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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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b. Les troubles avec les soldats

350. D'autres, comme Emmanuel Lyasse, voient au contraire cette affectation comme une manière de promouvoir Germanicus : certes, il était écarté du territoire dans lequel il pouvait faire état de ses prétentions, mais elles pouvaient alors s'affirmer à l'autre extrême de l'Empire, et lui permettre d'être reconnu partout comme un militaire d'exception. (Lyasse 2011, p. 113)

351. Massie 2008, p. 193

352. Ibid., p. 197

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Autre élément allant à l'encontre de l'image de perfection accordée à Germanicus : son lien avec les soldats. Quand les révoltes se soulèvent au lendemain de la mort d'Auguste, les mutins de Germanie proposent à leur général, Germanicus, de prétendre à la succession. Celui-ci, rejetant l'éventualité de trahir son père adoptif Tibère, menace de se percer de son épée plutôt que de laisser la révolte corrompre sa valeur. C'est alors qu'un mutin, haranguant son général, lui tend son épée : non comme objet de soumission à la volonté de Germanicus, mais car celle-ci est plus aiguisée, et facilitera le suicide. Le général, ébaubi par cet affront, ne doit son salut qu'à l'intervention de ses fidèles, qui le désarment et emmènent le provocateur en vue de le juger.

Mais si les militaires proposent à Germanicus de devenir leur empereur, ce n'est pas tant par égard

envers un général populaire que pour servir leurs intérêts propres. Pour Emmanuel Lyasse : Leur donner satisfaction serait donc pour la cité risquer un dangereux retour en arrière et pour Tibère faire la preuve qu'il est incapable d'assumer la succession d'Auguste. On peut craindre que ces soldats déclenchent de nouvelles guerres civiles, car ils regrettaient les avantages qu'ils tiraient d'une telle situation. Pour cela, il ne leur manque qu'un chef. Certains y ont pensé puisque, selon Tacite et Suétone, les soldats de Germanicus lui proposent l'empire. Il serait imprudent d'y voir la preuve que, déjà, il était populaire alors que Tibère ne l'était pas : le contexte indique plutôt que les mutins souhaitaient avoir un prince fait par eux et dépendant d'eux, ce que Tibère n'est pas et que Germanicus serait. Quand celui-ci repousse avec horreur l'idée de trahir son père adoptif, le mouvement est dans l'impasse, car on ne peut envisager de trouver un prince ailleurs que dans la famille d'Auguste.

De plus, rien n'indique qu'à ce moment les élites romaines ait voulu de Germanicus comme empereur. S'il était probablement reconnu comme un homme de valeur, il était encore jeune, et la réaction contre Tibère ne se fait pas encore ressentir. Ce que les historiens présentent comme un coup d'état manqué au profit d'un jeune homme populaire aurait manifestement pu être admis

comme une situation de danger. C'est le postulat d'Edward Beesly : Il était possible que l'armée du Rhin, qui s'était mutinée pour l'augmentation de leur solde et d'autres concessions, proclame son général, Germanicus, empereur s'il promettait d'accéder à leurs requêtes. Et il est fort probable que les classes inférieures de Rome aient préféré le jeune prince au vieux. Mais il n'y a pas la moindre preuve que la noblesse veuille de Germanicus, et cela est même très improbable. Si il y avait une chose qui lui faisait horreur, c'était la dictature militaire, et elle semble avoir regardé Tibère avec anxiété pour qu'il calme les mutins. Mais Germanicus lui-même était satisfait de sa position de fils adoptif de Tibère, et ne pouvait éviter de voir qu'il était nécessaire que la famille reste soudée.353

Du reste, si Germanicus a défendu sa loyauté envers Tibère devant les mutins, ce refus peut tout autant être du à un sentiment de doute. C'est ainsi que réfléchit le Germanicus de la série The

353. Beesly 1878, p. 121

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Caesars. Son aide de camp lui propose deux solutions : soit accéder aux revendications des mutins, soit imposer le respect en éliminant les meneurs de la révolte. Et s'il renonce à la révolte, ce n'est qu'après une mûre réflexion. Sa crainte est de réveiller le fantôme de la guerre civile, malgré les propos rassurants de sa femme, qui ne voit guère Tibère souhaiter le combattre et pense que la capitulation sera proposée avant même les affrontements. Il prononce alors un discours devant ses troupes, les mettant devant le fait accompli : leurs actions les déshonorent, et il ne peut admettre que sa femme et son fils restent en leur présence, préférant les mettre en sécurité auprès de peuples « barbares » qui, eux, sont loyaux à Rome. Néanmoins, s'il condamne l'attitude des mutins, il ne les punit pas. Là est, semble-t-il, son erreur.

Car, pour se racheter, les soldats se font justice eux-mêmes. Roger Caratini en fait le récit : Alors, au signal donné, écrit Tacite, ces soldats transformés en bourreaux se précipitent sous les tentes pour accomplir leur sinistre besogne. Il n'y eut pas de combat : ce fut au sortir de ces mêmes lits où ils avaient dormi pendant des mois côte à côte qu'ils se battent et (...) se mêlent au massacre, qui cesse lorsque Germanicus, qui en avait été l'initiateur, arrête, en pleurant, cette tuerie. Il ordonne qu'on incinère les corps des victimes et que l'on recueille leurs cendres, tandis que les légionnaires exécuteurs, qui ont encore l'épée à la main, supplient leur général de leur permettre d'apaiser les mânes de leurs victimes « en offrant leurs poitrines impies à d'honorables blessures », c'est-à-dire en les emmenant combattre de l'autre côté du Rhin.354

Face à l'horreur de ces actes, deux hypothèses s'offrent à nous. La plus plausible, et la plus répandue chez les historiens, est d'y voir une imprudence due à son inexpérience. En ne prenant pas l'initiative d'une condamnation ferme, il a provoqué plus de morts que ne l'aurait permis un général expérimenté. Toujours dans la série sus-dite, l'aide de camp qui lui avait évoqué les deux choix de conduite à tenir le contemple avec dédain, alors que Germanicus constate avec horreur les conséquences de ses actes. Au même moment, Drusus II revient de Pannonie, et fait son rapport à son père : lui a fait son choix et a puni les mutins. Certes, il a fait exécuter trente-huit soldats, mais ce n'est qu'une perte minime en comparaison de celle constatée dans le camp de son frère adoptif. Ces révoltes auront donc eu un mérite : tester la réactivité des héritiers présomptifs du nouvel empereur.

L'autre thèse, celle soutenue par Linguet, est plus accusatrice. Germanicus était conscient de ses actes et, s'il a décidé de laisser les soldats se faire justice, c'est pour ne pas porter la responsabilité de la moindre mort : Les légions entouroient le Tribunal, l'épée nue à la main. Un Tribun y faisoit monter l'accusé.

Si le cri général le déclaroit coupable, il étoit sur le champ précipité et massacré. Les soldats se prétoient avec plaisir à

354. Caratini 2002, p. 162-163

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des meurtres qui sembloient les justifier ; et Germanicus ne les empêchoit pas, parce que faisant sans ordre, la cruauté et l'odieux de cette exécution ne pouvoit tomber que sur eux.355

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand