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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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III - Contester la réhabilitation

a. Contester le témoignage des Anciens

Norman Douglas avait sans doute raison en 1906 quand il écrivait « qu'aucun érudit de nos jours, avec une réputation en jeu, ne pouvait se risquer sur la véracité de Tacite et Suétone » ; d'autres étaient moins sûrs.116

Pour étudier Tibère, il est inévitable de revenir à l'étude des Annales. Tacite se pose comme autorité incontestable sur les débuts de l'Empire romain et toute étude sur Tibère se doit d'y référer. C'est de lui que vient l'image de la « bête déifiée » qu'évoque Allan Massie, un personnage maléfique qu'il conçoit à partir de ses souvenirs du règne de Domitien. Quelles que soient les intentions de l'auteur moderne, il est inévitable qu'une étude historique consacrée à Tibère devienne une étude historiographique sur Tacite. Et si l'on admettait une probable exagération dans l'évocation de ce règne, il était impossible de contester cette autorité.

C'est précisément autour de Tacite que naît le débat de réhabilitation. L'auteur, réputé pour être un historien sérieux - au contraire de Suétone - se voit reprocher sa mauvaise foi. Sans aller à l'encontre de son travail et rejeter en bloc toutes ses affirmations, les Modernes cherchent à démontrer que les Annales relèvent davantage du roman historique que de l'étude historique. C'est par son traitement de Tibère que Tacite est le plus contesté. La remise en cause touche notamment à ses convictions anti-impérialistes, ou du moins opposées à l'impérialisme de la dynastie julio-claudienne. Tibère, échouant à rétablir les institutions républicaines au lendemain du décès d'Auguste et par sa position de « sauveur » du principat devient odieux aux yeux de Tacite. Pourtant, l'auteur entre en contradiction avec lui-même en se montrant bien plus clément envers ses contemporains, une preuve - selon certains auteurs modernes - d'un opportunisme d'époque. De la part d'un écrivain se voulant convaincant et apportant l'un des rares témoignages sur cette période, l'accusation est grave. De même, les Modernes tendant à réfuter la vision de l'Ancien sur l'évolution du règne de Tibère. Si les premiers notent des changements graduels dans l'attitude du prince, Tacite croît en l'immobilité du caractère. Ainsi, jusqu'à la mort de ses fils, le prince dissimulait avec fourberie ses pensées cruelles et lubriques, les maintenant toujours cachées - mais avec moins de

116. Massie 1983, p. 89

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subtilité - lorsque vivaient sa mère et Séjan, avant de montrer qui était le vrai Tibère, celui qu'il était depuis son enfance, dans ses vieux jours.

Aussi, J. Gascou dénonce la mauvaise foi de l'auteur de l'Antiquité, gommant la mention de propos hostiles à Tibère à son avènement, alors qu'il refuse l'Empire, ce afin de ne pas contredire sa thèse, celle d'une servilité totale des Romains au tyran117. Si nous lui pardonnons des erreurs dues à la difficulté d'écrire le passé avec exactitude et d'avoir traité d'une période de crise, nécessairement une période difficile pour les Romains, on lui reproche ses partis pris et son opportunisme : n'était-ce pas ce Domitien qu'il se plaît tant à dénoncer qui lui avait permis d'assumer ses premières responsabilités politiques avant que les Antonins n'arrivent au pouvoir ? Pour reprendre l'expression

de Tarver, très critique : les nombreux travaux de Tacite ne sont rien de plus qu'une perpétuelle jérémiade selon laquelle personne n'est bon si ce ne sont les hommes déconnectés de l'administration, les Germains et son beau-père.

Ainsi, comment comprendre Tibère, comment chercher à le réhabiliter quand la source principale sur sa vie est, précisément, disposée à lui nuire ? Edward Beesly déplore ce fait, estimant que l'immense majorité des gens éduqués ne connaissent rien de Tibère en dehors de ce que Tacite crut bon d'en dire. Il parle alors d'un « livre fermé » pour ceux qui cherchent à percevoir la vérité et part de ce postulat pour sa conférence. L'historien moderne ne doit néanmoins pas négliger Tacite. Aussi discutable que soit son récit, il est l'une des rares clés à notre compréhension des temps passé. Il est autant exclu d'accepter sans discussion la vision d'un Tibère sournois que d'ignorer ce témoignage. L'attitude à adopter serait davantage de relire les Annales avec plus de distances. Si l'on ne peut s'y fier, elles sont un outil pour une meilleure compréhension d'un Tibère secret, par les failles qu'il a pu laisser paraître et par l'image que s'en fait l'auteur un siècle plus tard.

Toutefois, contester Tacite n'est pas un propos aisé. Toute tentative peut être pervertie et devenir pur

travail d'invention, un parti pris « indigne » de l'historien : Face à cette quasi-unanimité, l'historien moderne subit deux tentations, céder au suivisme et gloser plus encore que les historiens anciens sur la méchanceté de Tibère, ou tomber dans la manie, commune à bien des biographes, de la réhabilitation en se donnant pour tâche de démontrer que les anciens avaient grand tort, noble ambition qui conduit malheureusement à écrire finalement une histoire sans source après avoir discrédité toutes celles qui existent.118

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