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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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c. Perversion du pouvoir

Ensuite, « Le dérèglement des Césars est lié au pouvoir absolu ». La malédiction morale des Césars, ce que les Modernes nomment le Césarisme, est due à l'exercice d'un pouvoir corrupteur et procède par stades. Dans un premier temps, la débauche est honteuse mais « innocente » : gourmandise et lubricité. Elle devient ensuite violence, par la torture et le meurtre divertissant, une prélude au sadisme. Enfin, les derniers mois - ou années - du César pervers sont marqués par le massacre théâtral. Pour Dion Cassius, c'est à la mort de Germanicus que Tibère est devenu un mauvais homme et « après ce malheur, il s'opéra en lui de nombreux changements, soit que son caractère fût tel dès le principe, comme il le fit voir plus tard, soit qu'il l'eût dissimulé pendant la vie de Germanicus, en qui il voyait une menace contre sa puissance absolue; soit encore qu'il ait eu un bon naturel et qu'il soit sorti de son chemin, une fois débarrassé d'un rival.65 » S'en suit un changement de conduite où le prince punit avec rigueur ceux qui lui manquent de respect et fait mourir ses ennemis présumés66. Chez Suétone, la méchanceté va crescendo : il est d'abord aigri et odieux (LIX.), flagelle un innocent pêcheur (LX.), libère sa haine sans limites par des meurtres et des procès inutiles (LXI.) et, enfin, se terre à Capri tant l'humanité le débecte (LXII.). Les qualités d'antan deviennent des vices : son sens de l'économie devient avarice lorsqu'il confisque les richesses d'autrui67, son sens de l'amitié devient un motif de favoritisme quand il promeut ses compagnons de table sans juger de leurs compétences68 - tout en trahissant certains amis sans qu'on puisse comprendre les motifs de son geste69. Pourri par le vice, le moraliste d'antan devient lubrique et cache ses débauches dans l'île de Capri, là où il met en pratique des pensées obscènes, n'épargnant pas même les enfants des familles illustres, « outrageant dans ceux-ci une enfance modeste, dans ceux-là les images de leurs ancêtres »70.

Dans un sixième temps, « C'est généralement sur ses proches que le César s'exerce d'abord à frapper ». Les victimes du tyran ne sont pas des inconnus : ce sont ses rivaux. Et, pour contester l'autorité légitime d'un despote, dans un régime qui repose sur l'hérédité, les principaux acteurs seraient les membres de la famille : frères, cousins, neveux,... On pensera à l'image du matricide Néron ou aux accusations de meurtre rencontrées par Domitien au lendemain de la mort de son frère

65. Dion Cassius, Livre 57, XIII.

66. Ibid., XIX.

67. Ibid., Livre 58, XVI.

68. Suétone, Tibère, XLII.

69. Dion Cassius, Livre 58, XXII.

70. Tacite, Livre 6, I.

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Titus. Tacite présente longuement, dans un souci de chronologie, les assassinats commis au nom de la méchanceté de Tibère. C'est d'abord la tête « suspecte et odieuse » de Postumus qui doit tomber, par crainte d'un rival à son nouveau pouvoir71. C'est ensuite Germanicus qui est empoisonné par Pison, selon la légende en s'aidant de la magie, tandis que le prince vaniteux ignore ce décès - dont il porte la responsabilité72. Par l'intermédiaire de Séjan, il ne songe qu'à « détruire les enfants de Germanicus, qui devaient naturellement succéder à l'empire », accusant de révolte leur mère Agrippine et s'entourant d'adroits calomniateurs73. Ses victimes meurent dans l'horreur, Drusus III poursuivi « jusque dans le tombeau », dont on épiait « le visage, les gémissements, les soupirs les plus secrets74 », Agrippine outragée par l'injure après sa mort, Tibère regrettant de ne pas l'avoir étranglée ou jetée aux Gémonies plus tôt et instaurant une fête pour célébrer le jour de sa mort75. Même horreur dans le récit de Suétone où le cheminement suit son impiété familiale : il dénonce un prétendu complot de son frère (L.), ne respecte pas sa propre mère ( LI.), n'aime pas ses enfants - allant jusqu'à faire tuer Germanicus (LII.), accable sa bru (LIII.) et persécute ses petits-fils (LIV.).

La septième partie, « César enfin devient son propre spectateur » est, aux dires de l'auteur, peu adaptées aux prédécesseurs de Caligula, si ce n'est dans leur fatalisme : Tibère n'est pas son propre spectateur, mais il est celui de la crise romaine, qu'il observe depuis son île reculée.

Enfin, « l'aboutissement inéluctable du Césarisme » passe par la démence, la terreur imposée et ressentie et la mort violente et sordide. Condamné moralement pour ses crimes, le mauvais prince sombre dans la paranoïa, craint la mort et soupçonne les complots, ne trouve pas la paix intérieure et n'échappe pas à l'assassinat. Dans ses vieux jours, Tibère est soupçonné de démence76. Défaitiste et empli de ressentiment, il lui revient en mémoire la stratégie de son prédécesseur : choisir un mauvais successeur pour chercher « la gloire dans un odieux contraste77». Il nomme alors son petit-fils adoptif Caius en souhaitant « qu'après [lui] brûle toute la terre78». Mourant indignement, une injustice qui sied à ce tyran, il finit étouffé « sous un amas de vêtements épais » par son ministre Macron qui avait compris qu'il lui fallait « abandonner le soleil couchant pour s'empresser au soleil levant79». Au préalable, il avait eu une faiblesse et l'on crut qu'il était déjà mort : sa fin ne fut donc

71. Ibid., Livre 1, VI.

72. Ibid., Livre 2, LXIX.-LXXXIV.

73. Ibid., Livre 4, XII.

74. Ibid., Livre 6, XXIV.

75. Ibid., XXV.

76. Dion Cassius, Livre 57, XXIII.

77. Tacite, Livre 1, X.

78. Dion Cassius, Livre 58, XXIII.

79. Ibid., XXVIII.

pas aussi douce qu'il le voulait80. Ainsi s'achève la vie de ce prince, une vie que Tacite résume à la fin du sixième livre des Annales81.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo