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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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b. Critique de leur démarche

Toutefois, cette dernière attention, celle de ne retenir que les sources qu'ils jugeaient fiables fut sujette à des critiques de la part des Modernes. Le reproche adressé à Tacite est le même que celui concernant Suétone : un parti pris et un soin de choisir les sources selon qu'elles infirment ou non le propos désiré. On ignore quels furent précisément les textes lus par ces auteurs, et l'on ne doutera pas de l'état de leur bibliographie, mais force est de constater qu'ils s'inspirent essentiellement de propos hostiles à Tibère et que les rares mentions qui lui sont favorables viennent d'un courant probablement non négligeable mais qu'ils jugeaient peu fiables, ou contraires à la thèse qu'ils défendaient. Velleius ne trouve que peu d'échos tant chez l'un que chez l'autre, sans doute taxé d'adulation (peut-être aussi son témoignage a été surévalué par la postérité, en l'absence d'autres textes de tradition moins hostile à Tibère).

Il leur est également reproché d'avoir collecté une part trop importante de leurs sources dans les rumeurs populaires et les Mémoires d'individus. Ni les unes ni les autres ne devaient être prises au mot, surtout en une période de crise transitionnelle, telle que fut le règne de Tibère, dans le sens où elles étaient forcément hostiles à celui qui régnait, comme on le jugeait responsable des troubles contre lesquels il luttait. Ainsi, Jacques Gascou déplore ce fait, qu'il voit toujours à l'action dans une moindre mesure au vingtième siècle, quand on se fait une idée d'un personnage public à la simple mention des journaux et de l'avis populaire : il faut un coupable aux maux d'une époque. Alors que les sources « sérieuses » lui manquent, l'historien n'a d'autre recours que de suivre la solution de facilité et user de témoignages qui ont bien des chances de « distordre, d'omettre, d'exagérer29».

Mais il ne faut déprécier en bloc les Anciens pour ce travers. S'ils se servent de sources que l'historien moderne jugerait « mauvaises », il est évident qu'ils en ont consulté un grand nombre, qu'ils ont opéré un choix, comparé les opinions pour en saisir les aspects les plus dignes d'intérêts à leurs yeux, suivant une démarche d'historien qu'on ne peut contester. Des sources originales, nous

29. Gascou 1984, p. 293-294

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ne possédons qu'un pauvre échantillon, inutilisable en la forme. Ainsi Tacite peut être accusé de se servir des sources selon son bon vouloir, mais on ne peut revenir à la base de sa réflexion et il est évident qu'il ne s'est pas contenté d'une source unique. On fait, à tort, de Tacite l'ennemi de Tibère, alors même que son propos est nuancé : le prince a beaucoup de torts, mais il admet certaines qualités qu'on ne doit lui nier. Pour arriver à une telle idée, il a dû confronter les récits contemporains aux événements traités, récits qui devaient être soit hostiles en tout points, soit admiratifs au point d'en devenir naïfs. Alors par ce travail de compilation, on ne peut négliger l'apport du travail des Anciens, ceux-ci s'efforçant de trouver un juste milieu entre le Tibère « tout noir » et le Tibère « tout blanc » - souvent sans grand succès. C'est le propos d'Emmanuel Lyasse, fortement opposé au récit de Velleius (il parle de ses « bêlements admiratifs30»), à propos de la transition entre les règnes d'Auguste et de Tibère, là où s'achève le récit de Paterculus et commence

celui de Tacite : « Le second est enfin devenu premier. Avant de le retrouver dans ce nouveau rôle, il faut observer que ce n'est pas, pour nous, le seul changement qui se produit à cette date. En même temps que sa position, les moyens de notre perception changent aussi : nous perdons rapidement Velleius, qui borne, prudemment, à la mort d'Auguste son récit chronologique, nous trouvons Tacite, qui y fait commencer ses Annales. L'historien moderne gagne incontestablement au change. Il n'est pas certain que Tibère y perde : troquer un adorateur naïf et maladroit contre un censeur impitoyable, à priori hostile, mais qui cherche à comprendre et expliquer ce qu'il condamne n'est pas forcément une mauvaise affaire31. »

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery