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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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CHAPITRE 3 -

TIBERE, SYMBOLE DU MAL

La nouvelle de la mort de Tibère traversa les quelques 200 kilomètres jusqu'à Rome très
rapidement. Elle rencontra diverses réactions dans la ville. L'affranchi d'Hérode Agrippa, Marsyas,
annonça la nouvelle à son maître avec des mots fleuris : « le lion est mort », mais le geôlier
d'Agrippa refusa de croire à cette histoire, et sa réaction ne fut pas atypique. Les romains,
généralement, ne voulaient pas croire à la vérité qu'ils entendaient, craignant une malice pour
tester leur loyauté, et des rumeurs conflictuelles se diffusaient comme quoi Tibère était en vie et
viendrait bientôt en personne. Alors que la vérité prenait le dessus sur l'anxiété, la jubilation est
née. Le peuple faisait vent de ses vieux ressentiments, priant que l'esprit de Tibère serait damné
pour l'éternité. Ses restes furent aussi le sujet de vives discussions. Certains voulaient les jeter des
marches des Gémonies (le destin des criminels), ou les jeter dans la rivière - « Tiberius in
Tiberim ! » était le slogan populaire - ou même les amener à l'amphithéâtre d'Atella (près de
Misène) pour en faire une semi-crémation

[ Anthony BARRETT - Caligula, the corruption of power ]

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A. L'empereur criminel

La première image de Tibère à être passée à la postérité est celle d'un homme violent. Ce qui a semblé être, durant des siècles, une certitude est remis en question par les Modernes, cherchant à nuancer le propos. Il nous faut alors revenir point par point sur les accusations portées contre Tibère et sur la manière de les réfuter.

I - Le conflit familial

a. Juliens contre Claudiens

La vie de Tibère fut marquée par un conflit, non militaire mais familial. Il divisait la famille impériale en deux « clans » rivaux : les Juliens, descendants directs d'Auguste, et les Claudiens, descendants de Livie. Cet antagonisme aura perduré pendant tout un siècle et ne s'achève qu'à la mort de Néron, le dernier des empereurs julio-claudiens127. Et durant toutes ces années, la dynastie aura été décimée, et chaque mort fit l'occasion de nouvelles accusations envers la branche rivale. Le règne de Tibère s'en retrouve décrié : c'est celui d'un Claudien éliminant les représentants des Juliens pour son propre profit.

Les premières années de ce conflit sont marquées par une primauté des Juliens. Quand Auguste tombe malade et décide de nommer un successeur, on note la première occurrence de cette rivalité : son neveu Marcellus est le représentant des Juliens, son beau-fils Tibère est l'aîné de la branche claudienne. Agrippa, par son mariage, succède à Marcellus dans ce rôle de successeur et transmet sa position à ses fils aînés, Caius et Lucius : au contraire de leur père, ils partagent le sang des Juliens. Tibère est alors relégué au second rang, comme le présente Roger Caratini, humilié par les récits qui lui parviennent à Rhodes, ceux d'une adulation de Caius par les Nîmois, ses statues remplaçant celles de son propre père, patron de la cité. Les Claudiens, autrefois illustre, sont réduits au silence :

Des bruits semblables lui reviennent aux oreilles chaque semaine, chaque jour même, et son corps de géant se voûte pour pleurer : lui, le vainqueur des terribles Germains, être ainsi humilié par ce Caius, qu'il a tenu sur ses genoux et

127. Une digression à ce propos : des empereurs de cette dynastie, Tibère est le seul à avoir une descendance directe en vie à la mort de Néron. La dernière référence généalogique remonte à l'an 131, sous le règne d'Hadrien, année où Sergius Pontianus est nommé consul. Celui-ci était l'arrière-petit fils de Julie, la fille de Drusus II.

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auquel il a enseigné à lire est pour lui chose insupportable. Les Juliens lui ont tout pris constate-t-il : ses deux grands-pères, qui ont été tués à Philippes, sa mère, qu'Auguste a mise dans son lit, son père dont Caius a effacé le souvenir, son frère, Drusus I, qui est mort en combattant pour Auguste, et il se dit que, bientôt, ce sera peut-être son tour à lui que d'être immolé sur l'autel fumant et sanglant de la gens Julia, lui qui, depuis l'an 1 av. J.-C., n'est plus protégé par la puissance tribunitienne qui lui avait été attribuée en 6 av. J.-C. Et que menacent maintenant les trois fils de Julie : Caius, Lucius et Agrippa Postumus.128

Les Claudiens peuvent prendre l'ascendant à la mort de Caius, au moment où Auguste décide d'élever Tibère à la dignité de successeur. Cette promotion suscite une polémique : en devenant le fils adoptif d'Auguste, il n'est alors plus la « tête » des Claudiens mais l'héritier des Juliens. De plus, cette nouvelle hérédité s'accompagne d'une seconde adoption : celle de Germanicus par Tibère. Certes, celui-ci n'est pas un Julien par le sang (son père est le frère de Tibère, soit un Claudien, et sa mère est la fille d'Antoine), mais il est l'époux d'Agrippine et ses enfants sont les descendants directs d'Auguste. En devenant le fils de Tibère, il supplante Drusus II dans son rôle d'aîné et permet à Auguste d'assurer une hérédité de sang à la quatrième génération, faute d'un fils naturel. Toutefois, la situation a évolué, et les Claudiens peuvent se faire entendre.

Charles Beulé, disant s'inspirer des Histoires Naturelles de Pline l'Ancien, propose une vision originale, à portée humoristique mais néanmoins véritable : Tibère est comparé à un coucou, poussant du nid des Juliens les oisillons - ici les Princes de la Jeunesse - pour s'affirmer comme

l'héritier unique d'Auguste : Or, l'histoire naturelle nous apprend que la femelle d'un certain oiseau va , chaque printemps, pondre un oeuf, pas plus d'un, dans le nid d'un oiseau d'une plus petite espèce. Ce récit a fait l'étonnement et le bonheur de notre jeunesse : c'est une de nos premières révélations scientifiques. Mais on ne pense jamais au père de cette couvée ainsi augmentée, lorsque après quelques semaines il s'est épuisé pour nourrir l'étranger qu'il a fait éclore. L'intrus grossit vite, au milieu de ses frères beaucoup plus chétifs, et , comme le nid est étroit , il pousse à droite, un petit tombe; il pousse à gauche, un autre petit tombe encore, si bien que la couvée est morte de froid et de faim au pied de l'arbre, tandis que le fils unique prospère, remplit tout, absorbe tout. Mais quand les plumes lui sont poussées, quelle est l'impression du père adoptif qui n'a plus en face de lui que cet énorme monstre qui n'a rien de sa race , qu'il n'a point choisi, qu'il a subi, qui a éliminé tous les siens, et qui bientôt lui fait horreur! Tels durent être les sentiments d'Auguste quand il se trouva en présence de ce fils de Tibérius Néro qui ne lui était rien, qui lui avait inspiré l'aversion la plus déclarée dès son enfance, qui lui répugnait par son esprit autant que par son aspect peu gracieux, qu'il avait relégué aux frontières ou dans une île lointaine pendant presque toute sa vie, mais qui restait seul auprès de lui, qui remplaçait toute sa famille, qu'il était forcé d'adopter, de ménager, de caresser par nécessité, au milieu de la disette d'hommes d'État, de généraux, d'administrateurs, c'est-à-dire du vide inévitable que le pouvoir absolu crée autour de lui.129

128. Caratini 2002, p. 101

129. Beulé 1868, p. 172-174

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Tibère est accusé d'être le bourreau des Juliens, du moins d'être complices de ces persécutions. Les descendants d'Auguste disparaissent les uns après les autres, empoisonnés, disgraciés, poignardés,... à son profit. De Marcellus, mort de maladie à l'âge de dix-neuf ans, à Drusus III, affamé dans sa prison à vingt-six ans, tous ceux qui se mettent en travers des ambitions de Tibère sont éliminés. Livie est souvent accusée de ces crimes, de par sa réputation d'ambitieuse - Gregorio Maranon en fait une mante religieuse130 - des prétentions servies dès son mariage avec le jeune homme populaire qui allait devenir le premier citoyen de Rome. Mais certaines études, telle celle illustrée par le dixième tome de The Cambridge Ancient History, remettent en cause ces accusations, Livie ayant, dans ses vieux jours, montré plus de sympathie en la descendance de Germanicus (soit la branche

Julienne) qu'en celle de son petit-fils Drusus II, qui représentait alors l'héritage des Claudiens : La question de la succession avait été une grande source de conflit entre la mère et le fils ; Tibère Gemellus était l'arrière-petit-fils de Livie, mais les trois fils d'Agrippine (par Drusus) l'étaient aussi, et Auguste avait clairement indiqué dans son testament que la succession devait passer par eux. Aussi longtemps que Livie vivait, elle pouvait les protéger du déplaisir de Tibère.131

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius