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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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c. Élimination de la descendance de Germanicus

Aux yeux de la postérité, c'est à Séjan que revient la responsabilité de la mort des fils de Germanicus. Soudoyant les affranchis et les amis de Néron pour qu'ils l'encouragent à tenir des propos inconsidérés, exploitant la frustration de Drusus, jaloux de son frère, il fait de ces deux jeunes gens inexpérimentés d'apparents dangers pour l'autorité de Tibère. Si Caligula échappe à ces attaques, c'est parce qu'il est jugé indigne : c'est alors un grand enfant, privé de la toge virile (quel que soit son âge, un Romain devait porter la toge virile pour être considéré comme un adulte), qui ne semblait pas représenter de danger pour l'autorité du préfet394.

Certains y voient une implication directe de Tibère, une haine familiale déjà prouvée et qui sied à l'archétype du tyran. La famille lierait le prince à l'humanité, lui empêchant de se réclamer monarque de droit divin. Elle lui est donc étrangère, voire indésirable395. Bernard Campan va jusqu'à déceler une inimitié personnelle, son Tibère accusant les jeunes hommes d'avoir provoqué la mort de son fils Drusus II qui, rappelons le, était chargée de mystère à l'époque de la condamnation des deux frères.

Drusus, mon cher Drusus, au trôné destiné,
Leur causait trop de crainte, ils l'ont assassiné.
C'est trop peu des tourments dont je deviens la proie,
Ils laissent éclater leur criminelle joie,
Et, par de faux avis feignant de me servir,
Irritent ma vengeance au lieu de l'assouvir.396

L'élimination de Drusus et Néron est un crime souvent dénoncé par la postérité. Parmi les infamies qui souillèrent ce règne, Abel-François Villemain n'en voit pas de « plus lâche et de plus hideux que la lente agonie infligée à deux des enfants de Germanicus397». Si l'on aurait pu excuser la

393. Lyasse 2011, p. 155

394. Barrett 1993, p. 21

395. Vailland 1967, p. 237-238 : « En conséquence du principe énoncé plus haut et selon lequel on convoite plus habituellement l'épouse de son ami qu'une passante croisée dans la rue. C'est aussi, semble-t-il, parce que les proches parents, bénéficiant des reflets de la puissance impériale excitent la jalousie de l'empereur : il lui est nécessaire d'être le seul dieu. La plupart des Césars haïrent tout particulièrement leur mère : c'est que sa seule existence faisait preuve de leur origine humaine. »

396. Campan 1847, p. 20

397. Villemain 1849, p. 87

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condamnation, prononcée par Séjan et révocable après la preuve de sa trahison, on ne peut lui pardonner de ne pas les avoir réhabilité, deux ans séparant la mort de Séjan de celles des deux frères. Leurs morts furent d'autant plus viciées qu'elles témoignaient de cruauté : Drusus mourut de faim dans son cachot, se nourrissant en dernier recours du rembourrage de son matelas tout en prononçant des injures à l'encontre du prince. Ce dernier se fit un devoir de les rapporter au Sénat afin de prouver que la condamnation était légitime : des propos aussi orduriers ne pouvaient être que ceux d'un être indigne. Le résultat ne fut que de saper encore plus son autorité, en montrant que même un condamné à mort, amaigri et enchaîné, pouvait le blesser par ses paroles398. L'acte fut retenu comme un sommet de lâcheté, un crime que Tibère n'a jamais su assumer : Villemain lui reproche d'avoir hypocritement affirmé que la haine de Séjan envers les jeunes gens avait été le signe déclencheur de la déchéance de ce favori399. Il ne croît pas en l'existence de remords, au « tourment secret qui dévorait son coeur par le chagrin, par l'indignation, par la honte » ; si cela était vrai, il serait allé visiter Pontia pour s'excuser auprès de Néron, comme Auguste l'avait fait avec Postumus400.

Mais cette haine prétendue est contestable. S'il condamna Agrippine et ses fils, et peut-être attenta à la vie de Germanicus, il se montra clément envers Caius, le dernier survivant masculin de la famille, l'admettant auprès de lui et l'exerçant pour lui succéder, et promis leurs trois soeurs à des mariages de haut rang. Nous citions dans un propos précédent l'union d'Agrippine et Ahenobarbus : rappelons que celui-ci, toute brute qu'il était, descendait d'Antonia Major, étant donc un héritier direct d'Octavie - en faisant un Julien de branche mineure - et d'Antoine - mort en ennemi de Rome, mais populaire et respecté pour ses actions précédent sa sédition : un bon parti401.

Drusus, Germanicus, Néron,... chaque génération de cette ascendance a perdu son membre le plus illustre. Mais il restait un survivant pouvant hériter de leurs valeurs, de leur popularité et permettre au peuple romain, qui les aimait tant, de voir leurs mérites à l'action, permettant de sortir de ces « années noires ». Les Romains n'en furent pas heureux.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld