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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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b. Réfuter la réhabilitation

Cette tendance à l'invention est le propos dénoncé par le courant qui se forme en réponse à la

117. Gascou 1984, p. 268-269

118. Lyasse 2011, p. 13

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réhabilitation de Tibère. Pour les auteurs défendant Tacite, le « pro-tibérisme » est, au mieux, naïf. Il est défendable de discuter d'un fait jugé injuste, de rappeler les victoires militaires de Tibère, des qualités politiques et d'en déduire que les textes des Anciens étaient orientés par l'hostilité, il l'est bien moins de faire de ce prince, qui ne put être autant décrié sans porter la moindre responsabilité dans des actes ignobles, un personnage « immaculé ». Charles Beulé (1826-1874), lui-même favorable à cette réhabilitation et témoignant de sympathie envers les plus farouches défenseurs de Tibère, ne peut s'empêcher de voir l'Allemagne comme un pays où règnent « la libre critique » et « les hypothèses hardies » et de mettre en parallèle le propos d'Adolf Stahr et les apologies de Plutarque, l'un comme l'autre montrant trop de sympathie envers leurs personnages. Il lui est indispensable d'être au plus impartial, de se garder au mieux de tout préjugé119.

Mais le propos peut être bien plus hostile à ce courant. Ainsi, en 1841, Franz de Champagny ironise sur la réhabilitation de Tibère, avant même la constitution du débat historiographique, feignant de défendre un propos qu'il juge ridicule (ignorant que ces mêmes arguments sont ceux que vont

présenter les historiens quelques décennies plus tard) : Tacite, Suétone, le Grec Dion Cassius, sont pour Linguet des conteurs, des gens prévenus, les ignorants échos de quelques rumeurs populaires ; Tibère n'était qu'un homme d'ordre, un peu sévère seulement, un bon administrateur, mais qui croyait trop Séjan sur parole, et qui, ennuyé du pouvoir, aimant le plaisir, ferma trop longtemps les yeux sur quelques légèretés de son ministre ; on a médit de sa retraite de Caprée ; c'étaient des « jardins délicieux », des boudoirs en rocaille et peints à la façon de Watteau, où ce vieillard « s'était retiré pour se livrer à une vie douce et solitaire, où, las des affaires, jaloux de son repos et d'une gaieté rarement connu des princes, », il donnait « des soupers agréables et ne se montrait plus qu'à des amis par qui il ne craignait pas d'être distrait !120

A la lecture des défenseurs de Tibère, tels T. Mommsen, A. Stahr ou L. Freytag, d'autres historiens critiquent leurs travaux avec virulence, dénonçant le ridicule de leurs rivaux et l'égoïsme cruel du prince. Parmi eux, Eduard Pasch. En 1866, dans Zur Kritik der Geschichte des Kaisers Tiberius, mit besonderer Berücksichtigung der Lebensbescheirung desselben von Ad. Stahr, il s'efforce de réfuter point par point la thèse d'Adolf Stahr. Il s'oppose principalement à la vision d'un caractère évolutif dans le règne de Tibère, non car le propos n'est pas crédible mais car il est difficile d'admettre que le prince à la nature « bonne et noble » soit devenu brutalement un tyran « cruel et assoiffé de sang.121». Pour Pasch, le caractère de Tibère est marqué par l'égoïsme et la recherche du pouvoir absolu sans avoir à l'avouer. Les meurtres sous son règne ne sont pas des actes de cruauté

119. Beulé 1868, p. 66-69

120Champagny F., Les Césars. Tome 3, Paris : Ambroise Bray, 1859, in. David 2006, p. 14-15

121. Pasch E., Zur Kritik der Geschichte des Kaisers Tiberius, mit besonderer Berücksichtigung der Lebensbeschreibung desselben von Ad. Stahr, 1866, in. David 2006, p. 73

gratuite, dictées par le sadisme, mais des sacrifices à ses ambitions, des morts nécessaires pour devenir le monarque absolu de ses rêves. Ses dernières années sont marquées par la vue de son échec, quand les sacrifices de sa vie se sont avérés vains en l'absence d'un héritier légitime et souhaitable, et c'est ainsi que naît sa légendaire fureur meurtrière. Alors « le défaut d'amour de l'humanité se change en son corollaire positif, la haine de l'humanité. Maintenant il est un ennemi de l'humanité assoiffé de sang ; le présent tout entier lui est odieux, lui-même, les êtres qui l'entourent. Mais ces êtres, il veut encore les acheter, les utiliser, les faire servir à des plaisirs qui lui étaient auparavant inconnus. Alors, - car maintenant le futur dont il avait rêvé existe, mais pas pour lui -, alors « le monde peut être la proie des flammes ».122

Les historiens du XIXe siècle ne parviennent pas à s'accorder sur l'image à réserver à Tibère. C'est ainsi que, tout au long de notre étude, nous noterons des divergences importantes entre les récits des auteurs, les uns protégeant la mémoire du prince, d'autres le présentant comme le pire des tyrans. Entre Edward Beesly (Catiline, Clodius and Tiberius, 1878) et Pierre-Sébastien de Laurentie (Histoire de l'Empire Romain, 1862), on ne trouve que peu d'avis communs, le premier cherchant à prouver la nécessité de l'Empire en temps de crise, le second l'infamie de vivre sous un tel régime.

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122. Ibid. p. 127-128, in. David 2006, p. 75

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams