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Gestion durable des adductions d’eau villageoises au Bénin


par Femi COCKER
Université d'Abomey Calavi - Master en droit option: marchés publics et partenariat public privés 2018
  

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Introduction

« L'eau est la chose la plus nécessaire à l'entretien de la vie, mais elle peut facilement être corrompue... Elle a donc besoin que la loi vienne à son secours...1 » L'eau constitue un bien considéré à l'instar de l'air, comme essentiel à la vie humaine. Parmi les ressources qui contribuent au développement des activités humaines, l'eau est la plus importante. Elle est une ressource indispensable pour la vie. « Elle compose 65% du corps humain et recouvre 70% de la surface de la terre2 ». Elle s'amenuise à cause des activités anthropiques et des changements climatiques. Mais paradoxalement, la population mondiale augmente et les usages se multiplient de façon exponentielle. Le fait qu'elle soit une ressource indispensable à la vie fait d'elle une ressource convoitée plus qu'aucune autre. L'eau doit alors être protégée contre toute forme de pollution et de contamination. Elle a donc besoin que la loi vienne à son secours comme le disait déjà PLATON3 depuis le XVIIIème siècle. « L'accès à cette ressource pose encore d'énormes difficultés dans plusieurs régions du monde4 ». Cette situation conduit à des maladies qui affectent les Hommes au point de baisser leur productivité. Il existe un lien direct entre le manque d'eau potable et toutes sortes de maladies dont sont victimes les populations pauvres dans le monde, en particulier dans les pays en voie de développement5. Il ne sert à rien de réaliser à grands frais des infrastructures sociocommunautaires, si l'on ne conçoit pas un dispositif cohérant de gestion pérenne prenant en charge les besoins réels des bénéficiaires. Ces infrastructures sociocommunautaires sont ici les ouvrages servant à la fourniture de l'eau potable. Le dispositif d'utilisation pérenne et rationnelle dont-il s'agit ici est le cadre juridique mis en place pour leur gestion. Telle est de façon caricaturée la maladie6 dont souffre le Bénin dans plusieurs secteurs vitaux dont le secteur de l'eau, première denrée alimentaire.

Alimenter les populations en eau douce, de qualité et s'en servir pour les divers autres usages tout en préservant les équilibres écologiques est un enjeu majeur de développement durable.

1 PLATON, Les lois, livre VII, en ligne : < http://books.google.fr>, p. 987, consulté le 07/04/2019 à 12h30

2 BAECHLER L., « La bonne gestion de l'eau: un enjeu majeur du développement durable », Cairn Info, 2012, vol. 3, n° 365, p. 4.

3 PLATON, Les lois, op. cit., p. 1153.

4 HOUNMENOU B. G., « Gouvernance de l'eau potable et dynamiques locales en zone rurale au Bénin », Développement durable et territoires. Économie, géographie, politique, droit, sociologie, 2006, n° 6, p. 1.

5 BRIAND A. et LEMAITRE A., « Privatisation de la distribution de l'eau potable en Afrique : une aubaine ? », Actes de la journée d'études, Université d'Artois, Arras, 2004, p. 102.

6 SOSSOUKPE J. O., Problématique de la gestion efficace des marchés de la commune de Lokossa. Mémoire de fin du 1er cycle ENAM, Abomey-Calavi, Université d'Abomey-Calavi, 2012, p. 6-7. Cet auteur a mené le même raisonnement pour exprimer les difficultés de gestion dans d'autres secteurs, notamment le secteur des infrastructures marchandes.

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Ainsi, l'objet de notre sujet est d'étudier la problématique de la « Gestion durable des Adductions d'Eau Villageoises au Bénin ».

En effet, la gestion durable de l'eau consiste à garantir par des moyens techniques performants et économiques le retour au milieu naturel d'une eau dont les qualités satisfont aux exigences sanitaires et environnementales7. Dans le cadre de notre étude en lien avec l'objectif six des ODD8, « garantir l'accès de tous à l'eau et à l'assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau », la gestion durable de l'eau en milieu rural, passe en partie par une meilleure gestion des AEV qui sont des infrastructures de production, de distribution et de gestion de l'eau. L'enjeu est donc la réalisation et l'utilisation d'AEV durablement performants. C'est l'affermage selon la SNAEPMR9 qui est le mode de gestion retenu pour les systèmes d'Approvisionnement en Eau Potable (AEP) en milieu rural au Bénin.

Dans le cas de la présente étude, l'autorité affermante, est l'Etat à travers les collectivités territoriales, les communes, qui confient à un sachant, c'est-à-dire, une structure spécialisée dans la gestion professionnelle des infrastructures de production et de distribution d'eau potable pour fournir de façon continue de l'eau de bonne qualité à la population et verse en retour des redevances à la commune conformément à un contrat10 de gestion. Le fermier ne réalise pas les investissements initiaux mais assure l'entretien de l'ouvrage. Dans un contrat d'affermage d'AEV, la commune conserve la propriété des équipements, tandis qu'un opérateur privé (OP) est responsable de l'exploitation de l'AEV conformément aux dispositions contractuelles. L'OP perçoit des revenus tirés de la commercialisation de l'eau sur la base de tarifs convenus avec la commune tandis que les dépenses liées à l'exploitation et à la maintenance lui incombent11.

Dans sa vision de mettre en place de grands systèmes d'approvisionnement en eau potable avec une gestion durable d'ici 2021, l'Etat à partir d'une convention librement consentie avec les communes, propose une nouvelle formule de Partenariat Public-Privé (PPP) où le pays sera subdivisé en trois (03) zones, chaque zone constituant un lot. Contrairement au mode de gestion actuel, où la gestion est confiée à de petites entreprises non spécialisées ou à des tacherons, les

7 Gestion durable de l'eau, Assainissement durable, disponible sur : www.assainissement-durable.com, consulté le 07/05/2019 à 1h39mn

8 ONU, Objectifs de Développement Durable (ODD), disponible sur : www.un.org, consulté le 25/06/2019 à 11h19mn

9 MEEM, Stratégie Nationale d'Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Rural 2017-2030, principe directeur n°2 : La promotion de la gestion professionnalisée des systèmes d'approvisionnement en eau potable.

10 Un exemplaire du contrat d'affermage des AEV est en annexe1 à la présente étude.

11 WSP, Bénin-Partenariats Public-Privé novateurs au service de la durabilité de l'approvisionnement en eau potable en milieu rural-Étude de cas, Cotonou, PEA-BM, 2016, p. 11.

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zones seront attribuées à des firmes professionnelles pour assurer l'exploitation, la maintenance, le renouvèlement et aussi l'extension des réseaux d'AEV pour garantir la pérennité du service de l'eau en milieu rural au Bénin.

Plusieurs définitions sont données au concept de Partenariat Public-Privé (PPP) en raison de la diversité des formes que peut revêtir ce mode de gestion. En effet, s'accorder sur une définition du concept de Partenariat Public-Privé n'est pas chose aisée car de nos jours il n'existe toujours pas une définition commune ; le concept PPP peut désigner soit un modèle de politique de développement, soit un modèle de coopération internationale, ou encore une forme d'interactions entre acteurs publics et privés. Dès lors le concept peut changer de dénomination selon les pays : Contrat de PPP en France, contrat de concession en Belgique, montages de type BOT (Built, Operate, Transfer) en Grande-Bretagne, etc.

Selon l'Organisation des Nations Unies (ONU), il faut entendre par Partenariat Public-Privé, «des relations de collaboration voulues entre diverses parties, États et autres acteurs, dans le cadre desquelles tous les participants acceptent de travailler ensemble à la réalisation d'un même but ou de s'engager dans une tâche bien précise en partageant les risques, les responsabilités, les ressources, les compétences et les avantages12».

L'Union Européenne quant à elle, définit le Partenariat Public-Privé (PPP) comme «des formes de coopération entre les autorités publiques et le monde des entreprises, visant à satisfaire des besoins d'intérêt général. Ils s'expliquent par la volonté de bénéficier davantage du savoir-faire et des méthodes de fonctionnement du secteur privé dans le cadre de la vie publique, ainsi que par l'évolution plus générale du rôle de l'Etat dans la sphère économique, passant d'un rôle d'opérateur direct à un rôle d'organisateur, de régulateur et de contrôleur13».

Dans son ouvrage titré, Financement d'un projet de Partenariats Public-Privé, DABIRE14 pense que « Le terme PPP désigne les contrats par lesquels les pouvoirs publics et des entreprises privées s'engagent à construire ou gérer ensemble des infrastructures ou d'autres services. C'est une entente contractuelle entre un organisme du secteur public et une entreprise à but lucratif aux termes de laquelle les ressources et les risques sont partagés dans le but d'assurer la prestation d'un service public ou le développement d'une infrastructure publique. En d'autres termes, c'est un contrat entre deux partenaires (l'un public et l'autre privé) dans

12 Maison du développement locale, Capitalisation de l'expérience des maisons du développement local, MDL, Sénégal, 2014, p.11

13 idem, p.12

14 DABIRE C., Financement d'un projet de Partenariats Public-Privé (PPP), Paris, L'Harmattan, 2014, p. 31-32

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lequel le partenaire privé rend des services au partenaire public qui reçoit lesdits services moyennant une rémunération. Ce partenariat requiert une négociation permanente entre les parties, qui se poursuit durant la durée du contrat (en moyenne une vingtaine d'années) et qui nécessite des révisions au long du parcours dont il convient de déterminer les périodicités. Les PPP permettent, dans un contexte exigeant, d'améliorer la gestion d'un projet d'intérêt public, sous la responsabilité d'un opérateur privé et de le financer entièrement ou partiellement sur des ressources privées. »

A l'instar de DABIRE, la loi n° 2016-24 du 28 juin 2017 portant cadre juridique du partenariat public-privé en République du Bénin définit les PPP comme « un contrat par lequel une personne publique confie à un partenaire privé, personne morale de droit privé, pour une période déterminée, en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrage, d'équipement ou de biens immatériels nécessaires au service public dont l'autorité contractante a la charge, ainsi que tout ou partie de leur financement ».

Les contrats de Partenariat Public-Privé ont donc un caractère innovant ici également. Mais vu leur particularité, on pourrait qualifier les PPP comme « les contrats les plus importants de par leur importance économique et financière et leur poids dans les politiques publiques15 ».

De cette multitude de définitions, on peut retenir que le Partenariat Public-Privé (PPP) est une forme de contractualisation fondée sur des techniques de financement et/ou de gestion des projets publics spécifiques convenues avec le secteur privé sur un partage optimisé des risques. La présente étude met particulièrement l'accent sur l'exploitation, la maintenance, le renouvellement et l'extension des AEV dans la perspective de leur gestion durable. Jusque-là, l'Etat est représenté par les communes et le partenaire privé est le fermier, une PME qui se débrouille pour assurer la gestion des infrastructures avec ses moyens de bord. Alors qu'aujourd'hui, la vision du gouvernement est de réaliser les ouvrages avec l'aide de ses Partenaires Techniques et Financiers (PTF) avant de confier la gestion à un professionnel. Tout étant dynamique, il pourrait évoluer avec le temps vers un PPP où le Partenaire Privé se chargera directement du financement ou de la recherche du financement.

15 AKEREKORO H., Droit administratif des biens. Nouvelles orientations béninoises, Cotonou, Les Éditions de la Miséricorde, 2017, p. 91.

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On retiendra dans le cadre de la présente étude qu'une Adduction d'Eau Villageoise (AEV) est un dispositif de fourniture d'eau potable parfois muni d'une station de traitement, généralement constitué d'un forage équipé d'un système de pompage motorisé avec une source d'énergie thermique, électrique, solaire ou mixte, relié à un réservoir de stockage qui envoie l'eau vers un réseau de distribution, les abonnés ou la population de la zone de couverture.

Ab initio, l'historique du sujet nous renvoie à la période d'avant la décentralisation, avant 1999, où le système de gestion des AEV fut régi par le décret n° 96- 317 du 2 août 1996, portant mode de constitution, d'organisation et de fonctionnement des Associations des Usagers de l'Eau (AUE). Ce décret stipule que la Direction Générale de l'Hydraulique est le maître d'ouvrage. Elle élabore avec les Associations des Usagers de l'Eau une convention de cession et d'exploitation des équipements des systèmes d'eau potable. A l'exception de l'ouvrage de captage qui reste la propriété de l'Etat, le reste de l'infrastructure devient, à la signature de la convention, « propriété » de l'AUE. Force est de constater que ces AUE, dont le fonctionnement est basé sur le bénévolat, n'ont pas pu, dans la plupart des cas, assurer cette grande responsabilité à elles confiée par l'Etat.

A l'avènement de la décentralisation, 1999, on se retrouve dans une phase transitoire où la gestion communautaire ayant montré ses limites, se substituait progressivement par une gestion mixte qu'on pourrait qualifier de « communautaro-professionnelle16 ». La situation s'était vite muée en un conflit d'intérêt. D'un côté, il y avait les AUE qui se sont « suffisamment sucrées » avec la gestion communautaire, donc elles étaient réfractaires au changement de mode de gestion, de l'autre côté, il y avait les élus communaux qui voulaient jouer le rôle que leur confère désormais la loi en prenant le contrôle de la gestion. En effet, la loi n° 97-029 du 15 janvier 1999, portant organisation des communes en République du Bénin, stipule en son article 93 que « la commune a la charge de la fourniture et de la distribution d'eau potable ». C'est dans cette dissension entre les élus et leurs administrés que l'Etat, accompagné de ses Partenaires Techniques et Financiers, ne pouvant pas laisser la situation perdurer est donc intervenu pour les aider à juguler la crise17. Ainsi en 2006, il y a eu l'atelier national18 de réflexion sur le système de gestion des AEV, réunissant les communes, les opérateurs privés, les représentants

16 On essayait de trouver l'équilibre en conciliant au cas par cas la gestion communautaire et un balbutiement de gestion professionnelle qui peinaient à prendre. Puisque c'étaient les mêmes acteurs qui changeaient de veste

17 La plupart des ouvrages étaient déjà tombés en panne faute d'entretien périodique et de suivi de la gestion financière.

18 WSP, Bénin-Partenariats Public-Privé novateurs au service de la durabilité de l'approvisionnement en eau potable en milieu rural-Étude de cas, op. cit., p 10.

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des usagers de l'eau et la DG-Eau où les différents scénarii de gestions susceptibles de mieux garantir la pérennité des réseaux d'AEV ont été proposés et quatre19 options de gestion ont été retenues et adoptées. C'est dans le souci de respecter ces dispositions légales en vigueur au Bénin que toutes les propositions placent la commune au centre de la gestion des ouvrages. Tous ces modes de gestion ont été expérimentés par les communes avec toutes les difficultés y afférentes. Finalement, après toutes ces périodes transitoires, c'est la délégation par la commune de la gestion des AEV à un fermier pour une gestion durable des AEV, objet de la présente réflexion qui s'est généralisée. L'épopée continue, parce que cette gestion non plus n'a pas encore donné satisfaction. C'est ce qui justifie une nouvelle fois l'intervention de l'Etat central pour apporter son assistance.

La gestion durable des AEV commence déjà par les étapes de passation de marché, le respect des règles de l'art lors de la construction jusqu'à la mise en place d'un système d'exploitation pour une gestion durable. La problématique de la gestion durable des AEV se pose dans bon nombre de pays en Afrique au sud du Sahara. Mais notre étude se limitera au cas du Bénin à cause de nos moyens limités et des difficultés que rencontrent les populations du milieu rural qui n'ont autre solution que d'espérer l'appui de l'Etat. Mais en consentant à caller l'étude dans une période20 précise, qui pourrait être encore singulièrement élargi, nous voulons éviter le risque de « trop embrasser pour mal étreindre ». La gestion des infrastructures d'AEP par un prestataire professionnel est courante en hydraulique urbaine, cette approche a été introduite en hydraulique rurale au début des années 200021 comme alternative à la gestion communautaire qui a montré ses limites. Outre les AEV, il y a d'autres ouvrages d'AEP. Le sujet s'intéressera exclusivement aux AEV parce qu'elles représentent le système le plus dense en hydraulique rurale et sont appelées à juste titre ouvrages complexes22. Si l'on parvient à maitriser leur gestion, alors on réussira aisément la gestion des autres ouvrages de moindre envergure, dits simples. Cette étude est circonscrite dans le milieu rural du Bénin, car les AEV sont réalisées

19 Les quatre options de gestion proposées sont : Option 1: Délégation par la commune de la gestion des AEV à un fermier ; Option 2: Contrat tripartite commune, (AUE) et fermier ; Option 3: Délégation par la commune de la production à un fermier et de la distribution à une AUE ; Option 4: Délégation par la commune de la gestion des AEV à une AUE.

20 Nous précisons qu'il s'agit prioritairement du Bénin à partir de 1999 avec l'avènement des lois sur la décentralisation

21 WSP, Délégation de gestion du service d'eau en milieu rural et semi urbain, 2010, p.3,

22 Ouvrages complexes : terme technique par lequel, les AEV sont désignées dans le guide à l'usage des communes, Intermédiation spécifique aux AEV, 2008

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en milieu rural et à la limite semi-urbain. Quant au milieu urbain, il est géré par la société d'Etat SONEB23 en charge de l'AEP dans les villes.

L'actualité du sujet s'apprécie dans la volonté du gouvernement Béninois de prioriser la réalisation des AEV à travers son programme d'action. En effet, le 22 mars 2018, à l'occasion de la Journée Mondiale de l'Eau, le Ministre béninois en charge de l'eau a rassuré l'opinion nationale que l'accès à l'eau potable est une préoccupation du gouvernement en précisant que 2 060 000 personnes supplémentaires seront desservies d'ici mars 201924. Cette promesse est encore en cours de mise en oeuvre en ce moment avec toutes les difficultés y afférentes. Encore plus récent, c'est l'Etat même qui est venu à la rescousse des communes avec un vaste programme d'accès universel à l'eau potable d'ici 202125 par le canal d'une convention cadre de partenariat Etat-Commune26. L'actualité du sujet s'apprécie ainsi dans cette évolution innovante introduite par l'Etat dans la gestion des AEV

L'eau est une denrée indispensable, un bien de consommation et un facteur de production. Elle abrite ainsi toutes les caractéristiques des biens économiques. Par conséquent, l'eau est un bien économique comme il est reconnu à la conférence internationale sur l'eau et l'environnement tenue à Dublin en 1992 sous le quatrième principe: « l'eau utilisée à de multiples fins, a une valeur économique et devrait donc être reconnue comme bien économique. En vertu de ce principe, il est primordial de reconnaître le droit fondamental de l'homme à une eau salubre et à une hygiène adéquate pour un prix abordable. La valeur économique de l'eau a été longtemps méconnue, ce qui a conduit à gaspiller la ressource et à l'exploiter au mépris de l'environnement. Considérer l'eau comme un bien économique et la gérer en conséquence, c'est ouvrir la voie à une utilisation efficace et équitable de cette ressource, à sa préservation et à sa protection27 ».

23 SONEB : Société Nationale des Eau du Bénin, chargée de la production et de la distribution de l'eau potable en milieu urbain.

24 Message du ministre de l'Eau et des Mines à l'occasion de la Journée mondiale de l'Eau le 22 mars 2018, disponible sur : www.lanationbenin.info, consulté le 25/09/2018 à 10h19mn

25 45 projets phares du PAG (Programme d'Actions du Gouvernement 2016-2021), disponible sur : www.presidence.bj/benin-revele, consulté le 21/01/2019 à 10h22mn

26 Dans la forme juridique requise, l'Etat représenté par le Ministre en charge de l'eau a signé avec chaque commune représentée par son Maire, une convention dénommée « Convention cadre de partenariat Etat-Commune » pour l'accompagner à atteindre avec célérité les objectifs de développement fixés ; (exemplaire de la convention signée en annexe2)

27The Dublin Statement, 1992. Texte original: « Principle 4: Water has an economic value in all its competing uses and should be recognized as an economic good. Within this principle, it is vital to recognize first the basic right of all human beings to have access to clean water and sanitation at an affordable price. Past failure to recognize the economic value of water has led to wasteful and environmentally damaging uses of the resource. Managing

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La bonne gestion de l'infrastructure déclenche l'intérêt social et politique car l'ouvrage bien entretenu ne tombe pas souvent en panne et la population est paisible avec un accès continu et permanant à la ressource pour ses différents besoins. Ainsi, elle n'est pas perturbée dans la gestion de ses activités génératrices de revenu et ne souffre pas des maladies liées au manque d'eau potable. Les autorités à divers niveaux ont donc le temps de se consacrer à d'autres projets de développement, puisque la politique c'est la gestion de la cité.

La motivation principale qui sous-tend cette étude sur la gestion durable des AEV est la difficulté d'accès à l'eau potable. En effet, un milliard quatre cent millions environ d'êtres humains dans le monde, n'avaient toujours pas accès en 2003 à l'eau potable et parmi eux, 450 millions se situaient en Afrique28. Alors qu'environ 85% de la population urbaine en Afrique a de l'eau potable, 55% de la population rurale n'y a toujours pas accès29. Les effets néfastes des difficultés d'accès à l'eau potable sur la santé et l'hygiène, constituent aussi un facteur prépondérant dans le cercle vicieux de la pauvreté. Dans de nombreuses régions des pays en développement, la charge d'aller chercher de l'eau revient en effet aux femmes et aux enfants, qui doivent souvent parcourir de longues distances, leur laissant alors moins de temps pour des activités génératrices de revenu chez les femmes et l'éducation chez les enfants. Cette réalité est le quotidien des milieux ruraux du Bénin. Les distances à parcourir peuvent se réduire s'il y a plus d'infrastructures réalisées à proximité des concessions30. Depuis 1960, un peu plus de 600 AEV ont été réalisées au Bénin. Pour soulager la peine des populations qui affrontent de longues distances à la recherche de l'eau, le gouvernement du Bénin ambitionne d'en réaliser 166 pour la période 2018-2019, soit approximativement le tiers de ce qui a été réalisé en 58 ans d'indépendance.31 Il serait donc utile voire impérieux en tant que praticien des marchés publics et acteur du secteur de l'eau d'avoir une vision rétrospective sur ce qui n'avait pas marché dans les gestions antérieures et de réfléchir sur un mécanisme de gestion durable des AEV afin d'en faire vraiment une gestion professionnelle. Le gouvernement conformément à son PAG32 a mis en place l'Agence Nationale d'Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Rural (ANAEPMR). Compte tenu de la sensibilité du secteur, de l'urgence et des défis à relever, elle

water as an economic good is an important way of achieving efficient and equitable use, and of encouraging conservation and protection of water resources »

28 GAUTIER A.-M., « De l'eau pour tous », Amis de la Mission, 2004, n°4, p. 3.

29 « Eau potable », Enterprise Works World Wide (2003), disponible sur: www.enterpriseworks.org

30 COCKER F., VODOUNOU J.-B. et YABI J., « Determinants of the volumes of drinking water used in rural area in the lower valley of Oueme in Benin », inédit, 8-9.

31 « Le défi de l'eau potable par le Gouvernement du Président Patrice Talon sous la loupe du Président du FRD », disponible sur : https://visages-du-benin.com, consulté le 21/01/2019 à 10h22mn

32 PAG : Programme d'Action du Gouvernement 2016-2021 (Bénin)

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a été directement rattachée à la Présidence de la République. Il est prévu la réalisation de grands systèmes de fourniture d'eau potable (production, distribution et gestion). Étant cadre de la Direction Générale de l'Eau (DGEau) qui apporte son assistance technique à cette agence pour l'aider à mieux accomplir sa mission, nous avons jugé opportun d'étudier la gestion durable des AEV au Bénin. Cela nous permettra d'assister notre Etat et les collectivités territoriales dans l'exécution des projets de développement et surtout au moment de mettre en place un système efficace de gestion durable.

Pour aborder le sujet, nous avons adopté une méthode de travail basée sur la recherche documentaire pour mieux nous informer et nous imprégner des travaux existants afin de mieux illustrer l'innovation de notre sujet en nous appuyant sur les expériences acquises pendant environ deux décennies d'activités dans le secteur. Pour analyser les informations théoriques issues de la documentation en lien avec la réalité du terrain, nous avons échangé avec les acteurs de la gestion actuelle et quelques représentants des usagers constitués en Association des Consommateurs d'Eau Potable (ACEP) afin qu'ils s'expriment sur la nouvelle vision prônée par l'Etat. Compte tenu de nos ressources financières très limitées, les réalités sur ce sujet étant les mêmes d'une commune à l'autre, nous avons retenu par choix aléatoire une commune de proximité, Akpro-Missérété, pour les échanges en vue de comparer les tendances à l'information théorique précédemment obtenue dans la documentation et par la connaissance du secteur.

L'Etat face au défi de l'accès universel à l'eau potable en milieu rural d'ici 2021, a fait valider un plan national de développement du sous-secteur AEP en milieu rural préparé à partir d'un état des lieux actualisé à fin juin 2017 de la couverture des territoires des communes en ouvrages d'Approvisionnement en Eau Potable. Le gouvernement a donc convaincu par ses idées les communes qui, de façon volontaire ont adhérées à une convention cadre de partenariat Etat-Commune en abandonnant une partie de leurs prérogatives compte tenue de la complexité du sujet tout en participant aux prises de décisions importantes concernant leur territoire. Dans la forme juridique requise, l'Etat représenté par le Ministre en charge de l'eau a signé avec chaque commune représentée par son Maire, une convention dénommée « Convention cadre de partenariat Etat-Commune » pour l'accompagner à atteindre avec célérité les objectifs de développement fixés, (un exemplaire de cette convention signée est en annexe 2 du présent mémoire).

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En effet, dans le respect de l'article 153 de la Constitution béninoise, de l'article 86 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin et de la loi 2001-07 du 9 mai 2001 portant maîtrise d'ouvrage public en République du Bénin, le gouvernement et les soixante-quatorze (74)33 communes autres que les trois (3) à statut particulier ont d'accord partie signé une convention cadre de partenariat pour la réalisation et la gestion des ouvrages d'AEP. Mais cette fois-ci la gestion a évolué de l'affermage communal régie par les principes de délégation de service public à un Partenariat Public-Privé nouvelle version sous le contrôle de l'Etat. Donc, en plus de l'exploitation et la maintenance, les volets extension et renouvellement des équipements s'ajoutent. Le choix du gouvernement avec ses conséquences juridiques est-il une évolution positive à cent pour cent ? Au regard de cette nouvelle orientation et sachant que les procédures dans le cas des PPP sont complexes, le cadre institutionnel pour cette innovation est-il vraiment déjà opérationnel ? Le système risque d'être bloqué à un moment donné si les préalables ne sont pas faits pour éviter de « mettre la charrue avant les boeufs ». L'eau étant une ressource indispensable à la vie, la question est de savoir comment faut-il gérer les AEV pour garantir l'accès durable à l'eau potable. N'est-il pas idéal d'adopter un mode de gestion plus performant intégrant le caractère social du service de l'eau pour garantir l'accès durable à tous ? Le recours au Partenariat Public-Privé est-il un atout pour bénéficier de l'expertise du partenaire privé et de l'extension des ouvrages ?

Comme le mentionne très bien Luc Albarello34, le « chercheur en sciences humaines ne part jamais vers n'importe quel terrain, pour observer n'importe quoi. Même si le champ est mal connu, même si l'objectif de la recherche n'est guère précis, le chercheur a toujours bien sa `petite idée derrière la tête'. Et cette petite idée, s'il prenait le temps de la faire émerger, de l'expliciter, de la structurer davantage est bien souvent... une hypothèse » C'est cette petite idée qui est formulée dans l'hypothèse de l'étude. Il y a une évolution positive dans la nouvelle orientation de l'Etat par rapport au résultat peu reluisant de la gestion communale. Le développement du plan suivant permettra de confirmer ou d'infirmer cette hypothèse découlant de notre cadre théorique.

Dès lors, la gestion actuelle peut être analysée comme (1ère Partie) une gestion conditionnée, mais aussi en toute connaissance de cause elle peut être analysée comme (2ème Partie) une gestion perfectible.

33 Bordereau de transmission des Conventions cadre de partenariat Etat-Commune par le Ministre en charge de l'eau au Directeur de l'ANAEPMR, 5 juin 2018, en annexe 3

34 ALBARELLO L. Méthodes en sciences humaines, 4e éd., De Boeck Supérieur, Bruxelles, 2012, p. 41.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault