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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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c. Moi Claude, empereur et The Caesars , ou la vie de Tibère

Jusqu'ici, à l'exception des romans d'Allan Massie et Franceschini/Lunel et de la tragédie de Francis Adams, nous n'avions recensé aucune oeuvre de fiction où la vie de Tibère était représentée sur une longue période. Il est toutefois une série télévisée contant les événements de son existence : Moi Claude, empereur (1976). Elle s'inspire du roman de Robert Graves et reconstitue les premières décennies de l'Empire à travers le regard des membres de la famille impériale. L'action commence quelques mois avant la mort de Marcellus, premier héritier pressenti d'Auguste (en -23), et s'achève à la mort de Claude et l'arrivée de Néron au pouvoir (en 54), tout cela raconté dans les Mémoires de Claude (interprété par Derek Jacobi), empereur surjouant toute sa vie son handicap pour rester en dehors des complots tout en rêvant de restaurer la République de ses ancêtres.

Tibère apparaît dans dix des treize épisodes (il meurt au début de l'épisode neuf et réapparaît dans une scène du dernier épisode). George Baker, alors âgé de quarante-cinq ans, interprète le personnage dans toute la série, rajeuni et vieilli artificiellement par le maquillage et les perruques (il est censé avoir dix-neuf ans dans la première scène et près de quatre-vingt à la fin988). La transition est brusque : le jeune Tibère est présenté comme silencieux, digne et froid, souvent porté à la colère, et, entre l'épisode 6 et 7, il devient un vieux débauché dont l'attitude est méconnaissable.

Chaque épisode est consacré à un événement important des premières décennies du principat et, si Claude est le narrateur, on ne peut isoler un personnage « principal ». Ainsi, le premier épisode est consacré à la promotion de Marcellus : Tibère est heureux de sa condition de soldat qui l'éloigne des Juliens - qui l'exaspèrent au plus haut point. Le second conte les derniers mois de Drusus, l'occasion de monter la mélancolie de son frère aîné. Dans le troisième, il est exilé à Rhodes, où il s'ennuie, tandis que Livie agit pour faire tomber Julie et les Princes de la Jeunesse. Le quatrième épisode est consacré à la disgrâce de Postumus, et Tibère n'apparaît que furtivement.

988. Notons que Sian Philips, qui joue Livie, avait deux ans de moins que lui. Ainsi, le fils était plus âgé que sa mère.

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C'est dans le cinquième épisode qu'il accède au principat. Arrivant pour voir sa mère, qui vient de renvoyer Claude, il est bousculé par le jeune homme maladroit et estime qu'il « pourrait faire s'écrouler l'Empire s'il marchait librement ». Apprenant qu'Auguste a récemment fait changer son testament en faveur de Postumus, et devant le mépris de sa mère qui le considère comme un faible, il craque : pleurant, il menace de repartir, disant qu'il en a « par dessus la tête de cette comédie ». L'épisode six est consacré au procès de Pison, qu'il refuse de défendre dès lors qu'il devient menaçant. C'est à partir de cette condamnation que Tibère est présenté comme le « Bouc de Capri ».

Lors du septième épisode, Livie croise son fils dans la rue, en litière, et lui reproche ses débauches immondes et ses procès injustes. Lui-même se trouve cruel, mais fait trop confiance à son fidèle Séjan, qui transforme toute parole d'ivresse en crime de lèse-majesté, manipulant Tibère en mentionnant la présence de son ennemie Agrippine dans l'entourage des condamnés. Celle-ci propose de faire la paix, mais le prince ne veut pas lui pardonner, préférant prier Auguste - alors même qu'il en persécute les descendants. Le huitième épisode le présente encore plus affaibli par l'âge, ne se plaisant plus qu'à comploter avec Caligula pour commettre de nouveaux crimes. Enfin, il est assassiné par Macron dès les premières minutes de l'épisode suivant.

Après sa mort, il fait une dernière apparition dans un délire de Claude. Celui-ci, sentant sa fin arriver, fait un discours devant le Sénat sur sa condition et sur ce que l'Histoire retiendra de lui, lorsqu'il est pris de malaise. Il voit alors les spectres de sa famille s'approcher de lui : Auguste lui sourit, disant qu'il n'aurait jamais prévu qu'il devienne empereur, Livie dit qu'il est fou et Antonia se désole de voir encore son nez couler. Caligula s'apprête à parler quand Tibère lui fait signe de lui laisser la place. Il secoue la main devant le visage de Claude pour vérifier s'il est conscient, en écho à ce que fait un des sénateurs dans le monde réel. Il finit par lui dire que « ça n'en valait pas la peine » et qu'il aurait « pu lui-même le lui dire ». Il reste à fixer Claude pendant que Caligula avoue son désarroi au moment où il a découvert qu'il n'était pas le messie, comme il le pensait, et qu'il aurait voulu disparaître en l'apprenant.

Tout comme dans la série sus-dite, The Caesars (1968) présente Tibère en de diverses périodes de sa vie. Séparée en six épisodes, chacun composés de trois actes, elle présente l'Histoire de Rome des derniers mois d'Auguste à la mort de Caligula. Tibère est interprété par André Morell, alors âgé de cinquante-neuf ans. Il est dénué d'ambition mais surtout peu expressif, ne montrant ses émotions que dans les situations les plus critiques.

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Le premier épisode est consacré à Postumus, de la visite dont le gratifie Auguste jusqu'à son assassinat par Crispus. Tibère, républicain, n'aspire guère à succéder au prince mais, en raison de son sens du devoir, il doit lui promettre de poursuivre son oeuvre quand bien même il ne l'approuve pas. Dans le second, il éprouve les capacités de Germanicus durant les mutineries, afin de lui faire admettre son manque d'expérience. Dans le troisième, il est confronté à la mort de son fils adoptif et constate la haine qui lui porte le peuple. Dans le quatrième épisode, il doit supporter la mort de Drusus II et la trahison de Séjan, rompant sa dissimulation pour pleurer à la fin. Enfin, il meurt à la fin du premier acte du cinquième épisode, en plein délire.

Une fois de plus, c'est le cheminement dans la vie de Tibère qui est source d'intérêt. Dans la première série, la débauche surgit sans prévenir mais peut-être dénotée dès les premières scènes : le prince est défaitiste, malheureux et porté à la colère. Il n'a suffi que de contrariétés pour faire disparaître les quelques qualités morales de Tibère et qu'il n'en reste que les vestiges amoraux : l'amour fraternel devient une amitié reposant sur la violence quand l'exilé de Rhodes menace Thrasylle de le tuer, le respect hiérarchique n'a plus de sens une fois le pouvoir assumé et même la colère, celle qui le faisait pleurer devant sa femme et devant sa mère au début de la série, a laissé place à un sadisme joyeux, lorsqu'il condamne Séjan et Agrippine en esquissant un début de sourire. Dans la seconde série, Tibère n'est jamais véritablement perverti : ce qui a fait de lui un mauvais empereur, c'est sa position de conservateur, incapable de voir le bouleversement politique en cours à Rome. Si son ami Nerva le déserte, il ne lui a jamais retiré son affection : au contraire de bien des représentations des vieux jours de Tibère, le prince n'est pas seul. Même sur son lit de mort, Claude vient s'entretenir avec lui avec respect : les deux hommes vont jusqu'à sourire durant leur discussion. Le Tibère de Moi Claude, empereur est ambigu, ni bon, ni mauvais, bien que la seconde affiliation prédomine. Celui de The Caesars est presque entièrement réhabilité : si on lui enlève son cynisme et son incapacité à agir pour le mieux, il est digne de l'empathie du spectateur.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius