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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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II - Le symbole de grandeur mis à mal

a. Remettre en question l'image de Germanicus

Mais Germanicus n'est sans doute pas parfait. Au delà du symbole de grandeur, de jeunesse martyre, d'exemple de vertu, il y a un homme. Un homme qui admet des failles, un homme qui fait des erreurs et dont les détracteurs peuvent gloser.

Si l'on présente Germanicus comme le vainqueur des Germains, tel que son surnom semble l'attester, il en hérite de son père Drusus. Lui même n'est qu'un général « modérément compétent » pour reprendre les termes de Chris Scarre347, dont les campagnes sont - sinon désastreuses, l'échec de Varus ayant incité Rome à la prudence - peu concluantes (R. Caratini parle « d'actions militaires ponctuelles contre les Germains, qui n'ont jamais abouti à des conquêtes territoriales comme cela avait été le cas des guerres entreprises par Marius, Pompée, César ou Auguste348 »). S'il n'était pas membre de la famille impériale, il est fort probable que son nom ne soit jamais parvenu aux historiens.

Quand Allan Massie dépeint Germanicus, qu'il se pose en historien (The Caesars) ou en romancier (Les Mémoires de Tibère), c'est pour en faire un jeune homme arrogant, va-t-en-guerre, dont

l'imprudence cause bien des soucis à l'empereur. Ainsi : Germanicus était néanmoins en désaccord avec Tibère : les conseils d'Auguste ne lui importaient pas. Il était impulsif, vaniteux et avide de gloire militaire. C'est en mesurant ce fait qu'il fit, durant trois années, des essais de conquête en Germanie. (...) Chaque année, Germanicus assemblait une force considérable, chargée d'équipements, et marchait vers les forêts. Il poursuivait l'ennemi, gagnait de grandes victoires et finissait par se retirer, toujours avec difficulté. Le désastre imminent était perceptible à la retraite chaque année.349

Il ne faut l'oublier, Auguste et Tibère - sans doute pour éviter un nouveau désastre - avaient décidé de l'immobilité des frontières. Il ne convenait pas d'élargir l'empire au prix de nombreuses pertes, ce pour un résultat mitigé (les peuples germaniques n'étant pas casaniers, Rome n'y gagnait que des terres brûlées). Le troisième épisode de The Caesars montre ainsi Germanicus impatient de retourner au front pour écraser les Germains. Tibère ne peut que lui faire constater qu'il sait lui-même qu'une telle opération coûterait à ses légions 40% de pertes humaines, et qu'il serait plus

347. Scarre 2012, p. 31

348. Caratini 2002, p. 207

349. Massie 1983, p. 103

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judicieux - dans l'hypothèse où les conquêtes seraient nécessaires - de profiter des dissensions entre Germains pour qu'ils s'entre-tuent et d'ensuite vaincre, certes sans gloire mais en limitant les morts. Face au caractère borné de son fils adoptif, Tibère ne peut que se résoudre à l'envoyer en Arménie, pour une mission plus « sûre », qui plus est sous la surveillance de Pison350.

Allan Massie, lorsqu'il conçoit son récit à travers le regard de Tibère, présente les doutes qu'aurait pu avoir l'empereur face à un tel manque de discernement :

Mon neveu donna ordre qu'on enterre les ossements, décision que j'approuvai pleinement par la suite. Je fus moins
enchanté par ses propos selon lesquels il avait été « honteux » d'avoir attendu aussi longtemps pour pénétrer dans la
forêt et donner une sépulture décente aux victimes de la funeste bataille. Il n'avait, de toute évidence, aucune idée de
l'étendue du désastre subi par Varus, et des difficultés que j'avais éprouvées, à l'époque, pour maintenir simplement la
frontière du Rhin.
Certains de ceux qui entendirent ses paroles furent choqués par l'étroitesse de ses vues et sa critique implicite de ma
conduite, que, pour ma part, j'attribuai plus, sur le moment, à sa jeunesse qu'à une quelconque malveillance.
Ses ambitions étaient toutefois inquiétantes. Il aurait voulu que nous amenions dans l'Empire tous les Germains
résidant à l'ouest de l'Elbe. Je pouvais comprendre qu'on trouve cette idée séduisante, car je l'avais moi-même eue bien
des années auparavant. Mais tant Auguste que moi avions fini par nous convaincre qu'elle était impraticable. Nous
craignions également qu'étant donné les conditions existant sur place, tout général risque de connaître le même sort
que Varus - ce qui fut presque le cas pour Germanicus lui-même l'année suivante.351

Plus loin :

Encore que symptomatiques du malaise qui paralysait l'État, ces ennuis demeuraient mineurs en comparaison du
problème que me posait Germanicus. Ses victoires en Germanie ne nous avaient apporté aucun avantage solide ou
durable, mais, afin d'assurer sa réputation, j'étais prêt à grossir leur importance. Je lui accordai donc un triomphe.
J'espérais aussi, je le confesse, que ce geste pourrait avoir pour effet de le réconcilier avec moi, ainsi qu'Agrippine. Cet
espoir était vain.
Il y avait aussi une autre raison. Mon neveu brûlait de poursuivre la guerre et de lancer une nouvelle expédition - la
quatrième- contre les Germains. Il n'y avait aucun chance qu'elle remporte un succès plus substantiel que les autres.
Les campagnes de Germanicus n'avaient fait jusque-là que me renforcer dans l'opinion qu'Auguste et moi avions fini
par nous former indépendamment l'un de l'autre : que les limites raisonnables de l'Empire avaient été atteintes et que
tout projet d'expansion supplémentaire devait être abandonné. Et voilà que l'impétuosité du jeune Germanicus venait
remettre notre jugement en question. C'était intolérable.352

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon