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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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II - Objectifs des auteurs

a. Critiquer le tyran

A l'exception de Velleius, aucun des auteurs de référence n'a connu Tibère. Alors, pourquoi autant de détails sur la vie de ce personnage apparemment haï si plusieurs générations les séparent de sa mort et si la dynastie qu'il portait au pouvoir a été renversée ? Les raisons sont symboliques autant que politiques.

Des trois critiques de Tibère, Suétone est sans aucun doute le plus décrié, car le plus caricatural. L'essayiste Roger Vailland (1907-1965) consacre une étude à cet auteur. Suétone, selon lui, n'a pas eu le projet d'écrire un récit du règne des douze premiers Césars - si tel était l'objectif, il a échoué par sa propension à l'anecdote - mais celui de réaliser une étude historique et critique sur la tyrannie

30. Lyasse 2011, p. 12

31. Ibid., p. 89

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qui met fin aux démocraties32. L'auteur étant adhérent au Parti Communiste Français et, semble-t-il, moins convaincu par la politique de l'URSS, il est possible qu'il ait vu en Staline le type même du tyran Suétonien : c'est suivant ce propos qu'il compare les tyrans de l'Antiquité au dirigeant soviétique qui, selon les Mémoires de guerre de Charles de Gaulle, avait menacé son interprète de l'envoyer en Sibérie car il connaissait trop de dossiers confidentiels pour passer à table, comme si de rien n'était.

Le tyran, tel que le définit Suétone, est empli de perversité et fait appel à une bonté illusoire qui ne fonctionne que par la peur qu'il engendre. Le César n'est ni plus ni moins qu'un égal du calife Haroun Al-Rachid des Mille et une nuits, qui feint l'ennui pour que son serviteur lui propose bien des divertissements avant de suggérer de se faire mettre à mort pour contenter son souverain. A cette annonce, ce dernier ne cache plus sa joie et épargne sa victime : la peur l'a fait rire. Le tyran ne trouve le plaisir que dans l'abus et la cruauté, affirmant sa souveraineté par la haine : de débauches infantiles, il passe à la violence33. On caricature l'excès pour qu'il soit plus marqué et ce qui passe pour des accès de bonté est, en réalité, illusoire. Si Tibère a refusé dans un premier temps d'assumer le principat, c'est par hypocrisie. S'il a présenté son départ pour Rhodes comme un service rendu à Caius et Lucius, c'est toujours par hypocrisie.

Suétone feint de se comporter en scientifique en examinant les vices des Césars séparément, comme les symptômes d'une maladie : le fameux Césarisme. Tel un médecin, il cherche à isoler les raisons de la haine des tyrans, à caricaturer leurs travers pour mieux définir le despotisme. A la lecture de ses Vies, on ne perçoit pas un récit historique, mais davantage l'oeuvre d'un moraliste : le modèle de ce que ne doit pas réaliser le souverain tout puissant s'il veut rester un homme bon dans sa postérité. Si le texte s'adresse, comme ont pensé bien des historiens, aux Antonins, c'est pour leur conseiller de suivre l'exemple de Titus ou d'Auguste, des empereurs bons dont les travers n'étaient qu'illusoires, plutôt que de se comporter comme le goinfre Vitellius, le fou Caligula ou l'infantile Néron. Il définit ainsi le Césarisme, la « domination des princes portés au gouvernement par la démocratie, mais revêtus d'un pouvoir absolu34».

Jacques Gascou, dans son Suétone historien, formule ce propos : Suétone, il est vrai, n'est pas un

« idéologue ». Il n'a pas eu le dessein de mettre en forme des réflexions suivies sur le prince, sur le pouvoir impérial, sur l'histoire. Pourtant, son oeuvre n'est pas gratuite et il n'a pas entrepris de relater les vies des douze Césars pour le

32. Vailland 1967, p. 174-175

33. Ibid., p. 225

34. Ibid., p. 176

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seul plaisir de raconter ou par simple vanité d'étaler une riche érudition. Il n'est pas dénué d'intentions et d'idées ; mais ces idées et ces intentions, il les exprime de façon concrète et indirecte. Il faut, en lisant Suétone, prendre garde au fait que sous l'apparence anecdotique se cache souvent une démonstration implicite. Quand il parle d'un prince, de ses vertus, de ses vices, de sa politique, il fait en même temps référence au prince idéal, comme s'il disposait d'une « grille » qui lui permettrait d'instruire le procès ou de faire l'apologie de chaque César. (...) Il n'est pas douteux non plus qu'il ne pense à Hadrien et que, sans faire oeuvre de courtisan, il ne soit soucieux de faire valoir discrètement les mérites de son maître, soit en montrant que les meilleurs des Césars ont possédé les mêmes vertus ou ont mené la même politique que lui, soit en étalant les vices ou les fautes politiques des mauvais princes, dont Hadrien est exempt. Suétone a aussi des idées sur le principat. Il croit à la monarchie impériale, qui est voulue par les dieux et qui est « l'optimus status », le seul capable d'assurer le bonheur du peuple romain : il est vrai qu'il en est la condition nécessaire, mais non la condition suffisante. Il faut aussi que le prince possède la « moderatio » et « l'abstinentia » et rejette tout esprit tyrannique : après bien des tâtonnements et des expériences désastreuses, le principat est entré avec les premiers Antonins dans la voie durable d'une monarchie fondée sur ces vertus35.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard