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Les océans face au réchauffement climatique.


par Pierrick ROGE
Université de Nantes - M2 Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques 2019
  

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Principaux sigles et abréviations


·


·


·

AIFM Autorité internationale des fonds marins (Autorité)

AMP Air marine protégée

CCNUCC Convention-cadre des Nations unies sur les changements

climatiques


·

CCS

Carbon Capture and Storage


·

CDB

Convention sur la diversité biologique


·

CIJ

Cour internationale de justice


·

CNUDM

Convention des Nations unies sur le droit de la mer


·

CO2

Dioxyde de carbone


·

COP

Conférence des Parties


·

CSA

Norwegian Continental Shelf Act


·

GES

Gaz à effet de serre


·

GIEC

Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (IPCC)


·

IUCN

Union internationale pour la conservation de la nature


·

OMI

Organisation maritime internationale


·

ONG

Organisation non-gouvernementale


·

ORGP

Organisation régionale de gestion de la pêche


·

OSPAR

Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est


·

TIDM

Tribunal international du droit de la mer


·

UE

Union européenne


·

ZEE

Zone économique exclusive


·

Zone

Zone internationale des fonds marins

10

11

« We cannot solve a crisis without treating it as a crisis. If solutions within the system are
impossible to find, then we should change the system itsefl
» GRETA THUNBERG

Introduction

La fin de l'année 2018 et le début de l'année 2019 ont été ponctués d'une actualité plutôt brûlante sur le réchauffement climatique notamment médiatisé au travers des marches pour le climat. Ces manifestations se sont réalisées partout dans le monde et démontrent qu'à l'instar du problème posé, les volontés de ralentir, voire d'arrêter le processus, sont également mondiales. La question pourrait se poser de savoir quel est l'intérêt de réguler ces changements majeurs à l'aube du XXIe siècle.

La réponse se trouve à travers le prisme des différentes sciences qui alertent des conséquences d'ores et déjà arrivées, en cours et évidemment futures. Le cadre ainsi défini se dénomme Anthropocène et ce dernier est donc une période géologique déterminée dans le temps pour indiquer le moment où les activités humaines ont commencé à impacter globalement l'écosystème planétaire. Cette période est ainsi définie comme débutant en 1784, qui se trouve être la date du dépôt du brevet de la machine à vapeur. Cette datation a été établie par le météorologue Paul Josef Crutzen dans un article de décembre 20071. Il est important d'établir cette période car elle a été une base scientifique de référence extrêmement importante pour les organismes comme le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)2 ou encore l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN)3 qui est une organisation internationale à l'instar de Greenpeace mais qui a la particularité d'accueillir des États en son sein.

En effet depuis que l'Homme a débuté ses activités industrielles de nombreux changements sont intervenus sur la planète. Les changements les plus marquants sont évidemment les plus visibles dans un premier temps. Parmi ceux là il est possible d'évoquer la fonte des glaces, que celles-ci proviennent de l'Arctique, de l'Antarctique, ou encore celles issues des nombreux glaciers situés dans diverses montagnes. Par exemple, le rythme de la

1WILL STEPHEN, P. J. CRUTZEN, JOHN MC NEILL, « The Anthropocene : Are Humans now Overwhelming the Great Forces of Nature? », Ambio, n° 36, décembre 2007, p. 614-621

2IPCC en anglais : https://www.ipcc.ch/ 3IUCN en anglais : https://www.iucn.org/

12

fonte des glaces en Arctique n'a jamais été aussi rapide et il aura suffit moins de vingt ans pour que ce territoire perde 1,6 millions de km2 de glace4. La première conséquence évidente de ces fontes est la montée des eaux. En effet, la montée des eaux est une catastrophes tant sur le plan environnemental que sur le plan humain. Il a été constaté que le niveau de l'océan avait augmenté de presque vingt centimètres depuis le début du XXe siècle. Les différents rapports établissent que durant le siècle prochain cette augmentation pourrait atteindre 90 centimètres à 1,60 mètres, ce qui engendrerait des déplacements de populations colossales et ferait de ces personnes des réfugiés climatiques dont le statut non reconnu amène son lot de questions juridiques. La seconde conséquence est un bouleversement des courants comme le Gulf Stream ou le courant Est-Australien qui participent aujourd'hui à réguler le climat et qui offrent des zones de reproduction à certaines espèces constituant des ressources halieutiques.

L'autre changement palpable est une augmentation de la température globale de la planète. Ce constat a été justement fait à partir de la période pré-industrielle afin de déterminer un état d'origine et une base à laquelle se référer. Il indique qu'à l'heure actuelle la température a sensiblement augmenté de 1°C. A priori cela peut paraître relativement peu mais suffit à engendrer une évaporation plus importante des eaux de la mer et ainsi générer des cyclones et des tempêtes à la fois plus fortes et plus régulières. La dernière en date qui a vraiment marqué les esprits est le cyclone Idai qui a eu lieu du 4 mars au 21 mars 2019 et qui fait état de presque mille morts et d'importants dégâts matériels. D'après Johan Rockström nous sommes bel est bien sortis « d'un espace de fonctionnement sécurisé 5 » de la planète.

Il s'agit de la thématique abordée par le GIEC dans son rapport spécial approuvé lors de la 48e réunion du GIEC à Incheon (Corée du Sud) le 6 octobre 2018. Le GIEC ou Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a été créé de manière conjointe par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l'environnement en 1988 avec pour principale mission d'apporter une aide aux décisions politiques tant au niveau international que national.

4JULIA PEREZ, « Etat des lieux de la fonte des glaces » dans le cadre de l'Organisation mondiale pour la protection : https://www.ompe.org/etat-des-lieux-de-la-fonte-des-glaces/

5JOHAN ROCKSTRÖM ET AL., »A safe operating space for humanity », Nature, Vol 461/24, September 2009, p. 473.

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Ce rapport6 se divise en quatre parties dont la première s'attarde à détailler les causes et le fonctionnement même du réchauffement climatique afin de poser une base aux explications scientifiques qui suivront. Il y est notamment spécifié que le réchauffement actuel pourrait entrer dans une phase hypothétique où les émissions de dioxyde de carbone seraient amenées à zéro, le réchauffement se poursuivrait automatiquement à cause d'un dérèglement global. Il y est expliqué qu'une limitation de l'augmentation à 1,5°C par rapport à la période préindustrielle permettrait de limiter grandement les dégâts, même si certains d'entre eux sont d'ores et déjà bien avancés7. Les conséquences qui s'en suivraient seraient une augmentation des météorologies extrêmes en certains endroits de la planète, passant ainsi de nombreuses précipitations à des sécheresses totales. Ces conditions vont nécessairement avoir des conséquences sur les activités humaines que celles-ci soient dans les infrastructures, l'agriculture ou l'exploitation de certaines ressources. Une des plus tragiques conséquences serait la destruction permanente de certains habitats et refuges pour la biodiversité et les écosystèmes. L'exemple a donner est celui de l'absorption par l'océan du dioxyde de carbone amenant ce dernier au phénomène d'acidification, limitant ainsi grandement la reproduction du plancton et de certaines espèces halieutiques. Ainsi comme le rapport le précise : « A high rate of global warming reduces the chances that species can adapt, as they do not have enough time for adaptation », affirmant donc la volonté de ralentir ce processus.

Dans la deuxième partie du rapport le GIEC opère une comparaison des conséquences possibles entre une augmentation de la température globale limitée à 1,5°C et 2°C. Il ne fait aucun doute que la différence est importante. Par exemple, les pays en bordure de la Méditerranée ainsi que les pays Africains vont voir trois fois plus de vagues de chaleur qu'aujourd'hui dans l'hypothèse d'une limitation à 1,5°C. Les changements majeurs dans les écosystèmes ont 50% de risques en plus d'avoir des difficultés d'adaptation et donc de disparaître. C'est une importante quantité de solutions de recherches scientifiques pouvant améliorer le quotidien de l'être humain qui serait alors perdue. Cette affirmation s'opère tant pour les forêts que les océans dont le rôle est probablement le plus important. Malheureusement ce dernier n'est pas le plus appréhendé par le droit du climat comme il sera vu8. Pourtant l'océan est un important puits de carbone puisqu'il détient une capacité bien supérieure à celle de l'atmosphère pour aborder le carbone. Il est question d'une augmentation

6GIEC, Rapport Spécial sur une augmentation de la température de 1,5°, 6 octobre 2018.

7Comme la disparition de 70% à 90% des récifs coralliens d'ici 2050 dans l'hypothèse d'une augmentation limitée à 1,5°.

8Infra Partie 1

14

d'environ 50%. Cette capacité n'est alors pas sans conséquence dans un environnement naturellement systémique. En effet, le CO2 absorbé par les océans entraine une acidification de ces derniers. Cette acidification a pour effet d'appauvrir considérablement la capacité des espèces halieutiques ou biologiques à se développer et se reproduire. À terme, c'est la disparition de beaucoup d'espèces qui pourra être constatée dans le cadre de l'Anthropocène et de la sixième extinction de masse que l'Homme a ainsi déclenchée.

Cette comparaison est nécessaire car elle permet d'analyser et de mesurer les impacts à différents niveaux de notre civilisation, comme l'affirme le GIEC en précisant : « In combination, the greater physical changes at warming of 2°C as opposed to 1.5°C lead to greater risks to livelihoods, food and water security, human health and security, and economic growth.», marquant ainsi la dépendance de l'être humain dans ces ressources halieutiques et biologiques qui contribuent à la fois à la santé et à l'alimentation de ces derniers.

La suite logique de l'analyse de ce rapport, et celle qui méritera l'un des plus grands intérêts d'un point de vue juridique, est l'établissement de solutions pour atteindre l'objectif urgent de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. La question que pose cette partie du rapport est la suivante : « How can the warming be limited to 1,5°C ?», et pour cela il faut comprendre que le réchauffement qui est actuellement constaté est la conséquence directe des émissions de CO2 relâché dans l'atmosphère. Ainsi, le GIEC n'hésite pas à citer les Accords internationaux sur le climat pour préciser que l'objectif de notre temps n'est pas de retrouver les températures existantes à l'ère pré-industrielle mais bel et bien d'arrêter toute progression de ce réchauffement. Cette vision des choses, bien que déjà ambitieuse est peut-être regrettable quand on sait que l'environnement prévoit dans certains cas une remise en état des milieux dégradés. Il serait envisageable bien que cela soit extrêmement amphigourique, d'envisager de tels résultats afin d'établir des plans d'action beaucoup plus rapides. Cela n'évite pas le fait que, même si les émissions étaient nulles, la désintégration du CO2 serait si lente que ce qui a été émis juste qu'alors aura tout de même des impacts sur des centaines voire des milliers d'années. La solution apportée par le GIEC est donc la suivante :

« We need to effectively stop releasing CO2 into the atmosphere. There are two ways we can achieve this. We can actually reduce our emissions to zero ; or we can effectively do so by substantially reducing them and then offsetting remaining emissions by using technology and/or biological means to remove CO2 from the

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atmosphere - with the overall effect being as though we were not emitting CO2 at all. »

Il est donc nécessaire soit d'atteindre un objectif d'émission nulle, soit de les réduire majoritairement, et de les coupler d'une part avec l'utilisation de biotechnologies (pouvant faire une référence directe à la fertilisation des océans), et d'autre part à la géo-ingénierie (à l'instar du captage et de l'enfouissement du CO2). Ainsi l'idée principale qui se dégage de cette partie du rapport est que les solutions ne manquent pas et que les objectifs ainsi prescrits sont complètement atteignables bien qu'il faille engager des politiques d'actions très efficaces. Cela ne semble pas être le cas comme le constate directement le GIEC en précisant : « We are not on track to limit warming to 1.5°C; in fact, current emission reduction pledges made by nations in the Paris Agreement would lead to warming of 3-4°C by the end of this century ». Ce constat semble plutôt alarmant et donne une vision complètement inutile de l'Accord de Paris pourtant présenté comme un outil juridique et politique majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Fort heureusement, il est également précisé que : « the Paris Agreement has a mechanism that allows countries to raise their level of ambition for emission reductions over time », affirmant ainsi que la prise de conscience internationale doit passer par des actions nationales on ne peut plus concrètes. Il s'agit là probablement de la raison pour laquelle des procès climatiques se développent au travers du globe9 qui reste le sujet de nombreux questionnements.

Au final, de manière pratique dans un premier temps il convient d'après le GIEC de réduire l'énergie globale, la demande matérielle et de nourriture. Cela permettrait de préciser que dans les développements qui vont suivre il ne sera ainsi pas question de s'attarder sur les moyens juridiques qui permet par exemple de réduire les émissions de gaz à effet de serre se dégageant des navires. Ces outils sont apportés par différentes conventions qui émergent des discussions en provenance de l'OMI10. En effet, un cargo à l'heure actuelle émet autant de CO2 que l'ensemble de 50 000 véhicules routiers. Cette institution a néanmoins un rôle à jouer dans le droit du climat et plus précisément sur les biotechnologies et la géo-ingénierie que le GIEC évoque dans son rapport.

Le -dit rapport se termine sur des objectifs plus généraux démontant l'interrelation entre les dix-sept objectifs posés par les Nations-Unies dont l'objectif 13 intéresse les mesures

9Voir Affaire Urgenda c. Pays-Bas : Cour de district de La Haye, 24 juin 2015 Fondation Urgenda contre Pays-Bas et Cour d'appel de La Haye, 8 octobre 2018, affirmant la décision de la Cour de district.

10Organisation maritime internationale

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relatives à la lutte contre les changements climatiques. Cet objectif a été intégré lors de la Conférence de Rio en 1992, d'où provient la Convention sur le climat qui est à l'heure actuelle un instrument juridique majeur dans la lutte contre les changements climatiques, et qui s'imbrique avec les deux autres conventions que sont la Convention sur la diversité biologique et la Convention pour combattre la désertification. Ces points amènent donc logiquement à évoquer la saisie des objectifs scientifiques par le droit.

Toutefois l'intérêt pour l'environnement n'est pas né en 2018. Cette notion est née dans les années 1970 et la définition traditionnelle est invoquée comme étant « l'ensemble des éléments naturels ou artificiels qui conditionne la vie de l'homme sur terre » qui provient du Larousse de 1972. Il faut d'ores et déjà comprendre deux choses via cette définition. La première est que la vie de l'être humain est intrinsèquement liée à l'environnement dans lequel il vit. Ce dernier se compose de tous les éléments de base nécessaires à sa vie comme l'eau, la nourriture et l'air. La seconde est que la définition est anthropocentrée, ce qui signifie que la vie ou la survie de l'être humain est la principale raison pour laquelle l'environnement devrait être protégé. Il ne fait donc aucun doute à la suite de celle-ci que le droit adoptera une vision également anthropocentrée de l'environnement.

Saisi par le droit dès la conférence de Stockholm en 1972, l'environnement n'a eu de cesse de voir apparaître de nouvelles conventions internationales afin d'effectuer des protections de manière sectorielle. Dans cette dernière fût conclue une déclaration, où l'environnement a été défini au principe 2 qui dispose que : « Les ressources naturelles du globe, y compris l'air, l'eau, la terre, la flore et la faune, et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels, doivent être préservés dans l'intérêt des générations présentes et à venir par une planification ou une gestion attention que le besoin ». Dans cette définition il est possible de remarquer qu'il est fait mention de l'ensemble des ressources et qu'il y est incorporé l'air et l'eau, la flore et la faune qui sont justement les premiers « objets »11 à être affectés par les émissions de CO2.

Comme préalablement annoncé, la Déclaration de Stockholm et l'article 4 vinrent annoncer un droit de l'environnement envisagé sous l'égide du développement économique en précisant que : « La conservation de la nature, notamment de la flore et de la faune sauvages, doit donc tenir une place importante dans la planification pour le développement

11Infra Partie 1, Chapitre 2, Section 2.

17

économique ». Cette affirmation peut être critiquable au sein d'un système où la croissance économique est fortement liée à l'endommagement voire à la destruction de l'environnement. Concernant le climat, il est aujourd'hui impossible, bien que cela soit un objectif à moyen terme, de poursuivre une croissance économique sans émettre de CO2. Mais force est de constater que les considérations pour le climat étaient grandement absentes et pour cause, en 1972 les connaissances scientifiques sur le climat n'étaient pas nécessairement très claires et les liens entre les milieux n'étaient pas évidents comme aujourd'hui. Juridiquement, c'est donc une approche sectorielle et par milieux qui s'est progressivement développée. Néanmoins, l'avancée est malgré tout présente et le droit international de l'environnement se trouve être aujourd'hui un ensemble de règles « énoncées et appliquées au sein de la société internationale organisant, au nom de certaines valeurs et à partir de certaines modalités, une protection de l'environnement12.» avec un champ d'application très vaste mettant en avant trois conceptions. Premièrement, toute forme de vie a une valeur intrinsèque13, deuxièmement cette valeur est liée aux êtres humains14. Enfin, en synthèse des deux premières conceptions au travers du prisme du patrimoine mondial, l'environnement doit être préservé pour l'humanité et pour le fait d'exister de manière autonome15.

En effet, les premières théories sur le rapport entre la présence de CO2, dans l'atmosphère et le réchauffement de la planète date du début du XXe siècle. Néanmoins c'est vers les années 1960 que les scientifiques commencent à s'intéresser davantage à la question sans pour autant émettre de certitude sur le rapport et encore moins sur les conséquences à venir. En 1972, le scientifique J.S. Sawyer put prédire d'une manière qui se révéla effectivement juste que les températures allaient augmenter de 0,6°C d'ici l'an 2000. Toutefois ce n'était pas un danger imminent et il fallait nécessairement poursuivre ces recherches. Il était donc normal que l'environnement ne se préoccupe pas encore du climat puisque celui-ci est grandement centré sur le domaine scientifique.

En 1981, les scientifiques climatologues reconnurent qu'il « est possible que les effets du CO2 ne soient pas détectables avant la fin du siècle, mais d'ici là, la concentration de CO2 sera suffisamment importante pour provoquer un réchauffement important. C'est pourquoi il pourrait être nécessaire de prendre des mesures avant même d'avoir des preuves formelles à

12JEAN-MARC LAVIEILLE, HUBERT DELZANGLES, CATHERINE LE BRIS, Droit international de l'environnement, 4e

édition, Ellipses, 2018.

13Charte mondiale de la nature de 1982, Préambule, al.4.

14Déclaration de Rio de 1992

15Convention sur le patrimoine mondial, Paris, 1972,art.2.

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cause du système climatique16 », pourtant l'environnement ne s'est pas saisi du sujet climatique à ce moment où les incertitudes pesaient encore. Nonobstant les doutes, les constats se faisaient de plus en plus nombreux et c'est alors qu'une étude franco-soviétique de 1985 put dégager une carotte ayant la contenance de 150 000 ans de glace. Cette carotte contenait le temps de plusieurs cycles où il fut possible d'observer que la courbe du CO2 suivait la courbe des températures17. Face aux inquiétudes des météorologues, le GIEC fut créée en 1988 et l'environnement fit un pas un peu plus important en avant les années suivantes.

Ce pas a pu se faire grâce à la conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, plus communément appelé le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro ou sommet de Rio. Cette fois, les inquiétudes vont au-delà de la vision de la simple limite des ressources du globe. Le Sommet de Rio de 1992 débouchera sur la réalisation de trois conventions dont les objectifs sont distincts en droit mais dont les liens sont indéniables sur le plan pratique. Ces trois conventions sont les suivantes : la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dont l'importance de l'indépendance est discutable. Ces conventions permettent une grande avancée de l'environnement en dégageant un certain nombre de principes qui vont permettre d'aller plus loin dans la protection de l'environnement. Ainsi s'ajoute au principe de prévention issu de la Déclaration de Stockholm le principe du droit au développement qui interroge sur le mode de développement et les liens qu'il peut émettre avec le climat, mais également le principe des responsabilités communes mais différenciées qui permet d'établir une responsabilité commune à tous les États liés à la CCNUCC (lequel manque probablement d'effectivité comme il sera vu), et enfin le principe de précaution qui permet dans le cadre de l'absence de connaissance certaine d'intervenir et de prendre des mesures. Ce dernier principe semble avoir été pris en considération des nombreux doutes scientifiques des années passées concernant l'influence des émissions de CO2 sur le réchauffement climatique. Le constat à faire est évidemment que ces conventions sont rédigées de manières indépendantes alors qu'il

16BERNER, WERNER, et al. (1980). "Information on the CO2 Cycle from Ice Core Studies." Radiocarbon 22: 22735.

DELMAS, R. J., et al. (1980). "Polar Ice Evidence That Atmospheric CO2 20,000 Yr BP Was 50% of Present." Nature 284: 155-57.

NEFTEL, A., et al. (1982). "Ice Core Sample Measurements Give Atmospheric Content During the Past 40,000 Yr." Nature 295: 220-23. 17 http://23dd.fr/climat/histoire-rechauffement-climatique/102-histoire-de-la-decouverte-du-rechauffement-climatique-leffet-de-serre-et-le-co2-iv

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est évident que le climat s'affiche comme une menace globale. Le droit du climat est ainsi né et de nombreuses évolutions au travers les COP18 permettront de préciser la CCNUCC notamment avec le protocole de Kyoto en date de 1997 qui verra apparaître de nouveaux outils juridiques et économiques de lutte contre le changement climatique. Ces outils seront renforcés avec une efficacité dont la remise en question a été nécessaire durant la COP 21 qui a mené à l'adoption de l'Accord de Paris le 12 décembre 2015 et à sa signature le 22 avril 2016.

Le constat à faire est le suivant ; le droit du climat est une branche de l'environnement mais cette dernière à l'instar des autres est complètement indépendante des autres branches. Pourtant sur le plan scientifique il apparaît que les écosystèmes sont reliés et que la disparition de l'un d'entre eux peut avoir des conséquences sur un autre à l'autre bout de la planète. L'exemple typique est que le réchauffement climatique n'a pas seulement des conséquences sur la température de la Terre mais également sur celle des océans, qui eux-mêmes dévoilent une interrelation certaine. Cette interrelation ne se manifeste pas en droit ou ne semble pas assez avancée pour émettre une protection suffisante. C'est le cas des océans, en effet, les rapports de l'IUCN expliquent à quel point les océans sont reliés entre eux19. Dans un premier temps ce rapport évoque les différents types de relations environnementales entre l'océan et d'autres milieux. Ainsi il est question de « facteurs de stress » comme l'acidification des océans ou la désoxygénation. Une étude de l'IUCN a défini quatre dimensions systémiques de catastrophes. Deux sont directement liées aux changements de l'océan, c'est le cas des changements nocifs et nuisibles (physique et chimie de l'océan), et de l'utilisation humaine inappropriée avec l'interaction des océans.

Deux le sont indirectement et concernent ainsi les politiques ineffectives des océans, de la gouvernance, et l'interaction entre l'océan et les autres systèmes de la terre. Dans un second temps le rapport établit la distinction entre une catastrophe et un risque. D'après ce dernier, un risque est une situation impliquant une exposition à un danger ou une catastrophe. Ce risque est donc défini comme une certaine probabilité. Il en résulte que le risque océanique est une fonction exposée à l'augmentation des catastrophes en provenance du changement de l'océan et dont les impacts résultant de vulnérabilités internes ou externes peuvent être arrêtés, réduits ou adaptés par des actions préventives. Cette définition peut être importante pour les secteurs

18Conference of parties

19D. LAFFOLEY ET J.M. BAXTER, « Ocean connections - An introduction to rising risks from a warming, changing ocean », IUCN.

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privés comme celui des assurances qui devront à l'avenir gérer de nouveaux risques d'une part, et d'autre part les secteurs de la science marine et de la protection de cette dernière.

Si les océans ont une si grande importance dans la régulation du climat, le droit de la mer est-il présent afin d'apporter sa pierre à l'édifice juridique ? Il faut nécessairement évoquer la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) signée le 10 décembre 1982 à Montego Bay mais dont l'entrée en vigueur s'est faite après la Convention sur le climat (en vigueur en mars 1994). Cela donne l'occasion de s'interroger sur la partie XII intitulée « Protection et préservation du milieu marin » qui ne semble pas offrir la moindre relation avec le climat dans une lecture textuelle. La CNUDM est pourtant un texte fondateur. Souvent dénommée « Constitution de la mer », ce texte volontairement général est à l'origine de bien d'autres textes plus précis dont il est possible de citer ceux à l'origine d'une protection de l'environnement marin comme la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, modifiée par les Protocoles de 1978 et de 1997 (MARPOL), ou encore la Convention internationale de 2004 pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires ainsi que la Convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (CLC) pour ne citer que des exemples. Le point commun de ces conventions est la protection contre les dommages envers l'environnement marin. Comme il a été dit l'approche est sectorielle, ainsi ne sont visés que les lieux de survenances du dommage et pour un type de dommage précis. Ces conventions n'appréhendent pas les dommages par ricochets où l'influence qu'aura l'endommagement d'une zone sur une autre. Il en est de même concernant le droit du climat et le droit de la mer, ce qui peut amener quelques questions vis-à-vis d'une protection globale face à un risque global.

Ainsi, le droit de l'environnement est-il suffisamment systémique pour permettre une
protection effective des océans face au réchauffement climatique ?

Il conviendra donc d'analyser les textes en présence afin de déterminer si les armes juridiques actuelles sont suffisantes pour combattre les changements climatiques. C'est la raison pour laquelle il faut dans le cadre de cette étude envisager deux manières de considérer l'océan. L'évidence est que ces deux manières d'envisager les océans face au réchauffement climatique doivent permettre la protection du milieu marin. L'une d'elle est à court terme et l'autre à plus long terme.

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D'une part, le droit du climat doit impliquer davantage les océans pour prévenir les impacts de ce risque global sur le milieu marin. Il est ainsi intéressant d'effectuer une double lecture pour savoir comment les océans peuvent être sujets de protection contre les effets du réchauffement climatique (I). D'autre part, l'océan détient un rôle dans le cycle du carbone et ce dernier pourrait dans certaines mesures se voir accroitre de manière artificielle sa capacité à stocker du carbone d'une manière ou d'une autre. L'intérêt sera donc d'observer comment le droit opère la protection des océans dans leurs rôles de régulateurs des effets du réchauffement climatique (II). Dans ce second point il s'agira d'analyser une activité maritime encore très peu pratiquée qu'est l'enfouissement du dioxyde de carbone dans les fonds marins.

Finalement, il convient de mettre en relief les propos de la jeune Greta Thunberg afin d'analyser si des solutions n'existent pas déjà dans le système actuel. Autrement, il faudra probablement aller davantage en avant en traitant réellement cette crise comme une crise et trouver des solutions innovantes. Surtout, il se pourrait fortement que la solution innovante porte surtout sur le fait d'adopter une vision systémique des instruments existants et de pouvoir certes opérer des liens complexes, mais qui amèneraient les armes suffisantes pour affronter les défis qui attendent l'Humanité.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand