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La cour royale du Danxomè: un vecteur d'éclosion des arts

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par Hyppolite Togo
Université d'Abomey-Calavi - Licence en histoire de l'art 2016
  

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Chapitre VII- Les arts plastiques

A- La place du vodoun dans la création artistique

Vincent Guézodjè avança en 1997 une définition du vodoun dans les Actes de la conférence internationale intitulée « Passé, présent et futur des palais et sites royaux d'Abomey » organisée par l'Institut Getty Conservation : « Le vodoun désigne à la fois la grande divinité, l'esprit des anciens rois, l'esprit des ancêtres, des forces naturelles habitant les eaux, les plantes, certains endroits sacrés et enfin des objets ». Je me garde ici de la commenter. Le vodoun est le socle sur lequel s'est bâti et s'est développé le pouvoir au Danxomè. De nombreux vodoun qui étaient inconnus au Danxomè, notamment dans la capitale, Agbomè, y ont été importés de force à l'initiative des rois. Ce qui fait qu'aujourd'hui la ville d'Abomey concentre un nombre considérable de vodoun.

Le vodoun a été d'un grand intérêt pour le développement des arts de cour au Danxomè. En effet, les chefs de corporations d'artistes étaient souvent des chefs de culte ; c'est le cas par exemple du forgeron Ékplékendo Akati, qui était un Gounon (prêtre du culte de Gou). Ce statut de chef de ce culte lui a permis de produire des oeuvres d'une grande qualité, car il savait mieux comment matérialiser son vodoun. À en croire certains adeptes vodoun, les divinités peuvent être vues dans leur aspect physique lorsqu'on a atteint un certain niveau d'initiation et de connaissances. Ce Gounon-sculpteur aurait-il atteint ce niveau ?

Les bas-reliefs, représentatifs de l'art fon, sont liés au vodoun Sakpata (incarnation de la Terre) et à la forge. Les forgerons étaient les seuls chargés de les produire. C'est ainsi que le roi Glèlè confia la réalisation des bas-reliefs de son palais à Assogbakpé, un forgeron qui travaillait avec la famille Hountondji30. Bien que n'ayant apparemment aucun rapport avec la forge, la réalisation des bas-reliefs était confiée aux professionnels de la

30 - BEAUJEAN-BALTZER G. et alï, Artistes d'Abomey, Catalogue d'exposition, Fondation Zinsou, 2010,

pp. 80-85.

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forge parce que ce métier est présenté comme celui de grandes connaissances, et est entouré de mythes. La technique de la « cire perdue » pratiquée dans le travail du fer implique, selon les Fon, une certaine maîtrise du travail de la terre. La Terre ou Sakpata est un vodoun très craint, elle doit donc être domptée et préparée selon certaines procédures qu'on considère que seuls les forgerons sont en mesure de maîtriser.

Il faut d'ailleurs rappeler que pour la sécurisation du Danxomè, chaque roi établissait des temples et des couvents des vodoun protecteurs dans les environs de son palais. Selon Gabin Djimassè : « Les meilleures productions en matière d'art se retrouvent dans le culte (vodoun), parce que l'adepte a été éduqué pour ne offrir à son vodoun que ce qui est beau et bon »31. Cette affirmation n'est pas gratuite, car même aujourd'hui on se rend bien à l'évidence de la qualité de l'art vodoun en observant les accoutrements des kouvito ou égoungoun (revenants du pays des morts portants des masques), des sakpatasi (adeptes du vodoun Sakpata), etc., en voyant la finesse des sculptures à but cultuel et autres.

De ce point de vue, on se demande si cela n'a pas permis le transfert des artistes des couvents à la cour royale. Et Jacob Agossou semble bien nous répondre quand il écrivait en 1971 : « L'art, sous ses différentes formes, prit d'abord naissance dans les couvents et les bosquets vodoun avant de se réfugier par la suite dans les palais des rois et princes ». Les responsables des corporations d'artistes étaient pour la plupart de hauts dignitaires. Ceci leur permettait de mettre leur double connaissance religieuse et artistique au service du roi. Ce choix qui appartenait à celui-ci semble montrer que dans son entendement les meilleurs artistes sont les plus proches du vodoun.

Le vodoun était donc au centre de la création artistique de cour au Danxomè, et la présence des aspects du vodoun dans les oeuvres en témoignent. La plupart des héritiers de l'art de cour du Danxomè admettent encore aujourd'hui qu'il existe un être divin, appelé généralement Gou par les travailleurs de métaux et Aziza par les autres artistes, qui détient le don de la création artistique.

31 Entrevue eue avec Gabin Djimassè, Directeur de l'Office du Tourisme d'Abomey et Région, le 22 décembre 2015, au siège de l'institution.

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B- Des artistes du Danxomè aujourd'hui célèbres à titre posthume

Ici, nous parlerons de deux artistes qui sont aujourd'hui reconnus comme les auteurs de chefs-d'oeuvre présents dans les musées occidentaux, et dont la qualité esthétique a été étudiée ; il s'agit d'Ékplékendo Akati et de Sossa Dèdè. L'oeuvre étant immédiatement et uniquement liée au roi, le nom de l'artiste avait tendance du coup à disparaître devant celui de son mécène. Les rares noms d'artistes qui sont restés collés à leurs productions sont pour la plupart ceux qui étaient déjà, du temps des souverains-mêmes, des célébrités. Néanmoins, la pérennisation de la tradition artistique dans les familles et la mémoire historique des Houégbadjavi32 permettent aujourd'hui de reconnaître les familles qui ont réalisé telles ou telles oeuvres.

L'une des oeuvres d'art africain traditionnel qui ont fait l'objet d'assez d'étude est la sculpture Gou d'Akati. En août 1894 déjà, Maurice Delafosse écrivit dans la revue scientifique La Nature, un article intitulé « Une statue dahoméenne en fonte » consacré à cette statue impressionnante. À sa suite, de nombreux autres chercheurs, notamment historiens d'art, ont étudié l'objet ; nous pouvons citer entre autres, Marlène Biton. Ceci pour montrer l'intérêt qu'une telle oeuvre a suscité et continue d'éveiller dans le rang des amateurs d'art. L'auteur de cette célèbre statue en fer que nous avons présentée plus haut (Image 9) est Ékplékendo Akati.

Ce dernier est un forgeron yoruba qui fut amené à Agbomè comme prisonnier de guerre par les soldats du Danxomè, suite à une guerre ayant opposé ce dernier royaume à Anago-Doumè, sa région d'origine. C'était un homme très grand qui fabriquait des armes, des Gou, des goubassa, des récades des vodoun comme Xêvioso, Sakpata, etc. Il était également Gounon (chef du culte de Gou). Il faut souligner qu'il était déjà bien célèbre à son époque, et c'est peut-être ce qui a déterminé sa captivité.

Sculpteur, mais non pas sur fer comme Akati, mais sur bois, Sossa Dèdè est lui aussi admiré jusqu'à ce jour grâce à ses oeuvres dont la qualité esthétique n'est point à démontrer. Des statues des rois aux portes de palais royaux, il aura sculpté dans le bois la grandeur et la puissance des monarques et, à travers eux, de tout le royaume. Sont illustrées par les images 15, 16 et 17, trois de ses réalisations.

32 Au sens littéral du terme, signifie : «Les enfants de Houégbadja». Ce sont les Agbomènou (natifs d'Agbomè) ou Fon qui se nomment ainsi pour revendiquer la descendance du fondateur du pays fon.

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Image 15 : Représentation sur bois de Gbèhanzin sous forme d'un être mi-requin mi-homme, oeuvre de Sossa
Dèdè, Photo tirée du catalogue de l'exposition « Artistes d'Abomey
»

Image 16 : Sculpture de Glèlè par Sossa Dèdè , musée du quai Branly

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Image 17 : Porte de palais royal, décor attribué à Sossa Dèdè, Photo tirée du catalogue de l'exposition
« Artistes d'Abomey »

Ce décor nous offre une palette d'objets et d'animaux. On peut y voir entre autres un sabre de Migan (le ministre de la justice), une récade, une arme à feu, des éléments fondamentaux dans le Danxomè.

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