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La place de l'ingénieur du son dans le cinéma documentaire

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par Raphaël Roche
Université Aix-Marseille Université, Département SATIS - Spécialité Ingénierie de la création et de la réalisation sonore pour le film, la vidéo, le multimédi 0000
  

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II.2.1 Le rapport à l'équipe de tournage

Godefroy Georgetti : "Je pense que la différence entre un bon ingénieur du son et un moyen, c'est la capacité de vivre avec les autres, capacité de s'entendre, de posséder une souplesse dans sa pratique, tout cela devient un des paramètres les plus importants.

Il y a moins de hiérarchies en documentaire, s'il faut que je porte le pied caméra, je le porte."41(*)

Le preneur de son doit faire preuve d'intelligence: une intelligence de l'espace, une intelligence de l'échange, une intelligence de l'instant. Il doit avoir la clairvoyance nécessaire pour être à la fois dans l'instant, dans la captation et dans l'anticipation de l'espace et des défis techniques.

Un partenaire de chemin.

Quelque chose m'a interpellé lors de mon entretien avec Pierre Armand. Il a bien insisté sur le fait que le côté humain est indispensable lors d'un tournage de film. Pour lui, c'est beaucoup d'intuition et de relationnel. D'où l'importance de collaborer avec l'équipe lors d'un tournage. Des choses magnifiques peuvent se produire en documentaire car les chaines de décisions sont resserrées.

Le principal but du preneur de son est donc de collaborer de la meilleure des façons avec le réalisateur, le chef opérateur image et les personnages du documentaire. Son rôle est de fournir la bande son la plus adaptée à la volonté du réalisateur pour lui permettre de faire le meilleur film possible.

L'une des compétences spécifiques en documentaire est une compétence humaine, le preneur de son doit parler le même "langage" que le réalisateur. Il faut avoir la capacité d'entendre et de traduire la démarche du réalisateur pour la mise en scène du son à l'image. Le travail en équipe réduite dans le documentaire, permet à l'ingénieur du son d'avoir un statut privilégié avec le réalisateur. Statut plus difficilement adaptable dans le tournage de fiction.

Frédéric Sallesa bien traduit cette idée en me disant que tout l'enjeu d'un documentaire, c'est que le Son fonctionne, tout en trouvant, en tant que technicien, sa place dans l'équipe du tournage. Il faut donc faire en sorte d'adapter son travail par rapport à son environnement, environnement qui peut changer. Il est donc important d'être polyvalent sur ce point.

Le premier spectateur du film.

Comme en fiction, le réalisateur passe du temps avec l'ingénieur du son à lui faire part de ses envies, de ses intentions. Le travail est différent de la fiction car même si le réalisateur porte son film depuis longtemps, la façon dont il l'a pensé au moment de l'écriture sera indéniablement transformée par l'étape de tournage.

Ce travail de préparation peut permettre à l'ingénieur du son de connaitre les goûts du réalisateur lorsque c'est la première fois qu'il collabore avec lui. C'est une étape importante pour lui car il commence à penser quel matériel est plus adapté pour tel ou tel instant de tournage. Il commence à envisager les difficultés possibles qu'il va rencontrer dans sa pratique du son au tournage.

Cédric Genet me l'a bien illustré en me racontant qu'une fois, un réalisateur lui avait demandé d'organiser un "casting de micro" pour savoir lequel correspondrait le mieux à tel ou tel personnages.

Ces instants de discussions possèdent une dimension supplémentaire lors des moments de dérushage en équipe. C'est une pratique facultative qui n'existait pas en documentaire avant l'avènement des caméras numériques.

Fréderic Salles pointe du doigt un fait important, celui de l'interprétation de la scène tournée. "Ona beau avoir de l'expérience, il y des moments qui nous échappent toujours. L'interprétation de ce que l'on fait de ce qui s'est passé, sous nos yeux et nos oreilles, c'est quand même une interprétation. Il y a des paramètres que l'on ne maitrise pas, on peut avoir une idée de ce qu'était la scène et puis finalement cela ne va pas passer du tout dans les rushs.

On est entrain de regarder, d'entendre une scène qui se joue sous nos yeux, nous n'avons pas le recul nécessaire. C'est à rapprocher de la vie réelle, tu vas parfois analyser de façon assez juste certaines de tes rencontres puis comprendre les choses différemment avec un certain recul."42(*)

Le tournage d'un film documentaire ne se joue pas seulement au moment ou la caméra enregistre. Il se crée lors des moments de discussion entre les séquence, ou l'équipe de tournage prend du recul sur ce qui vient d'être tourné. L'ingénieur du son et le cadreur font part de leur enthousiasme ou de leur crainte sur la tournure que prend le film. L'ingénieur du son devient à ce moment là un confident, un appui de taille pour permettre au réalisateur d'avancer.

Henri Maikoff admet l'importance de ces moments précieux mais considère qu'ils se raréfient de plus en plus, par manque de temps, mais aussi car il n'y a pratiquement plus d'instants de libre entre les changements de lieux de tournage. Pourtant, selon lui, ces moments permettent de voir comment la situation est abordée, de pouvoir discuter autour d'une situation de tournage, et de donner ses impressions. Cela permet d'orienter la suite. Et c'est dans ces moments-là qu'il est précieux pour le réalisateur d'entendre ce qu'a pensé le preneur de son, car c'est réellement le premier spectateur du film.

Il est important de préciser que certains réalisateurs fonctionnent à l'instinct. Comme l'a remarqué Maxime Gavaudan,"Certains cinéastes n'ont aucune certitude ni aucun désir concret. Il faut pas poser trop de questions au risque de les troubler"43(*)

Une Force de propositions.

La force de propositions que l'on demande à tout techniciens de l'audiovisuel peut être pour le preneur de son, de tenter de faire exister le hors champs.

Pour Emmanuel Desbouiges, réalisateur, le plus important dans un documentaire, c'est le son, car l'image ne se déclenche jamais. Quand le réalisateur filme dans un axe en espérant que quelque chose va arriver, et que finalement, la tension attendue arrive hors champ, à droite, un bon preneur de son va alors aller chercher cette tension, sans forcément le dire. En effet, il va prendre le risque de faire une proposition à l'extérieur du cadre. Il va donc, indirectement, amener la séquence, et permettre d'orienter le film vers quelque chose qui se passe hors champs.

Le preneur de son peut aussi être le troisième de la caméra. Par les spécificités même de son métier, entendre et écouter, il peut observer visuellement des choses que le cadreur n'aura pas vues car occupé à gérer la lumière, les mouvements de caméra, le cadre. Nous allons maintenant nous intéresser à sa relation avec le cadreur.

Le cadreur et l'ingénieur du son : la fin d'une liaison physique.

Dans de nombreuses situations de tournage, avant l'avènement des enregistreurs multipistes, la mixette de l'ingénieur du son était reliée aux entrées XLR de la caméra par un câble en spirale. Il n'y avait pas la possibilité d'enregistrements sur Carte SD des pistes ISO.

L'utilisation des liaisons Hf aujourd'hui a désolidarisé le cadreur de l'ingénieur du son. N'est transmis à la caméra, qu'un son témoin qui sera au montage son, resynchronisé avec toutes les pistes séparées.

Cette sensation de liberté n'a cependant pas que des points positifs : une bande passante réduite selon les modèles, des transmissions plus ou moins stables qui peuvent avoir un impact sur la qualité du son.

Mais ce câble, malgré son encombrement, signifiait une collaboration physique voir même une complicité.

Comme l'explique Godefroy Georgetti, le câble jouait un rôle sécuritaire car il permettait d'avoir un retour de ce qui était enregistré sur les pistes son de la caméra. De nos jours, du Son est toujours envoyé dans la caméra, mais en prenant le risque que cela ne fonctionne pas correctement. Le câble spiralé symbolisait en quelque sorte l'équipe, le lien entre les techniciens. Actuellement, selon les situations, le preneur de son peut se retrouver à vingt mètres du cadreur et se demander si la caméra tourne ou non.

La présence de ce câble spiralé amenait une proximité avec le cameraman qui ne pouvait oublier la présence du preneur de son.

Pour Emmanuel Desbouiges, elle favorisait l'entente.Pour lui aussi la liaison filaire jouait un rôle important dans la relation entre le cadreur et l'ingénieur du son, car les preneurs de son qui ont travaillé avec ce câble savent se placer dans un cadre. Aujourd'hui, les liens entre les deux techniciens sont minimes, et de plus, il est nécessaire d'utiliser un système HF supplémentaire pour ramener le son, ce qui peut alors créer des contingences matérielles.

Comme toute évolution technologique, l'ingénieur peut tourner cela à son avantage en donnant à entendre au réalisateur ce qu'il se passe sur le tournage. Le comtek ou système d'écoute IFB permet au réalisateur, s'il le désire, de savoir quel son est enregistré par l'ingénieur du son en plein tournage. Cela peut s'avérer nécessaire lorsqu'on filme dans un lieu très bruyant. Cela permet au réalisateur d'entendre ce que dit la personne filmée.

Cependant, les réalisateurs de documentaire n'en sont pas friands car ce n'est pas nécessaire dans la plupart des cas. C'est à différencier de l'écoute en fiction où la scripte et le réalisateur peuvent être amenées à se retrouver éloigné du plateau. Yves Capus m'a ainsi indiqué qu'il en prévoyait toujours lors d'un tournage, mais qu'en général, les réalisateurs n'en veulent pas, car cela les isole du contexte. Ca les empêche de parler correctement aux personnes présentent sur le tournage et au final, leur écoute n'est plus dirigée par eux, mais par l'ingénieur du son.

* 41 Entretient avec Godefroy Georgetti le 22/12/2018

* 42 Entretient avec Frédéric Salles le 08/12/2017

* 43 Entretient avec Maxime Gavaudan le 05/02/2018

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