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La cour royale du Danxomè: un vecteur d'éclosion des arts

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par Hyppolite Togo
Université d'Abomey-Calavi - Licence en histoire de l'art 2016
  

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Chapitre VIII- La musique

A- Les codes de la musique fon

La pratique de la musique était quotidienne au Danxomè allant des simples amateurs aux professionnels. Ainsi, parmi les artistes mandatés au service du roi, figurent des professionnels de la musique. Ceux-ci, comme les autres, étaient recrutés sur la base de leurs talents, et se regroupaient en différents orchestres. La musique était au coeur des manifestations culturelles et cultuelles dans le royaume. Des célébrations de victoires

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guerrières aux fêtes coutumières, en passant par de nombreuses autres occasions, le roi assistait à de véritables spectacles de musique. Les orchestres jouaient des heures durant en se succédant. Par ailleurs si dans les arts plastiques, les femmes ne jouaient pas des rôles de premier plan, elles étaient très en vue dans le domaine de la musique. Ce sont elles qui formaient les choeurs et dirigeaient parfois les orchestres.

Les instruments de musique étaient variés. Les tambours, principaux instruments, étaient accompagnés de cloches jumelles en fer, de castagnettes (sous forme de calebasses entourées de cordes sur lesquelles sont fixés des cauris), de flûtes, de gota (grosses calebasses dont on frappe l'embouchure avec un éventail de cuir), etc. pour l'exécution de nombreux chants. Il y avait différentes sortes de tam-tams adaptés à des occasions spécifiques. Nous avons entre autres : le zinli qui était incontournable pour les funérailles ; le dogba pour annoncer la sortie du roi ainsi que sa mort ; l'agbadja pour célébrer les victoires guerrières du royaume et les hauts faits des dynasties régnantes ; le houngan, joué pour accueillir un étranger de marque, lors de la visite du roi à un chef ami, au retour d'une guerre victorieuse. Rappelons que le tam-tam et le rythme qu'il exécute sont appelés du même nom.

Le zinli est uniquement sorti et battu quand un décès survient dans la maison royale. Il est une jarre de grès dont on tambourine l'embouchure avec un éventail en cuir, et est accompagné du din, qui est un monocorde réalisé avec une fibre de bambou détachée par le milieu et tendue par deux chevalets en fragments de calebasse. L'orchestre était souvent dirigé par une femme avec des hommes comme batteurs et des jeunes filles forment la chorale. Se mettant au milieu de la scène, la chef d'orchestre tient un bâton dont l'extrémité recourbé est cerclée de boucles en métal et bandée d'un mouchoir blanc. Ce bâton est transmis à chaque chanteuse au moment où elle se lève pour entonner son couplet de chant qui sera repris en choeur (A. S. Adandé, 1962).

Tout ceci était accompagné des jérémiades des pleureuses professionnelles. Celles-ci parvenaient à inciter des pleurs chez la foule. Le zinli donnait ainsi lieu à une véritable partie de lamentations. Aujourd'hui, le zinli se joue également lors des manifestations festives et sur les places publiques, grâce notamment à l'artiste chanteur de culture aboméenne Alèkpéhanwou qui a su révolutionner ce rythme.

Le dogba, quant à lui, en bois et couvert de peau d'animaux, est un tam-tam particulier ; il était entouré de culte. De façon périodique, on organisait des cérémonies en son honneur. On le posait sur des crânes humains quand on voulait le battre. C'était le roi lui-même qui choisissait son chef d'orchestre. Des tam-tams plus petits et des cris de

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jeunes filles l'accompagnaient. Lorsque le roi voulait paraître en public, un coup de feu se faisait retentir depuis la première cour du palais, après quoi les batteurs du dogba se mettaient à l'oeuvre, accompagnés par les cris des jeunes filles. Peu de temps après, le roi s'avançait lentement, avec toute sa suite. À la vue du roi, en signe de vénération, les sujets se jetaient face contre terre, se couvraient la tête de sable. Le roi agitait sa récade en direction de ceux-ci comme pour les bénir avant de les inviter à se relever.

Le dogba a le langage que voici : Kpo zon go dé mè (bis), signifiant : La Panthère marche élégamment (bis). À la mort du roi, le dogba se faisait résonner, mais cette fois-ci, il ne fera pas sortir l'illustre panthère. Et alors, le peuple réuni comprenait, avant l'annonce officielle du décès, que leur monarque était parti à Alada33.

En ce qui concerne le tam-tam Agbadja, il était réservé à l'affirmation de la puissance du royaume. Il est fait de tronc d'arbre travaillé et couvert de peau de boeuf. Les chants rendaient hommage aux rois et aux intrépides soldats qui ont remporté pour le Danxomè des victoires. Ainsi, les amazones chantaient en choeur tout en dansant de toute leur fermeté. Le Kpanligan entrait également en scène pour retracer la généalogie des souverains, et invitait celui sur le trône à perpétuer la grandeur du royaume des Aladaxonou afin de rendre fiers ses prédécesseurs. L'agbadja donnait lieu à une ambiance de gaieté. Les instruments nécessaires pour l'exécution de l'agbadja étaient deux autres tam-tams plus petits, un gan (gong à une ou deux notes) et une paire d'assan (hochets). Les sons qu'ils produisent sont accompagnés par des battements de mains d'hommes.

Le houngan (chef des tam-tams), comme son nom l'indique, est un grand tam-tam qui pouvait atteindre 1,7 m de hauteur. Il était accompagné d'une vingtaine de petits tam-tams. L'exécution de ce rythme nécessitait un apprentissage de longue haleine au préalable. En effet, chaque chef d'orchestre recevait plusieurs apprenants, sur ordonnance du roi. Après la formation, ils étaient examinés par un envoyé du roi. Ceux dont les connaissances s'étaient avérées intégraient les orchestres, et commençaient par faire leurs preuves. Le houngan peut se jouer en déplacement. En fait, un homme le porte horizontalement sur la tête de manière à permettre au batteur de le jouer en étant derrière le porteur. Ce tam-tam ne résonnait que lors d'événements heureux, à savoir : annoncer la présence d'un invité prestigieux du roi ainsi que le départ de ce dernier chez un

33 Alada étant la terre d'où est parti Dogbagri, aïeul de Houégbadja, fondateur du Danxomè, à la mort d'un roi de ce dernier royaume, on ne dit jamais qu'il est décédé, mais qu'il est parti à Alada ; un peu comme pour dire qu'il est retourné aux sources.

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homologue. Accompagné de chants à la gloire du royaume, il recevait les soldats au retour d'une guerre victorieuse.

La musique était empreinte de codes à la cour royale. La résonnance de tel ou tel tam-tam véhiculait des messages clairs qui étaient compris de tous, ou du moins de tous ceux qui sont de culture fon. Ceci répond parfaitement à la spécificité des cultures africaines dans lesquelles tout ne se dit pas ouvertement.

B- Les chants

Les chants varient selon le rythme de la musique, allant de ceux destinés aux funérailles à ceux glorifiant les rois, en passant par les chants religieux. Toutes les chanteuses professionnelles avaient également des talents de danseuses. Il y avait des chansons qui invitaient implicitement le roi à esquisser des pas de danse. À l'entonnement des chants guerriers, les amazones se mettaient en scène.

Ce sont les chants de victoire qui donnaient lieu à de véritables liesses populaires dans la cour royale. En effet, à la suite d'une bataille militaire, le peuple était appelé à se réunir sur la place publique du palais. Le roi, du retour du front avec son armée, raconte sa victoire à ses sujets en insistant sur la bravoure et la force dont il a fait preuve. Même s'il avait perdu la bataille, il ne le disait jamais. Il levait ensuite sa récade, et le directeur de l'orchestre du houngan comprenait qu'il fallait commencer le spectacle. Ainsi, tout le peuple reprenait en choeur les chants entonnés. Le monarque entrait alors en scène, et effectuait des pas de danse avec la récade tenue de la main droite. Il était fortement ovationné. Pour permettre au roi de se retirer de la scène, le directeur de l'orchestre changeait de gamme.

De même, l'exécution du rythme agbadja pour célébrer les hauts faits du royaume mettait en branle les amazones. Elles préparaient en amont leur ballet, et donnaient l'occasion à tout le peuple de voir ce à quoi elles ressemblaient sur les champs de bataille. Pour cela, elles se munissaient de leurs armes à quoi elles ajoutaient des récades. Elles accouraient pour attaquer dans un mouvement d'ensemble, des ennemis fictifs. Chacune brandissait sa récade, l'agitait fortement, et faisait des gestes comme si elle égorgeait un adversaire. Les amazones montraient assez de fougue dans leurs danses. Elles arrivaient même à prendre leurs coutelas ou encore leurs fusils. Toutes les scènes de guerres étaient ainsi démontrées par ces femmes devenues célèbres par leur bravoure. Le peuple,

enthousiasmé, les encourageait par des applaudissements répétés. Voici le refrain d'une des chansons des amazones, relevé par Alexandre Adandé : « Nous sommes créées pour défendre le Danxomè, ce pot de miel, objet de convoitise. Le pays où fleuri tant de courage peut-il abandonner ses richesses aux étrangers ? Nous vivantes, bien fou le peuple qui essaierait de lui imposer sa loi »34. De nombreux chants étaient ainsi composés pour affirmer la force militaire du Danxomè, comme celui devenu populaire rappelant les victoires des soldats et anticipant sur une prise prochaine d'Abeokuta en pays yoruba. En voici une séquence : « Nous avons défait Kétou et Cana, il n'y a plus de pays qui puisse nous résister. Il ne nous reste qu'Abeokuta à détruire ».

Les chants religieux et autres donnaient lieu à des improvisations, des interférences de slogans, mais ceux célébrant les souverains étaient exécutés avec grand soin par des choeurs de femmes. Les chansons constituent une importante source orale de l'historiographie de ce royaume.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway