombre de ces ONG, on pourra citer l'Union Mondiale pour la Nature (UICN), ainsi que d'autres ONG dont la liste ne peut être citée de manière exhaustive.

En sommes, on pourra retenir que plusieurs acteurs avec des rôles différents concourent à l'oeuvre de répression en accomplissant, chacun selon la tâche qui lui attribuée par les textes légaux. Si l'Administration en charge de la faune est considérée comme le maillon principal dans la constatation, la recherche des infractions et la saisine des instances judiciaires, d'autres acteurs secondaires complètent cette oeuvre. Mais la chaîne ne peut être complète que si les auteurs des infractions fauniques sont traduits devant une instance judiciaire compétente. Aussi, la justice pénale est considérée comme l'autre partie de la chaîne qui agit en aval pour sanctionner les délinquants qui sont déférés devant-elle après qu'une enquête en bonne due forme ait été menée par les acteurs placés en amont.

Section2 : Les acteurs judiciaires placés en aval de la chaîne pénale pour assurer la répression des atteintes contre la faune sauvage.

Placée en aval de la chaîne pénale la justice répressive, en tant qu'organe relevant du pouvoir judiciaire, est considérée comme le dernier rempart dans la lutte contre la criminalité faunique au sein de l'Etat congolais et camerounais. Dans leur organisation judiciaire, outre le principe de double degré de juridiction, les cours et tribunaux de ces deux pays sont régies par un principe d'unité de la justice civile et pénale, tout en maintenant une séparation des deux contentieux. Ce qui a pour conséquence immédiate, l'existence d'une polyvalence des magistrats du siège, qui ont une double casquette (juge pénal et civil).

L'analyse exégétique de la règlementation faunique dans ces deux pays, montre que ces textes spéciaux ne font pas directement mention d'une répartition des compétences entre les différentes juridictions pénales. Ce sont donc des textes généraux qui définissent une organisation de cette justice ainsi que l'attribution des prérogatives et le rôle des magistrats qui les animent.

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Ainsi, au Congo, c'est la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire qui prévoit une organisation des juridictions répressives. Elles se composent des tribunaux de simple police, des tribunaux correctionnels, des cours criminelle et des chambres pénales de la cours suprême. De même que le code pénal et celui de procédure pénale définissent les compétences et les prérogatives des magistrats du siège et du parquet. Au Cameroun, c'est l'ordonnance n°72/04 du 26 août 1972 qui a été, pendant plus de trente (30) ans, le texte de base en matière d'organisation judiciaire. Elle a été, cependant, abrogée par la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006, portant organisation judiciaire qui, il faut le noter, n'est pas le seul texte organisant la justice répressive au Cameroun.

Ainsi, malgré son caractère spécial, le contentieux pénal en matière faunique ne déroge en rien aux règles classiques de l'organisation de la justice répressive dans ces deux (2) pays. On distingue d'un coté la magistrature debout, qui constitue le ministère public. Il est considéré comme un acteur judiciaire placé au coeur de l'exercice de l'action publique en matière des infractions fauniques (§1). Ensuite, la magistrature assise, autrement dit, les formations de jugement qui sont considérées, selon leur degré de compétence, comme le dernier rempart contre la délinquance faunique (§2).

Paragraphe1 : Le Ministère Public : Un acteur au centre de l'exercice de l'action publique en matière des infractions contre la faune sauvage.

Le ministère public est considéré comme : « l'ensemble des magistrats de carrière qui sont chargés, devant certaines juridictions, de requérir l'application de la loi et de veiller aux intérêts généraux de la société, ses magistrats sont hiérarchisés et ne bénéficie pas de l'inamovibilité. En matière pénale, il est toujours partie principale »120. De même, l'action publique dont-il a la charge d'exercer peut être définit comme une : « action portée devant une juridiction répressive pour l'application des peines à l'auteur d'une infraction »121. Le rôle du ministère public dans la répression des infractions environnementales ou fauniques a été mis en relief par le Professeur M. FAURE qui affirme que : « Seul le Procureur du Roi peut (...) donner suffisamment de garanties d'impartialité et d'indépendance nécessaire à une répression optimale du droit de l'environnement ». Or, aujourd'hui qu'il s'agisse du model congolais ou camerounais, on déplore la rareté du contentieux faunique devant les juridictions répressives. C'est la résultante directe d'un manque de lisibilité du régime répressif prévu par les lois spéciales dans ce domaine. Les magistrats du parquet dans les deux pays ne bénéficiant pas souvent des connaissances spécialisées pour mieux assurer les poursuites contre les contrevenants dans ce domaine.

120 Lexique des termes juridiques, 13ème édition, Paris, Dalloz, 2001, p.363

121 Idem p.18-19

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Face à ces difficultés, il nous ait paru nécessaire, d'examiner les compétences du Ministère public et l'organisation des poursuites en matière des infractions fauniques (A). Ensuite, après avoir fait un bref rappel des pouvoirs reconnus au Procureur de la République par les textes classiques, nous scruterons ceux que lui accordent les lois fauniques des deux pays (B).

A)-Les compétences du Ministère Public et l'organisation des poursuites en matière des infractions fauniques.

Nous examinerons successivement les compétences du Procureur de la République en matière des infractions à la loi faunique (1). Ensuite l'organisation des poursuites contre les délinquants fauniques (2).

1-Les compétences du Procureur de la République en matière des infractions à la loi faunique.

Au Congo, c'est l'article 102 de la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées qui constitue l'assise de la compétence du Procureur de la République dans la mise en oeuvre des poursuites contre les infractions fauniques. Il dispose que : « L'action publique contre les auteurs d'infractions en matière de faune et de chasse est exercée par le Procureur de la République devant les juridictions compétentes ». Il épouse donc les prévisions de l'article 19 du code de procédure pénale aux termes duquel : « Le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi ». Par cet article, la nouvelle loi faunique consacre une prépondérance au Procureur de la République dans la mise en oeuvre des poursuites pénales contre les contrevenants en matière faunique. Elle tranche de ce fait, avec l'ancienne loi du 21 avril 1983 sur les conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage. En effet, l'article 71 de l'ancienne loi disposait que : « Les actions et poursuites sont exercées par l'Administration des Eaux et Forêts sans préjudice du droit qui appartient au Ministère Public (...) », de même que l'article 74 stipule que : « Les agents des Eaux et Forêts peuvent faire concernant toutes les affaires relatives à la Police de chasse, tous les exploits ou actes de justice que les Huissiers ont coutume de faire. Ils peuvent néanmoins se servir du Ministère des Huissiers ». Il résulte donc d'une lecture combinée de ces deux dispositions, que contrairement à la loi de 2008, celle de 1983 consacrait une concurrence entre l'administration en charge de la faune et le Ministère public dans l'exercice de l'action publique en matière des infractions fauniques. Aux termes de cette dernière, l'administration faunique pouvait opter pour l'une des modes de saisines autres que celles qui passe par le Ministère public à savoir : La plainte avec constitution de partie civile devant un juge d'instruction ou par une citation directe par exploit d'huissier122.

122 Voir en ce sens, l'article 326 du Code de Procédure Pénale qui dispose que : « Le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence, soit par le renvoi qui lui en est fait par la juridiction d'instruction, soit par la comparution volontaire des parties, soit par la citation délivrée directement au prévenu et aux personnes civilement responsables de l'infraction, soit enfin par application de la procédure de flagrant délit »

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Outre ses compétences dans la mise en oeuvre des poursuites pénales, l'article 104 de la loi de 2008 qui opère un renvoi « aux règles prescrites par le code de procédure pénale ». S'agissant de l'exercice des voies de recours, l'exécution des décisions de justice et les délais de prescription des infractions. Lorsqu'on se réfère au chapitre II : « Du ministère public » à partir des articles 20 et suivants du code de procédure pénale. On se rend bien compte que la loi faunique reconnait simplement les compétences du Procureur de la République. L'article 31 du même code, fixe les règles de sa compétence territoriale qui peut se déduire à travers le triptyque : du lieu de l'infraction, de celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnée d'avoir participé à l'infraction ou du lieu de l'arrestation. Encore faut-il préciser qu'en matière des infractions fauniques, cette trilogie peut recevoir diverses interprétations. Dans la mesure où, il est parfois difficile de déterminer le lieu exact de l'abattage d'un animal sauvage par un chasseur dans la forêt. De même qu'il sera difficile de déterminer le lieu de la commission de l'infraction pour un contrevenant qui est appréhendé avec des trophées de chasse lors d'un contrôle avant embarquement dans un aéroport.

Par contre, au Cameroun, le rôle du ministère public est moins prépondérant puisqu'il est en concours avec l'Administration en charge de la faune pour les infractions qui portent sur ce domaine. En effet, l'article 147 de la loi de 1994, énumérant les compétences de cette administration dispose ce qui suit : « (...) A cet effet, elles ont compétence pour :

-Faire citer aux frais du Trésor Public tout contrevenant devant la juridiction compétente ,
·

-Déposer leurs mémoires et conclusions et faire toutes observations qu'elles estiment utiles à la sauvegarde de leurs intérêts ,
· leurs représentants siègent à la suite du Procureur de la République, en uniforme et découvert, la parole ne peut leur être refusée ,
·

-Exercer les voies de recours ouvertes par la loi conformément aux règles de droit commun avec les mêmes effets que les recours exercés par le ministère public ». Il s'ensuit que cette concurrence peut être appréhendée comme une violation au principe de la séparation des pouvoirs. Celui-ci ayant pour conséquence, la séparation des autorités administratives et judiciaires qui en est qu'un prolongement. Mais elle peut aussi être perçue comme une confusion dans la répartition des tâches au sein de l'appareil étatique.

Mais de quelle manière, le Ministère Public organise t-il les poursuites en matière des infractions fauniques ? Les lois fauniques établissent-elles à ce titre une distinction avec les règles procédurales classiques ?

2-L'organisation des poursuites contre les délinquants fauniques.

Il faut retenir de prime à bord que dans les deux pays, le Procureur de la République assure la direction de la police judiciaire123. Qu'il s'agisse d'un système comme de l'autre, l'organisation des poursuites contre les délinquants fauniques par le Ministère Public varie selon qu'il s'agit d'une procédure de crime ou délit flagrant et d'une enquête préliminaire.

123 Voir à ce titre l'article 12 du Code de Procédure Pénale Congolais et 78 al. 1 du C.P.P Camerounais

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D'abord, l'article 37 alinéa 1 du code de procédure pénale congolais définit le crime ou le délit flagrant en ces termes : « Est qualifié crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvé en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit ». Cette définition est la même que celle prévue à l'article 103 du code de procédure pénale camerounais. Quant à l'enquête préliminaire124 : C'est une enquête de police qui est entreprise par les officiers de police judiciaire soit d'office ou sur instruction du Procureur de la République. Elle a pour but d'éclairer le Ministère Public sur le bien fondé d'une poursuite pénale. Retenons qu'à son terme le Procureur, qui a l'opportunité des poursuites, peut décider de poursuivre ou de classer sans suite.

Ainsi donc en matière faunique, le plus souvent, les infractions sont prises en flagrance et sont traitées suivant les règles y afférentes. A ce titre deux hypothèses peuvent être retenues :

? Celle de l'article 38 du code de procédure pénale congolais qui dispose à son alinéa 1 que : « En cas de crime flagrant, l'officier de police judiciaire qui en est avisé, informe immédiatement le procureur de la République et, en tant que de besoin, le juge de section ou d'instance, se transporte sans délai sur les lieux du crime et procède à toutes constatations utiles ». Les articles 39 et suivants définissent les pouvoirs et les actes accomplis par l'officier de police judiciaire aux fins de la manifestation de la vérité.

Dans cette première hypothèse, des pouvoirs sont reconnus aux OPJ pour mener l'enquête de flagrance. C'est ce que prévoit également, le C.P.P camerounais aux articles 104 à 110.

? La deuxième hypothèse (en cas de crime ou de délit flagrant) est que : le Procureur de la République, lui-même, peut accomplir l'ensemble des actes de police judiciaire. En effet, son arrivée sur les lieux dessaisit l'OPJ. Cette deuxième hypothèse est prévue aux articles 53 du C.P.P congolais et 111 du C.P.P camerounais.

S'agissant de l'enquête préliminaire, l'article 61 du même code dispose qu'elle est diligentée à la demande du Procureur ou d'office à l'initiative de l'OPJ. A ce titre, l'article 116 al. 1 du C.P.P camerounais dispose que : « Les officiers de police judiciaire et agents de police judiciaire procèdent aux enquêtes préliminaires soit sur leur initiative, soit sur instruction du procureur de la République dans les meilleurs délais ». Ainsi donc, qu'il s'agisse des délits et crimes flagrants ou d'infractions nécessitant le déclenchement d'une enquête préliminaire. L'organisation des poursuites en matière faunique, par le ministère public, ne déroge pas aux règles procédurales classiques.

124 Sur l'enquête préliminaire, voir l'article 61 du C.P.P congolais.

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A la suite des enquêtes, le Procureur de la République qui a l'opportunité des poursuites décidera s'il opte comme mode de saisine de la formation de jugement, par citation directe125, soit par flagrant délit en prenant un mandat de dépôt contre le prévenu. Mais, il peut aussi ouvrir une information judiciaire devant le juge d'instruction à travers un réquisitoire introductif126.

Mais, si ces règles classiques reconnaissent au Procureur de la République des prérogatives dans l'exercice de ses fonctions, les lois fauniques lui reconnaissent également certains pouvoirs spécifiques qu'il convient d'examiner.

B)-Les prérogatives reconnues au Procureur de la République en matière faunique.

Rappelons d'abord que par prérogatives, on entend un ensemble de droits ou des pouvoirs reconnus ou attribués à une personne ou à un organe en raison de sa fonction et impliquant, pour lui, une certaine supériorité, puissance ou immunité127. Ainsi donc, s'agissant du Procureur de la République, en sa qualité d'acteur important dans la répression des infractions, les textes répressifs classiques lui attribut plusieurs prérogatives qui sont attaché à sa fonction (1). Mais, la loi faunique qui définit un cadre particulier de répression, lui reconnait aussi certaines prérogatives liées spécifiquement au contentieux pénal en matière de la faune sauvage (2).

1-Des prérogatives qui puisent leur source dans des textes répressifs classiques (Code de procédure pénale).

Le 19 janvier 2006, lors de l'ouverture des cycles de conférence de procédure pénale, Monsieur Jean-Louis NADAL, Procureur Général près la Cour de cassation en France affirmait : « La spécificité du Ministère public, à la fois organe de poursuite et gardien des libertés individuelles remonte à ma connaissance à la grande ordonnance de Philippe Le Bel du 23 mars 1303 énonçant la formule du serment des gens du roi et montrant que l'accusateur doit également avoir en charge la recherche de la vérité et la bonne application de la loi ». Ces mots sont révélateurs de la particularité de la fonction de Procureur de la République. C'est pourquoi, les lois répressives congolaise et camerounaise lui reconnaissent des prérogatives très élargies et diversifiées dans la mise en oeuvre de la répression des infractions de droit commun et même des infractions spéciales, comme celles qui portent sur les espèces fauniques.

125 Sur la citation directe par voie administrative, c'est-à-dire délivrée à la requête du Ministère public, voir les articles 40 al.3 du C.P.P camerounais et 491 du C.P.P congolais

126 Voir en ce sens les dispositions de l'article 114 du C.P.P camerounais qui stipule que : «1)- Le suspect arrêté en flagrant délit est déféré par l'OPJ devant le Procureur de la République qui procède à son identification , l'interroge sommairement et, s'il engage des poursuites, le place en détention provisoire ou le laisse en liberté avec ou sans caution (...) 3)-Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à ce que le Procureur de la République engage des poursuites par voie de citation directe ou requiert l'ouverture d'une information judiciaire ».

127 BEDARIDE (B), Lexique juridique et fiscal en ligne.

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Ainsi donc, aux termes des codes de procédure pénale des deux pays, le Procureur de la République qui est sous le contrôle hiérarchique du Procureur Général et du Ministre de la justice, fait partie de la magistrature dite debout. Il est l'autorité prépondérante dans la mise en mouvement de l'action publique. Il assure la direction de la police judiciaire, alors que le Procureur Général assure la surveillance de celle-ci. Dans la juridiction où, il représente le ministère public, il exerce l'action publique et requiert l'application de la loi. Il assiste aux débats des formations de jugement et leurs décisions sont rendues en sa présence et il veille à leur exécution. Il reçoit les plaintes et les dénonciations et décide de la suite à donner (opportunité des poursuites). La loi pénale fait obligations à tout officier ou fonctionnaire de son ressort de compétence, de lui tenir informer de l'existence des faits infractionnels portés à leur connaissance.

L'article 29 du C.P.P congolais dispose que : « Le Procureur de la République procède ou fait procéder à tous actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale. A cette fin, il dirige l'activité des officiers de police judiciaire. En cas d'infractions flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 53 ». De même, en cas procédure de flagrance, l'article 111 du C.P.P camerounais qui est similaire à l'article 53 du C.P.P congolais dispose que : « L'arrivée du Procureur de la République sur les lieux dessaisie l'officier de police judiciaire. Le Procureur de la République accomplit alors tous les actes de police judiciaire prévus au présent chapitre. Il peut aussi prescrire à tous officiers de police judiciaire de poursuivre les opérations ». Il résulte donc de l'analyse des dispositions des codes de procédure pénale des deux pays, que le Procureur de la République dispose d'un éventail des prérogatives en matière des infractions de droit commun qui lui permettent de mettre en mouvement l'action publique et de veiller à l'application de la loi.

Le contentieux pénal en matière faunique ayant quelques spécificités, des prérogatives spéciales lui ont été reconnus par les lois fauniques.

2-Des prérogatives spécialement prévues par les lois sectorielles en matière faunique.

L'alinéa 1er de l'article 141 de la loi de 1994 sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche comme par : « Sans préjudice des prérogatives reconnues au Ministère public et aux officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés des administrations chargées des forêts, de la faune et de la pèche, dans l'intérêt de l'Etat, des constatation et des poursuites en répression des infractions commises en matières de forêts, de la faune et de la pêche, selon le cas ». Il résulte de cette disposition, que les prérogatives qui sont reconnues au Procureur de la République et aux officiers de police judiciaire, en matière des infractions fauniques, sont d'abord et avant tout celle de police judiciaire, c'est-à-dire procéder à la recherche, la constatation des infractions fauniques.

Cependant, si au Congo, la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées attribut un certain privilège au Ministère public dans la mise en mouvement de l'action publique. Les dispositions de la loi faunique au Cameroun entrainent une confusion quant à l'exercice de l'action publique.

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D'abord l'article 147 de ladite loi précise à son alinéas 2, dispose que : « A cet effet, elles (les administrations en charge des forêts, de la faune et la pêche) ont compétence pour :

-faire citer aux frais du Trésor Public tout contrevenant devant la juridiction compétente ,
·

-déposer leurs mémoires et conclusions et faire toutes observations qu'elles estiment utiles à la sauvegarde de leurs intérêts ,
· leurs représentants siègent à la suite du Procureur de la République, en uniforme et découverts, la parole ne peut leur être refusée ,
·

-exercer les voies de recours ouvertes par la loi conformément aux règles de droit commun avec les mêmes effets que les recours exercés par le ministère public. ». Il résulte de cette disposition que la loi faunique camerounaise, établit une concurrence entre l'administration faunique qui peut user d'autres modes de saisine du juge, sans passé par le parquet. Ces prérogatives concurrentes apparaissent aussi dans l'article 90 alinéas 2 de la loi n°96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement. Il relève qu'en cas de non transaction et si la contestation portée par le contrevenant contre le procès-verbal est infondée, l'Administration faunique procède à des poursuites judiciaires. Il s'ensuit qu'au Congo tout comme au Cameroun, les lois fauniques reconnaissent au Procureur de la République, des pouvoirs de coordonner l'action des agents de l'administration en charge de la faune lorsque ces derniers agissent en qualité d'officier de police judiciaire. Dans la pratique, ils peuvent même solliciter l'expertise de ces agents, pour mieux faire assoir la caractérisation des infractions fauniques déférées devant son parquet.

Bien que situé en aval, l'action du ministère public consiste à monter une procédure contre le contrevenant à la loi faunique pour le mettre à la disposition du juge pénal. Dans le procès pénal, le Procureur de la République, est avant tout une partie dont la position peut ou ne pas emporter l'intime conviction du juge.

Paragraphe2 : Le juge pénal comme dernier rempart contre la criminalité faunique.

Comme nous l'avons relevé en empruntant les mots de Sandrine MALJEAN-DUBOIS : « le champ de la protection de l'environnement illustre remarquablement la montée en puissance du juge »128. En effet, le juge pénal est considéré comme le gardien de l'autorité de la loi, dont-il est le fidèle serviteur. Ayant une obligation d'interpréter strictement la loi, le juge est dans une position unique pour donner force et effet au droit de l'environnement. Appelé à accomplir une entreprise délicate, celle d'adapter parfois au cas par cas, des textes d'incriminations spéciaux dont la technicité et la complexité ne saurait laisser la place à l'amateurisme. Dans le contentieux pénal de la faune sauvage ou dans n'importe quel domaine d'ailleurs, le juge est appelé à fournir une réponse correcte et acceptable pour les parties. Ce contentieux est lié à la survie des écosystèmes et contribue à la garantie des générations présente et futures. Il apparaît donc clairement que le juge pénal, en tant qu'acteur dans la répression des atteintes contre la faune sauvage est considéré comme le dernier rempart face à cette criminalité.

128 MALJEAN-DUBOIS (S), op.cit page.17

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Or, si les lois sur la faune au Congo et au Cameroun donnent certaines précisions sur l'office de ce juge (B), les règles de compétences restent classiques et figurent dans le code pénal et de procédure pénale de chaque pays (A).

A)-La répartition des compétences entre les juridictions répressives en matière faunique.

D'une manière générale, la compétence peut être définit comme une aptitude légale à accomplir un acte ou à instruire et juger un procès129. Les règles de compétence sont d'ordre public et le juge pénal peut les invoquer d'office. Aussi, face à une infraction à la loi faunique déférée à sa connaissance, le juge cherchera d'abord à savoir, si la nature de l'infraction soumise à sa connaissance entre dans la sphère de sa compétence matérielle. C'est la compétence ratione materiae (1). Ensuite, il regardera si ladite infraction a été commise dans le ressort de sa compétence : c'est la compétence ratione loci (2). Sans ces deux règles qui sont imbriquées et cumulatives, le juge ne saurait se déclarer compétent à connaitre l'infraction.

1-La compétence ratione materiae ou en raison de la nature de l'infraction.

La compétence en raison de la matière ou ratione materiae est l'aptitude d'une juridiction pénale à connaitre des infractions en fonction de leur nature130. Au Congo et même au Cameroun, ce ne sont pas les lois fauniques qui définissent les règles de compétence des juridictions répressives. Dans le premier, il s'agit d'une approche combinée entre la loi n°1999 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire, la loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant code de procédure pénale et le code pénal. A ce titre, l'article 1er du Code pénale établit une classification tripartite des infractions en se fondant sur la nature des peines en ces termes : « L'infraction que les lois punissent de peines de police est une contravention. L'infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit. L'infraction que les lois punissent d'une peine afflictive ou infamante est un crime ». Les articles 6 à 10 du même code donnent des précisions sur ces peines. Cependant, la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées ne donne pas une classification claire de la nature des infractions fauniques. Elle ne se borne qu'à les énumérées après avoir précisée le quantum des peines. En effet, les articles 112, 113 et 114 donne trois types d'infractions fauniques, celles punies des peines d'amende entre 10.000 et 500.000 francs CFA ainsi que d'une peine d'emprisonnement entre 1 et 18 mois ; celles punis d'une amende 100.000 à 5.000.000 de francs CFA et d'un emprisonnement de 2 à 5 ans. Enfin, celles punies d'une amende de 10.000.000 à 50.000.000 de francs CFA et d'un emprisonnement de 10 à 20 ans. En faisant intervenir les dispositions de l'article 319 du C.P.P qui stipule que : « Le tribunal correctionnel connait des délits. Sont des délits les infractions que la loi punit d'une peine de plus de 10 jours d'emprisonnement ou 36.000 francs d'amende ».

129 Lexique des termes juridiques, 13ème édition, Paris, Dalloz 2001, page.122

130 Idem

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On comprend que la loi faunique au Congo ne prévoit pas de contraventions et confère la connaissance des délits à la compétence des tribunaux correctionnels. Cette attribution est précisée par l'article 64 de la loi portant organisation judiciaire qui dispose que : « En matière pénale, le Tribunal de Grande Instance connaît des infractions punies de peines correctionnelles et des contraventions qui leur sont connexes (...) ». Ainsi, les jugements rendus par les tribunaux de grande instance en matière correctionnelle peuvent faire l'objet d'appel devant les chambres correctionnelles de la Cour d'Appel131. S'agissant des crimes, elles sont portées à la connaissance de la Cour criminelle, qui est une formation de la Cour d'Appel132. Il faut noter que les arrêts de la Cour d'Appel, tant ceux qui sont rendus par ses chambres correctionnelles que par la cour criminelle, peuvent faire l'objet d'un recours en cassation devant les chambres pénales de la Cour Suprême.

Au Cameroun, c'est l'article 21 de la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal qui établit une classification des infractions en ces termes : « Les infractions sont classées en crimes, délits et contraventions selon les peines principales qui les sanctionnent :

-Sont qualifiées crimes, les infractions punies de la peine de mort ou d'une peine privatives de liberté dont le maximum est supérieur à dix (10) ans et d'une amende lorsque la loi en dispose ainsi ,
·

-Sont qualifiées de délits, les infractions punies d'une peine privative de liberté ou d'une amende lorsque la peine privative de liberté encourue est supérieure à dix (10) jours et n'excède pas dix (10) ans ou que le maximum de l'amende est supérieure à vingt cinq mille (25.000) francs ,
·

-Sont qualifiées de contravention, les infractions punies d'un emprisonnement qui n'excède pas dix (10) jours ou d'une amende qui ne peut excéder vingt cinq mille (25.000) francs (...) ».

Il résulte de cette disposition que les infractions prévues aux articles 154, 155, 156 et 158 de la loi faunique, sont des délits et qu'il n'existe pas dans cette loi spéciale des crimes en matière d'infractions fauniques. Ainsi donc toutes les infractions fauniques prévues par la loi de 1994 relèvent de la compétence matérielle du tribunal de première instance. C'est ce qui résulte de l'article 289 alinéas 1er de la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale qui dispose que : « Le Tribunal de Première Instance est compétent pour connaitre des délits et des contraventions tels que définit à l'article 21. (1) b) et c) du code pénal ». Mais lorsque ces délits sont connexes à un crime, dans ce cas, ils peuvent relever dans la compétence des tribunaux de grande instance133. La compétence matérielle du tribunal de première instance est précisée par l'article 15 alinéa 1-a de la loi n°2006-015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.

131 Voir en ce sens, l'article 56 de la loi de 1999 portant organisation judiciaire.

132 Idem

133 Voir en cas délit connexe avec un crime qui justifie la compétence du TGI à l'article 407 du C.P.P camerounais.

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Les décisions rendues par les tribunaux de première instance peuvent faire l'objet d'un appel devant la Cour d'Appel (article 22 de la loi portant organisation judiciaire). Et éventuellement les arrêts de la Cour d'Appel sont susceptibles de recours en cassation devant la Cour Suprême.

En somme, il convient de retenir qu'il existe une distinction quant à la connaissance des infractions fauniques par les juridictions répressives congolaise et camerounaise. D'abord, la législation faunique congolaise a prévus des crimes dans sa classification. Cela montre que selon la conception de son législateur, il existe dans ce domaine des actes dont la gravité ne peut cadrée avec de simples délits. Or, son homologue camerounais, classe au titre des délits toutes les infractions fauniques. De plus, l'organisation des juridictions répressives diffère d'un pays à un autre, puisqu'au Congo, les délits sont de la compétence matérielle des Tribunaux de Grande instance comportant des chambres correctionnelles. Au Cameroun par contre, ce sont les tribunaux de première instance qui connaissent des délits.

Mais qu'en est-il des compétences par rapport au lieu ? 2-La compétence ratione loci ou en raison du lieu.

Par définition, la compétence territoriale ou ratione loci se définit comme : « l'aptitude d'une juridiction pénale à connaître d'une infraction en fonction d'une circonstance de lieu »134. Il peut donc s'agir du lieu de la commission de l'infraction, de la résidence ou de l'arrestation du prévenu. A ce titre, l'article 320 alinéa 1er du code de procédure pénale congolais dispose que : « Est compétent le tribunal correctionnel du lieu de l'infraction, celui de la résidence du prévenu, celui du lieu de détention ou d'arrestation, même lorsque cette détention ou arrestation a été opérée pour autre cause ». De même que l'article 294 du code de procédure pénale dispose que : « Est compétent le Tribunal : a-Soit du lieu de la commission de l'infraction ; b-Soit du lieu du domicile du prévenu ; c-Soit du lieu de l'arrestation du prévenu ». Il existe donc, une similarité sur les critères qui déterminent la compétence territoriale.

Mais dans la pratique, il existe parfois des difficultés engendrant des conflits de compétences entre les tribunaux chargés du contentieux faunique. Au Congo, il existe en tout, près de 17 tribunaux de grande instance. Un ou deux dans chaque département (TGI d'Impfondo dans la Likouala, TGI de Ouesso dans la Sangha, TGI d'Ewo dans la Cuvette ouest, TGI d'Owando et TGI d'Oyo dans la Cuvette centrale, TGI de Djambala et TGI de Gamboma dans les Plateaux, TGI de Brazzaville à Brazzaville, TGI de Madingou et TGI de Moyondzi dans la Bouenza, TGI de Dolise et TGI de Monsedjo dans le Niari et TGI de Ponte-noire ). Au Cameroun, l'article 13 de la loi portant organisation judiciaire dispose que : « Il est crée un tribunal de première instance dans chaque arrondissement. Toute fois, suivant les nécessités de service, le ressort dudit tribunal peut être étendu à plusieurs arrondissements, par décret du Président de la République ».

134 Voir le lexique des termes juridiques op.cit p.123.

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Après avoir examiné les compétences de la juridiction répressive, il convient d'examiner les spécificités du déroulement du procès pénal en matière faunique et des pouvoirs que les lois fauniques confèrent au juge pénal à travers l'office de celui-ci.

B)-L'office du juge pénal en matière des infractions à la loi faunique.

L'office du juge définit quel est son rôle dans la direction du procès et quels sont ses pouvoirs et leurs limites. Parlons du rôle du juge dans le contentieux pénal en matière faunique, comme nous l'avons constaté dans nos précédents développements, le droit de l'environnement est une matière en perpétuelle mutation. A cet égard, pourrait-on se convenir avec MONTESQUIEU et dire du juge pénal qu'il n'est que : « la bouche qui prononce les paroles de la loi ». Le Professeur Jean-Louis BERGEL n'est pas de cet avis car pour lui : « la fonction du juge ne peut se réduire à un organe interne du système juridique, a une simple courroie de transmission des règles abstraites, préétablies et statiques à des cas particuliers. Il faut lui reconnaitre un rôle de véritable acteur du système juridique qui dispose d'un certain pouvoir créateur de droit, doté d'une véritable responsabilité dans l'évolution du droit positif »135. C'est en cela que le juge pénal mettra son office au service de l'amélioration des règles de protection de l'environnement et partant de la faune sauvage.

La particularité de l'office du juge pénal tient à la fois des pouvoirs qui lui sont reconnus aussi bien par les textes répressifs classiques (2) mais, surtout des spécificités qui caractérise le déroulement du procès pénal en matière des infractions fauniques (1).

1-Les spécificités du déroulement du procès pénal en matière faunique.

En examinant la les lois fauniques, on peut relever certaines spécificités au cours du procès pénal qui distinguent la connaissance d'une infraction faunique à celle de droit commun. D'abord l'article 147 alinéas 3 de la loi de 1994 introduit un aspect particulier dans le procès pénal. En effet, les représentants de l'administration en charge de la faune siègent à la suite du procureur de la République, en uniforme et découverts, la parole ne peut leur être refusée. Dans le même sens, l'article 71 de la loi congolaise du 21 avril 1983 sur les conditions de la conservation et l'exploitation de la faune sauvage disposait que : « Les actions et poursuites sont exercée par l'Administration des Eaux et Forêts sans préjudice du droit qui appartient au Ministère Public. Le Secrétaire Général, les Directeurs Centraux et les Directeurs Régionaux ont le droit d'exposer l'affaire devant le Tribunal et sont entendus à l'appui de leurs conclusions. Ils siègent à découvert à la suite du Procureur de la République et de ses substituts ». Cet aspect spécifique qui déroge aux règles de déroulement d'un procès pénal classique suscite deux remarques essentielles. D'une part, il révèle que la protection des espèces fauniques est un domaine dont la technicité et la subtilité nécessite l'intervention d'un spécialiste des eaux et forêts pour conforter la caractérisation de l'infraction faunique faite par la Ministère Public dans le but d'éclairer les juges de sorte à emporter leur intime conviction.

135 BERGEL (J-L), L'office du juge, in Les Colloques du Sénat, Luxembourg du 29 au 30 septembre 2006, p.13

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Une autre spécificité du procès pénal en matière des infractions fauniques, c'est la substitution, par le juge pénal, des sanctions prononcées à l'encontre du prévenu par des travaux d'intérêt général pour des délinquants ayant fait l'objet d'une première condamnation. Les alinéas 2 et 3 de l'article 115 de la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées dispose que : « Ces peines de substitution consistent à exécuter des travaux présentant un intérêt direct ou indirect pour la conservation et la mise en valeur de la faune et de ses habitats ainsi que pour l'aménagement des aires protégées et des milieux naturels de reproduction et de migration des animaux sauvages. Pour l'exécution desdites peines, le juge compétent et l'agent habilité du service local chargé de la faune déterminent de manière précise la tâche à exécuter, le lieu où elle doit être effectuée et le délai dans lequel elle doit être achevée ».

Outre ces spécificités dans le déroulement du procès pénal, l'office du juge répressif se caractérise aussi par les différents pouvoirs qui sont reconnus à celui-ci dans la conduite de ce procès. Ces prérogatives sont prévues d'abord par les textes répressifs classiques (code de procédure pénale), ensuite certaines d'entre elles lui sont attribuées par les lois fauniques.

2-Les pouvoirs du juge pénal en matière des infractions fauniques.

L'office du juge est lié aux fonctions que lui reconnait le système juridique et aux missions qui lui sont dévolues. Cela suppose que le juge soit encadré par des normes qu'il doit mettre en oeuvre. Il interprète et applique ces normes. De même, il est encadré par un système processuel exigeant auquel, il doit impérativement se soumettre136. Il s'ensuit que le juge pénal, dispose d'un éventail des pouvoirs qui sont prévus à la fois par les textes classiques en matière répressive et par les lois fauniques spéciales.

Ainsi donc, les pouvoirs du juge pénal sont avant tout définit et encadrés par les dispositions de la loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant code de procédure pénale, au Congo. Au Cameroun, par la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale. Ces pouvoirs portent à la fois, sur l'organisation de l'audience et sur des actes concourant aux jugements de fond. On citera entre autre :

-Les pouvoirs reconnus au juge pénal quant à la police de l'audience et l'organisation des débats (art.303 du C.P.P camerounais et art.336 du C.P.P congolais) ;

-Les pouvoirs de mise en liberté provisoire (art.301 du C.P.P camerounais et art.123 ; 332 du C.P.P congolais) ;

-Les pouvoirs de décerner les mandats (art.299 du C.P.P camerounais et art.400 ; 404 C.P.P congolais) ;

-Les pouvoirs d'ordonner un transport sur les lieux et de commettre un expert (art.319 du C.P.P camerounais et art.391 al.1 du C.P.P congolais)

-Les pouvoirs d'ordonner le versement provisoire (art.399 al.1 du C.P.P congolais).

136 BERGEL (J-L), op.cit, p.13

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Il faut noter que cette énumération n'est pas exhaustive. Relevons aussi, qu'outre ces pouvoirs reconnus par les textes classiques, les lois fauniques spéciales attribuent également certaines prérogatives au juge répressif. Elles s'appliquent exclusivement au procès pénal en matière faunique. Ainsi, la loi du 28 novembre 2008 sur la faune et les aires protégées confère au juge le pouvoir de substitution de la sanction pénale prononcée à l'encontre du contrevenant ayant fait l'objet d'une première condamnation et de fixer les modalités d'exécution (art.115 al.2-3). Le pouvoir de confiscation et d'ordonner la vente aux enchères (art.148 de la loi 1994 au Cameroun).

Il convient de retenir au terme de cette analyse de l'office du juge, qu'à coté des pouvoirs qui sont reconnus au juge, la loi a aussi prévu des limites à ces pouvoirs. Elles empêchent celui-ci de tomber dans l'arbitraire. Au nombre de ces limites, il y a le principe d'interprétation stricte de la loi pénale. Celui de la légalité des infractions et des peines, de l'égalité des citoyens devant la justice. Ainsi que l'impartialité, l'indépendance et l'inamovibilité des magistrats du siège. A cela, il faudra ajouter la foi du serment des magistrats. Comme l'affirmait le Premier Président DRAY à l'audience solennelle du 8 janvier 1990 : « à la tentation du juge-dieu, seul apte à tout savoir et tout faire, il faut savoir résister (...) dans l'acte de juger, il ne faut jamais mépriser le droit, la règle de droit préexistante et objective ». Le juge pénal est le fidèle serviteur de la loi, doté d'une moralité irréprochable caractérisée par une modération, discrétion, d'humilité et une loyauté indéfectible.

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