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La cour royale du Danxomè: un vecteur d'éclosion des arts

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par Hyppolite Togo
Université d'Abomey-Calavi - Licence en histoire de l'art 2016
  

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Chapitre V- Les récades, les gou et les assen

A- Les récades

Le mot « récade » vient du portugais recados qui veut dire « messager » ; en terme plus clair, c'est un bâton de pouvoir, qui joue le rôle de signature, attestant de l'authenticité du message royal. En fon, elle s'appelle mankpo qui signifie « bâton de fureur ». Ces deux définitions trouvent bien leur place dans le contexte du royaume de Danxomè.

Avant de devenir un « bâton messager » dans ce royaume, il était uniquement un « bâton de fureur ». En effet, les guerriers du fondateur Houégbadja n'avaient pour arme qu'un bâton légèrement recourbé à l'un des bouts rebondi et doté d'un anneau de fer. De plus, sous ce même roi, des cultivateurs furent surpris par des ennemis alors qu'ils travaillaient. Ils durent se défendre avec les manches de houe, et parvinrent à les chasser. C'est depuis cette prouesse que le manche de la houe est perçu comme le bâton de la rage. Très vite, les rois l'ont récupéré pour en faire un insigne de la force et du commandement. Ils se faisaient alors sculpter à l'image de cette arme improvisée, des bâtons, mais ceux-ci sont garnis d'armoiries ou de petites sculptures allégoriques. Il existait au Danxomè, plusieurs sortes de récades (récades militaires, récades de Xêvioso, le dieu de la Foudre, etc.), mais les plus célèbres sont ceux des rois.

La récade était généralement sculptée dans du bois dur et une fois cette phase achevée, elle était remise aux forgerons et/ou aux bijoutiers qui s'occupaient de l'incrustation des symboles en métaux. Enveloppé, le produit final était apporté au Mewu, ministre chargé de la sécurité du royaume, qui ordonnait à l'artiste de se l'accrocher au cou et à l'épaule afin de s'assurer que son ouvrage n'était pas empoisonné. Le roi recevait la récade après que son ministre l'admette. À cette occasion, le peuple était rapidement appelé à se rendre à la place du palais à lui réservé par le gandoto ou l'informateur public muni d'un gong pour rythmer son message. Devant ses sujets attentionnés, le roi se levait, prenait la récade de la main droite, la brandissait en signe de détenteur. Il expliquait ensuite chacun des symboles présents sur l'oeuvre. Le peuple s'inclinait alors devant la récade qui devenait du coup un objet de vénération exclusivement réservé au roi23. Comme le montre l'image 8 ci-dessous, certaines récades étaient réalisées en ivoire et garnies de décorations diverses.

23 ADANDÉ Alexandre, Les Récades des rois du Dahomey, Dakar, IFAN, 1962.

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Image 8 : Récade en ivoire de Glèlè, longueur : 54 cm, capture de la page 45 du Catalogue Art

d'Afrique, d'Océanie er d'Amérique du Nord

Les rois du Danxomè possédaient plusieurs récades afin d'avoir la possibilité d'envoyer plusieurs commissions à différents endroits à la fois. Pour porter un message à

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un personnage important du royaume ou à un étranger, le roi remettait une de ses récades au messager qui l'enveloppait dans un tissu. Arrivé à destination, celui-ci devait s'accroupir et sortir le bâton royal de son enveloppe devant le récepteur du message qui reconnaissait le commanditaire à travers son emblème.

B- Les gou et les assen

Les gou et les assen sont des sculptures en métaux qui font partie des oeuvres représentatives de l'art de cour d'Agbomè. Elles figurent dans les grandes collections européennes. Parmi les gou réalisés par les artistes fon, il y en a un qui force l'admiration des professionnels et amateurs d'art au plan international : c'est celui d'Ékplékendo Akati. Cette sculpture entièrement en fer est représentée en marche avec dans la main droite le goubassa24 et dans l'autre, une cloche. La tunique et le visage sont faits de feuilles métalliques, et la tête est coiffée d'un plateau auquel est accrochée une chaîne et dans lequel on peut observer divers symboles du panthéon vodoun. La statue tient debout grâce à ses pieds en fer fondu. Donnant son appréciation sur cette oeuvre, l'historienne d'art Marlène Biton (2010 : 92) affirme : « Son originalité consiste dans les matériaux, les dimensions et le travail du sculpteur. Elle a une taille humaine, avec environ 165 cm. » (Image 9).

24 C'est le sabre de gou (dieu des métaux et de la guerre) dont il se sert pour exécuter ceux qui enfreignent à ses règles.

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Image 9 : Gou d'Akati, Photo musée du quai Branly

La pièce originale de cette sculpture appartient au musée du quai Branly, mais est actuellement exposée au pavillon des sessions du musée du Louvre ; une copie est aujourd'hui installée au musée historique d'Abomey.

Comme les gou, les assen sont aussi célèbres. L'assen ci-dessous est offert au musée d'ethnographie du Trocadéro, en 1895, par le général Dodds comme butin de la guerre coloniale franco-dahoméenne.

Image 10 : Assen aux emblèmes de Gbèhanzin, Argent et alliage cuivreux riveté et martelé, Capture de la page 256 du Catalogue Artistes d'Ahomey

Les assen des souverain s du Danxomè étaient normalement réalisé

Mais celui-ci, représentant

s après leur mort.

les symboles du roi Gbèhanzin ( deux mains entourant un oeuf),

aujourd'hui pour

. La

est fabriqué avant le décès de ce dernier, car l'année de donation de l'objet (1895) est antérieure à celle du décès du roi (1906). Deux hypothèses se confrontent l'explication de ce fait nouveau intervenu dans l'histoire du célèbre roi du Danxomè première est que le roi aurait commandé cet objet réservé aux défunts, après que son devin

lui aurait annoncé qu'il ne lui restait plus assez de temps à passer sur la terre de ses aïeux. La seconde hypothèse s'appuie sur les couteaux suspendus tout autour du plateau réservé

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aux libations. En effet, Gbèhanzin aurait utilisé cet objet important de sa culture pour

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déclarer la guerre aux colons français ; les couteaux étant les armes les plus utilisées par son armée ont été représentés.

Les assen, objets essentiels de la culture fon en ce sens qu'étant des autels mobiles, ils permettent de rendre des cultes aux défunts n'importe où, font aujourd'hui la fierté de l'art du Danxomè dans le monde.

Chapitre VI- Les tentures et les bas-reliefs A- Les tentures

« Une manifestation curieuse des arts graphiques a atteint aussi son plus grand développement au Dahomey. C'est la décoration d'étoffes par application de motifs d'étoffes d'une autre couleur cousus sur celles qui servent de fond. »25 ; Paul Mercier (1962 :198) écrivait ainsi des tentures encore appelées toiles appliquées du Danxomè. La technique de l'appliqué sur tissu est une invention attribuée au roi Agadja (1711-1732), qui en aurait été inspiré après avoir vu dans une région étrangère des adeptes d'un culte vodoun danser avec des accoutrements multicolores. Il amena plus tard dans son royaume les tenturiers et tisserands Hantan et Zinflou. Présent également dans le pays ashanti (dans le Ghana actuel), l'art de la toile appliquée aurait migré du pays fon à celui-là26.

L'appliqué sur tissu fut pratiqué pour la première fois à la cour d'Agbomè par Hantan et Zinflou sur des tissus de raphia. Elle a été plus tard la spécialité de la famille Yèmandjè. Avec les échanges issus de la traite négrière, les toiles de coton remplaceront celles de raphia. Comme me l'a confié M. Fidèle Yèmandjè, un artisan installé au centre artisanal du musée d'Abomey, les artistes « dessinaient les noms des souverains sur les tissus, les bonnets, les hamacs, etc. ». Le «dessin des noms des souverains» dont a parlé mon informateur est en réalité la représentation imagée des armoiries et allégories des

25 MERCIER P., Civilisations du Bénin, Paris, quai des Grands-Augustins, 1962, p. 198.

26 ADANDÉ J. C. E., Les grandes tentures et les Bas-reliefs du musée d'Abomey, Mémoire de maîtrise, Abomey-Calavi, Université Nationale du Bénin, 1977.

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souverains. En effet, l'usage des toiles appliquées était réservé au roi, à certains ministres et aux grands dignitaires religieux quand celui-là leur en donne l'autorisation. Les toiles appliquées servaient à décorer les palais, et à travers elles, la grandeur du Danxomè était affichée. Les parasols royaux passaient également chez les tenturiers qui les marquaient d'images diverses. Des tissus appliqués apparaissaient aussi lors des cérémonies et fêtes publiques.

La toile appliquée présente un fond uni sur lequel se détachent, autres que les symboles des rois, des images provenant d'allégories et de proverbes. Ces images sont présentées comme étant dans un décor et non sur terre, car celle-ci n'est aucunement matérialisée. Les personnages se trouvent, en quelque sorte, flottants dans l'espace.

Image 11 : Tissu appliqué dédié à Ghézo

Image 12 : Portion de toile appliquée, Capture de la page 30 du livre Restauration du palais de Gbèhanzin

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Les images 11 et 12 sont des exemples de tissus appliqués aux effigies des rois Ghézo et Gbèhanzin. Dans le deuxième cas, le requin, symbole de Gbèhanzin, est placé au haut de la toile, survolant deux personnages, l'un humain et l'autre mi-homme mi-bête. Le personnage mi-homme mi-bête n'est personne d'autre que Gbèhanzin, représenté en tenue de guerre avec son fusil et un bâton sous forme de récade qui pourrait aussi être perçu comme une arme. Il est suivi par un homme tenant deux bâtons en mains dont l'un est surmonté de tête humaine : c'est le butin de guerre. Le requin représenté a la gueule grandement ouverte, ce qui évoque le désir de conquête de ce roi. Cette toile célèbre ainsi Gbèhanzin en racontant de façon imagée ses prouesses guerrières. L'appliqué sur tissu est donc une forme d'art qui nous présente aujourd'hui en tissus coloriés le passé de ce royaume qui aura marqué l'histoire du golfe de Guinée.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery