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La transaction en matière pénale.


par Constant TABOULACK FOKOU
Université de Yaoundé II-SOA - Diplôme d’Etudes Approfondies en droit pénal 2005
  

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CHAPITRE I. LE RECOURS A UNE PROCEDURE SPECIALE

L'une des raisons fondamentales pour lesquelles la doctrine s'est toujours opposée à la transaction pénale est que celle-ci ne respecterait pas les principes directeurs de la procédure pénale. En réalité le droit pénal et, plus particulièrement l'action publique, a pour but d'infliger une sanction à l'auteur d'une violation de la norme sociale. Or, l'exercice de cette action relève de l'ordre public qui est incompatible avec la transaction.

Mais l'évolution contemporaine du droit pénal, qui ne se pose plus simplement en terme de sanction du coupable des violations des règles de droit positif, propre à sauvegarder la loi, a rendu plus vaste la fonction de la justice et de ses organes14. L'idée d'un traitement social de la délinquance en amont, entre des poursuites longues et coûteuses et l'abandon pur et simple n'a cessé de faire du chemin, malgré de multiples débats et oppositions. Le droit d'inspiration romano-germanique a semblé finalement marquer son adhésion à cette idée en France, à travers le vote de la « loi Perben II » portant adaptation de la justice à l'évolution de la criminalité. Cette loi s'est fortement inspirée de la procédure anglo-saxonne du « plea-bargaining » pour instituer la « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité »,une sorte de transaction entre le délinquant et le ministère public. Mais il faut dire que cette loi n'est qu'un aboutissement car ici, la pratique avait déjà retenu la composition pénale et la médiation pénale qui s'inscrivent dans le même sillage.

Malgré cette évolution qui tend à se généraliser, le Cameroun semble encore rester à la traîne car même le Code de Procédure Pénale en cours récemment adopté n'admet que très

14 Medjaoui (K.) « L'injonction pénale et la médiation pénale, tableau comparatif critique », R.S. C. IVO 4, 1996, p. 824.

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timidement15 - sinon pas du tout - la transaction. L'admission d'une procédure spéciale de traitement de la délinquance pose en réalité un problème de confrontation et d'équilibre entre plusieurs principes constitutionnels et les principes généraux de droit en matière de procédure pénale. On peut dès lors comprendre pourquoi la doctrine manifeste en la matière une résistance très forte (S1) suivi en cela par le législateur. Pourtant, le code de Procédure Pénale, dans son effort de modernisation, tout en intégrant les nouvelles procédures d'origine anglo-saxonne comme il l'a fait, aurait pu adhérer à cette évolution. Ainsi, il aurait pu insérer dans notre système, qui s'y prête déjà fort bien, 16 la possibilité d'extension de la transaction à toute la matière pénale (S2).

Section 1. LA POSITION CLASSIQUE

Traditionnellement, il est reconnu que l'on ne peut transiger sur les matières qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs. Ce refus ferme connaît cependant un léger tempérament, qui n'altère en rien la rigueur de la règle.

Para. 1. De la non admission...

La règle générale d'interdiction de transiger sur l'action publique semble trouver son fondement dans le souci de respecter les principes de base de la procédure pénale(A).17 Plus que des principes de procédure pénale, il s'agit des principes constitutionnels qui garantissent les droits de la défense(B).

15 Le nouveau c. de pr. pén. admet la transaction uniquement lorsqu'elle est formellement autorisée par la loi. Art. 3. Par ailleurs dans une certaine mesure les amendes forfaitaires en matière de contravention éteignent l'action publique et leur versement facultatif : Art. 613 et 621.

16 L'un des obstacles majeurs à l'entrée dans le droit romano-germanique de la transaction était son caractère inquisitoire essentiellement secret lors de l'enquête de police et n'admettant pas la présence du conseil. Le nouveau code de procédure pénale va un peu plus loin dans le sens ou le système devient un peu plus accusatoire.

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A- La transaction serait contraire aux principes de base de la procédure

pénale

On retrouve dans les rangs des opposants à la transaction, non seulement la doctrine, mais aussi des praticiens du droit tels que les avocats. Même si les uns et les autres ne partagent pas cette idée pour des raisons parfois diverses, il n'en demeure pas moins que leurs points de vue s'accordent sur un certain nombre de points.

1 - L'égalité de traitement

Pour la doctrine classique, la transaction est contraire au principe de l'égalité de traitement des délinquants et l'impartialité qui devrait présider à l'exercice des poursuites n'est pas garantie. En effet, le risque de favoritisme et/ou de discrimination serait évident puisque, le parquet qui avait déjà le choix de poursuivre le délinquant ou de classer l'affaire pour des raisons d'opportunité, aurait désormais la possibilité d'obtenir une sanction sans l'épreuve de l'audience publique que certaines catégories professionnelles ou sociales redoutent fortement. C'est en tout cas le point de vue de JACQUES HEDERER.17

2.- La non séparation des autorités de poursuite et de jugement

On reproche aussi à la transaction de ne pas respecter le principe de la séparation des autorités de poursuites et de jugement. Corollaire du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs cher à Montesquieu, ce principe est sacré et ne devrait souffrir d'aucune ambiguïté. De fait, c'est au parquet qu'il appartient de proposer la mesure transactionnelle ; ce exerçant ainsi la liberté qui lui est reconnue, à travers l'opportunité des poursuites, de poursuivre ou de ne pas poursuivre. Comme le remarque ROBERT CARIO, « les choix décisionnels que le parquet formule dépassent très nettement le champ de ses

17 Cario, (R.), « Potentialités et ambiguïtés de la médiation pénale, Entre Athéna et Thémis », in La médiation pénale. Entre répression et réparation, sous la direction de Robert Cario, l'Harmattan, 1999, p. 25.

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compétences ».18 Pour trancher des suites à donner à la procédure poursuit-il, « il exerce des pouvoirs juridictionnels incontestables »19 dès lors qu'il peut choisir les solutions à proposer aux parties. Il devient dans une certaine mesure « juge de l'indemnisation des petits délits »20. Depuis l'ordonnance N° 72/4 du 26 août 1972 portant organisation de la justice, les fonctions d'instruction et de poursuites sont cumulées par le parquet. La jurisprudence corrobore cette consécration. La Cour Suprême affirme dans un arrêt que « Le parquet dans l'exercice des fonctions d'information judiciaire, constitue une juridiction comme en constituait le juge d'instruction dont les attributions ont été transférées au parquet »21. Si le parquet ou du moins le juge d'instruction est considéré comme une juridiction, la question se pose de savoir s'il peut bénéficier de l'intime conviction qui lui permettrait de se prononcer en toute liberté.

En effet,le rôle du juge d'instruction lui donne la possibilité d'apprécier les charges réunies contre le suspect à la suite de son information. Or une telle appréciation ne peut se faire que s'il lui est reconnu une intime conviction22. Même s'il est difficile de reconduire cette jurisprudence avec les dispositions du nouveau code de procédure pénale, il n'en demeure pas moins que l'on ne peut, pour l'instant, reprocher au parquet de statuer comme juridiction. Déjà ce code adopté n'entrera en vigueur qu'un an après son adoption. Bien plus, il donne au procureur de la république la possibilité de se prononcer sur l'instruction avant que le magistrat instructeur ne prenne une ordonnance quant à la suite à réserver à la poursuite. Dans un tel contexte peut-on reprocher au ministère public d'outre passer ses compétences lorsqu'il propose une transaction ? D'autre part, sa position de protecteur des intérêts de la société ne lui confère-t-elle pas cette latitude de mieux apprécier ces intérêts et

18 Cario (R.) op. cit, p. 25

19 Ibid,

20 Ibid.

21 Arrêt N° 119 du 8 février 1979

22 ANOUKAHA (F.) Le magistrat instructeur en procédure pénale camerounaise, thèse doctorat 3ecycle, Yaoundé, 1982 pp.155 - 165

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de mieux les protéger par la prévention à travers la transaction qui se présente comme un moyen efficace de prévention de la récidive ?

3 - Violation du principe Non bis in idem.

L'hostilité vient également du non-respect du principe « non bis in idem »23. En vertu de ce principe, une même personne ne peut être jugée ou poursuivie à nouveau pour un fait délictueux déjà jugé. Or dans le cadre de la transaction (médiation), le procureur de la république garde la possibilité de déclencher les poursuites dans les délais de la prescription de l'action publique, ce qui est contraire au principe. En plus de violer la règle, il y a le risque que l'échec de la mesure entreprise influence sur la décision qui sera rendue au fond. Tout ceci est contraire à l'idée de procès équitable défendue par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples en son article 7 al 1.

Cependant, on peut se demander si une telle critique est vraiment fondée étant donné que le parquet n'exerce là qu'une prérogative qui lui est reconnue par la loi. Autrement dit, la proposition de transiger ne rentre-t-elle pas dans le cadre de l'opportunité des poursuites, décision administrative qui ne préjudicie en rien les droits de l'inculpé ?

4- Recul de la sanction et impunité à prix d'argent

Les reproches faits à la transaction sont nombreux et variés. Lorsqu'elle fut envisagée en Belgique dans les années 1935, la presse trouvait qu'elle « déconsidérait la justice et consolidait le privilège de l'argent »24. Pour reprendre les propos du Président DE HALLEUX, la transaction est « un recul de la répression » et l'extension de la transaction « l'impunité à prix d'argent ». Pour lui, « La composition en matière pénale, n'a rien d'un progrès et il faut rechercher les origines aux âges des tribus et des vengeances privées ». 25

23 Cario (R.) op. cit. 26.

24 La libre Belgique des 30 décembre1934 et 4 janvier 1935, citée par Bekaert (H.) La manifestation de la vérité dans le procès pénal, Bruxelles, Bruylant, 1972, p., 27.

25 De Halleux, « La transaction introduite dans le droit pénal », Annales, 1939, p. 69 et s.

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Par ailleurs, d'autres juristes ont eu à ce propos des réactions similaires. C'est notamment le cas des avocats en France qui, réagissant à la Loi PERBEN II26, ont estimé que la consécration de la C.R.P.C. portait atteinte à la fonction et à l'existence des avocats. Il est à craindre pensent-ils, que cette mesure ne fasse sombrer le métier ou plus exactement la publicité dont bénéficiait la fonction car sans audience publique suivie de débats intenses, certains avocats ne seront jamais connus et risqueraient de sombrer définitivement. De l'avis de certains, la procédure qu'on a voulu simplifier s'en trouverait plutôt alourdie et compliquée.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci