WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en afrique centrale


par JERVE SIGNI TSAGHO
Institut Des Relations Internationales du Cameroun  - Master 2 en Relations Internationales  0000
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 2: La diversité culturelle comme une entorse à la paix et au vivre-ensemble en Afrique Centrale

Au lendemain des indépendances africaines, la construction de l'unité nationale a pris les allures d'une nécessité impérieuse. L'objectif des pouvoirs en place était la construction d'une superstructure étatique, faisant abstraction des solidarités tribales, ethniques ou

108 René OTAYEK, « Démocratie, culture politique, sociétés plurales. Une approche comparative à partir des situations africaines », Revue française de sciences politiques, numéro 47,1997, PP.798-822.

109 Idem

57

Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

classiques qui elles n'avaient guère disparues. Cette escalade a laissé entrevoir la diversité culturelle des peuples comme un obstacle à ce qui s'apparentait alors à un idéal de la construction de l'Etat-nation. Cet état de fait qui a perduré pendant de longues décennies a laissé entrevoir la diversité comme un élément catalyseur des tensions (A), même si plus loin, elle prend les allures d'un handicap pour la paix (B).

A-La diversité culturelle comme catalyseur des tensions et des inégalités sociales

Presque tous les Etats de la sous-région sont confrontés au problème de l'hétérogénéité de la population et de la lente maturation d'une véritable nation. Bien plus, la sous-région est considérée comme le terreau fertile des identités et des appartenances. De ce fait, l'attachement à l'identité culturelle devient un facteur de division potentielle de la nation.

Au lieu de maîtriser les diverses ressources humaines et spatiales du pays, le traitement politique de la question de la gestion de la diversité culturelle se réduit généralement à une lutte pour le pouvoir et les ressources, ce qui accroît l'exclusion, attise la discorde sociale et favorise les conflits politiques. Aussi, pour tout conflit à connotation religieuse, ethnique ou linguistique qui dégénère en violence communautaire, rappelle Gareth EVANS «d'innombrables personnes ou groupes de cultures et milieux différents vivent harmonieusement côte à côte dans le monde. Pour chaque groupe dont les doléances économiques dégénèrent en violence catastrophique, nombre d'autres n'atteignent pas cette extrémité ; Pour chaque prédation économique qui cherche à contrôler des ressources ou des leviers du pouvoir et provoque ou attise ainsi les conflits, d'autres n'ont pas ce résultat »110.

Outre le politico-institutionnel, la diversité culturelle dans la plupart des sociétés de cette région accroît les sentiments d'insatisfaction et catalyse les tensions sociales. Selon un rapport du PNUD de 2012 sur le développement mondial, l'Afrique centrale est classée deuxième après l'Amérique du Sud en tant que contributrice socio-économique aux crimes. Au Gabon par exemple, la mauvaise répartition des richesses a de tout temps été décriée non seulement par la population elle-même, mais aussi par la communauté internationale notamment les organisations non-gouvernementales. Le même constat est valable pour le Tchad et la Guinée-Équatoriale où des 10 % les plus riches gagnent 31 fois plus que les 10 % des plus pauvres.

110 Gareth EVANS, « Prévenir les conflits: un guide pratique », ICG, Politique étrangère n° 1-2006 printemps, 2 janvier 2006.

58

Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

Longtemps, on a décrit le génocide du Rwanda comme le fruit d'une fureur spontanée, incompréhensible, inattendu. En vérité, le racisme inter-ethnique dans lequel le Rwanda s'était construit depuis deux siècles et dans lequel il a sombré en 1994 explique ce génocide. Mais tout de même avant la colonisation, le Rwanda avait une population homogène (même langue, culture, religion). Il n'existait pas de groupes ethniques et si les rwandais se reconnaissaient Hutu ou Tutsi, cette appellation n'était pas fondamentale dans l'identité sociale du rwandais et était mouvante (un Hutu pouvait devenir Tutsi...). La colonisation allemande, puis belge (mandat de la Société des Nations en 1919) induit le passage d'une identité sociale à une identité ethnique en transposant un schéma de pensée étranger qui va être à la base du dualisme identitaire Hutu / Tutsi avec le mythe d'une ancienne migration de Blancs en Afrique Noire. Les Tutsi ayant majoritairement la peau claire, ce devaient être des « nègres blancs » appartenant à une race supérieure.

En 1961, le parti du mouvement de l'émancipation hutu accède au pouvoir, ce qui marque le début du pouvoir hutu. Ce gouvernement cherche à se débarrasser de la minorité Tutsi. En 1962, le pays accède à l'indépendance et les élites Tutsi sont chassées du pouvoir. C'est le début du génocide qui entraîne un exode massif des Tutsis vers l'Ouganda. On assiste dans ce contexte à une inversion du racisme des nobles Tutsi contre les Hutu, mais ce racisme s'étend à l'ensemble des Tutsis et notamment les Tutsis du Nord qui avaient autant souffert de la domination des nobles Tutsis. L'idée que les Hutus et les Tutsis sont deux races en guerre est diffusée par les dirigeants rwandais et cela leur permis d'unir la nation autour d'un chef d'Etat contre un ennemi commun sur le thème « massacrer avant d'être massacré ». L' « ethnicisation » de la société rwandaise est donc le fruit d'une construction politique et institutionnelle élaborée par la puissance coloniale et intériorisée par les rwandais.

En RDC, les franges orientale et septentrionale de ce pays sont traitées par l'Ouganda, et plus encore par le Rwanda, comme un hinterland dont il s'agit d'exploiter les ressources minières. Non seulement les bénéfices assurent le financement de la guerre, mais ils permettent également aux élites au pouvoir de maintenir un niveau de vie privilégié. C'est ainsi que des comptoirs d'or et de diamants se sont ouverts au Rwanda, alors que le sous-sol de ce pays est dépourvu de ces gemmes. Parallèlement, le café de la province congolaise du Nord-Kivu est exporté via l'Ouganda et le Rwanda. Les ambitions économiques de ces deux États ne se limitent pas à la prédation de richesses facilement accessibles et commercialisables (diamant, or) ; elles concernent également des minerais tels que le niobium et le tantale, qui sont utilisés

59

Les politiques publiques de gestion de la diversité culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale

dans l'industrie de pointe (électronique, aéronautique, médecine de pointe. De ce fait, l'exploitation et la commercialisation de ces minerais sont le monopole des Rwandais, protégés par des militaires et plusieurs compagnies internationales sont représentées à Kigali.

D'une manière générale, le conflit que connaît la Centrafrique laisse penser que ce pays connaît également la diversité comme une source d'exacerbation de la conflictualité. En effet, outre des affrontements interreligieux qui caractérisent ce conflit, des groupes rebelles militarisés contrôlent aussi une part importante des sites de production de diamant.

Ce panorama de la conflictualité montre que l'Afrique centrale est une région dans laquelle ont proliféré les conflits armés même si certains sont anciens et ont débuté pendant la guerre froide. Ces conflits sont pour l'essentiel des guerres civiles qui débordent de la sphère interne en ayant des répercussions importantes à l'échelle régionale à savoir, des catastrophes humanitaires liées à la détresse des personnes déplacées et des réfugiées qui, souvent errent des mois durant dans la forêt, tenaillés par la faim, la soif et les maladies en fuyant les zones de combats. Qu'ils soient plus ou moins anciens comme en Angola et en RDC, ou plus ou moins récents comme en RCA, la plupart des conflits que connaissent les États de l'Afrique centrale paraissent avoir un dénominateur commun : La diversité en parallèle. En effet, la déliquescence du pouvoir des États observée en Afrique centrale s'accompagne d'une forme d'organisation économique et politico-territoriale parallèle111.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway