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Les sociétés anonymes dans la législation haïtienne. Entre favoritisme et rigorisme.


par Maniela SEJOUR
Université d'Etat d'Haiti - Licence en droit 2012
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITE D'ETAT D'HAITI

    Faculté de Droit et des Sciences Economiques

    Port-au-Prince, Haïti

    « Les sociétés anonymes dans la législation

    haïtienne : entre favoritisme et rigorisme. II

    Mémoire présenté et soutenu publiquement par :

    Maniela SEJOUR

    Pour l'obtention du grade de licenciée en Droit

    Promotion 2007-2011

    Sous la direction de :

    M. le Professeur Charles Vorbe

    Février 2012

    A mes parents Marie-Lourdes et Asnel,

    A mes frères et soeurs Cassandra, Amoroso, Alexander, Izmaella et Lens,

    A Ralph.

    REMERCIEMENTS

    Je ne pourrais songer à entamer mes remerciements sans que mon Dieu, JEHOVAH n'y figure en premier plan. Il a toujours été un Bienfaiteur pour moi dès ma conception jusqu'à aujourd'hui, me protégeant et me bénissant à chaque étape de ma vie. Merci mon Dieu de m'accompagner dans tous mes projets et dans toutes mes entreprises. Et merci à ton fils, Jésus mon guide et mon refuge dans tous les sentiers de l'existence.

    Je dis un grand merci à mes parents Asnel SEJOUR et Marie-Lourdes CADET qui ont toujours été pour moi un modèle de courage, une source intarissable de sagesse et d'humilité. Ils ont su me combler de leur amour et ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Mes remerciements s'étendent à toute ma famille qui a insufflé en moi l'esprit d'équipe et le sens de la communauté.

    Je remercie particulièrement Ralph JOSEPH THOMASSAINT pour sa collaboration. Il est un conseiller sûr, un ami sincère et un collègue exemplaire. Sa confiance en mes capacités, son dévouement à mes causes et son support inconditionnel font de moi une personne épanouie et accomplie. Plus encore, son soutien intellectuel m'a permis d'exceller dans mes études et m'a facilité dans ce travail. Merci Ralph.

    Mes remerciements les plus nourris vont à mon amie Esther Aslhey ELIACIN, à ses parents Mr et Mme Gérard Eliacin et à toute sa famille. A elle, pour être cette superbe amie dont j'ai tant besoin : dévouée, fidèle, sincère, généreuse et aimante. A ses parents pour leur soutien désintéressé et pour me rappeler sans cesse le sens des vraies valeurs. A toute sa famille pour sa bonté et sa magnanimité.

    Le Professeur Charles M. Vorbe mérite tous mes remerciements et toute mon admiration pour son implication dans la vie universitaire, son soutien pour ce travail et sa générosité intellectuelle. Ses conseils judicieux et son orientation tout au long de ce mémoire m'ont été grandement utiles. Merci Professeur pour votre grandeur d'âme.

    Je remercie le staff Gran B, le Groupe Innovation développement (G.I.D), tous mes amis sans restrictions et tous ceux qui m'ont aidé d'une manière ou d'une autre. Enfin je me remercie pour être une personne fidèle à ses valeurs, à ses croyances et à ses objectifs.

    II

    AVANT-PROPOS

    Ce travail n'est pas réalisé dans l'unique but de satisfaire une exigence académique. Il est le résultat d'un grand intérêt pour l'environnement des affaires, leur cadre légal ou leur régime juridique. En ce temps où l'on se questionne de plus en plus sur le développement, la reconstruction et les investissements en Haïti, notre recherche s'est naturellement porté sur cette question d'intérêt général qui se révèle être en même temps notre préoccupation .

    Il concerne principalement trois secteurs, disons mieux trois acteurs. Les acteurs étatiques parce que l'Etat a le monopole de la législation, seul le Parlement peut légiférer. Les acteurs économiques pour être les objets de la législation en question et les principaux concernés par elle. La société en général pour être celle qui va bénéficier des retombées positives d'une économie bien encadrée par le droit positif.

    Ce travail répond à plusieurs objectifs. En premier lieu, celui de répondre à une exigence académique. Pour l'obtention du grade de licenciée en Droit, ce travail s'avère indispensable.

    Mais l'objectif général de cette recherche est de démontrer la nécessité de la mise en place d'une législation univoque sur les sociétés anonymes. Il s'accompagne de plusieurs autres dont celui d'encourager la cohérence dans les politiques et les lois en vigueur sur les sociétés anonymes. De plus, on veut montrer que le régime juridique des sociétés anonymes mérite d'être modernisée et souligner la nécessité de compléter et de renforcer cette législation.

    Enfin, ce travail veut encourager tous ceux, juristes ou non, qui luttent pour le triomphe d'un Droit en adéquation avec notre réalité économique, sociale et politique. Notre plus grand souhait est que le résultat de nos recherches apporte sa modeste contribution dans l'amélioration de la situation légale du secteur des affaires, donc dans le développement économique d'Haïti.

    III

    SOMMAIRE

    Première Partie : Considérations sur les sociétés anonymes en Haïti

    Notions générales sur les sociétés anonymes

    Chapitre I : La constitution des sociétés anonymes dans la législation haïtienne

    Section I : Les conditions de constitution

    Section II : Les procédures de constitution

    Section III : Sanctions pour irrégularités de constitution

    Chapitre II : La vie des sociétés anonymes au regard du droit positif haïtien

    Section I : Organisation des sociétés anonymes

    Section II : Fonctionnement des sociétés anonymes

    Section III : Dissolution des sociétés anonymes

    Deuxième Partie : Le régime juridique particulier des sociétés anonymes

    Chapitre III : Les droits des sociétés anonymes à découvert

    Section I : Les droits extrapatrimoniaux

    Section II : Les droits patrimoniaux, des privilèges exorbitants

    Section III : L'intérêt de l'octroi des faveurs spéciales légales

    *Chapitre IV : Les obligations fiscales des sociétés anonymes

    Section I : L'égalité devant l'impôt, un principe discuté

    Section II : De la question de la double imposition

    Section III : Impacts de ce rigorisme fiscal

    iv

    LISTE DES ABREVIATIONS

    AAN : Autorité Aéroportuaire Nationale

    AGD : Administration Générale des Douanes

    APN : Autorité Portuaire Nationale

    BNC : Banque Nationale de Crédit

    BNRH : Banque Nationale de la République d'Haiti

    BRH : Banque de la République d'Haïti

    CCAH : Chambre de Conciliation et d'Arbitrage d'Haïti

    CCIH : Chambre de Commerce et d'Industrie d'Haïti

    CFI : Centre de Facilitation des Investissements

    CIP : Carte d'Identité Professionnelle

    DDHC : Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

    DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

    DGI : Direction Générale des Impôts.

    IRI : Impôt sur le Revenu Individuel

    IS : Impôt sur les Sociétés

    MAEC : Ministère des Affaires Etrangères et des Cultes

    MCI : Ministère du Commerce et de l'Industrie

    MEF : Ministère de l'Economie et des Finances

    MJSP : Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique

    PDG : Président-Directeur Général

    SA : Société Anonyme

    TPI : Tribunal de Première Instance

    1

    INTRODUCTION

    La législation s'entend d'un ensemble des normes juridiques dans un pays ou dans un domaine déterminé. Elle est constituée de lois et d'autres règles à caractère obligatoire. C'est le droit positif qui prévoit et régit les activités dans un Etat donné et/ou dans un domaine spécifique1.

    Le droit positif Haïtien est composé des règles de la constitution en vigueur, des lois, des décrets-lois, des décrets et d'autres règlements administratifs. A l'instar de ces normes proprement internes il y a les accords, traités, et conventions internationaux signés et ratifiés par Haïti. Selon l'article 276.2 de la Constitution du 29 Mars 1987, les traités, ou accords internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la constitution, font partie de la législation du pays et abrogent toutes les lois qui leur sont contraires. Par ailleurs, grâce à l'influence du droit anglo-saxon sur le droit romano-germanique, la jurisprudence tient une place de plus en plus importante dans la législation. La règle de droit édictée par le législateur est théorique tant qu'elle n'est pas appliquée par le juge. Il revient à ce dernier d'interpréter et de compléter les manquements de la loi dans ses jugements. Ainsi, les arrêts de la Cour de Cassation peuvent servir de précédents et même d'arguments pour des jugements ultérieurs. C'est ainsi qu'on arrive à parler de droit jurisprudentiel. D'où l'inclusion de la jurisprudence dans le droit positif.

    La législation haïtienne fait autorité sur toute l'étendue du territoire car la loi est générale et impersonnelle. Elle est de ce fait opposable à toute personne, physique ou morale, sujet de droit haïtien ayant son domicile en Haïti. Il faut souligner que pour les personnes morales, certaines conditions légales doivent être remplies pour qu'elles acquièrent la personnalité juridique et devenir des sujets de droit.

    Avant le 20e siècle, seules les personnes physiques faisaient véritablement objet de la législation. Elles payaient l'impôt sur le revenu individuel (IRI) et jouissaient des prérogatives du droit subjectif. Avec le développement du secteur économique et financier au 20e siècle, l'impôt sur les sociétés (IS) a été créé à l'intention des sociétés commerciales aux Etats-Unis, puis dans d'autres pays2. Bien sur, les privilèges qui vont avec n'ont pas manqué de surgir. Avec la

    1 - REY-DEBOVE, Josette (sous la direction de) : Le Robert Méthodique, édition Le Robert, Paris, 1990. 2- TROTABAS, Louis et COTTERET, Jean-Marie : Droit Fiscal, 8e édition Dalloz, Paris, page 8.

    2

    survenue de la loi fiscale, la législation venait à s'occuper des personnes physiques et des personnes morales en ce qui a trait à leurs droits et à leurs obligations. Haïti n'a pas trainé le pas. Dès lors, le droit haïtien s'est imposé aux simples citoyens comme aux sociétés commerciales et leurs accorde à tous les deux des privilèges.

    En Haïti, la loi prévoit deux types de sociétés commerciales :

    1- Les sociétés de personnes : sociétés en nom collectif et sociétés en commandite simple. (Article 40 du code de commerce).

    2- Les sociétés de capitaux : sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions. (Article 41 du code de commerce).

    En ce qui a trait aux sociétés par actions, seules les sociétés anonymes ont une existence réelle selon les prescrits de l'article 20 du code de commerce. Les sociétés de personnes sont dites transparentes et celles de capitaux, opaques. Elles ne bénéficient pas du même régime fiscal, ni des mêmes privilèges. Elles sont régies différemment car selon la doctrine, les enjeux et les intérêts ne sont pas forcément similaires.

    Les faveurs accordées aux sociétés anonymes concernent les droits et privilèges exorbitants de fonctionnement dont ces sociétés jouissent. Elles sont seules à jouir des prérogatives des droits subjectifs pour les personnes morales. Elles jouissent du droit de propriété dans toutes ses dimensions, avec quelques nuances pour les sociétés anonymes étrangères établies en Haïti ou y ayant une succursale ou une filiale. Plusieurs auteurs sont d'avis qu'elles sont le mode d'organisation qui a le plus accès aux faveurs spéciales de la loi. Elles ont également des spécificités exclusivement attribuables à elles sur tous les aspects considérés, de la constitution à la dissolution.

    Paradoxalement, il y a un rigorisme dans le régime fiscal haïtien quant aux sociétés anonymes. Elles sont les grandes perdantes du fisc par rapport aux autres types de sociétés. L'un des grands principes du droit fiscal est l'égalité devant l'impôt. C'est un principe constitutionnel1. Suivant ce principe, il n'y a pas de discrimination devant le fisc. Or, les sociétés anonymes sont désavantagées par rapport aux sociétés de personnes. Tant les sociétés anonymes ont des

    1 - Article 219 de la Constitution du 29 Mars 1987.

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    avantages, surtout dans le cadre des droits patrimoniaux, tant elles subissent l'inégalité devant l'administration fiscale. Et cette discrimination devant l'administration fiscale se situe à un double niveau. En premier lieu, il y a une disparité entre l'impôt sur le revenu individuel, et l'impôt sur les sociétés. Les sociétés de personnes sont soumises à l'impôt sur le revenu individuel, car elles sont considérées transparentes. Celles de capitaux, sont assujetties à l'impôt sur les sociétés. Deuxièmement, il y a la question de la double imposition économique. La société anonyme est imposée, et chaque actionnaire est distinctement imposé sur ses revenus provenant de toutes les sources, dont les fameux bénéfices industriels et commerciaux de la société dont il est actionnaire.

    Ces rigueurs sur l'imposition de la société anonyme méritent l'attention dans la mesure où elles mettent en évidence le système de deux poids deux mesures qui existe dans leur régime juridique. Plus subtil encore, ce système donne à la fois des faveurs et met des exigences dans tout ce qui a un rapport à la société anonyme. De leur constitution à leur dissolution, la loi fixe des conditions irritantes et éreintantes qui pourraient décourager les plus convaincus, simultanément, il y a des avantages qui leur sont exclusivement accordées. Les procédures de constitution sont lourdes et les règles et conditions de la vie sociale d'une société anonyme ne sont pas des plus souples. Mais là aussi, il y a des privilèges de fonctionnement. Les droits et les obligations sont assujettis à des règles souples, et à des règles rigides.

    Cette dichotomie législative interpelle les forces vives de la nation. En effet, on s'interroge de plus en plus sur la pertinence de certains prescrits légaux ou encore, de leur justesse. Les procédures de constitution, les règles de fonctionnement, l'imposition, rien n'échappe à la remise en question. On n'est pas encore arrivé à contester la jouissance des prérogatives spéciales, mais le débat fait rage sur les rigueurs contraignantes et le déphasage entre les deux. Une fois de plus, on se posera la question : « Que gagne l'Etat à appliquer un régime juridique à double tendance sur les sociétés anonymes?» Et une fois de plus, la question des sociétés anonymes sera discutée.

    Les actionnaires des sociétés anonymes, ceux à qui elles profitent, et tous ceux qui ont un intérêt généralement quelconque dans leur essor s'opposent avec force au rigorisme imposé aux S.A. Ces partisans ont des arguments assez convaincants pour qu'on élimine le gros des charges fiscales et autres obstacles à l'épanouissement de leurs sociétés sans pour autant renoncer aux intéressants privilèges qui leur sont accordés. Ils soutiennent le principe de l'égalité devant

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    l'impôt et le fait qu'on doit faciliter les investissements en assouplissant les procédures trop sévères. Ne doit-on pas alléger les procédures ? La facilitation des investissements peut-elle se réaliser quand les contraintes sont aussi nombreuses pour constituer et faire fonctionner une S.A ? Que fait-on de l'égalité devant le fisc ? Pourquoi veut-on discriminer les S.A par le particularisme du régime juridique qui les cadre ? Et d'ailleurs pense-t-on que les S.A sont si particuliers qu'il leur faut un régime spécial tout en avantages et en obstacles, surtout en obstacles ? Est-ce le moment, en ces temps de compétition internationale sans pitié de restreindre l'accès aux investissements ? Les contraintes imposées aux S.A n'avantagent en rien le pays, pensent-ils.

    Il se trouve cependant que les législateurs, administrateurs et autres acteurs du fisc ou du gouvernement, ont également des arguments de taille. Aujourd'hui on reconnait les vertus de certaines rigueurs qui découragent les fraudeurs et ceux qui veulent bénéficier de tous les avantages sans jamais avoir à respecter leurs obligations. C'est tout à fait légitime d'octroyer des faveurs aux S.A., car, elles jouent un grand rôle dans la vie financière et économique du pays, mais elles doivent remplir toutes les exigences légales que requière leur statut. Qu'entend-on par discrimination ? Les S.A. ne doivent-elles pas contribuer plus grandement de par l'importance et le volume de leurs activités ? Ne doit-on pas mettre des barrières dans les procédures pour éviter la prolifération de petites affaires douteuses qui ne veulent que profiter des faveurs spéciales de la loi pour les S.A. ? Pourquoi ne se plaint-on pas des privilèges sans précédant qui leur sont donnés ? Ne peut-on pas comprendre que les lois tiennent en général compte des réalités de l'objet sur lequel elles portent ?

    Il est à parier que la discussion sera vive sur la spécificité du régime juridique des sociétés anonymes. Et comme on peut le constater, répondre à la question « Pourquoi cette dualité de la législation haïtienne sur les sociétés anonymes ? » est loin d'être une tache facile.

    Les sociétés anonymes qui peuvent être proprement commerciales (celles dont l'objet est le commerce), industrielles, financières ou de service sont considérées comme le coeur des principales activités économiques réalisées en Haïti. Elles sont doublement importantes pour ce secteur d'activités. Uno, elles engendrent la création d'emplois directs et indirects. Secundo, elles fournissent des prestations fiscales. Ce qui, bien entendu, favorise la redistribution des richesses en termes d'érection de structures sociales et d'infrastructures destinées à l'usage de tous. De ce fait, ces sociétés participent activement au circuit économique et aident à

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    l'établissement de structures de base grâce à leur quota dans les finances et le trésor publics. Et on n'est pas sans savoir l'importance capitale de l'économie pour le développement d'un pays.

    Cependant, nonobstant notre intérêt pour cet aspect de la question, ce n'est pas seulement les enjeux et perspectives économiques qui ont nourri notre préoccupation. C'est plutôt le cadre légal qui les contient qui a le plus suscité notre intérêt. Quand une partie de la législation présente de sérieux avantages pour les S.A, l'autre partie les défavorise. C'est ce traitement spécifique -(qu'il consiste en faveurs ou en rigueurs) qui accompagne la constitution, régit le fonctionnement, détermine les droits, et fixe les obligations- des sociétés anonymes par la législation haïtienne qui nous intéresse dans ce travail de recherche. Notre étude portera sur ce double aspect de la question, ou du moins, ce régime particulier de favoritisme et de rigorisme dans la constitution, la vie sociale, les droits et les obligations des S.A.

    On croit que la législation singulière attribuée aux sociétés anonymes est due à leurs caractéristiques typiques. Nos recherches vont confirmer ou infirmer la véracité d'une telle hypothèse. Mais peut importe, on veut dans ce travail démontrer la nécessité de la mise en place d'une législation univoque et modernisée sur les sociétés anonymes. Pour ce faire, on utilisera simultanément les méthodes historique, analytique, exégétique, comparative et quantitative dans les quatre chapitres qui le constituent. Le premier chapitre présentera la constitution, le deuxième abordera la vie sociale, le troisième parlera des droits et le quatrième étalera les obligations fiscales des sociétés anonymes. Puisse ce travail porter sa contribution dans l'incitation au changement en Haïti !

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    PREMIERE PARTIE : CONSIDERATIONS SUR LES SOCIETES ANONYMES EN HAÏTI.

    Les sociétés anonymes en Haïti font l'objet de considérations spéciales. Elles sont prises en charge par une législation particulière de la constitution à la dissolution. Les conditions et procédures de constitution sont limitativement et rigoureusement fixées par le législateur. La vie sociale et le fonctionnement sont également encadrés par les lois en vigueur. Rien n'est laissé à l'interprétation, rien n'est laissé au hasard. Etant donné que la société anonyme est une structure adaptée à tout type d'entreprise, elle est soumise à de très nombreuses exigences et barrières, mais aussi et surtout, à de grands privilèges. Malgré toute cette précaution, il subsiste encore des failles et des vides en ce qui a trait à la vie économique et sociale de la société anonyme. Des manques qui doivent impérativement être comblés pour des sociétés anonymes mieux réglementées. Et la modernisation des procédures de constitution ne peut plus attendre.

    Dans cette partie sera étudié tout ce qui a un rapport direct avec la constitution et la vie fonctionnelle des sociétés anonymes dans le droit positif haïtien.

    2- VIDAL, Dominique : Droit des sociétés, édition L.G.D.J., Paris, 1993, page 357.

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    Notions générales sur les sociétés anonymes

    Les sociétés anonymes sont l'une des structures juridiques d'organisation d'une entreprise. Ce sont des personnes morales de droit privé titulaires de droits et d'obligations. Elles sont l'une des typologies des sociétés commerciales les plus hiérarchisés. Puisqu'elles constituent le principal objet de notre étude, on a jugé opportun d'en brosser une vue globale qui contiendra les définitions, les caractéristiques, les classifications, les titres émis, l'historique, le rôle économique et financier.

    Définitions

    Pour Raymond GUILIEN1, une société anonyme est une société commerciale dont le capital social est constitué, par voie de souscription d'actions et dont les associés ne sont responsables du paiement des dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports. C'est une société par actions et une société de capitaux. Pour Dominique VIDAL2, elle est une société dont le capital est divisé en actions et qui est constitué entre les associés qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports. C'est la société de capitaux par excellence, celle qui ne comporte que des actionnaires.

    La société anonyme n'est pas nommément définie dans la législation haïtienne. Néanmoins, l'article 1601 du code civil donne une définition générique des sociétés commerciales qui peut s'appliquer aux sociétés anonymes. Il stipule que « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ».

    Caractéristiques

    Les auteurs s'entendent quand il s'agit des caractéristiques des sociétés anonymes. Afin d'approcher l'exhaustivité, on a reproduit deux approches.

    1- GUILIEN, Raymond : Lexique des termes Juridiques, 17e édition Dalloz, Paris 2010, page 488

    .

    2 - LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/ Sociétés commerciales (Mémento Pratique), édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 379.

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    La société anonyme présente plusieurs particularités selon Maurice COZIAN et Alain VIANDIER.1

    - C'est une société à risque limité : les actionnaires ne supportent les pertes sociales qu'à concurrence de leur mise.

    - C'est une société de capitaux : le capital apporté comptant plus que la personne de celui qui l'apporte. Elle n'est pas intuitu personae, elle est intuitu pecunie, l'actionnaire s'effaçant derrière l'action.

    - C'est une société hiérarchisée : où chaque organe dispose de pouvoirs propres et dont le caractère institutionnel est marqué.

    - C'est une société commerciale par la forme : la nature de l'activité, fut-elle civile, étant sans influence sur la qualification commerciale de la société.

    - C'est une société par actions : elle émet des valeurs mobilières, lesquelles puisque fongibles, sont susceptibles, d'être cotées en bourse.

    Pour Francis LEFEBVRE2, les caractéristiques les plus spécifiques des sociétés anonymes sont

    les suivantes :

    - La société anonyme est toujours commerciale quelque soit sont objet

    - C'est le type même de la société de capitaux

    - Son capital est divisé en actions librement cessibles et négociables

    - Les actionnaires ne sont pas commerçants et pas nécessairement majeurs

    - Leur responsabilité est limitée au montant de leurs apports

    Classifications

    La loi distingue les sociétés anonymes en fonction de leur nationalité et de la provenance des capitaux. Au moment de leur constitution, les sociétés anonymes sont également distinguées,

    1-COZIAN, Maurice et VIANDIER, Alain : Droit des Sociétés, 8eme édition, Litec, Paris, 1995, page 218.

    1- RIPERT, Georges et ROBLOT, René : Traité de droit commercial, Tome I, 14eme édition L.G.D.J., Paris, 1991, page 818 et 852.

    9

    dépendamment du type de constitution envisagé. En raison de leur nationalité, les sociétés anonymes sont classées en :

    - Sociétés anonymes haïtiennes : Sont réputées telles lorsqu'elles sont créées en Haïti, suivant la loi haïtienne et partant avec un conseil d'administration composée de trois membres dont l'un au moins est nécessairement haïtien en vertu de l'article 3 de la loi du 03 Août 1955. Elles sont constituées en Haïti, conformément aux lois haïtiennes et ont leur siège social en Haïti (art. 7 loi du 16 juin 1975)

    - Sociétés anonymes étrangères : Elles sont créées en terre étrangère, selon des lois étrangères et ayant leur siège social à l'étranger. Ou, toute société anonyme constituée en Haïti en vertu des lois haïtiennes sera considérée comme une société étrangère, si elle part avec un conseil d'administration de trois personnes dont aucun n'est Haïtien. (art.3 de la loi du 3 Août 1955).

    Une autre classification s'opère en vertu de la provenance des fonds de la société anonyme.

    - Sociétés anonymes de capitaux privés : Ce sont des sociétés anonymes ordinaires prévues et régies par la législation haïtienne. Elles sont entièrement financées par des capitaux du secteur privé des affaires.

    - Sociétés anonymes mixtes : Ce sont des sociétés anonymes dans lesquelles l'Etat ou la commune participent en qualité d'actionnaires. Ce sont par conséquent des sociétés à capitaux mixtes (publics et privés) qui sont régies par une loi spéciale, celle du 16 Septembre 1963.

    Sur le plan des procédures de constitution, la loi distingue encore deux types de sociétés anonymes.1

    - Sociétés anonymes constituées avec appel public à l'épargne : Elles sont soumises à une réglementation plus complexe dans leur phase constitutive. Ce sont celles qui n'ont pas soumis l'intégralité du capital social au moment de la souscription. Elles sont peu courantes en Haïti. Ces types de sociétés ont une constitution successive.

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    - Sociétés anonymes constituées sans appel public à l'épargne : Elles sont celles qui souscrivent l'intégralité de leur capital social au moment de la souscription d'actions. Du coup, les procédures sont allégées, et elles ne remplissent que peu de formalités administratives pour leur constitution. Elles ont une constitution simultanée. Ce sont celles qui se remarquent le plus en Haïti.

    Emission de titres

    Les sociétés anonymes émettent des titres. Les titres émis sont des valeurs mobilières1. Ces dernières sont les actions et les obligations. C'est un ensemble de titres de même nature, cotés en bourse, ou susceptibles de l'être. La plus importante des valeurs mobilières est l'action, puisqu'une société anonyme ne peut pas se constituer sans actions. Les obligations, sont la 2e catégorie de valeurs mobilières.

    - Actions : Ce sont les droits de l'associé dans une société anonyme. Elles désignent également les titres négociables qui représentent ces droits. Elles ont une valeur nominale qui représente le quote-part du capital social.

    - Obligations : Ce sont les titres négociables constatant toute créance à long terme sur une société. Elles confèrent à leurs titulaires, les obligataires, les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale.

    Les valeurs mobilières sont généralement considérées comme des instruments financiers utilisés par les sociétés par actions.

    Historique

    L'histoire des sociétés anonymes est importante pour comprendre leur fonctionnement dans le présent. Les fondements de cette structure juridique de société commerciale ne sont pas tombés du ciel et n'ont pas été conçus en un jour. On va faire l'historicité des Sociétés Anonymes et de la législation haïtienne en la matière.

    1 - JAUFFRET, Alfred : Manuel de droit commercial, 20eme édition L.G.D.J., Paris, 1991, page 218 et 228.

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    - Histoire des sociétés anonymes

    Les sociétés anonymes se rattachent dans le temps au système économique capitaliste. On serait alors tenté de dire que l'histoire du capitalisme peut expliquer celle des sociétés anonymes. Cependant, on ne le fait pas parce qu'il y a une nuance. L'avènement du capitalisme moderne est un événement sans précédant dans l'histoire de l'Humanité. Son émergence est le plus souvent liée aux prémisses de la révolution industrielle au XVIIIe siècle. Durant cette période, les formes de propriété privée des moyens de production et de salariat se développent. Ce système économique fondé sur la dichotomie entre détenteurs des moyens de production et détenteurs de la force de production suit encore son cours aujourd'hui. La société anonyme remonte plus loin dans l'Histoire que le capitalisme moderne. Elle a ses origines dans le système colonialiste mis en place par les sociétés européennes.

    Les sociétés anonymes sont des instruments qui ont été conçus pour perfectionner le système de domination et d'exploitation du colonialisme. Au XVIIe siècle, la Hollande devient le nouveau centre de l'Economie-Monde selon Fernand Braudel. Elle acquiert d'importants comptoirs en Inde et développe le commerce des épices, du poivre en particulier. Elle s'établit au Japon et commerce avec la Chine. Elle fonde la première Compagnie des Indes Orientales. C'est la première grande société par action. Sa durée est permanente (selon ses statuts) et la responsabilité des associés est limitée aux apports. La Compagnie Hollandaise des Indes Orientales émet sa première obligation en 1623. La Compagnie Anglaise des Indes Orientales prend le relais et le modèle inspire la création de compagnie du même type dans les industries métallurgiques, textiles et de papier. La Hollande connait aussi la première bulle spéculative de l'Histoire, c'est la « tulipomanie ». En 1630, le prix des tulipes connait une forte envolée, l'oignon atteignant parfois le prix d'une maison bourgeoise. Lorsque celui-ci devint manifestement irrationnel, le premier krach de l'Histoire se produisit. C'est la genèse des sociétés anonymes.

    La société anonyme a évolué depuis le colonialisme. Le capitalisme moderne a récupéré cette structure et a travaillé à sa perfection. Dès la moitié du XIVe siècle, le développement de la législation sur les sociétés anonymes (1856 au Royaume-Uni, 1867 en France et 1870 en Prusse) donne au capitalisme le caractère d'anonymat et d'irresponsabilité qui lui manquait encore. Aujourd'hui, le monde pullule de sociétés anonymes. C'est la forme la plus usitée des structures

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    commerciales. Elles facilitent l'appel public à l'épargne, la mobilité des actions et la concentration du capital.

    - Evolution de la législation haïtienne sur les sociétés anonymes

    L'histoire de la législation haïtienne sur les sociétés anonymes et celle qui s'en rapporte d'une manière ou d'une autre a débuté au XXe siècle avec le décret-loi du 22 Décembre 1944. Ce décret-loi qui a modifié la loi du 27 Mars 1826 constitue le Code de Commerce Haïtien dont les articles 30 à 38 portent sur les sociétés anonymes. Cette partie sera abordée de manière énumérative et chronologique. Elle comprendra les lois, décrets-lois et décrets portés spécifiquement sur la société anonyme et ceux qui ont une influence quelconque sur sa constitution, son fonctionnement, ses droits ou ses obligations.

    1- Décret-loi du 22 Décembre 1944 (Code de Commerce).

    2- Loi du 03 Août 1955 (modifiée par le décret du 16 Octobre 1967) sur les Sociétés Anonymes.

    3- Décret du 23 Août 1960 modifiant certaines dispositions du Code de Commerce sur les Sociétés Anonymes (articles 30-38).

    4- Décret du 28 Août 1960 sur les Sociétés Anonymes.

    5- Loi du 16 Septembre 1963 sur les Sociétés Anonymes Mixtes.

    6- Décret du 16 Octobre 1967 sur les Sociétés Anonymes.

    7- Décret du 11 Novembre 1968 sur les Sociétés Anonymes.

    8- Loi du 16 Juin 1975 accordant le droit de propriété aux Etrangers (pour les Sociétés Anonymes Etrangères, modifié par la loi du 20 Septembre 1979).

    9- Loi du 20 Septembre 1979, modifiant la loi du 16 Juin 1975 pour les Sociétés Anonymes Etrangères.

    10- Décret du 10 Octobre 1979 relatif aux formalités de constitution des Sociétés Anonymes

    11- Décret du 08 Mars 1984 sur les Sociétés Anonymes.

    12- Décret du 29 Septembre 1986 relatif à l'Impôt sur le Revenu (modifié par le décret du 27 septembre 1988 ; par la loi du 05 Février 1995 ; par le décret du 29 Septembre 2005).

    13- Décret du 02 Juin 1995 relatif aux formalités de constitution des Sociétés Anonymes.

    14- Décret du 29 Septembre 2005 relatif a l'Impôt sur le Revenu.

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    Rôle économique et financier

    Georges Ripert a un jour écrit que « la société anonyme est le plus merveilleux instrument du capitalisme moderne ». Un autre après lui, soit le Professeur Champaud a démontré de façon décisive « le pouvoir de concentration de la société par action ».1 Pour sa part, Yves GUYON2 a déclaré que «la société anonyme est la plus perfectionnée, la plus puissante mais aussi la plus complexe des personnes morales de droit privé».

    La société anonyme est la société la plus utilisée dans le monde. Elle facilite l'appel public à l'épargne, la mobilité des actions et la concentration du capital. En général les entreprises des secteurs stratégiques (banques, assurances et autres institutions financières, les industries, les activités commerciales et le secteur des services) prennent la forme de la société anonyme. Cependant, de petits entrepreneurs aimant l'appellation de PDG ou voulant « «se réunir en conseil » adoptent cette structure juridique de sociétés commerciales. Et les entreprises moyennes s'y adonnent également. Les sociétés anonymes concentrent une grande partie du capital en circulation3.Elles sont créatrices d'emplois, elles fournissent des biens de production et libèrent de l'argent. Comme on va le voir tout au long de ce travail, les sociétés anonymes jouent un rôle primordial dans l'histoire économique et financière de toutes les sociétés capitalistes modernes. Ce n'est pas sans raison qu'elles sont considérées comme le plus merveilleux instrument du capitalisme moderne.

    Ces éléments théoriques sur la société anonyme posés, on est habilité poursuivre notre travail pour aboutir à notre objectif.

    1 - MERLE, Philippe : Droit commercial/ Sociétés commerciales, 8eme édition Dalloz, 2001, page 254.

    2- GUYON Yves : Droit des affaires, Tome I, 8eme édition economica, Paris, 1994, page 263.

    3- Direction Générale des Impôts (DGI : Les 600 plus grandes entreprises d'Haïti.). Le Nouvelliste en date du 07 et 08 Janvier 2012 (Week-end).

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    Chapitre I : La constitution des sociétés anonymes dans la législation haïtienne.

    Au seuil même des débats, il convient de parler du début des sociétés anonymes. Elles naissent, se construisent et sont régies dès ce moment là par le droit. Des conditions de trois ordres sont là pour régir leur constitution, les procédures sont rigoureusement tracées par le législateur et deux types de sanctions sont prévus pour les irrégularités. Dans ce chapitre, on verra les conditions de constitution d'une Société Anonyme (section I), les procédures de constitution (section II) et les sanctions pour irrégularités de constitution (section III).

    Section I : Les conditions de constitution

    Pour se constituer, toute société est assujettie à des conditions stipulées dans la loi ou consacrées par la doctrine. Les sociétés commerciales ne font pas exception à la règle. Elles font l'objet de conditions de droit commun, à celles qui les concernent et à celles spécifiques à chacune des typologies. Les sociétés anonymes doivent obéir à trois types de conditions : celles de droit commun, celles légales de naissance de toutes sociétés commerciales et celles qui leur sont spécifiquement attribuées.

    A) Les conditions de fond de droit commun

    La société anonyme étant un contrat avant d'être une institution, elle obéit aux règles de droit commun sur les contrats et conventions. Pour la validité de ces derniers, la loi pose certaines conditions de fond et de forme. Les conditions de fond sont des conditions essentielles. Elles sont prévues aux articles 903 et suivants du code civil haïtien. Cet article dispose : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention.

    1- Le consentement de la partie qui s'oblige.

    2- La capacité de contracter.

    3- Un objet certain qui forme la matière de l'engagement.

    4- Une cause licite dans l'obligation.

    Même si la société anonyme n'échappe pas à ces conditions, il faut noter certaines nuances dans l'application qui amortit la rigueur du droit commun, surtout en ce qui a trait au consentement et à la capacité des parties qui s'obligent.

    2- LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/ Sociétés commerciales (Mémento Pratique), édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 60.

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    1. Le consentement des associés

    Le droit des obligations accorde une importance capitale au consentement des parties qui s'obligent. De manière générale le consentement s'exprime clairement et formellement par discussion, ou par apposition des signatures. Le défaut de cette condition est qualifié de vice de consentement, lequel peut consister en une erreur, une manoeuvre dolosive (dol), ou une violence. Un contrat ne doit pas être vicié sous peine de la sanction de nullité. Dans le cas du contrat des sociétés anonymes, le consentement peut ne pas être aussi explicite. Le consentement des associés /actionnaires s'obtient par leur adhésion. Il s'exprime dans des conditions qui rappellent les contrats d'adhésion. Il suffit que les intéressés détiennent des actions pour adhérer au contrat de société. Ils deviennent ainsi consentants et sont liés au même niveau avec les mêmes conséquences que les actionnaires fondateurs1.

    2. La capacité des associés

    Pour contracter, il faut être capable. Ce qui exclut d'emblée les mineurs et les interdits judiciaires. En matière civile, la condition de capacité est absolue. Les incapables doivent se faire entendre par le canal de leur représentant légal. En matière commerciale, elle est absolue et affecte la validité du contrat pour les commerçants et les sociétés de personnes car ces dernières sont constituées d'associés réputés commerçants. Cependant, il y a une nuance. Pour le contrat de société anonyme où les associés ne sont pas commerçants quel que soit l'objet, l'incapacité est relative. Le contrat de société anonyme peut se former entre des associés capables et incapables, à condition que dans la forme, le consentement ait été régulièrement donné par la signature ou l'adhésion d'un représentant légal. Aucune interdiction, aucune incapacité, aucune incompatibilité ne limitent l'accès aux sociétés anonymes2.

    1 - Le Professeur Gélin I. COLLOT : Notes de cours de Droit des Sociétés Commerciales.

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    3. La certitude de l'objet de la société

    Le défaut ou l'incertitude d'objet amène la nullité de tout contrat. Le contrat de la société anonyme reste dans cette même perspective, sans réserve, ni restriction. Au contraire, la valeur de l'objet se renforce par sa mise en évidence dans le contrat par son rôle déterminant dans l'exploitation et le fonctionnement de la société1. Sur le plan fiscal, l'objet social est important pour la catégorisation de la société et le tarif d'imposition. Dans les sociétés anonymes, l'objet permet de déterminer le montant minimal du capital social. L'article 1er du décret du 11 Novembre 1968 modifiant celle du 28 Aout 1960 sur les sociétés anonymes fixe le montant minimal du capital social des sociétés anonymes à vingt cinq mille (25 000) gourdes si leur objet se limite à des opérations commerciales et cent mille (100 000) gourdes si elles ont pour objet l'exploitation industrielle ou agricole. De plus, l'objet social délimite le mandat des administrateurs quant à leurs actions concernant la société.

    4. La licéité de la cause

    En dépit de la certitude de l'objet, si la cause de la constitution d'une société n'est pas licite, le contrat de société ne peut pas être valide. La licéité de la cause vise la conformité ou la régularité de l'exploitation de la société avec la loi2. La cause, c'est le motif effectif pour lequel les associés ont constitué une société commerciale. Même si l'objet est certain, si la cause n'est pas licite ou si elle présente un caractère pernicieux pour la morale sociale, elle est interdite par la loi (ex : le trafic illicite de stupéfiants, le proxénétisme, la traite d'humains, etc.).

    B) Les conditions de naissance

    L'article 1601 du code civil haïtien stipule : « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Cette définition des sociétés commerciales sous-tend trois

    2- LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/ Sociétés commerciales (Mémento Pratique), édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 90.

    3- LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/ Sociétés commerciales (Mémento Pratique), édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 108.

    1- Note de l'auteur.

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    conditions : la pluralité des associés, la vocation aux résultats, la mise en commun d'apports. Ce sont des conditions particulièrement indispensables auxquelles s'ajoute presque toujours une autre de souche doctrinale, l'affectio societatis ou le jus fraternalis. Cette dernière a toute son importance, même si elle ne vient pas de la loi. Ce sont les quatre conditions de naissance de toutes sociétés commerciales, donc des sociétés anonymes.

    1. La pluralité des associés

    C'est une condition sine qua non pour constituer une société commerciale. La loi est très claire là-dessus, pour avoir une société, il faut au moins deux personnes pour s'associer et émettre l'acte créateur qui constatera l'idée d'entreprise et la phase consensuelle. La société anonyme obéit à cette logique puisque c'est une société commerciale.

    2. La mise en commun d'apports

    La loi met l'accent sur la mise en commun des apports de chaque associé dans la nouvelle société à créer. Les apports sont nécessaires pour la formation du capital social. Ce dernier est exigé lors de la signature du contrat de société, lors de sa création et pour toute la durée de son fonctionnement. C'est dire que les apports sont une condition indispensable dans la formation de toute société commerciale. Mais ils revêtent une importance beaucoup plus considérable dans les sociétés de capitaux du fait de la valeur du capital social pour ces dernières. Dans tous les cas (sociétés anonymes incluses), le capital social est formé d'apports dont la nature est déterminée par la loi. Le code civil en son article 1602 dernier alinéa stipule : « Chaque associé [doit]1 y apporter ou de l'argent, ou d'autres biens, ou son industrie ». Il en ressort de ce fait trois types d'apports : en espèces ou numéraires, en nature, en industrie.

    a) Les apports en espèces ou en numéraires sont constitués de valeur en espèces, quel quelque soit la consistance (chèque, virement bancaire, paiement électronique, carte de crédit, etc.). Ils sont les plus simples et les plus couramment utilisés. Dans la formation des sociétés anonymes, ces apports sont indispensables car le décret du 11 Novembre 1968 en son article 2 sur la procédure de constitution prévoit le dépôt du quart du capital social à la Banque Nationale de la République d'Haïti (BNRH). La loi du 17 Août sur la

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    réforme bancaire a remplacé la BNRH par la Banque de la République d'Haïti (BRH) et la Banque Nationale de Crédit (BNC). Maintenant, le dépôt doit être effectué à la Banque Nationale de Crédit. Ainsi, le quart au moins du capital social des sociétés anonymes est constitué d'apports en espèces.

    b) Les apports en nature sont faits de biens meubles et immeubles d'un ou de plusieurs associés de la société. Les biens meubles peuvent être corporels et tangibles (matériels, équipements, machines, etc.) ou incorporels et intangibles (fonds de commerce, droit de propriété industrielle et commerciale, brevet, marque de fabrique, nom commercial, etc.). Les biens meubles et immeubles peuvent être apportés en jouissance ou en pleine propriété. Ils doivent être évalués par les commissaires aux apports puis, ils sont transférés du patrimoine de l'associé apporteur à celui de la société. (Article 1620 du code civil)

    c) Les apports en industrie sont d'un type nouveau. Ce ne sont pas des apports en numéraires et ils ne peuvent pas être classés parmi ceux en nature en raison de leur typologie. Pourtant, ce ne sont pas à proprement parler des apports «en industrie» car il n'y a vraiment rien d'industriel en eux. En fait, ils sont constitués de tout ce que l'associé peut offrir à la société en connaissances non brevetables, en connaissance du milieu d'affaires et en influence utile qu'il peut exercer d'une manière ou d'une autre au bénéfice de la société. Ils ont un caractère subjectif et pour cette raison, ils sont évalués au plus bas montant des apports. Ils sont prévus par l'article 1616 du code civil.

    3- La vocation aux résultats

    Les associés de toutes sociétés commerciales ont vocation aux résultats financiers de la société concernée, qu'ils soient des bénéfices, des économies ou des pertes. Selon l'article 1601 du code civil, le but même d'une société est le partage des bénéfices. On croit que par bénéfices, le législateur voulait mettre résultats. Optimisme. Pour le partage des résultats, l'article 1622 consacre la règle du prorata, c'est-à-dire, la part de chaque associé est en proportion de sa mise. Dans les sociétés de personnes, la responsabilité est solidaire et conjointe entre les associés. Par contre, la société anonyme étant une société à risque limité, les actionnaires ne supportent les pertes sociales qu'à concurrence de leur mise. En d'autres termes, leurs obligations sont limitées au montant de leurs apports, sauf en cas de banqueroute provoquée par la dilapidation des fonds

    1 - LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/ Sociétés commerciales (Mémento Pratique), édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 228.

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    par les administrateurs (art. 33 du décret du 28 Aout 1960). Cependant, les modalités de partage des bénéfices sont laissées à la discrétion des associés disposant librement dans leurs statuts. Cette liberté est pourtant tributaire d'exigences. Car aucune clause de statuts ne peut écarter un associé du partage des bénéfices, ni l'exonérer de toute contribution aux pertes. Ils partagent les résultats bénéficiaires, mais aussi et surtout, ils partagent ceux déficitaires, proportionnellement au montant des apports.

    4- L'affectio societatis

    C'est un élément psychologique qui renforce l'intention ou la volonté des associés de contribuer au succès de l'entreprise commune1. Il fait penser au consentement des parties prévues à l'article 903 du code civil, à la solidarité des associés dans le partage des résultats et transcende l'idée de l'engagement contractuel. Le jus fraternalis ou l'affectio societatis est cependant moins présent dans les sociétés anonymes. Il n'est presque pas perçu comme une condition de validité de société. C'est une des conditions particulières requises pour la constitution des sociétés anonymes, même s'il n'est pas indispensable.

    C) Les conditions spécifiques aux sociétés anonymes

    Quand ce ne sont pas les règles de droit commun, ce sont des conditions relatives à toutes les sociétés commerciales qui pèsent sur les sociétés anonymes. A l'instar de ces exigences, il y a des conditions qui sont particulièrement requises de leur constitution à leur dissolution. Elles sont au nombre de trois et les particularités qui seront énoncées sont exigibles uniquement pour les sociétés anonymes. C'est le nombre d'actionnaires requis, le capital social minimum requis en rapport avec l'objet social, et la détermination de cet objet social.

    1- Le nombre d'associés

    Les sociétés anonymes sont des sociétés de capitaux instituées en vue d'une association de fonds pour la création et le développement d'entreprise. Dans cet ordre d'idées, le financement d'une personne ou d'un groupe restreint, limité dans ses risques est insuffisant et inopérant. Malgré le

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    silence des lois haïtiennes sur la question, les actionnaires fondateurs des sociétés anonymes se fondent le plus souvent sur l'article 3 du décret du 3 Aout 1955. Cet article prévoit pour la société anonyme haïtienne un conseil d'administration de trois membres dont l'un est nécessairement un citoyen haïtien. Une confusion est née de cet article car dans la pratique, la composition de ce conseil a inspiré la création de sociétés anonymes de trois actionnaires. Cette pratique est contraire à l'esprit de la loi. La société anonyme, doit se constituer avec plus de trois actionnaires, donc, quatre actionnaires au minimum. C'est l'exacte interprétation de l'esprit de la l'article en question.

    2. Le capital social

    Le capital social est la somme d'argent nécessaire pour constituer une entreprise ou réaliser un objectif. Il est constitué des différents apports. Pour les sociétés anonymes, le capital social minimal est rigoureusement fixé par la loi, et pour celles purement commerciales, et pour celles à vocation industrielle ou agricole. Ce capital est divisé en actions cessibles. L'article 1er du décret du 11 Novembre 1968 dispose ce qui suit : «Le capital des sociétés par actions, dans les proportions équitables, doit être en rapport avec l'objet de l'entreprise. Le capital social minimum d'une société commerciale est de 25 000gourdes ou 5 000 dollars et celui des sociétés industrielles et agricoles est de 100 000 gourdes ou 20 000 dollars ». Le dollar mentionné ici est le dollar américain ($ US).

    3. L'objet social

    L'article 903 du code civil mentionne la certitude de l'objet de tout contrat ou convention. En effet, l'objet doit être précis et clair pour que la société anonyme ne tombe pas sous le coup de la loi en dépassant les limites de son objet. Il peut être commercial, industriel ou agricole. Une société commerciale dont l'objet est commercial, ne peut pas se complaire à réaliser des activités de type industriel ou agricole. D'ailleurs, le capital minimum requis pour la constitution d'une société anonyme dont l'objet est le commerce est moindre que celui exigé pour une autre dont l'objet serait industriel ou agricole. C'est dire que l'objet social, bien que librement défini dans les statuts, est important, pour les procédures de constitution, pour l'administration fiscale, et pour circonscrire la compétence des dirigeants sociaux. Cependant, il peut être modifié durant la vie sociale, il suffit d'une révision des statuts.

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    Section II : Les procédures de constitution

    Elles sont indispensables à la constitution. Il ne peut y avoir de sociétés anonymes sans que des procédures n'aient été engagées pour y arriver. Le jeu se fait entre les étapes proprement dites, les personnes compétentes pour les entreprendre, les institutions concernées et les délais.

    A) Les étapes administratives1

    La constitution d'une société anonyme est une affaire de procédures. Elle est faite d'étapes administratives qui s'imbriquent les unes aux autres. La complexité des procédures et le nombre des formalités varient selon qu'il s'agisse de constitution sans ou avec appel public à l'épargne. Mais des règles générales s'appliquent à toutes sociétés anonymes, quelle que soit le type de constitution envisagé. Voici les formalités exigées pour quelque soit le type de constitution retenue.

    1- Les étapes indépendantes du type de constitution2

    a)L'enregistrement : il consiste en la reproduction des mentions d'un acte sous seing privé ou authentique. Elle se réalise dans un registre à ce destiné à la Direction Générale des Impôts. L'enregistrement se fait pour tous les actes de la société commerciale.

    b) L'immatriculation au MCI : le délai entre l'enregistrement à la DGI et l'immatriculation au MCI est de quinze (15) jours. L'immatriculation est l'acte par lequel la société est enregistrée dans les registres du commerce et des sociétés moyennant le paiement d'un frais et l'attribution d'un numéro appelé numéro d'immatriculation. Cette formalité confère la personnalité morale à toutes les sociétés commerciales, hormis les sociétés anonymes. La date d'immatriculation est enregistrée à la Direction des Affaires Juridiques dudit Ministère.

    c) L'immatriculation à la DGI : c'est une formalité fiscale à la suite de laquelle une carte d'immatriculation fiscale (CIF) est attribuée à la société commerciale nouvellement constituée.

    1- Centre de Facilitation des investissements (CFI)/ Ministère du Commerce et de l'Industrie (MCI)

    2- Tableau I dressé par le Ministère du Commerce et de l'Industrie pour la constitution des sociétés anonymes et notes de cours de Droit des Sociétés par le Professeur COLLOT.

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    Elle intervient après l'immatriculation au MCI. Si l'immatriculation au MCI et l'autorisation de fonctionnement confère la personnalité morale, donc la capacité juridique, aux sociétés commerciales, l'immatriculation à la DGI elle, leur confère la personnalité fiscale et la faculté contributive.

    d) La transcription : elle se réalise au sein de la DGI. C'est la reproduction in extenso de tous les actes de la société commerciale (sauf les signatures). Ce qui la distingue de la minute, c'est qu'elle ne porte pas les signatures en vrai. Certains actes sont soumis au seul enregistrement, d'autres sont soumis aux formalités.

    e) La demande d'autorisation de fonctionnement : l'article 4 du décret du 08 Mars 1984, stipule que les sociétés anonymes ont la personnalité juridique à compter de leur date d'autorisation. Ce sont les articles 2 et 3 du décret du 2 Juin 1995 qui réglementent la question de la demande d'autorisation. Cette autorisation de fonctionnement doit être demandée par les fondateurs de la société anonyme. Elle est donnée par le Ministre du Commerce et de l'Industrie. Elle doit ensuite être vérifiée par la Primature et la Présidence avant d'être publiée dans Le Moniteur. Ces dernières formalités sont récentes.

    f) Le retrait des fonds : pour retirer les fonds déposés à la Banque Nationale de Crédit, il faut que la société anonyme ait son autorisation de fonctionnement publiée. Ce retrait ne peut être accompli que par le premier conseil d'administration ou un mandataire de la société sur présentation de l'autorisation de fonctionnement et la soumission de signatures valables. (Art. 5 du décret du 28 Aout 1960).

    g) Les formalités de publicité : ce sont des procédures essentielles pour la formation de la société. Le contrat de société doit être rendu public. Les formalités de publicité se font en trois phases :

    i) La première phase consiste dans l'inscription de la société au registre du commerce et des sociétés au Ministère du commerce et de l'industrie. C'est l'immatriculation de la société prévue par l'article 43 du code de commerce haïtien.

    ii) L'article 2 du décret du 28 Aout 1960 donne la deuxième phase qui consiste en la publication au journal officiel le Moniteur des statuts et de l'autorisation de fonctionnement. Cette étape est importante pour le déblocage des fonds déposés.

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    iii) L'affichage pendant trois mois au Tribunal de Première Instance du lieu du siège social et à la Chambre de commerce d'Haïti, de l'acte constitutif de statuts et de l'autorisation de fonctionnement constitue la dernière étape

    h) Les formalités sociales : la loi organique du Ministère des Affaires Sociales et du Travail, ci-devant le Département des Affaires Sociales, du 28 Août 1967, publiée dans le journal officiel Le Moniteur du 28 Septembre 1967 fait obligation aux employeurs d'inscrire leurs employés aux systèmes de sécurité sociale de l'OFATMA et de l'ONA et de remplir les formalités y relatives. Cela concerne l'assurance-maladie, l'assurance-maternité, l'assurance-invalidité, l'assurance-vieillesse et autres services du droit travail de la sécurité sociale.

    g) La carte d'identité professionnelle : elle est le document d'identification de toute entreprise ou de tout professionnel exerçant une activité commerciale ou industrielle sur le territoire national. Elle est délivrée par le Ministère du Commerce et de l'Industrie à Port-au-Prince et par les directions régionales dans les villes de province. Les formalités pour l'obtention de la CIP seront résumées dans le tableau II y relatif.

    2- Constitution sans appel public à l'épargne

    Les sociétés anonymes qui se constituent sans appel public à l'épargne sont dispensées de diverses formalités. L'article 1er du décret du 8 Mars 1984 leur ôte les formalités prévues à l'article 1 et 2 du 28 Aout 1968. Néanmoins, il leur en reste quand même quelques à remplir.

    a)Le projet de statut : c'est une obligation de la loi. C'est d'une nécessité pratique que d'établir les statuts qui régiront la vie de la société, les droits, obligations et privilèges des fondateurs par rapport à la société. En général, ils contiennent les éléments essentiels : objet, siège social, durée, rémunération des apports en nature et/ou en industrie, le capital social, les organes d'administration et de direction, les modalités de fonctionnement et celles de cession des actions, etc. Dans la pratique, un conseil juridique ou un notaire rédige le projet de statut qui en général est proche du statut. Les fondateurs futurs actionnaires signent le protocole d'accord qui consigne leur engagement sur les points les plus importants que soulèvent la création et le fonctionnement de la société. C'est une promesse de société, une obligation de faire entre les contractants dont l'inexécution se résout en dommages-intérêts selon les voeux de l'article 933 du code civil haïtien. Le plus souvent, avec quelques rectifications mineures, le projet de statut

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    constitue le texte définitif qui devra être signé par les souscripteurs. Les statuts doivent être établis par écrit sous forme notariée. Ils sont plus ou moins détaillés selon les actionnaires en cause.

    b) La signature des statuts : c'est l'étape la plus importante dans la constitution d'une société anonyme. C'est à partir de la date de cette signature que la société est réputée constituée. Cependant, ce n'est qu'à la publication de l'autorisation de fonctionnement que la société anonyme pourra pleinement jouir de la personnalité morale, donc de son entière capacité juridique. En signant, les contractants prennent l'engagement définitif de participer à la société. Les statuts doivent être signés en autant d'originaux qu'il y a d'actionnaires, ajoutés à ceux qui seront déposés aux institutions compétentes. Ils sont signés par tous les actionnaires et mandataires.

    c) Désignation des membres et des organes de direction : après la signature des statuts, les fondateurs doivent désigner les premiers administrateurs. Ces derniers une fois désignés sont habilités à nommer le Président du conseil d'administration, et sur proposition éventuelle de celui-ci, les directeurs généraux. Ces désignations ont pour but de permettre l'accomplissement des formalités administratives. Mais l'entrée en fonction des désignés ne sera effective qu'à partir de la date d'autorisation de fonctionnement.

    d) L'acte constitutif : prévu à l'article 2 du décret du 16 Octobre 1967, il mentionne tout ce qui a rapport à la souscription, au versement, du certificat du dépositaire du capital social initial. Il est dressé après la tenue de la première Assemblée générale par un notaire (art. 13 du décret du 28 Aout 1960).

    e)La souscription du capital social : pour constituer une société anonyme, il faut former le capital social et le souscrire. Elle se réalise par des apports en numéraires qui donneront droit à des actions de numéraires, ou par des apports de nature qui donneront droit à des actions de même nature. Toutefois, il faut procéder à la libération des actions. Une liste des souscripteurs avec la somme versée par chacun d'eux au moment du dépôt des fonds justifie la souscription.

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    3- Constitution avec appel public à l'épargne

    La constitution avec appel public à l'épargne est plus complexe en durée et en formalités. A l'instar des étapes pour la constitution sans appel public à l'épargne, elle nécessite diverses autres opérations obligatoires. Elle s'en diffère par quelques nuances, très significatives pourtant.

    a)Les statuts : ils peuvent être établis sous seing privé ou sous forme authentique. Un exemplaire est déposé par les fondateurs au Ministère du commerce et de l'industrie et l'autre copie certifiant le dépôt est déposée chez un notaire (art. 1er du décret du 28 Aout 1960).

    b) L'avis de formation : un avis de formation doit être inséré dans le Moniteur et dans un quotidien à grand tirage de la capitale. Il doit contenir les indications pouvant permettre à tout souscripteur d'être renseigné sur les principales caractéristiques de la société telles : la dénomination de la société et le siège social, son objet, le nom des fondateurs, le montant du capital social, le montant à souscrire, l'indication du dépôt, l'option de fonctionnement (Art. 2).

    c)La formation du capital social : le capital social d'une société anonyme se constituant avec appel public à l'épargne se forme par souscription. Les procédures de souscription et de libération d'une partie du capital social sont prévues aux articles 3 et 4 du même décret.

    d) Le certificat des dépositaires : c'est un acte notarié pour confirmer l'existence des bulletins de souscription. Il se fait tout de suite après le certificat du dépositaire délivré par l'institution bancaire concernée par les procédures. Il y est inscrit le montant et la répartition des souscriptions et le dépôt des versements effectué à la banque.

    e)La libération des actions : la libération des actions s'effectue quand le souscripteur réalise l'apport qu'il avait promis en numéraire, en nature ou en industrie. L'article 9 du décret du 28 Août 1960 prévoit le délai dans lequel la libération doit s'effectuer sous peine de sanctions. Le délai obligatoire de libération intégrale est de cinq ans à compter de la date de l'immatriculation dans le cas où c'est le quart du capital social qui a été versé. Cette libération peut intervenir en une ou plusieurs fois. Le versement du capital devrait se faire à la Banque Nationale de la République d'Haïti (BNRH) selon l'art. 2 du décret du 11 Novembre 1968, il se fait à la BNC depuis la loi du 17 Août 1979. Et le dépositaire réclamera un certificat qui constitue une

    1- Tableau I : de constitution avec procédures, délais, pièces institutions concernées et les personnes compétentes pour remplir ces formalités.

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    constatation matérielle. Pour les apports en nature, ils doivent être évalués par le commissaire aux apports désigné par l'Assemblée générale de constitution avant d'être libérés.

    f) L'assemblée générale constitutive : après le certificat des dépositaires, l'assemblée générale de constitution est convoquée par les fondateurs. Elle constate la souscription entière du capital social et la libération du montant exigible des actions et adopte les statuts. Elle nomme les premiers administrateurs et a pour tache d'approuver les actes accomplis par les fondateurs pour le compte de la société. Elle se prononce sur les avantages particuliers et les apports en nature et en industrie et opère toujours à l'unanimité. Les délibérations sont adoptées à la majorité des deux tiers, et elle doit statuer à l'unanimité de tous les souscripteurs.

    Toujours est-il que toute constitution, avec ou sans appel public à l'épargne doit procéder aux formalités d'immatriculation, d'enregistrement, de publicité, de demande d'autorisation, de retrait des fonds, aux formalités sociales et fiscales1.

    B) Les institutions concernées par le processus

    Traditionnellement, il y a celles que le la loi et la doctrine consacrent : le MCI, le MEF, le MAST, le TPI et le CCIH, les Presses Nationales/le Moniteur ; et récemment celles qui ont été ajoutées : la Primature et la Présidence.

    1- Les institutions traditionnelles

    a)Le Ministère du Commerce et de l'Industrie : il est concerné pour les formalités d'immatriculation et d'autorisation de fonctionnement. Les organes spécifiquement achalandés sont la Direction des Affaires Juridiques, le Centre de Facilitation des Investissements et le Ministre lui-même.

    b) Le Ministère de l'Economie et des Finances : c'est à la Direction Générale des Impôts, organe déconcentré dudit ministère que s'effectuent les formalités d'enregistrement, de transcription et de l'immatriculation fiscale. Et encore, c'est cette entité qui a compétence pour délivrer le quitus fiscal aux actionnaires et imposer la société pour toute la durée de sa vie sociale.

    27

    c)Le Ministère des affaires sociales et du Travail : c'est à l'Office Nationale d'Assurance Vieillesse et à l'Office d'Accident de Travail de Maladie et de Maternité que les dirigeants de la société anonyme constituée doivent remplir les exigences de sécurité sociale et d'assurance pour ses employés. De plus le ministère doit être avisé et notifié des questions relatives aux conditions d'emplois, car c'est également le ministère du travail.

    d) Le Tribunal de Première Instance : celui du lieu du siège social de la société, car il aura à connaitre, en ses attributions commerciales les affaires qui concernent cette société. Il est compétent pour les litiges opposant la société à des tiers. En ce sens, il doit être notifié de l'existence de la société anonyme en question.

    e)La Chambre de commerce et d'industrie : étant donné que cette structure s'occupe de commerce et d'industrie, c'est tout à fait légitime qu'elle soit avisée quand une société commerciale ou industrielle opère sur le territoire national.

    f) Les Presses Nationales d'Haïti/ Le Moniteur : ils sont sollicités pour les formalités de publicité exigées par la législation haïtienne, uniquement pour la constitution des sociétés anonymes.

    2- Les institutions ajoutées

    a)La Primature : cette instance est là pour vérifier l'autorisation de fonctionnement délivré par le Ministre du Commerce et de l'Industrie et y donner son aval. C'est l'une des institutions qui s'est ajoutée à la liste traditionnelle déjà longue.

    b) La Présidence : récemment ajoutée après la Primature, la Présidence jette le dernier regard sur l'autorisation de fonctionnement. Après cette vérification finale, elle envoie l'autorisation eux Presses Nationales pour publication dans le journal officiel de la République, Le Moniteur.

    Un tableau qui présente les formalités, les pièces, les institutions, les personnes compétentes pour les accomplir, les délais et les frais de procédures illustrera ce qui vient d'être dit. Bien entendu, les étapes à accomplir par les fondateurs eux-mêmes ne sont pas détaillées (par exemple les statuts, l'acte constitutif, etc.). Cela va de soi qu'il faut les réaliser avant de solliciter l'Administration Publique pour les procédures qui sont dans sa fourchette de compétence.

    28

    Tableau I : Constitution des sociétés anonymes

    Vérification de la disponibilité de la raison sociale dans les registres du Ministère du

    sur l'ORCC sur le site www.cfihaiti.net et

    Commerce et de l'Industrie (MCI).

    Etapes Administratives

    Documents nécessaires et détails des étapes

    Requête adressée au MCI soumise par un Avocat avec l'ensemble des pièces requises à la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) du MCI.

    Formulaire de conformité à remplir, disponible au Centre de Facilitation des Investissements (CFI) et au MCI.

    Soumission de la copie du reçu du dossier complet au CFI.

    Deux expéditions des pièces suivantes :

    - Statuts de la société

    - L'acte Constitutif

    - L'acte de dépôt des statuts et de l'acte

    constitutif chez un notaire

    - L'acte de souscription et de versement
    par les souscripteurs d'au moins 1/4 du capital minimum requis pour l'activité

    - Certificat de dépôt à la BNC du 1/4 du
    capital minimum

    - Rapport d'un commissaire au compte
    dans le cas d'apports en nature Accompagnées de :

    - Formulaire de conformité

    - Vignette bleue disponible au MCI (25

    gourdes)

    - Attestation du paiement des frais de
    traitement du dossier (250 gourdes)

    - Chèque pour la publication des statuts
    de la société aux Presses Nationales

    Analyse du dossier à la Direction des Affaires Juridiques du MCI.

    Délai de quatre (4) jours pour enregistrement au MCI

    - Avis de formation de la société

    - Lettre de transmission pour publication

    du journal Officiel

    - Lettre au requérant autorisant la société
    à fonctionner

    29

    Etapes Administratives

    Documents nécessaires et détails des pièces

    Publication des statuts et documents de la Société par les Presses Nationales.

    Délai de publication est de trente (30) jours

    ouvrables sous réserve de paiement pour
    publication expresse

    Le chèque à l'ordre des Presses Nationales est remis avec l'ensemble du dossier au MCI. Il correspond à une fourchette basée sur le tarif forfaitaire suivant :

    - 1-9 pages : 5 000 Gdes

    - 10-25 pages : 20 000 Gdes

    - 26 pages et plus : 35 000 Gdes

    Le forfait sera doublé pour un service express.

    Déclaration de fonctionnement et paiement des différents droits à la Direction Générale des Impôts (DGI).

    -Dépôt du bilan d'ouverture rédigé par un expert-comptable assermenté.

    -Formulaire de déclaration de fonctionnement à remplir.

    -Paiement des droits suivants :

    a) Immatriculation fiscale pour délivrance de la carte d'immatriculation fiscale

    b) Droits de fonctionnement pour
    délivrance de la patente

    c) La taxe sur action

    d) Droit de timbre proportionnel sur le capital social

    e) Taxe sur la masse salariale, le cas
    échéant

    Obtention de la carte d'identité professionnelle (CIP) au MCI.

    - Paiement des frais de 250 Gdes ou 500

    Gdes selon les catégories pour la CIP

    - Présentation des pièces (carte

    d'immatriculation, avis de cotisation
    patente, avis cotisation CIP)

    - Délivrance de la CIP

    Demande du quitus fiscal de la société à la DGI

    Présentation des preuves de paiement des taxes et droits pour l'obtention du quitus fiscal.

    30

    Etapes Administratives

    Documents nécessaires et détails des étapes

    Déclaration définitive d'impôts à la DGI

    Formulaire de déclaration définitive d'impôt à remplir par au moins trois sociétaires.

    Enregistrement au Greffe du Tribunal de Première Instance et à la Chambre de Commerce et d'Industrie.

    Présentation d'un exemplaire du Moniteur publiant les statuts de la société.

    Source : CFI /MCI

    Tableau II : Carte d'Identité Professionnelle des sociétés anonymes

    Etapes Administratives

    Documents nécessaires et détails des étapes

    Paiement des droits de fonctionnement de la société à DGI

    Paiement des droits liés à la CIP à la DGI

    -Droits d'immatriculation -Droits de patente -Droits pour la CIP

    Dépôt des pièces requises à la Direction du Commerce Intérieur du MCI

    Communication du reçu de dépôt de ces pièces. CFI pour suivi le cas échéant.

    -Carte d'immatriculation fiscale

    -Avis de cotisation de la patente

    -Avis de cotisation de la CIP

    -Certificat de patente

    -Frais de traitement de dossier au MCI de 250

    ou 500 Gdes selon la catégorie de CIP

    -Copie de l'autorisation de fonctionner du MCI

    ou du journal officiel ayant publié les statuts de

    la société.

    Délivrance de la CIP

    Délai de 48h pour la délivrance de la carte.

    Carte remise au requérant sur présentation du reçu de dépôt des pièces.

    Source : CFI/MCI 2011

    C) Enregistrement des succursales des sociétés anonymes étrangères

    Les sociétés anonymes étrangères avant de pouvoir fonctionner en Haïti, doivent être enregistrées au Ministère du Commerce et de l'Industrie. Les formalités y relatives sont peu

    31

    nombreuses et pas du tout compliquées. Comme c'est dressé par les autorités compétentes, nous reproduisons exactement le tableau1 de la procédure à suivre.

    Tableau III : Enregistrement des sociétés anonymes étrangères

    Procédure célère Dépôt de la requête avec un chèque de

    163,00 gourdes à l'ordre de la Direction Générale des Impôts pour le paiement de la taxe d'enregistrement

    Acquisition du sceau sec et des timbres au Ministère du Commerce et de l'Industrie.

    Requête adressée au MCI par un avocat pour le dépôt des statuts de la société et les suites légales (le dépôt du 1/4 du capital social n'est pas requis).

    · Légalisation des statuts et de l'acte constitutif de la société au Consulat Général d'Haïti au pays du domicile de la société

    · Légalisation de la signature du consul au Ministère des Affaires en Haïti

     

    Remettre une copie de la requête au Centre Facilitation des Investissements (CFI) pour suivi

    · A défaut d'un Consulat Haïti dans le pays où la société a son siège social, authentifier les pièces chez un Notaire Public du domicile de la société

    · Légaliser la signature du Notaire au Ministère des Affaires Etrangères du pays concerné.

     

    Livraison de la pièce attestant de l'enregistrement du nom commercial

    Deux (2) semaines à partir de la date de dépôt de la requête

    · Faire traduire les pièces rédigées en langue étrangère par un expert commis par le doyen du tribunal civil compétent.

    · Constituer un avocat en Haïti pour les formalités

    Formalités Mode opératoire

    1- Direction des Affaires Juridiques du Ministère du Commerce et de l'Industrie.

    32

    Frais de traitement de 250 gourdes.

    Délai de livraison (procédure célère) Une (1) semaine et demie à compter de la

    date de dépôt de la requête

    Eviter l'utilisation du nom commercial par d'autres personnes physiques ou morales

    Durée de Validité 10 ans renouvelables

    Après son enregistrement, une société commerciale est réputée avoir son domicile fiscal en Haïti et devient donc une personne morale imposable, et est assujettie à l'Impôt sur le Revenu Individuel (IRI), ou à l'Impôt sur les Sociétés (IS). Nous y reviendrons dans le dernier chapitre. De toute façon, une société anonyme étrangère qui veut établir domicile dans le pays n'a qu'à s'enregistrer, car elle a déjà été constituée dans un pays, lequel lui a donné une nationalité.

    O) Les particularités

    Dans la constitution des sociétés anonymes, les particularités sont nombreuses. Uno, il y a deux modes de constitution avec deux procédures différentes pour deux projets distincts de sociétés anonymes. Pour les autres types de sociétés commerciales, il n'y a qu'un seul procédé de constitution. Deuxio, quelque soit les procédures envisagées, la constitution d'une société anonyme requiert plus de formalités que toutes les autres sociétés commerciales réunies, prévues par la législation. De plus, ces formalités sont à la fois contraignantes, éreintantes et irritantes. Tertio, la société anonyme courbe sous le poids de trois types de conditions de constitution : celles de droit commun, celles de naissance, et celles à elles spécifiques. Alors que les autres sociétés commerciales ne sont soumises qu'aux deux premiers types. Quarto, les institutions qui supervisent la constitution des sociétés anonymes sont deux fois plus nombreuses que dans le cas des autres sociétés commerciales. Même la Primature et la Présidence s'en mêlent ! In fine, les sanctions pour irrégularités de constitutions sont plus graves dans le cas des sociétés anonymes. Ces dernières sont de deux ordres.

    33

    Section III : Sanctions pour irrégularités de constitution

    A) Les sanctions civiles

    Ce sont les sanctions qui n'engagent pas la responsabilité pénale des fauteurs, mais qui implique une action en régularisation, en nullité ou en en dommages et intérêts car les instigateurs des irrégularités sont quand même responsables devant la loi.

    1. La régularisation

    Pour les irrégularités de constitution, quand le manquement ou la faute ne porte pas préjudice à la société et n'a pas de conséquences sur des tiers, il suffit simplement de régulariser la situation. C'est le cas notamment pour un retard valablement motivé dans les délais de procédures. Ou d'une erreur qui ne découle pas des fondateurs, mais de l'administration publique. Ou encore d'une faute commise indépendamment de la volonté des administrateurs et qui n'a pas de conséquences majeures. Dans le cas d'insuffisance de capital ou de nombre manquant d'actionnaires, les intéressés doivent immanquablement régulariser leur situation. (Art. 16 décret du 28 Aout 1960). A défaut de la régularisation, tout intéressé peut demander la dissolution de la société anonyme en question.

    2. La nullité

    Prévue aux articles 16 et 17 du décret du 28 Aout 1960, la nullité sanctionne les sociétés fictives ou frauduleuses. C'est le cas également pour l'illicéité d'objet. En revanche, les vices de consentement et l'incapacité ne sont pas sujets à la nullité car la société demeure valable entre les personnes capables et dont le consentement n'est pas vicié. En ce qui concerne les exigences spécifiquement faites aux sociétés anonymes, leur irrespect n'entraine pas la nullité, mais une régularisation conforme à la loi.

    3. La responsabilité civile

    Selon les articles 18,19 et 20 du même décret, la responsabilité des fondateurs est engagée si par leur fait, leur imprudence ou leur négligence, la société est annulée. Tout fait de l'homme qui porte préjudice à autrui oblige celui par qui la faute a été commise à le réparer, nous dit le code

    34

    civil. C'est le cas par exemple lorsqu'ils ont fermé les yeux sur le caractère fictif des apports. Ici, la répression est également pénale.

    B) Les sanctions pénales

    Les sanctions pénales sont les plus sévères. Elles sanctionnent les fautes les plus graves et peuvent s'accompagner de sanctions civiles. C'est souvent le cas d'ailleurs.

    1. L'emprisonnement

    Les articles 21 et 22 du décret du 28 Août 1960 et l'article 337 du code pénal haïtien punissent les fondateurs et dirigeants pour émission irrégulière d'action. Ils peuvent être inculpés si les formalités d'immatriculation et d'autorisation de fonctionnement ont été obtenues par fraude, dans des conditions irrégulières, par des affirmations trompeuses, par majoration frauduleuse des apports en nature ou par autorisation de consigner des apports fictifs dans les statuts, etc. (Arts. 4,5 loi du 3 Aout 1955 ; arts 2,14 décret du 16 Octobre 1967). L'emprisonnement est de un an au moins et de trois ans au plus.

    2. L'interdiction d'exercice de certains droits

    En plus de la peine d'emprisonnement, l'article 337 du code pénal prévoit, pendant 3ans au moins et 9 ans au plus, l'exercice de certains droits mentionnés en l'article 28 du même code. Ces droits sont des droits politiques, civils et de famille. Ce sont les droits :

    « De vote et d'élection ; d'éligibilité aux fonctions de jurés ou autres fonctions publiques ; d'être éligible aux emplois publics de l'administration, ou d'exercer ces fonctions ou emplois ; de port d'arme ; de vote et de suffrage dans les délibérations de famille, d'être tuteur, curateur, si ce n'est de ses enfants, et sur l'avis seulement du conseil de famille ; d'être expert ou employé comme témoin dans les actes ; de témoignage en justice, autrement que pour y faire de simples déclarations. »

    Ce sont là tout ce qui se rapporte à la constitution des sociétés anonymes au regard du droit positif haïtien. Une seule dispense existe dans la législation haïtienne sur la constitution des sociétés anonymes. Elle concerne les sociétés anonymes qui se constituent avec la souscription intégrale du capital social. Elle est prévue à l'article 1er du décret du 8 Mars 1984.C'est l'unique

    35

    faveur de la loi y relatif mais elle permet de voir que la loi est duale quand il s'agit de la constitution des sociétés anonymes. Il faut croire que ce n'est pas avec facilité et légèreté que les multiples sociétés anonymes qui fonctionnent en Haïti se sont constituées. Surtout lorsqu'on regarde la lourdeur des procédures et les ajouts non indispensables qui se sont greffés à une structure déjà difficile d'accès (par exemple cette question de vérification par la primature et la présidence), on se demande quelles sont les motivations du législateur. En effet, pourquoi, la constitution des sociétés anonymes prévue et régie par le droit haïtien est aussi lourde et complexe ? Une réflexion doit être engagée à ce sujet. Le débat est lancé.

    36

    CHAPITRE II : LA VIE DES SOCIETES ANONYMES AU REGARD DU DROIT POSITIF HAÏTIEN.

    Ce chapitre concerne la vie active des sociétés anonymes. Après l'étape de constitution, les SA peuvent réellement commencer à fonctionner. Etant une structure hautement hiérarchisée et complexe, son organisation (section I), son fonctionnement (section II) et sa dissolution (section III) sont ici étudiés.

    Section I : Organisation des Sociétés Anonymes

    Les sociétés anonymes ont une organisation complexe. Quatre composantes en constituent la structure : les actionnaires, les organes de gestion, les organes de contrôle et les salariés. Les organes classiques (les deux premiers) ont une charpente plus complexe que dans les autres sociétés commerciales et les autres y sont quasi inexistants.

    Tableau IV : Organisation des sociétés anonymes (Schéma)

     
     
     
     

    Direction Generale ou Directoire

     
     

    Conseil

    d'Administration ou
    Conseil de Surveillance

     
     
     
     

    Salaries

    Assemblee
    d'Actionnaires

     
     
     
     

    Commissaires aux
    Comptes et Experts de
    Gestion

     

    Salaries

     
     

    C'est la structure hiérarchique horizontale de l'arbre des décisions au sein de la société anonyme.

    1- LEFEBVRE, Francis : Droit des affaires/ Sociétés commerciales (Mémento Pratique), édition Francis Lefebvre, Paris, 1997, page 536.

    37

    A) Les Assemblées d'Actionnaires ou Organes délibérants

    Les Assemblées d'Actionnaires sont les organes délibérants à travers lesquels s'exprime la volonté des actionnaires. Ce sont elles qui prennent les décisions majeures qui transcendent la gestion quotidienne et qui désignent la majorité des autres organes. Elles sont souveraines et exercent un pouvoir suprême. On arrive même à parler de la prééminence de l'Assemblée tant son rôle est essentiel1. Il y a plusieurs types d'Assemblées : l'Assemblée constitutive, l'Assemblée générale ordinaire, l'Assemblée générale extraordinaire, l'Assemblée mixte et l'Assemblée spéciale.

    1. L'Assemblée Constitutive

    Elle est nécessaire quand la société anonyme se constitue en faisant appel public à l'épargne, donc, qu'elle veut réunir des souscripteurs. Elle a pour mission de constater, d'adopter, de désigner et de mandater toutes personnes et toutes formalités qui concernent la constitution de la société anonyme avec appel public à l'épargne. Elle ne peut avoir lieu qu'avant le fonctionnement normal de la société.

    2. L'Assemblée Générale Ordinaire

    D'une manière générale, l'assemblée générale ordinaire prend toutes les décisions dans les circonstances normales de fonctionnement. Elle statue sur l'approbation des comptes, la nomination ou le remplacement des membres des organes de gestion et de contrôle et les décisions à prendre concernant un certain nombre d'opérations. C'est une assemblée de droit commun qui a une compétence pour toutes les décisions autres que la gestion courante et autre que la modification des statuts. La loi oblige toute société anonyme à tenir une assemblée générale ordinaire au moins une fois l'an, particulièrement dans les six mois qui précèdent la clôture de l'exercice annuel. L'actionnaire qui est empêché peut se faire représenter seulement par un autre actionnaire, personne physique ou morale. S'il est absent et ne s'est pas fait représenter, on tombe dans le principe des mandats en blanc ou pouvoir en blanc. Dans ce cas, le

    Il existe deux types d'organes de gestion pour les sociétés anonymes. Il y a d'abord l'organe classique de type moniste, le conseil d'administration, et le nouvel organe de type dualiste, le

    38

    Président détient les votes ou pouvoirs qui s'attachent aux procurations et ainsi, on peut aisément parvenir au quorum.

    3. L'Assemblée Générale Extraordinaire

    Elle est compétente pour la modification des statuts, la seule habilitée à les modifier en partie ou dans toutes leurs dispositions. Donc, elle seule peut restreindre ou élargir l'objet social, changer la dénomination, transférer le siège social, anticiper la dissolution, etc. Cependant, elle ne peut augmenter la responsabilité des actionnaires, changer la nationalité de la société, ni empiéter sur les droits des autres organes. Ses limites sont fixées par la loi ou découlent des principes généraux. Tout actionnaire peut y participer. Ceux qui ne peuvent pas être présents, peuvent recourir à la représentation. Une majorité de deux tiers des voix est nécessaire pour qu'une résolution puisse être adoptée par l'assemblée générale extraordinaire. Lorsque les décisions de l'assemblée générale extraordinaire entrainent la modification effective des statuts, les mêmes formalités de publicités exigées lors de la constitution sont applicables car les tiers doivent en être informés.

    4. L'Assemblée Spéciale

    L'assemblée spéciale réunit les titulaires d'actions d'une catégorie déterminée (actions de priorité, actions amorties, actions à dividendes prioritaires sans droit de vote...). Ce sont des sous-assemblées qui sous-tendent des conditions (de quorum et de majorité) qui sont celles des assemblées générales extraordinaires.

    5. L'Assemblée Mixte

    C'est une nécessité pratique qui réunit deux assemblées en une. Elle a été créée pour éviter d'avoir deux assemblées successives dans un laps de temps réduit et d'établir deux feuilles de présence. Y sont prises des décisions dont certaines relèvent de la compétence de l'assemblée générale ordinaire et d'autres, de l'assemblée générale extraordinaire.

    B) Les Organes de gestion et de direction

    39

    directoire et le conseil de surveillance. La législation haïtienne prévoit les deux types mais ne régit que le conseil d'administration. On va quand même parler des deux. Il faut avant tout préciser que les deux sont alternatifs.

    1- La société anonyme avec conseil d'Administration

    Les administrateurs sont nommés par l'Assemblée Générale d'Actionnaires pour une durée déterminée. Le nombre, les conditions, le mode de nomination, ainsi que la durée de fonction sont déterminés par la loi. Lorsqu'ils se réunissent en conseil, ils forment un collège chargé de gérer et de diriger la société. Le conseil d'Administration est l'intermédiaire entre l'Assemblée, organe intermittent et la direction qui assure la permanence du pouvoir1. Mais comment fonctionne le conseil d'administration d'une société anonyme ?

    a)Le conseil d'administration

    Tout d'abord, selon l'article 3 de la loi du 03 Aout 1955, une société anonyme est administrée par un conseil qui comporte au moins trois membres. Ce conseil d'administration n'est pas réuni en permanence, il joue plutôt un rôle de contrôle de la gestion et des décisions qui sont prises par la direction. Pour être nommé au sein du conseil d'administration d'une société anonyme, il faut posséder la qualité d'actionnaire. Cependant, le nombre d'actions à avoir pour devenir administrateur est limitativement fixé par les statuts. L'administrateur pourra être soit une personne physique, soit une personne morale. Dans le dernier cas, la personne morale doit désigner un représentant personne physique. Ces administrateurs sont nommés par l'assemblée générale des actionnaires et la durée de leurs fonctions ne pourra excéder le temps fixé par la loi. Par ailleurs, il est important de noter que la fonction d'administrateur d'une société anonyme n'est pas stable. En effet, l'administrateur peut être révoqué à tout moment par l'assemblée générale des actionnaires, sans préavis ni indemnités, et sans qu'il soit nécessaire de donner un motif de révocation. L'Assemblée Générale a donc un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la mise à pied des membres du conseil d'administration.

    Toutefois, les administrateurs n'ont pas la qualité de commerçant et ne sont pas personnellement responsables du passif de la société. Leur responsabilité se cantonne au montant de leur apport. Leur responsabilité civile et/ou pénale n'est engagée que dans les cas de fautes graves de gestion.

    1 - MERLE, Philippe : Droit commercial/ Sociétés commerciales, 8eme édition Dalloz, 2001, page 389.

    40

    b) La direction générale

    A l'instar des Administrateurs, d'autres entités assurent la gestion de a société anonyme. Ce sont les organes de direction qui constitue le comité exécutif du conseil d'Administration (article 27 du décret du 28 Aout 1960). Il y a d'abord le Président du conseil d'Administration encore appelé Président Directeur Général (P.D.G). Il est élu par le conseil d'administration et est accompagné d'un ou de plusieurs Directeurs Généraux (D.G). Ce sont des assesseurs du Président Directeur Général. Ce dernier peut encore être remplacé en cas de décès ou d'empêchement par Administrateur-Délégué (un administrateur par lui délégué). Les trois assurent la direction de la société anonyme. Un quatrième élément peut encore surgir, le Vice-président1. Absolument rien n'interdit une telle démarche, pourvu que le rôle dudit vice-président soit limité.

    2- La société anonyme avec directoire et conseil de surveillance

    Une autre forme d'administration de la société anonyme est le directoire et le conseil de surveillance2. Dans toute la législation haïtienne, exceptionnel est l'article qui a mentionné cet organe de gestion. Il n'est donc ni prévu, ni régi par les lois du pays. Néanmoins, par souci d'équilibre et pour prêter mains fortes à l'article 120 du décret du 27 Septembre 2005, nous y jetons quand même un coup d'oeil avec le regard d'un Allemand ou d'un Français.

    La gestion classique d'une société anonyme par un conseil d'administration n'est pas forcément efficace. C'est pourquoi les sociétés anonymes peuvent être gérées par un autre type d'organe : le directoire et le conseil de surveillance. Ce dernier est inspiré du droit allemand, et apporte une nouvelle formule d'organisation. Nous allons voir comment fonctionne le directoire et le conseil de surveillance d'une société anonyme.

    a) Le Directoire

    C'est l'organe de direction de la société. D'une part, le directoire d'une société anonyme poursuit un objectif clair : celui de diviser les fonctions de direction et les fonctions de contrôle. Comme son nom l'indique, le directoire se charge des fonctions de direction. Le directoire est un

    1 - MERLE, Philippe : Droit commercial/ Sociétés commerciales, 8eme édition Dalloz, 2001, page 466.

    2 - MERLE, Philippe : Droit commercial/ Sociétés commerciales, 8eme édition Dalloz, 2001, page 477.

    41

    organe collégial dont les membres ne sont pas actionnaires. Pour ce qui est du contrôle de la gestion ce sera un autre organe qui aura cette fonction : le conseil de surveillance.

    D'autre part, les membres du directoire ne sont pas élus par l'assemblée des actionnaires, mais ils sont nommés par le conseil de surveillance. Les membres du directoire sont au maximum de cinq, et doivent être des personnes physiques. La durée du mandat des membres du directoire se situe entre deux et six ans.

    Par ailleurs, les membres du directoire ne pourront être révoqués que par décision de l'assemblée générale des actionnaires, sur proposition du conseil de surveillance. Ils ont donc une fonction beaucoup plus stable que dans d'autres formes de sociétés.

    b) Le conseil de surveillance

    Le mode de fonctionnement du conseil de surveillance d'une société anonyme est assez similaire à celui du conseil d'administration. Toutefois leurs fonctions sont très différentes.

    Tout d'abord, le conseil de surveillance est nommé par l'assemblée générale, il doit comporter au moins trois membres qui doivent être actionnaires de la société. Tout comme les membres du conseil d'administration, les membres du conseil de surveillance peuvent être révoqués à tout moment et sans motifs légitimes.

    Les membres du conseil de surveillance pourront cumuler leur mandat avec un contrat de travail qui reflète un emploi effectif. Le rôle principal du conseil consiste à contrôler de manière permanente la gestion de la société anonyme.

    A ce titre, le contrôle s'effectue sur les comptes de la société, mais aussi sur la régularité de la gestion et sur les actes accomplis par le directoire. Il a donc la possibilité de se faire communiquer tous les documents pour mener à bien sa mission de contrôle.

    C) Les organes de contrôle

    Le contrôle des sociétés anonymes est exercé par un ou plusieurs commissaires aux comptes (articles 35 et suivants du décret du 28 Aout 1960) et un expert de gestion. Ils sont là pour vérifier la sincérité des comptes de la société et d'en faire un rapport à l'Assemblée Générale. En principe, la mission de contrôler et de surveiller la société anonyme devrait être impartie à l'Assemblée Générale d' Actionnaires. Mais, la question de leur disponibilité et de leur compétence a convaincu le législateur de doter la société d'organes de contrôle chargés de

    42

    vérifier les comptes sociaux. Ce contrôle est donc devenu possible, effectif et efficace grâce à l'intervention des commissaires aux comptes et de l'expert de gestion. Cette tache de contrôle et de surveillance est faite non seulement au profit des actionnaires, mais aussi et surtout au profit de toutes personnes ayant un lien d'affaires avec la société anonyme.

    1. Les commissaires aux comptes

    Ils sont obligatoirement comptables et des conditions rigoureuses accompagnent leur éligibilité. De plus, ces comptables assermentés doivent avoir à leurs actifs dix ans d'expérience au minimum. Cependant, ils ne sont pas unis à la société par un lien contractuel, contrairement aux comptables-salariés chargés de tenir les comptes au jour le jour et aux experts comptables qui en assurent la révision. C'est un organe social dont la loi fixe les relations avec la société. Il en faut au moins un pour chaque société anonyme. Sa mission principale est le contrôle de la situation comptable et financière de la société. Cette entité a également une mission d'information et de vérification de la régularité de l'ensemble de la vie sociale, et un devoir d'alerte dès lors que la continuité de l'exploitation de la société est compromise1.

    L'indépendance par rapport aux actionnaires est l'une des conditions premières pour être un commissaire aux comptes. Ils sont frappés des mêmes interdictions et des mêmes déchéances que les administrateurs prévues à l'article 29 du décret du 28 Aout 1960. Toujours est-il que l'article 38 du même décret consacre des interdictions spécifiques pour garantir l'indépendance et l'impartialité de ces contrôleurs. Les commissaires aux comptes sont responsables tant à l'égard de la société qu'à l'égard des tiers. Leur inconséquence peut entrainer la responsabilité civile, la responsabilité pénale et la responsabilité disciplinaire.

    2. L'expertise de gestion

    L'expertise de gestion est un droit de la minorité. Dans une société comme dans tout régime démocratique, les décisions se prennent à la majorité. La minorité doit se soumettre ou éventuellement se démettre. Pourtant, la protection de la minorité des actionnaires doit être prise en considération dans les sociétés anonymes. On ne peut décemment pas accepter que la minorité soit totalement sous la dépendance des décisions de la majorité. Le droit des sociétés

    1 - MERLE, Philippe : Droit commercial/ Sociétés commerciales, 8eme édition Dalloz, 2001, page 533.

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    commerciales organise cette protection pour contrecarrer l'abus de la majorité1. C'est l'expertise de gestion, qui contrairement à la théorie de l'abus de la majorité s'érige pour faire entendre les voix minoritaires2. Cet organe d'origine légale en France et ailleurs n'a pas de sources légale, jurisprudentielle ou doctrinale en Haïti. Elle n'est ni prévue, ni régie par la législation du pays. Mais dans les systèmes où c'est prévu, l'expertise de gestion consiste dans le fait qu'un ou plusieurs actionnaires représentant au moins un dixième du capital peuvent demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. Ces experts sont des professionnels chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. Cette expertise de minorité est souvent le moyen pour ces actionnaires de se constituer des preuves avant d'intenter une action en responsabilité contre les dirigeants sociaux. Généralement, ce sont des actionnaires minoritaires qui demandent cette expertise, mais, cette possibilité est également ouverte au comité d'entreprise, au Ministère Public et, dans les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne, et à la Commission des Opérations Boursières (C.O.B.). En Haïti, ce serait la Banque de la République d'Haïti (B.R.H.) qui remplacerait la C.O.B. parce qu'il n'y a pas de Bourses de valeurs ou d'autres entités similaires dans le pays. C'est le Président du Tribunal qui détermine la mission et les pouvoirs des experts. Cette expertise, quoique ponctuelle et extraordinaire participe dans le contrôle de la société anonyme et c'en est un organe.

    D) Les salariés

    Dans les nouvelles formes de sociétés anonymes, les salariés ont leur place. Ils participent plus que par le passé dans la vie économique de la société dont ils reçoivent un salaire. L'heure est aux actionnaires-salariés et aux salariés devenant actionnaires. Dans cet imbroglio où les rôles, statuts et fonctions se mélangent, de nouveaux droits et de nouveaux horizons sont désormais accessibles aux salariés. Ces derniers constituent à ce moment précis de l'Histoire une composante importante de l'organisation d'une société anonyme3.

    1- LE GALL, Jean-Pierre et RUELLAN Caroline : Droit Commercial, 13e édition Dalloz, Paris, 2006, page 116.

    2 - MERLE, Philippe : Droit commercial/ Sociétés commerciales, 8eme édition Dalloz, 2001, page 555.

    3 - MERLE, Philippe : Droit commercial/ Sociétés commerciales, 8eme édition Dalloz, 2001, page 570.

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    1. Le droit à l'information

    Ils ont le droit à l'information. Ils doivent être informés en temps et lieux de la situation de l'entreprise afin de pouvoir orienter leurs actions et travailler de façon adéquate. Ces informations peuvent être systémiques ou occasionnelles, dépendamment de la politique en vigueur dans la société anonyme en question. Cependant, peu importe la fréquence qui rythme leur livraison, elles constituent désormais une obligation à la faveur des salariés. Les salariés formant le comité d'entreprise doivent être obligatoirement informés et consultés sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise. Dans les sociétés anonymes, le comité d'entreprise a les mêmes droits d'information, de communication et de copie que les actionnaires. Tous les salariés, dans la législation française, bénéficient d'une information complète et objective : informations permanentes et informations en cas de crise.

    2. La participation financière

    Les salariés participent financièrement dans les sociétés anonymes de trois manières : par l'intéressement aux bénéfices (attribution d'une fraction des bénéfices aux salariés), par la participation au capital (souscription et achat d'actions), et grâce au rachat de l'entreprise par les salariés eux-mêmes (RES). Il y a des actionnaires-salariés et des salariés acquéreurs d'actions. C'est la participation au capital. La loi n'interdit pas à un salarié de devenir à titre individuel, actionnaire de la société qui l'emploie. Ils participent également aux résultats financiers de l'entreprise. Surtout aux bénéfices dans le cas de revenus supplémentaires, de gratifications, de primes ou d'augmentation. Malheureusement en cas de perte ou de déficit, ils participent aussi dans la déconvenue financière sous forme de baisse de salaire, réduction d'avantages ou de licenciement de quelques uns ou de beaucoup d'entre eux.

    Pour le RES, il s'agit d'une opération financière qui permet aux cadres, aidés par un groupe d'investisseurs extérieurs, de racheter l'entreprise, sans faire appel à des capitaux personnels trop importants, grâce à des avantages fiscaux substantiels. Il survient lorsqu'il y a une menace pour la continuité de l'entreprise (cas d'un dirigeant âgé n'ayant pas de successeur par exemple).

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    3- La participation à la gestion

    Ils sont souvent représentés dans les sphères de décisions de la société. Ainsi, ils prennent part à la gestion de ladite société. Cette représentation est pourtant facultative dans certains pays, dont Haïti, dans d'autres, elle est obligatoire comme en Allemagne (pour les sociétés importantes), et dans certains cas, elle est timide, tel en France. C'est toute une histoire de cogestion et de co-surveillance entre les actionnaires et les salariés. Cependant une législation qui veut réaliser l'intégration des employés dans les sociétés qui les emploient doit y encourager la participation des salariés à la gestion. Les sociétés elles mêmes peuvent encourager cette pratique qui au final ne nuira aucunement les intérêts des actionnaires, des créanciers et des tiers.

    Section II : Fonctionnement des sociétés anonymes

    L'organisation très hiérarchisée de la société anonyme impose à celle-ci un fonctionnement complexe. La vie sociale se déroule conformément aux règles légales et statutaires. Le fonctionnement des sociétés anonymes se décline en fonctionnement normal, en incidents de fonctionnement, en restructuration desdites sociétés et dans le non-fonctionnement spécifiquement prévu par la législation haïtienne.

    A) Le fonctionnement normal

    Par fonctionnement normal, on entend les décisions à prendre lors de chaque exercice social comme l'approbation des comptes et l'affectation des résultats. La durée de vie d'une société anonyme est généralement fixée pour la durée maximale autorisée, à savoir quatre dix neuf ans1. Cette vie est divisée en exercices sociaux. Les opérations entrainant la modification du capital social et le financement des sociétés anonymes se rattachent également au fonctionnement normal de la société.

    1- Les exercices sociaux

    Les exercices sociaux sont la durée constante au terme de laquelle l'approbation des comptes et le partage des bénéfices s'effectuent. On ne saurait attendre le terme légal de la société pour

    1- GUYON, Yves : Droit des affaires, Tome I, 8eme édition economica, Paris, 1994

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    distribuer les résultats. Chaque année, les actionnaires doivent se réunir pour se prononcer sur les comptes et décider de l'affectation des résultats.

    a) L'approbation des comptes

    Les sociétés anonymes comme les autres types de société commerciale et les commerçants, doivent tenir une comptabilité régulière. Elles doivent enregistrer chronologiquement tous les mouvements pouvant, d'une manière ou d'une autre affecter le patrimoine de l'entreprise. Elles doivent faire l'inventaire au moins une fois annuellement des éléments de leur actif et ceux du passif et d'établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice en rapport avec les enregistrements comptables et l'inventaire. Les comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat, et une annexe1. Mais plus important encore, ils doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise sous peine de sanctions pénales envers les dirigeants. Les articles 34 et 35 du décret du 28 Aout 1960 organisent la manière de faire. Il s'agit pour les administrateurs d'adresser un rapport détaillé sur la situation active et passive de la société aux actionnaires, sur le bilan et le compte d'exploitation, quinze jours au moins avant la tenue de l'assemblée générale de nomination des commissaires aux comptes ou trente jours avant l'assemblée générale de vérification des comptes.

    Généralement ailleurs, la manière de procéder diffère quelque peu. Quoique, dans la pratique haïtienne, on s'en sert des comme référence. Les comptes sont établis par le conseil d'administration ou le directoire dans les quatre mois qui suivent la clôture de l'exercice. L'assemblée générale ordinaire annuelle se réunit dans les six mois de la clôture de l'exercice. Et durant cette réunion, après être éclairée par les rapports du conseil d'administration (ou du directoire et du conseil de surveillance), les rapports des commissaires aux comptes, l'assemblée délibère et statue sur les comptes sociaux et sur les comptes consolidés. Ces derniers sont valables pour les sociétés à la tête d'un groupe. Ils consistent en une récapitulation dans un document unique de la situation et des résultats de toutes les sociétés du groupe. Trois possibilités s'offrent aux actionnaires : ils peuvent approuver les comptes en y apportant des

    1 - MERLE, Philippe : Droit commercial/ Sociétés commerciales, 8eme édition Dalloz, 2001, page 593.

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    modifications (solution qui amène des difficultés dans la pratique), les approuver simplement ou les rejeter. En règle générale, l'assemblée approuve toujours les comptes à elle présentés, sauf si elle veut révoquer ensuite les dirigeants en place pour ensuite intenter (éventuellement) une action en responsabilité. Pourtant, il ne suffit pas seulement d'approuver les comptes, il faut encore affecter les résultats.

    b) L'affectation des résultats

    Avant l'affectation des résultats il faut faire au préalable la distinction de deux situations : l'existence ou l'inexistence de bénéfices distribuables. Tous les bénéfices réalisés par la société ne sont pas distribuables. Le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l'exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire. L'assemblée générale ayant approuvé les comptes de l'exercice et constaté l'existence des sommes distribuables, après avoir effectué les différentes dotations obligatoires doit : soit mettre tout ou partie des bénéfices en réserve ou les distribuer sous forme de dividendes. Cette décision oppose souvent les dirigeants sociaux et les actionnaires minoritaires1.

    Si les comptes de la société ne font pas apparaitre de bénéfices distribuables, aucun dividende ne peut être alloué aux actionnaires, sinon il y aurait distribution de dividendes fictifs. Les pertes constatées peuvent subsister dans le compte « report à nouveau », ou être imputées sur les comptes de réserve, y compris la réserve légale. En cas de perte de la moitié du capital social, une consultation des actionnaires est imposée pour la dissolution éventuelle de la société. Le code civil en son article 1601 a compris que les résultats devraient être affectés quand il disait que la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager les bénéfices qui en résultent.

    2- Les modifications du capital social

    Elles peuvent consister en une augmentation ou une réduction et supposent la modification des statuts en assemblée générale extraordinaire. L'augmentation du capital social est plurielle. Elle peut se faire par apport en numéraire, par apport en nature, par incorporation des réserves légale

    1- MERLE, Philippe : Droit commercial/ Sociétés commerciales, 8eme édition Dalloz, 2001, page 598.

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    et/ou statutaire, par conversion de titres (conversion d'obligations en actions). Cependant, les deux premiers cas sont les plus fréquents. La société peut souhaiter se procurer de l'argent frais et demande à ses actionnaires de participer à l'opération d'augmentation de capital par apport en numéraires ou en espèces. L'augmentation peut également se réaliser grâce à un apport en nature : un immeuble, un brevet, etc. Le capital de la société doit être intégralement libéré avant toute émission d'actions nouvelles à libérer1.

    La réduction du capital intervient généralement lorsque la société a subi des pertes. C'est une mesure d'assainissement financier qui permet d'aligner le capital sur l'actif réel net. Elle facilite la reprise de la distribution des dividendes lorsque la société, après avoir accumulé des pertes, recommence à faire des bénéfices. Elle peut être le préalable à l'entrée d'argent frais. Enfin, dans le cas de perte de la moitié du capital social, la réduction du capital peut être imposée. Dans les sociétés prospères, la réduction du capital social est rare2.

    3- Le financement des sociétés anonymes

    Le mode de financement des sociétés anonymes sont les valeurs mobilières ou titres émis. Quelque soit la rentrée d'argent frais dans une société anonyme, elle se fait au moyen des valeurs mobilières. Il existe deux sortes de valeurs mobilières : les actions et les obligations. L'action se définit comme une fraction du capital social d'une SA. L'obligation se définit comme la fraction de l'emprunt émis par une SA. Les valeurs mobilières sont des titres nominatifs ou des titres au porteur. S'ils sont nominatifs, le nom du propriétaire est inscrit dessus ; s'ils sont au porteur aucun nom ne figure dessus et le passage de la forme nominative à la forme au porteur se fait par une opération que l'on appelle « conversion ». Les valeurs mobilières ont pour caractéristique essentielle d'être librement négociables et transmissibles, ce qui facilite considérablement les transferts3.

    1- DE JUGLART, Michel et BENJAMIN, Ippolito : Cours de Droit Commercial, 9eme édition Montchrestien, Paris, 1992, page 533.

    2- DE JUGLART, Michel et BENJAMIN, Ippolito : Cours de Droit Commercial, 9eme édition Montchrestien, Paris, 1992, page 549.

    3- CASIMIR, Jean-Pierre et COURET, Alain : Droit des affaires, édition Sirey, Paris, 1987, page 112.

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    a) L'action

    Comme nous l'avons dit précédemment, l'action représente la fraction du capital social d'une société anonyme. C'est donc un titre d'associé qui donne droit non seulement à participer à la gestion de la société mais encore à percevoir un dividende variable suivant ces bénéfices. Juridiquement l'action est donc un meuble et est indivisible (c'est-à-dire que les propriétaires indivis sont dans l'obligation de se faire représenter par l'un d'entre eux). On distingue plusieurs types d'actions.

    i) Les actions de numéraire : ce sont des actions qui sont libérées par des apports en espèces.

    ii) Les actions d'apports : ces actions sont remises aux actionnaires qui ont effectué des apports en nature ou en industrie.

    iii) Les actions à vote double : En principe, le fait de détenir une action donne droit à une voix à l'assemblée générale des actionnaires mais certaines législations étrangères confèrent à certaines actions un droit de vote double. Il en est ainsi lorsque l'actionnaire a entièrement libéré ses actions et qu'il les possède depuis au moins deux ans. Ces actions doivent également être nominatives. C'est la pratique France, en Belgique et en Allemagne.

    iv) Les actions de priorité : ce sont des actions à droit de vote double mais qui confèrent certains avantages supplémentaires à l'actionnaire notamment une priorité dans la distribution des bénéfices et dans le partage de l'actif social.

    v) Les actions en accumulation : elles existent depuis 1983 en France (la loi du 3 janvier 1983). Il s'agit d'une possibilité offerte aux actionnaires de percevoir leurs dividendes sous forme d'actions nouvelles. Cette possibilité leur est offerte par un vote de l'assemblée générale ordinaire.

    vi) Les actions à dividende prioritaire sans droit de vote : il s'agit ici pour une société anonyme d'attirer les investisseurs (en offrant une priorité dans la distribution des dividendes) sans pour autant leur accorder un pouvoir de gestion et de décision. Il s'agit ici d'une forme de dissociation

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    entre la propriété et le pouvoir. La possibilité d'émettre des actions à dividende prioritaire sans droit de vote est prévue par la législation française (loi du 13 juillet 1978) à 3 conditions.

    - Les titres participatifs : ils sont particuliers dans la mesure où leur rémunération comportant une partie fixe et une partie variable en fonction des résultats de la société. Ils sont également remboursables à l'initiative de la société ou au moment de sa liquidation mais dans un délai qui ne peut être inférieur à 7 ans.

    - Les droits de l'actionnaire sont les suivants : libre négociation de ses actions ; participation aux bénéfices au prorata des titres dont il dispose ; droit d'être informé sur la vie, la gestion et les comptes de la société ; droit de vote aux assemblées générales (ordinaires ou extraordinaires).

    En France, concernant la transmission des actions la cession d'actions entraîne pour l'acquéreur le paiement de droits d'enregistrement : 1 % plafonné. Pour le cédant : Les plus-values réalisées sont imposées au taux de 26 % (exonération jusqu'à un montant annuel de cessions d'un montant déterminé) pour les personnes physiques et les personnes morales soumises à l'IR et au taux de 20,9 % ou 22,8 % pour les personnes morales soumises à l'IS.

    b) L'Obligation

    Il s'agit ici d'un mode de financement classique des sociétés anonymes. Pour se procurer des fonds, une société anonyme peut recourir à l'emprunt avec la possibilité de fractionner le montant nominal de cet emprunt en émettant des titres négociables appelés obligations. L'obligation est donc la fraction de l'emprunt émis par une société anonyme. Certaines obligations sont dites « émises au pair » c'est-à-dire que leur prix d'émission est égal à leur valeur nominale (par exemple, versement de 50 gourdes pour une obligation de 50 gourdes).\ D'autres obligations sont qualifiées d'obligations « à prime ». Il s'agit ici d'attirer les investisseurs en offrant un remboursement pour une valeur supérieure au prix d'émission (par exemple versement de 50 gourdes pour une obligation de 75 gourdes).D'une manière générale, une quantité de produits financiers existe et les variantes sont nombreuses. Mais ces deux là sont les seuls modes de financement des sociétés anonymes.

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    B) Les incidents de fonctionnement

    Beaucoup de situations peuvent influer sur le bon fonctionnement d'une société anonyme. Ces situations peuvent être externes (augmentation brutale du prix des matières premières, récession, une conjoncture défavorable, etc.) ou internes (mauvaise gestion d'un dirigeant trop âgé, grèves répétées, difficultés financières, etc.). Ces causes peuvent engendrer des incidents de fonctionnement dans tout type de société commerciale. En revanche, les sociétés anonymes sont peut être plus que d'autres exposées à des irrégularités de fonctionnement et à des conflits entre actionnaires, deux incidents de fonctionnement fréquents1.

    1- Les conflits entre actionnaires

    Le code de commerce dans son article 54 prévoit le règlement des conflits entre actionnaires et la manière de les résoudre. Les sociétés anonymes comprennent souvent des actionnaires nombreux et qui se connaissent mal, les conflits sont donc inévitables. Généralement, les actionnaires minoritaires reprochent à ceux majoritaires d'abuser de leurs droits et de diriger la société pour le compte de leurs intérêts. A cause de cela, la loi organise la protection des actionnaires minoritaires. Cependant, il ne faudrait pas que cette protection conduise au blocage de la société. Car, si des droits sont reconnus aux minoritaires, il leur faut un pourcentage minimum de capital. Il faudrait donc une politique de protection pour les actionnaires minoritaires en Haïti. Il peut s'agir de deux groupes devenus antagonistes qui bloquent tout processus qui permettrait de reconstituer le conseil d'administration. Ou encore, d'un actionnaire disposant d'une minorité « de blocage » qui, en assemblée générale extraordinaire interdit toute modification des statuts, pourtant indispensable à la survie de la société. Ces abus de majorité et de minorité entrainent souvent de lourds conflits entre les actionnaires. Pour pallier à ces conflits et les résoudre, les législations étrangères prônent la protection de tous les actionnaires (les minoritaires surtout) par l'information d'abord, et l'action en justice si besoin est. La justice peut y répondre par la désignation d'un administrateur provisoire ou par des sanctions à l'abus de majorité ou de minorité. Notre législation s'est juste contentée de prévoir l'accès à la justice quand il y a conflits entre actionnaires, et les instances compétentes pour en juger. Le législateur n'a pas prévu de

    1- GUYON, Yves : Droit des affaires, Tome I, 8eme édition economica, Paris, 1994, pages 430 et 431.

    Les différentes formes de restructuration des sociétés anonymes sont des instruments au service de l'adaptation de la structure juridique de l'entreprise. Les procédés de restructuration utilisés

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    solution alternative ou de palliatif aux conflits entre actionnaires, il en laisse l'initiative aux juges, ou arbitres. En effet, l'art. 54 du code de commerce dit :

    « Toutes contestations entre associés et pour raison de la société sont de la compétence du Tribunal Civil, jugeant en ses attributions commerciales, dans la forme et de la manière prévue pour la procédure à suivre devant la juridiction commerciale par le titre III Du Livre Quatrième du Code de commerce. Toutefois, il est loisible aux associés en contestation de recourir à l'arbitrage volontaire, tel qu'il est prévu en la loi No. 7 du code de procédure civile ou à ce qui est prévu par la loi du 11 Juin 1935 créant la chambre d'arbitrage et de conciliation. De même, les tribunaux civils jugeant en leurs attributions commerciales devant lesquels pareilles contestations seront portées, auront la faculté de s'éclairer des lumières d'arbitres-rapporteurs, qui pourront être appelés à donner leur opinion sur le différend ».

    2- Annulation des comptes et délibération

    Un autre incident de fonctionnement est ce qu'on peut appeler l'annulation des comptes et des délibérations. Les procédures de constitution et de fonctionnement des sociétés anonymes sont si lourdes que des erreurs et irrégularités peuvent y glisser, intentionnellement ou non. On l'a vu au chapitre premier en troisième section, l'une des sanctions pour irrégularités est l'annulation pure et simple des actes, des délibérations ou des procédures. C'est également valable pour les sociétés anonymes qui fonctionnent déjà à plein régime. Une irrégularité se remarque dans un acte des organes de contrôle, de gestion ou de direction, en méconnaissance de la loi ou expressément, cet acte est automatiquement frappé de nullité sans autre forme de procédure. Plus encore, même si l'assemblée générale d'actionnaires a délibéré, du moment qu'il y ait eu irrégularité, c'est l'annulation. On comprend alors que c'est un incident de fonctionnement dans tous les sens du terme car il bloque toutes les procédures et formalités ultérieures pour le bon fonctionnement de la société anonyme. Pour parvenir à le contourner, il faut juste reprendre les actes et délibérations et les produire sans irrégularité. Et alors, tout rentrera dans l'ordre et la société pourra continuer son fonctionnement normalement.

    C) La restructuration des sociétés anonymes

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    sont la fusion, la transformation, la scission, le transfert de patrimoine et le transfert de siège transfrontalier et le groupe ou groupement d'entreprises. Ces six opérations ne sont ni prévues, ni régies par le droit haïtien. Mais dans la pratique, ces opérations s'effectuent grâce aux prévisions du droit commun. C'est l'une des plus grandes failles de notre législation à caractère économique. Cependant, malgré le silence de la loi, on va puiser dans les législations étrangères (française surtout) pour en parler.

    1. La fusion

    La fusion n'est pas définie en tant que telle dans la loi haïtienne. Elle l'est toutefois par la doctrine française comme «la réunion juridique de deux sociétés ou plus sans liquidation, par transfert de patrimoine et, en général, contre attribution de parts sociales ou de droits de sociétariat de la société reprenante aux associés de la société transférante». La législation française reprend les deux espèces de fusions déjà connues (mais jusqu'ici limitées aux sociétés anonymes), soit la fusion par absorption et la fusion par combinaison1.

    2. La scission

    S'agissant de la scission, la loi n'en donne pas non plus de définition générale. Celle-ci doit être recherchée dans la doctrine : «Par scission, une société (société transférante) transfère des parts de son patrimoine à d'autres sociétés (sociétés reprenantes) contre attribution de parts sociales ou de droits de sociétariat de ces dernières à ses associés». La loi française mentionne deux cas de figure : la scission par division et la scission par séparation. Dans chaque cas, il existe une variante dite symétrique et une variante dite asymétrique.

    3. La transformation

    Au cours de sa vie sociale, une société peut subir une transformation juridique. Ainsi, quelle que soit sa forme d'origine, elle peut adopter la forme juridique qu'elle souhaite, en respectant les règles requises2. Nous allons voir comment faire pour transformer une société anonyme. Il s'agit en substance du changement de la forme juridique d'une seule et même société, effectué par le biais de la modification de ses statuts. La société conserve son identité et sa personnalité. Afin de transformer une société anonyme en une autre société, il faudra respecter des conditions. En

    1 -GUYON, Yves : Droit des affaires, Tome I, 8eme édition economica, Paris, 1994, page 620. 2- GUYON, Yves : Droit des affaires, Tome I, 8eme édition economica, Paris, 1994, page 560.

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    effet, tout d'abord, la société anonyme devra avoir au moins deux ans d'existence. Il faudra aussi que la société ait fait établir et approuver son bilan par les actionnaires.

    Ensuite, le commissaire aux comptes devra établir un rapport. La décision de transformation ne pourra avoir lieu que si ce rapport atteste que les capitaux propres de la société sont égaux à son capital social. Enfin, la transformation de la société anonyme devra faire l'objet d'une publicité dans un journal d'annonces légales et auprès du greffe du tribunal de commerce (TPI en Haïti), en déposant les nouveaux statuts. L'accord unanime ou à la majorité des associés sera requis selon le type de société choisie. Par exemple, l'unanimité sera requise dans le cas où la société anonyme décide de se transformer en société en nom collectif.

    4. Le transfert de patrimoine

    Le transfert de patrimoine constitue probablement la principale innovation de la Loi de la Fusion en France. Cette institution y est décrite -- plus que définie -- à l'article 69 alinéa 1. Il a lieu par le biais d'un contrat conclu entre deux sujets, dont l'objet est la cession à titre universel, par un seul acte (Uno actu), de tout ou partie de l'entreprise. La contre-prestation du transfert peut consister en toute prestation patrimoniale, en nature ou en espèces. Le patrimoine cédé doit être clairement identifié dans un inventaire. La valeur de ce dernier (net asset value) doit nécessairement être positive.

    5. Le transfert de siège transfrontalier

    Le transfert de siège transfrontalier est l'opération qui permet à un sujet de transférer son siège du pays d'origine vers l'étranger ou simplement d'un pays à un autre, sans procéder à une liquidation, ni à la constitution d'une nouvelle société. Cette opération est autorisée par la législation Suisse sur les sociétés anonymes. C'est une innovation qui n'a pas encore fait le tour du monde.

    6. Le groupe ou groupement

    Le groupe est un ensemble de sociétés juridiquement indépendantes les unes des autres, mais qui sont en fait soumises à une unité de décision économique1. C'est la grande tendance actuellement cette réalité de groupe. En Amérique du Nord et en Europe, les groupements d'Intérêts Economiques (GIE) pullulent.

    1- GUYON, Yves : Droit des affaires, Tome I, 8eme édition economica, Paris, 1994, page 574.

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    Bien que la loi soit très libérale, il existe des formes de restructurations que celle-ci ne consent pas entre certains types de sujet de nature différente. Il n'est par exemple pas possible de fusionner une société avec une fondation, ni de transformer une société en une fondation. Il existe ainsi un numerus clausus des possibilités de restructuration. Cette restriction est en pratique toutefois atténuée -- pour ne pas dire éludée -- par la possibilité, qui est délibérément offerte par la Loi sur la Fusion, d'effectuer la plupart des opérations de restructuration en recourant à cette autre méthode qu'est le «transfert du patrimoine».Du point de vue fonctionnel, le transfert de patrimoine est ainsi une alternative à toutes les autres formes de restructurations; il joue en d'autres termes le rôle de palliatif au numerus clausus des opérations spécifiquement codifiées.

    D) Le non-fonctionnement des sociétés anonymes en Haïti

    L'une des spécificités de la loi haïtienne sur les sociétés anonymes est la question de non-fonctionnement. Contrairement aux autres types de sociétés commerciales, la société anonyme est autorisée à ne pas fonctionner tout en gardant sa personnalité morale, sa capacité juridique et son existence légale. La loi du 03 Aout 1955 en ses articles 6 et 71 prévoient et réglementent le non-fonctionnement des sociétés anonymes, moyennant le paiement d'un droit ou frais de non fonctionnement à acquitter annuellement à la Direction Générale de s Impôts (D.G.I.). Ces articles stipulent :

    Article 6 : Toute société anonyme haïtienne régulièrement constituée qui ne fonctionne pas mais qui désire cependant conserver son existence légale, devra en donner avis à l'Administration Générale des Contributions, au plus tard le 15 Janvier de chaque année. Dans ce cas, la société sera tenue de payer -outre la taxe sur les actions- une taxe annuelle spéciale de cinq cent gourdes. Cette taxe devra être acquittée dans les jours de la date d'émission du bordereau par le Bureau des Contributions. (Direction Générale des Impôts)

    Article 7 : Faute par la société d'accomplir les formalités prescrites à l'article précédant, l'arrêté autorisant son fonctionnement sera rapporté, conformément aux dispositions de l'article 38 du code de Commerce.

    1- PAILLANT, Joseph : Code Fiscal, édition Henri Deschamps, Port-au-Prince, 2008, page...

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    L'article 38 du code de commerce a été abrogé par le décret du 23 Aout 1960. Mais il est textuellement repris par l'article 15 dudit décret qui stipule en son 2e alinéa : « Cette autorisation et cette approbation qui sont donnés par arrêté ; sont sujettes à révocation, lorsque la société qui les a obtenues ne se sera pas conformée aux buts pour lesquels elle a été constituée ou aura violée ses statuts ».

    Selon le calendrier fiscal établi par le Ministère de l'Economie et des Finances (MEF), le droit de non-fonctionnement des sociétés anonymes est payable du 01 Octobre au 15 Janvier de chaque année fiscal, en dépit des prescrits de l'article 6 précité. De toute façon, la taxe de non fonctionnement des sociétés anonymes est payable dans le délai prescrit par loi, c'est-à-dire à partir du premier Octobre.

    En d'autres termes, une société anonyme peut cesser toute activité et garder son existence légale avec tout ce que cela implique d'avantages et d'obligations. Bien entendu, c'est uniquement valable pour les sociétés anonymes. Cette particularité est une faveur spéciale de la législation haïtienne sur les SA. L'une parmi d'autres non moins considérables.

    Section III : Dissolution des sociétés anonymes

    La dissolution est l'opération par laquelle on met fin à la personnalité morale de la société anonyme. C'est l'extinction de cette dernière. Elle a des causes et des conséquences.

    A) Les causes de dissolution

    La dissolution de toutes sociétés commerciales peut résulter de plusieurs causes. Les unes sont en rapport avec les statuts qui constituent la loi des parties, elles engendrent la dissolution statutaire. Les autres sont en rapport avec la loi imposant cette dissolution par voie légale, elles conditionnent la dissolution légale.

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    1- Causes statutaires/ Dissolution statutaire

    Ce sont les causes prévues par les statuts eux-mêmes Elles entrainent la dissolution statutaire. Toutes sociétés peuvent être statutairement dissoutes pour les causes suivantes :

    a) Arrivée à terme des statuts : Lorsque la société est prévue pour une durée déterminée, les statuts le stipule. Ainsi, au terme de la durée, les statuts expirent eux aussi. Expiration de la durée stipulée dans les statuts (sauf prorogation décidée à l'unanimité ou à la majorité stipulée dans les statuts, au moins avant le terme). Si la société continue son activité sans prorogation, elle se transforme en société créée de fait.

    b) Extinction de la chose faisant l'objet de l'exploitation : si l'objet social est réalisé ou éteinte, alors, il n'y a plus de raison de ne pas dissoudre la société car il n'y a plus rien à exploiter.

    c) Décision des parties de mettre fin au contrat de société dans les formes (dissolution anticipée) : par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique, une dissolution anticipée peut être décidée.

    d) Toutes autres conditions prévues par les statuts : Les statuts sont rédigés selon les voeux des actionnaires. Donc, toutes conditions prévues par les statuts peuvent entrainer la dissolution de la société anonyme.

    2- Causes légales/ Dissolution légale

    La loi peut imposer la dissolution d'une société commerciale, notamment dans les cas suivants :

    a) La perte du 1/4 du capital social et faillite : L'Article 8 de la loi du 03 Aout 1955 stipule : « Toute société anonyme qui aura perdu les trois-quarts de son capital devra tenir une Assemblée Générale de ses Actionnaires afin d'envisager les mesures à prendre, soit pour remédier à la situation, soit pour procéder à la dissolution de la société [...] ». Pourtant, l'article 31 du décret du 28 Août 1960 déclare à peu près la même chose, mais, au lieu des trois-quarts, c'est le quart (1/4) qui est prévu. Il déclare qu'en cas de perte du quart du capital social versé, les administrateurs devront obligatoirement convoquer une assemblée générale pour décision sur la continuation ou la liquidation de la société. Le décret du 28 Août 1960 ayant modifié la loi 03 Août 1955, c'est le quart qui est maintenu. D'ailleurs, le 1/4 est plus logique.

    La liquidation d'une société est une opération consistant à transformer en argent les éléments de l'actif et à payer les dettes sociales de la société, afin d'en apurer le patrimoine. La dissolution

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    b) La réduction du capital au dessous du minimum légal : Le décret du 11 Novembre 1968 en son article 1er stipule : « [...] Le capital minimal d'une société anonyme est de 25000 gourdes et celui des sociétés industrielles ou agricoles, de 100 000gourdes ». La réduction du capital à moins du minimum requis par la loi est une cause de dissolution.

    c) La diminution du nombre d'associés à moins de quatre : La pluralité des associés est une condition essentielle pour la constitution de toute société commerciale. Pour les sociétés anonymes, la loi laisse supposer qu'un minimum de quatre actionnaires est nécessaire. Dans ce cas, une société anonyme diminuée à trois actionnaires est légalement vouée à la dissolution. Même si dans la pratique, c'est une situation fréquente.

    d) Les infractions à la loi : Des infractions lourdes à la loi peuvent entrainer la dissolution d'une société anonyme. La dissolution est alors une sanction pénale qui punit les infractions commises par les dirigeants sociaux de la société.

    e) Mésentente grave entre les parties/actionnaires : Lorsqu'il n'y a pas d'alternative pour résoudre les conflits entre les actionnaires et que la seule solution réside dans la dissolution, la loi n'hésite pas. Elle tranche et prononce la dissolution de la société en question.

    Il faut souligner que la mort d'un associé n'entraine pas la dissolution de la société anonyme. La société cesse d'exister à compter de la date et de l'heure inscrites sur le certificat de dissolution délivré par le Registre de commerce et des sociétés.

    B) Les conséquences de la dissolution

    La dissolution entraine la liquidation de la société et le partage du boni de liquidation. La personnalité morale existe encore pour les besoins de la liquidation. Cette dernière comprend trois opérations : la réalisation de l'actif (on vend les biens), l'extinction du passif (on paie les dettes), et on partage la différence. La différence peut être négative (perte), ou positive (gain soulte ou boni de liquidation).

    1- La liquidation

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    d'une société entraîne sa liquidation, sauf bien sûr en cas de fusion ou de scission. Il s'agit de la vente des actifs qui serviront en premier lieu au paiement des créanciers (selon un ordre spécifique). L'actif net éventuel est partagé entre les associés (certains associés bénéficiant également de droits préférentiels). La liquidation d'une société anonyme est différente de la liquidation des autres types de sociétés commerciales. Une société qui a des créances à recouvrir, des obligations à exécuter ou dont le reliquat de ses biens doit être partagé entre ses actionnaires, doit être liquidée.

    Les actionnaires d'une société, ayant préalablement consenti à la dissolution de ladite société, doivent nommer un ou des liquidateurs lors d'une assemblée tenue à cet effet. Le liquidateur de la société doit sans délai produire un avis de liquidation et le déposer au registre des entreprises en y joignant une copie certifiée de la résolution autorisant la présentation d'une demande de dissolution.

    Par la suite, il doit réaliser un compte définitif présentant l'actif de la société au moment de sa nomination et le reliquat des biens de la société à partager entre ses actionnaires lorsque ladite société aura été liquidée. Le liquidateur doit par ailleurs faire une proposition de partage. Le compte définitif (par résolution spéciale) et la proposition de partage doivent être approuvés par les actionnaires. La liquidation de la société prend effet lorsque le liquidateur dépose l'avis de clôture de la liquidation et la déclaration de dissolution au registre du commerce et des sociétés. Ensuite, les comptes de liquidation sont déposés au greffe du Tribunal de Première Instance en chambre commerciale afin que la société soit radiée du registre du commerce et des sociétés. Elle perd ainsi sa personnalité morale. L'avis de clôture de la liquidation doit être publié dans un journal à grand tirage afin d'être porté à la connaissance des tiers.

    2- Le partage

    La clôture de la liquidation est suivie du partage entre les associés de l'éventuel boni de liquidation. La dissolution se traduit par un double ensemble d'opérations : la liquidation et le partage qui consiste à rembourser aux associés leurs apports, ainsi qu'un éventuel boni de liquidation (généralement proportionnellement aux apports).

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    Toutefois, il est bien évident que toutes les liquidations ne dégagent pas de boni et lorsque les pertes sont supérieures aux apports, il faut appliquer les règles de responsabilité propres à la société anonyme, c'est-à-dire les actionnaires ne supportant les dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports. (Tous les créanciers ne pouvant être désintéressés).

    La dissolution d'une société, quand elle a été décidée par les actionnaires, peut être arrêtée tant que le reliquat des biens de la société n'a pas été fait. Pour cela, il faut obtenir, par résolution spéciale, une rétractation du consentement concernant la dissolution de la société, produire un avis d'arrêt de la liquidation, puis le déposer au registre du commerce et des sociétés.

    Il ressort de ce chapitre que la législation haïtienne, si elle consacre des faveurs et prévoit des restrictions dans le fonctionnement des sociétés anonymes, est muette sur des points cruciaux intéressant la vie même des SA. Pour l'organisation de la SA, la loi réglemente les questions relatives aux organes délibérants, ceux de gestion et de direction et ceux de contrôle. Encore que le directoire et le conseil de surveillance ainsi que les experts de gestion ne sont pas présents dans les différents textes qui composent notre droit. Mais, les grands absents de notre législation sont les salariés. Ils ne sont mentionnés nulle part et le législateur n'a pas jugé nécessaire de faire d'eux des organes à part entière de la société. Quant au fonctionnement de la SA, elle est muette en ce qui à trait aux restructurations et le seul incident de fonctionnement qui en fait l'objet est le conflit entre actionnaires. Cependant, pour le non-fonctionnement, la loi est assez exhaustive.

    Une fois de plus, on constate les rigueurs qui pèsent sur la société anonyme. Son fonctionnement est lourd tant les procédures et formalités sont complexes et nombreuses. Sa vie sociale et économique est jalonnée d'exigences tendant à assurer sa bonne marche en conformité avec les statuts et avec la loi. Dans la même optique, les faveurs ne manquent pas. Les sociétés anonymes ont l'immense privilège de ne pas fonctionner et de garder leur personnalité morale et leur existence légale. Plus encore, dans le silence de la loi et en l'absence de textes réglementaires, les SA ont toute la latitude d'agir à leurs convenances car la loi ne punit pas ce qu'elle n'a pas prévu. Et là ou il n'y a rien, le droit perd ses droits.

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    DEUXIEME PARTIE : LE REGIME JURIDIQUE PARTICULIER DES SOCIETES ANONYMES.

    La personnalité morale des sociétés anonymes, par analogie aux personnes physiques, se manifeste tant par les droits que par les obligations. En d'autres termes, les sociétés anonymes comme toutes les autres sociétés commerciales sont titulaires de droits et passibles d'obligations. Les SA font l'objet d'un régime juridique particulier quand il s'agit de leurs droits et de leurs obligations. C'est véritablement à ce niveau que la dualité de la législation s'impose. Sur le plan des droits, la société anonyme est nettement privilégiée par rapport aux autres types de sociétés commerciales. Les droits patrimoniaux à elle accordés sont exorbitants -quoique pour la société anonyme étrangère, il y a des restrictions- et illimités. C'est assez intéressant pour encourager les investisseurs et autres entrepreneurs. Ses obligations envers l'administration publique sont, par contre, assez pesantes. Le fisc n'est pas très sympathique avec les SA et peut décourager d'éventuels investisseurs. Une politique à double visage.

    Seront étudiés dans cette partie les droits extrapatrimoniaux et ceux patrimoniaux de la SA, ses obligations fiscales et la démarcation entre les deux systèmes. Mais plus encore, il y sera question de perspectives et de recommandations en vue d'une législation uniforme et exhaustive pour la facilitation des investissements par le canal des sociétés anonymes.

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    CHAPITRE III : LES DROITS DES SOCIETES ANONYMES A

    DECOUVERT

    Même si les droits et les obligations des SA sont la manifestation de leur personnalité morale, cette dernière s'incarne généralement sous deux formes concrètes spécifiques : sous la forme de droits extra patrimoniaux d'une part (section I) et d'autre part, sous la forme de droits patrimoniaux (section II). L'intérêt de l'octroi des faveurs spéciales légales quant aux droits (surtout patrimoniaux) fera l'objet de la troisième séquence de ce chapitre (section III).

    Section I : Les droits extrapatrimoniaux

    On distingue d'une manière générale deux grandes catégories de droits pour les sujets de droit : les droits extra patrimoniaux et les droits patrimoniaux. L'identité d'une société anonyme, son domicile ou siège social, sa nationalité, son droit d'exercer le commerce et d'ester en justice, la protection diplomatique, l'existence légale etc., sont autant de droits extrapatrimoniaux reconnus aux SA. Ils ne font pas partie du patrimoine de l'entreprise mais leur jouissance et/ou exercice sont tributaires de la naissance de la personnalité juridique. De ce fait, ils ont une triple importance. Uno, ils font ressortir la personnalité morale et lui servent de référence. Secundo, ils servent à l'individuation de chaque société anonyme. Tertio, ce sont des prérogatives qui n'entrent pas dans le commerce juridique. Et à ce titre, ils sont insaisissables et incessibles.

    A) Le droit à un nom

    Le nom est le premier élément d'identification d'une personne, qu'elle soit physique ou morale. Le droit au nom commercial est consacré par le décret du 17 Juillet 1954 sur les droits de la propriété industrielle et commerciale, modifié par le décret du 18 Juillet 1956 et celui du 12 Octobre 1967 sur le nom commercial. Il est protégé par la Convention du Nom de Paris de1983 signée et ratifiée Haïti. Le nom commercial diffère de la raison sociale. Cette dernière est exclusivement réservée aux sociétés de personnes et employée seule, elle peut servir de nom commercial. Alors que le premier s'applique à tout type de société. Il est choisi à la fantaisie des fondateurs de la société et figure dans les premières clauses du statut. Traditionnellement, il est choisi en fonction de l'objet de l'entreprise et/ou dans une optique de marketing pour attirer la clientèle. En plus du nom commercial, l'article 3 du décret du 8 Mars 1984 fait obligation aux

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    sociétés anonymes de se désigner par une dénomination sociale avec le nom d'un ou de plusieurs fondateurs inclus. La dénomination sociale est aux sociétés anonymes ce que la raison sociale est aux sociétés de personnes.

    B) Le droit à un domicile ou siège social

    Le siège social des sociétés anonymes est l'équivalent du domicile pour les personnes physiques. C'est le lieu fixe où l'entreprise exerce ses principales activités, où sont prises les principales décisions intéressant sa vie et son fonctionnement et où se trouvent ses principaux organes. En règle générale, il est indiqué dans les premières clauses du statut. C'est le siège social statutaire ou siège social de droit. Le siège social peut se déplacer si c'est prévu par les statuts ou en vertu d'une décision de l'organe délibérant. Cependant, le siège social peut se trouver dans un endroit autre que celui indiqué dans les statuts. Les organes de la société peuvent se réunir en un autre lieu pour prendre toutes les décisions concernant la société. Dans ce cas, la société est réputée avoir un siège social réel ou de fait distinct du siège social statutaire ou de droit. C'est le cas des sociétés transnationales.

    Le siège social détermine la compétence ratione locci des tribunaux et au besoin, la loi applicable au litige présentant un élément d'extranéité. Il constitue également l'un des critères qui conditionnent la nationalité des sociétés anonymes.1

    C) Le droit à une nationalité

    La nationalité des sociétés commerciales a fait l'objet de controverses doctrinales au cours de la seconde guerre mondiale. A cette époque, les mesures de séquestre prises par la France contre les sociétés étrangères se sont achoppées à une grande difficulté d'application visant l'existence et la définition de la nationalité des personnes morales. Une telle difficulté a porté le Professeur de Droit, François NIBOYET à s'interroger sur cette question.

    A la question de savoir si les personnes morales et en particulier les sociétés commerciales ont une nationalité, la réponse est vite donnée affirmativement. Mais cela ne suffit pas. Cela ne saurait suffire dans la mesure où il faut aussi et surtout identifier cette nationalité quand le

    1- Le Professeur Gélin I. COLLOT : Note de Cours.

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    financement, l'exploitation et le fonctionnement présentent des éléments d'extranéité. Deux grands critères sont généralement retenus pour déterminer la nationalité des sociétés commerciales : les uns d'ordre juridique (siège social, le lieu et la loi de constitution de la société), les autres d'ordre économique (source de financement ou origine du capital social, nationalité de la majorité des associés, contrôle de droit ou de fait, etc.).

    La nationalité des sociétés commerciales est régie en Haïti par la loi du 16 Juin 1975 modifiée par le décret du 10 Octobre 19791, qui fait une discrimination entre les sociétés anonymes d'une part et des autres formes de sociétés commerciales d'autre part, toutes typologies confondues. Il faut seulement les critères juridiques pour déterminer la nationalité des sociétés anonymes. En vertu de l'article 7 de la loi du 16 Juin 1975, les sociétés anonymes sont réputées haïtiennes si et seulement si elles sont constituées en Haïti, selon les lois haïtiennes, ayant leur siège social en Haïti et partant avec un conseil d'administration composée de trois membres dont l'un est nécessairement un citoyen haïtien, en conformité avec la loi du 3 Aout 1955, modifiée par le décret du 28 Aout 1960.

    Pour déterminer la nationalité des autres sociétés commerciales, les critères doivent être juridiques et économiques. Elles sont régies par l'article 8 de la dite loi. Pour être réputées de droit haïtien, elles doivent être constituées dans les mêmes conditions que précédemment, mais il faut qu'il y ait une participation majoritaire des Haïtiens à la formation du capital social. Autrement dit, il faut que plus de la moitié, soit 51% du capital social appartienne à des Haïtiens.

    A ce stade de notre étude, il convient d'élucider le cas des sociétés dites multinationales. On dit société multinationale en référence aux critères économiques. Selon les critères juridiques, la société a une nationalité et une seule, pas deux, sept ou quinze. C'est pour cela que l'adjectif transnational est mieux adapté pour qualifier ce type de société. Et lorsqu'on parle de conflit de nationalité, il s'agit en général d'un conflit de lois.

    D) Le droit d'exercer le commerce

    La société anonyme est une société commerciale par la forme : la nature de l'activité, fut-elle civile, étant sans influence sur la qualification commerciale de la société. En d'autres termes, la

    1- PAILLANT, Joseph : Code Fiscal, édition Henri Deschamps, Port-au-Prince, 2008, ....

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    société anonyme est commerciale quelque soit son objet. Mais plus encore que l'attribut commercial, la société anonyme a le droit d'exercer le commerce après son autorisation de fonctionnement. Car c'est à partir de ce moment là qu'elle est réputée existante et est habilitée à fonctionner. La nationalité d'une société anonyme ou sa reconnaissance juridique donne une certaine authenticité aux actes et faits par elle posés. Ainsi, elle est à même d'exercer le commerce comme toute personne physique ayant la qualité de commerçant et les contrats conclus avec cette société produit normalement ses effets juridiques. Mais encore, elle peut exercer d'autres activités qui peuvent ne pas être des actes de commerce. Dans cette veine, elle peut faire des achats et réaliser des ventes qui n'ont aucun rapport avec ses activités commerciales sans faire l'objet d'interdiction de poursuivre ses activités commerciales. Les sociétés anonymes étrangères ont la capacité de se livrer à des activités commerciales comme les sociétés anonymes haïtiennes, une fois que les formalités requises par la loi sont remplies. Sur ce point, elles ont les mêmes prérogatives, à la seule différence que les sociétés anonymes étrangères n'ont pas toute la liberté d'acquérir des biens immobiliers comme les sociétés anonymes haïtiennes selon l'article 1 de la loi du 16 Juin 1975.

    E) L'existence légale

    Ce droit extra patrimonial est consacré par toute la législation haïtienne à partir de l'octroi de l'autorisation de fonctionnement. L'article 4 du décret du 8 Mars 1984 stipule que les sociétés anonymes ont la personnalité juridique à compter de la date d'autorisation de fonctionnement. Devenue sujet de droit, la société anonyme peut maintenant jouir des prérogatives accordées aux personnes morales et remplir les obligations qui s'y rattachent. Fonctionnement ou non fonctionnement, la société anonyme haïtienne ou étrangère conserve son existence légale dans la mesure où elle n'est pas dissoute. L'article 10 de la loi du 03 Aout 1955 dispose ce qui suit : « Les sociétés anonymes étrangères autorisées à fonctionner en Haïti mais ne fonctionnant pas momentanément est conditionnée par les dispositions des articles 6 et 7 de la présente loi.» Or, les deux articles cités régissent les conditions de non fonctionnement des sociétés anonymes haïtiennes et les sanctions contre les contrevenants aux formalités exigées. De ce fait, l'existence légale pour les deux types de sociétés se conserve de la même façon et produit les mêmes effets dans les mêmes circonstances. La conservation de l'existence légale d'une société anonyme, haïtienne ou étrangère, produit des conséquences. Ces dernières consistent en des privilèges et

    « Les dispositions ci-dessus relatives à l`autorisation et à l'approbation des sociétés par actions ne peuvent préjudicier au droit des sociétés établies à l'étranger d'ester en justice en Haïti tant en

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    des protections dont jouissent les sociétés anonymes découlant directement du droit de l'existence légale. Les voici de manière énumérative.

    1- Elle permet d'éviter les frais et les procédures de reconstitution. Dans la mesure où la
    société perdrait son existence légale, pour recommencer à fonctionner, elle devrait entreprendre toutes les démarches relatives à la formation et au fonctionnement d'une société anonyme.

    2- Elle assure la protection du nom commercial de la société. Une autre société ne
    pourra pas se former sous le nom d'une société anonyme déjà établie

    3- Les brevets d'invention obtenus sous le nom de la société sont maintenus tout au long
    de son existence en conformité avec l'article 1er de la loi du 17 Juillet 1954.

    4- En dernier lieu, puisque la société conserve son existence légale, son patrimoine se
    conserve également. Tous les droits réels et personnels y restent.

    F) Le droit d'ester en justice

    La société anonyme en tant que personne morale est un sujet de droit, donc, un justiciable. Elle peut se constituer partie en instance, assigner, être représentée par devant les tribunaux et cours, poursuivre quelqu'un ou être poursuivi en justice. En somme, elle a le droit d'ester en justice tant comme demanderesse que comme défenderesse. Ici, on se réfère à la capacité juridique de tout individu selon la loi d'introduire une action en justice pour tout préjudice dont il fait l'objet. Les sociétés anonymes doivent suivre les prescrits des règles de droit en ce qui concerne les commerçants (personnes physiques). Elles peuvent se constituer partie civile devant un Tribunal de Première Instance en chambre civile, ou en chambre commerciale pour affaires commerciales, ou même en chambre correctionnelle pour des sanctions pénales, ou encore, devant un Tribunal de Paix selon les articles 640-642, 610 et 635 du code de commerce.

    Les sociétés anonymes étrangères ne sont pas en reste avec la législation. Ce droit leur est pleinement reconnu, comme à celles haïtiennes. L'article 1er de la loi du 27 Juin 1952 modifiant l'article 38 du code de commerce relatif aux sociétés par actions établies à l'étranger. Prévoit :

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    demandant qu'en défendant, à l'occasion des obligations contractées envers elles par des Haïtiens ou Etrangers en Haïti et réciproquement. »

    Et comme les sociétés haïtiennes, elles peuvent ester en justice sans avoir l'obligation de payer la caution judicatum solvi selon l'article 96 du Code de Procédure Civile. Toutes les sociétés anonymes confondues -qu'elles soient haïtiennes ou étrangères- en Haïti bénéficient des mêmes privilèges quand il s'agit du droit d'ester en justice.

    G) La protection diplomatique

    La protection diplomatique est ainsi définie dans le lexique des termes juridiques : « Protection que l'Etat peut assurer à ses nationaux lorsqu'ils ont été lésés par des actes contraires au Droit International, commis par un étranger et qu'ils n'ont pas pu obtenir réparation par les voies de droit interne de cet Etat. L'Etat qui exerce la protection diplomatique endosse la réclamation de son ressortissant et se substitue à lui dans le débat contentieux qui devient un débat entre Etat. »

    En général, l'Etat se sent toujours concerné par les traitements infligés à ses ressortissants. Il pose des actions pour les protéger en situation de difficulté et s'efforce de leur faire bénéficier de certains avantages découlant des accords signés sur le plan international. Les sociétés commerciales dotées de la personnalité morale et de la nationalité haïtienne jouissent en principe de la protection diplomatique à l'étranger par l'entremise de leurs représentants (personnes physiques). Ces sociétés exercent des activités qui les mettent en relation avec d'autres personnes, physiques ou morales, de nationalité différente et qui sont régies par des lois différentes. Dans les conflits occasionnés à l'extérieur, entre des ressortissants de divers Etats, l'intervention de ces derniers (en tant qu'arbitre, médiateur, conciliateur ou défenseur), est indispensable pour la résolution des conflits. Le recours à la protection diplomatique est une sécurité et une garantie pour les sociétés commerciales.

    Les sociétés anonymes étrangères ne doivent bénéficier de la protection diplomatique que de l'Etat dont elles reçoivent la nationalité. L'Etat Haïtien assure la protection diplomatique des sociétés anonymes haïtiennes établies ailleurs, mais la protection diplomatique des sociétés anonymes étrangères établies sur son territoire ne dépend pas de lui. Cependant, suivant certains accords de réciprocité, une société étrangère peut bénéficier des avantages particuliers sur le territoire de la République d'Haïti.

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    Section II : Les droits patrimoniaux, des privilèges exorbitants

    Les droits patrimoniaux sont pour Raymond Guillien des droits subjectifs entrant dans le patrimoine. Ils sont dans le commerce juridique, ils sont donc cessibles et prescriptibles. En principe, tout droit subjectif est réputé patrimonial. Comme ils sont dans le patrimoine, les droits patrimoniaux se portent donc sur les biens mobiliers et immobiliers. La constitution du 29 Mars 1987, dans le titre III qui traite du citoyen, de ses droits et de ses devoirs, (précisément les articles 36 à 39) consacre le droit de propriété qui est le droit patrimonial par excellence.

    A) Droit de la propriété mobilière

    Le droit de propriété est un droit réel conférant toutes les prérogatives que l'on peut avoir sur un bien : l'usus (le droit d'user de la chose), l'abusus (le droit d'en disposer) et le fructus (le droit d'en percevoir les fruits). Le droit de la propriété mobilière se porte sur les meubles, ceux qui le sont par nature et ceux qui le sont par détermination de la loi.

    1. L'acquisition

    L'acquisition de la propriété mobilière se fait en général par contrat achat-vente verbal ou écrit. Cependant elle peut se réaliser par héritage ou par legs, par donation, par adjudication ou par saisie-exécution. Le législateur n'a pas mis de barrières, les sociétés anonymes peuvent acquérir autant de biens meubles qu'elles peuvent ou qu'elles estiment nécessaire. Elles peuvent en acquérir pour la réalisation de l'objet social, de l'exploitation commerciale ou pour toute autre besogne qui peut n'avoir aucun rapport avec l'objet social. Mais quelque soit le motif de l'acquisition, il revient à ces sociétés d'en faire un usage correct.

    2. La jouissance

    Les sociétés anonymes jouissent de l'intégralité du droit de la propriété mobilière avec tout ce que cela implique. Elles peuvent en percevoir les fruits (fructus), en user à volonté (usus), ou en disposer comme bon leur semble (abusus). Le législateur n'a pas fixé de limites à la jouissance du droit à la propriété mobilière. Et la jouissance de ce droit n'a pour limites que les prérogatives de l'Administration Publique que nous verrons après.

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    B) Droit de la propriété immobilière

    C'est le droit patrimonial le plus important aussi bien en termes de modes et de moyens d'acquisition qu'en termes de jouissance, de prescription acquisitive, de suspension ou de transmission. La propriété se définit par l'article 544 du code civil comme le « droit d'user, d'en disposer, de la manière la plus absolue, pourvue qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements. » Et la jouissance du droit de propriété est l'aptitude légale à avoir ce droit, à pouvoir, l'ayant, recueillir l'avantage qu'il procure. C'est valable et pour la propriété mobilière que pour celle immobilière. L'article 7 de la loi du 16 Juin 1975 reconnait aux sociétés anonymes haïtiennes les mêmes droits qu'aux simples citoyens haïtiens. Il dispose :

    « Les sociétés anonymes constituées en Haïti, conformément aux lois haïtiennes et qui auront leur siège social dans le pays, jouiront sans restrictions de tous les droits reconnus à l' Haïtien quant à la propriété immobilière. »

    Autrement dit, de la même manière qu'un simple Haïtien peut acquérir une propriété et en jouir, ainsi peut faire la société anonyme haïtienne. Il ne nous reste plus qu'à voir les modes et moyens d'acquisition de la propriété immobilière et les modalités de jouissance.

    1- Les modes et moyens d'acquisition a)Titre onéreux

    L'acquisition à titre onéreux est la plus répandue et la mieux utilisée. Elle fait appel à la monnaie comme intermédiaire d'échange dans la transaction. Acquérir à titre onéreux signifie simplement qu'on a conclu un contrat de vente ou qu'on recouru à l'adjudication. Le contrat de vente est un contrat conclu entre deux ou plusieurs personnes physiques ou morales, de droit privé ou de droit public, dans lequel l'une des parties consent à céder à l'autre un bien moyennant le paiement du prix convenu. Ce sont les articles 897 et suivants du Code Civil Haïtien qui réglemente les contrats et conventions. Le droit des obligations fait du contrat de vente une obligation de donner. L'adjudication fait référence à la vente aux enchères ou vente à l'encan public. Les sociétés anonymes peuvent donc se porter acquéreuses de biens immobiliers par l'achat ou en se faisant adjudicataires.

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    b) Titre gratuit

    L'acquisition à tire gratuit est celle qui ne nécessite aucun mouvement d'argent dans son processus. Elle peut consister en une succession, une prescription ou une donation entre vifs. La succession est le premier mode d'acquisition gratuite de la liste. Il s'agir d'un héritage d'ascendants à descendants (de parents à enfants), de parents collatéraux (entre frères et soeurs), conjugal (entre conjoints), ou de descendants à ascendants (enfants à parents). Il peut être également question d'un legs testamentaire. Le De Cujus, dans son testament a légué ses biens à un légataire sans forcément qu'il y ait un lien de parenté ou un lien matrimonial. A l'instar de la succession, il existe la donation entre vifs. C'est un don d'une personne encore vivante à une autre. Et puis, il y a la prescription utile ou acquisitive qui trouve son fondement dans les rapports de fait en tenant compte de la bonne foi de l'occupant et en négligeant l'aspect purement légal constitué par un contrat de vente ou par des liens familiaux. Cependant, si toute personne physique peut acquérir des immeubles par ces moyens, les sociétés anonymes ne peuvent les acquérir par succession étant donné qu'elles n'ont pas de parents dont elles recueilleraient l'héritage ou le legs.

    c)Apport en nature

    Les sociétés anonymes peuvent acquérir des biens immobiliers par des apports en nature. Principalement l'apport en pleine propriété. L'un ou plusieurs des actionnaires peuvent, lors de la constitution de la société, au moment de la réalisation d'apports, donner leurs biens immobiliers en pleine propriété. Par cette action, le droit de propriété passe des mains de l'actionnaire donateur au patrimoine de l'entreprise. L'apport en pleine propriété peut également être réalisé lors de l'augmentation du capital social de la société anonyme.

    d) Saisie-exécution

    En général, la saisie-exécution est l'apanage des sociétés anonymes comme les banques commerciales, les compagnies d'assurance, les sociétés de crédit, en somme, des institutions financières et monétaires. Le client présente des garanties (des biens immobiliers surtout) et un prêt lui est accordé. Comme c'est stipulé dans le contrat, si ce client n'arrive pas à honorer son prêt avec tous les intérêts, ses biens présentés en garantie sont saisis par l'institution financière concernée.

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    Ce sont ces moyens dont dispose la société anonyme, comme toute personne physique, d'acquérir des biens immobiliers pour devenir titulaires du droit de la propriété immobilière. Il faut également souligner que les sociétés anonymes ont leur propre patrimoine, distinct du patrimoine de chacun des actionnaires. Quelque soit le mode d'acquisition, la propriété confère à son titulaire le droit d'en user à sa guise. Ce n'est pas pour rien qu'elle est le droit subjectif le plus entier et le plus important.

    2- La jouissance

    Les sociétés anonymes haïtiennes ont un droit de jouissance absolu sur leurs biens immobiliers. Elles jouissent de l'intégralité des prérogatives liées au droit de la propriété. La législation consacre cette capacité de jouissance sans réserve en stipulant qu' « elles jouiront sans restrictions de tous les droits reconnus à l'haïtien quant à la propriété immobilière. »

    a)Quantité disponible et utilisation

    Les S.A. haïtiennes ont la capacité d'acquérir tous les terrains, maisons, et tout autre immeuble par nature ou par destination qu'elles désirent. Et sans qu'elles aient à justifier leur utilisation par devant les autorités. Autrement dit, elles peuvent avoir tous les biens immeubles, sans restrictions de superficie, mais aussi et surtout, elles peuvent les utiliser à leur gré et pour leur besoins spécifiques. L'utilisation peut n'avoir aucun rapport avec l'exploitation de l'objet commercial. Cette capacité juridique des sociétés anonymes haïtiennes s'accompagne d'une aptitude légale de recueillir tous les fruits des biens immeubles acquis. C'est une jouissance pleine et entière qui suppose :

    i) L'acquisition de la quantité voulue de biens immobiliers, sans limites de superficie.

    ii) L'acquisition effective sans notification et justification par devant les autorités compétentes.

    iii) La liberté de les occuper, de les donner en usufruit, les louer pour réaliser des revenus, les hypothéquer afin d'en percevoir des intérêts, les exploiter dans le but d'en recueillir les fruits naturels et industriels ou les laisser inexploités.

    iv) L'exercice des actions en justice pour faire entrer dans leur patrimoine tous les biens immobiliers acquis mais qui sont passés en situation de litige.

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    v) L'exercice des actions en justice pour récupérer leurs créances sur toutes sortes de prêts consentis.

    vi) L'exercice des actions paulienne et oblique pour protéger leur patrimoine. b) Suspension ou transmission de droit

    Généralement, un droit se perd suite à une déchéance, provoquée par des peines correctionnelles ou criminelles. Ou, à la mort du de cujus, le droit se transmet. C'est presque la même chose pour une société commerciale, particulièrement pour la société anonyme. Une société anonyme à qui les autorités compétentes ont révoqué l'autorisation de fonctionnement (art. 15 du décret du 23 Août 1960), est considérée comme déchue. De plus, une société en faillite est réputée civilement morte. Elle ne conserve son existence que pour les besoins de sa liquidation qui intervient dans la dissolution. Tous les biens meubles et immeubles doivent être vendus pour les besoins de la liquidation et le partage entre les associés de l'éventuel boni de liquidation. Et à partir de ce moment, la société anonyme défunte perd tous ses droits extrapatrimoniaux et patrimoniaux, avec tous les privilèges y relatifs. Il faut dire que des actionnaires peuvent acheter des biens immobiliers que la société met en liquidation. Mais en aucun cas, on ne pourrait parler de transmission.

    Le droit de propriété souffre de quelques restrictions, toutes, venant de l'Administration publique1. Devant l'entité administrative, le droit de propriété perd ses droits. L'une des caractéristiques essentielles de cette structure est qu'elle jouit des privilèges exorbitants de droit commun. Parmi ces privilèges se place celui de suspendre ou de mettre fin au droit de propriété que détient une personne physique ou une personne morale. Elle peut le suspendre pour servitude d'utilité publique. Par exemple, pour les besoins de l'administration, elle peut prendre la propriété, car c'est pour une cause d'intérêt général. Pour des questions d'urbanisme, d'environnement ou de zonage, l'Administration Publique peut suspendre le droit de propriété de tout propriétaire. Ce n'est pas tout, elle peut même faire la réquisition de toute propriété pour servir la population civile ou pour toute autre cause d'utilité publique. Enfin l'administration peut réaliser l'expropriation de tout propriétaire pour se servir ou pour servir l'intérêt général.

    1 - JEAN-CHARLES, Enex : Manuel de droit administratif, Imprimeur II, Port-au-Prince, 2002, page 189.

    Article 10 : (3e alinéa) «Toutefois, en raison de nécessité de récupération de leurs capitaux et seulement en qualité de créanciers gagistes, les sociétés étrangères d'investissement, de

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    Cependant, toutes ces mesures s'accompagnent de rémunération pour le propriétaire ciblé par l'Administration. Ce sont les seuls obstacles au droit de propriété immobilière (et mobilière dans une moindre mesure).

    3- Cas des sociétés anonymes étrangères

    La législation haïtienne ne fait pas de discrimination entre les sociétés anonymes étrangères et celles haïtiennes en ce qui concerne l'acquisition et la jouissance du droit de la propriété mobilière. De la même manière qu'une société anonyme haïtienne acquiert et jouit de son bien meuble, la société anonyme étrangère peut le faire. Sur ce plan là, il n'y a vraiment pas de disparité. Il y a même une thèse selon laquelle les étrangers jouissent de tous les droits qui ne leur sont pas refusés expressément par un texte de loi. Mais pour ce qui est du droit de la propriété immobilière, c'est une toute autre histoire.

    La première constitution de la République d'Haïti (1805) en son article 12 interdit à tout étranger de race blanche de devenir propriétaire d'immeuble en Haïti et toutes les constitutions subséquentes ont consacré l'idée. Bien que la loi du 16 Juin 1975 en ait porté un bémol, les sociétés étrangères assimilées aux personnes physiques étrangères n'ont pas les mêmes prérogatives que les sociétés anonymes haïtiennes en droit de propriété immobilière. Les discriminations se concentrent au niveau de l'acquisition et de la jouissance. Le titre IV de la constitution en vigueur consacré à eux explique les conditions d'acquisition de biens immobiliers par les étrangers, les limites, réserves et interdictions, sans parler des modalités de transmission et de suspension du droit de propriété. L'acquisition d'immeubles par des sociétés anonymes étrangères est une opération soumise à des règlements très stricts et très compliqués. Comme les sociétés anonymes haïtiennes, elles peuvent le faire à titre gratuit, à titre onéreux, ou par adjudication. Les articles 6 et 10 de la loi du 16 Juin 1975 modifiée par la loi du 20 Septembre 1979 sont clairs là-dessus.

    Article 6 : « Aucune acquisition de propriété immobilière titre gratuit ou onéreux ne peut être faite par une société constituée en vertu des lois étrangères si ce n'est pour les besoins des entreprises agricoles, commerciales, ou industrielles ou d'enseignement etc. ».

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    financement, de crédit et de banque légalement établies en Haïti, pourront être proclamées adjudicataires de plusieurs immeubles à la fois ».

    Si les sociétés anonymes haïtiennes peuvent se porter adjudicataires qu'elles que soient la nature et la provenance des biens à vendre aux enchères, les sociétés anonymes étrangères ne peuvent se déclarer adjudicataires de plusieurs immeubles que dans le but de récupérer leur créance. De plus, l'acquisition est conditionnée dans la mesure où qu'elle doit être faite dans un but bien déterminé, c'est-à-dire, pour les besoins de l'exploitation de l'objet social. Elles n'ont pas la latitude d'acquérir tous les biens immobiliers qu'ils veulent. L'article 4 fixe la superficie à 1 carreau ou 1 ha 29 en zone urbaine et à 5 carreaux ou son équivalent en ha en zone rurale, et un supplément qui n'excédera pas un carreau pourra leur être accordé pour le logement des travailleurs car c'est une nécessité de fonctionnement. Et l'article 5 de ladite loi précise que les sociétés étrangères ne peuvent acquérir plusieurs maisons d'habitation car elle ne peut acquérir d'immeubles que pour les besoins de leurs entreprises. Les restrictions ne se terminent pas là. L'article 22 de la même loi stipule que « le droit de propriété immobilière des sociétés étrangères n'a pas un caractère absolu, il comporte pour tous des tempéraments :

    a) Il ne s'étend pas aux sources, rivières ou autres cours d'eau, mines, carrières, lesquels relèvent du domaine public de l'Etat1.

    b) Il s'entend de la propriété du sol, celle du dessus dont la hauteur maximum sera fixée par la loi.

    c)Il astreint la propriété à toutes les charges généralement quelconque et aux restrictions que les lois auront établies quant à l'usage et à la jouissance du droit.

    De plus, aucune société étrangère ne peut être propriétaire d'un immeuble borné par la frontière haïtienne (art. 55-3 de la constitution). Et leur droit de propriété prend fin avec la cessation de leurs activités et opérations commerciales. Les liquidateurs ont un délai de deux ans pour vendre les biens immobiliers. Passé ce délai, les biens acquis seront dévolus au bureau des successions vacantes pour être vendus aux enchères publiques (articles 13, 14 et 15 de la loin du 16 Juin 1975).

    1- Cette condition vaut également pour les sociétés commerciales haïtiennes.

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    A l'instar de toutes ces exigences, les sociétés étrangères, pour faire l'acquisition de biens immobiliers doit suivre toute une série de procédures selon les articles 4 et 5 de la loi en débat. D'abord, elles doivent avoir une autorisation du Ministre de la Justice. Ensuite, elles doivent déposer une requête au même Ministère avec une expédition dûment signée de son acte constitutif.

    Comme on le voit, les sociétés étrangères sont nettement désavantagées par rapport aux sociétés anonymes haïtiennes sur le plan de l'immobilier. Et on peut aisément comprendre les motivations des législateurs !

    4- Priorité des sociétés anonymes sur les autres formes de sociétés commerciales

    Les sociétés anonymes sont en plus grand nombre que toutes les autres formes de sociétés commerciales réunies. De 2001 à 2010, elles ont pris un essor considérable. C'est la société de prédilection des institutions financières (grandes banques, compagnies d'assurance, maisons de transfert d'argent, les institutions de placement, etc.), les grandes compagnies de navigation maritime et aérienne... De plus, on rencontre cette forme juridique dans tous les secteurs d'activités sans restriction aucune. En général, elles concernent les entreprises à grands capitaux, mais ces derniers temps, des petites et moyennes entreprises peuvent être des sociétés anonymes dans la mesure où elles remplissent les conditions requises par la loi. C'est la forme la plus répandue de société commerciale en Haïti et ailleurs. De ce fait la loi lui accorde des prérogatives à elles seules reconnues. Par exemple, pour les sociétés anonymes, il suffit d'un Haïtien dans le conseil d'administration pour qu'elle possède la nationalité haïtienne. Alors que pour les autres types de société, il faut plus que la moitié du capital social soit entre les mains des Haïtiens pour qu'elles soient réputées haïtiennes et jouir des prérogatives du droit de la propriété immobilière. Les sociétés anonymes sont les entreprises qui rassemblent des capitaux considérables dans l'économie d'un pays. Ainsi, elles jouissent de beaucoup plus de privilèges que les autres types. Le tableau dans la page suivante montrera l'évolution des sociétés anonymes de 2001 à 2010.

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    Tableau V : Evolution des Sociétés anonymes en Haïti de 2000 à 2010.

    Années

    Nombre de S.A.

    Taux d'évolution (%)

    2001

    132

    _

    2002

    181

    +37,12

    2003

    176

    -2,76

    2004

    156

    -11,36

    2005

    144

    -7,69

    2006

    222

    +35,13

    2007

    189

    -14,86

    2008

    195

    +3,07

    2009

    203

    +4,10

    2010

    199

    -1,97

    Total

    =1797

    = +40,78

    Source : Ministère du Commerce et de l'Industri Légende : S.A. = Sociétés Anonymes.

    Entre 2001 et 2010, les sociétés anonymes ont augmenté de plus de 40 %. On peut toutefois remarquer des fluctuations, dépendamment de la période annuelle considérée. Par exemple, à partir de 2003 à 2005, la courbe va en descendant. Faut-il attribuer cette baisse à la conjoncture politique d'alors ? Tout de suite après l'élection de Mr René Garcia PREVAL à la présidence en 2006, on remarque une progression, dans la courbe et peu après, une descente. Doit-on croire que la sécurité politique a des incidences sur la création d'entreprises et les investissements ? On n'a pas d'arguments solides pour appuyer cette hypothèse. Cependant, on peut remarquer une corrélation négative entre une conjoncture politique délicate et la création de richesses par le biais de la création d'entreprises. Malgré tout ces contretemps, de 2001 à 2010, sur une période de 10 ans, 1797 sociétés anonymes ont eu leur autorisation de fonctionnement, avec un rythme d'augmentation de 40,78. On comprend alors l'importance des sociétés anonymes dans l'économie du pays.

    1- Archives de la Direction des Affaires Juridiques du MCI.

    77

    Graphe I : Evolution des sociétés anonymes en Haïti de 2001 à 2010

    Source : Données du MCI

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    Section III : L'intérêt de l'octroi des faveurs spéciales légales

    Dans cette section, on se donne pour tache de montrer l'intérêt du favoritisme de la législation haïtienne à l'égard des sociétés anonymes. Et des éventuels inconvénients. Qu'il s'agit des privilèges de fonctionnement, ou de dispenses de certaines formalités de constitution, ou encore, des prérogatives en ce qui concerne les droits patrimoniaux, et même des exonérations fiscales (et oui !), ils ont leurs raison d'être. Les législateurs ne sont pas nés de la dernière pluie, ils savent que, pour attirer les investissements, garantir la croissance et promouvoir le développement durable, il faut accorder des faveurs et faire quelques concessions. Pourtant, il faut veiller à ce que des individus mal intentionnés détournent ces faveurs de leur objectif. Dans cette optique, les sociétés anonymes dans lesquelles se concentre le gros de l'argent en circulation dans une économie font l'objet de faveurs légales spéciales. Dans les lignes qui suivent, on s'est fait une obligation de montrer les implications de ce favoritisme.

    A) Les avantages du favoritisme

    1- Encourager et faciliter les investissements

    L'article 1er du Code des Investissements (décret du 30 Octobre 1989), donne l'objectif dudit code. Il a pour but de définir les conditions, garanties et formes générales d'incitations offertes à l'investissement. Il faut croire que l'investissement a été une préoccupation et une priorité pour le législateur. Dans cette perspective, il a jugé utile et nécessaire de doter le pays d'une législation qui présente de sérieux avantages pour les investisseurs. Mais comment ces faveurs peuvent elles encourager et faciliter l'investissement ?

    a) Le presqu'anonymat que suggère la forme juridique, ajouté à la capacité juridique et la qualité de commerçant qui ne sont pas obligatoires font de la société anonyme la structure idéale pour l'investissement de grands capitaux sans qu'on ait à s'exposer aux yeux du grand public comme détenteurs de telles somme d'argent ou d'aussi importants biens. Ce n'est pas pour rien que c'est une société opaque et une société intuitu pecunie. En somme, les caractéristiques1 de la société anonyme ajoutée aux privilèges que la loi lui accorde font d'elle la structure la plus séduisante, la plus adéquate, la moins risquée, et la mieux protégée dans laquelle il faut investir d'importants

    1- Référence : Notions Générales sur les sociétés anonymes.

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    capitaux, de sommes d'une valeur moyenne, ou d'un petit capital(du moment que la somme en question répond aux exigences légales).

    b) L'avantage d'une procédure de constitution1 plus légère et moins compliquée pour les fondateurs des sociétés anonymes qui souscrivent l'intégralité du capital social initial encourage l'investissement dans la mesure où les entrepreneurs qui ont l'intégralité du minimum requis par la loi (25000 gourdes) savent que les formalités pour monter une société anonyme seront peu nombreuses et pas du tout complexes.

    c) Le privilège de non fonctionnement2 uniquement accordé aux sociétés anonymes est sans précédant. C'est un incitateur de plus pour l'investissement. La personne qui veut investir sait que si jamais la société dont il est actionnaire n'arrive plus à fonctionner, elle pourra se mettre en veilleuse ou en état de non-fonctionnement tout en conservant son existence légale.

    d) Les grandes faveurs relatives aux droits patrimoniaux3 dont bénéficient les sociétés anonymes haïtiennes les rendent très attrayantes pour les investisseurs haïtiens. Les investisseurs étrangers, pour jouir de ces privilèges, doivent s'associer avec au moins un investisseur Haïtien. Ces faveurs ont une double importance pour le pays. D'abord, elles encouragent les Haïtiens à investir dans leur pays. Ensuite, elle incite les investissements étrangers, mais ces derniers doivent se mêler à ceux de nationaux pour acquérir la nationalité haïtienne et ainsi jouir des privilèges accordés seulement aux sociétés anonymes nationales.

    e) L'octroi des franchises et exonérations4 sur les exigences fiscales et douanières par la législation à caractère économique pour certains secteurs d'activités bien ciblés est un appât génial pour l'investissement. La majorité des entreprises ciblées sont des sociétés anonymes ou d'autres types limitativement spécifiés dans la loi. Dans tous les cas possibles, le favoritisme fiscal a un impact favorable sur l'investissement dans les secteurs ciblés.

    1- Réf. : Chapitre I.

    2- Réf : Chapitre II

    3- Réf. : Chapitre III.

    4- Réf. : Chapitre IV

    80

    De toute façon, le pays gagne à tous les coups en instaurant ces mesures spéciales. Car, elles encouragent les investissements et facilitent la rentrée d'argent dans le circuit économique. Ce qui nous amène à notre deuxième bienfait résultant des faveurs spéciales légales.

    2- Garantir une certaine croissance économique

    De manière très simple, on peut dire que la croissance économique est l'accroissement sur une longue période des quantités de biens et services produits dans un pays. Le code des investissements et la législation sur les sociétés anonymes haïtiennes, étrangères et mixtes, font partie de la législation à caractère économique du pays. L'une des grandes qualités de l'investissement est qu'il garantit la croissance économique. Là, l'effet d'enchainement dont parle Ragna KNURSE prend tout sens : en investissant, les entrepreneurs produisent une chaine où un flux d'argent circule en circuit. Les investissements ont le grand mérite de favoriser la croissance économique et on va voir de quelles manières.

    a) Les investissements génèrent la création d'emplois directs et réduisent le taux de chômage. En ouvrant ses portes, les sociétés anonymes s'assurent déjà d'avoir tous ses salariés, le sommet stratégique, les cadres médian, le personnel d'exploitation, la technostructure, et le personnel de support, sans compter le petit personnel. Tout ce beau monde est fait de gens qui ont un travail, donc, un salaire pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Autant il y a d'investissements, donc de sociétés commerciales à fournir des emplois, autant le taux de chômage sera réduit. Et on aura plus de gens autonomes financièrement.

    b) La création d'emplois indirects est également assurée. Entre la restauration des employés, leur transport sur les lieux du travail et chez eux, leurs vêtements, les loisirs, etc., c'est tout un marché qui se crée. Ils ont le pouvoir d'achat, ils vont surement se doter du minimum décent. Et tous les fournisseurs de ces salariés comptent sur cette clientèle pour faire marcher leur négoce. Plus nombreux sont les gens qui travaillent, mieux c'est. Car eux et les gens qui dépendent d'eux ou de leur fonds de commerce vivent indirectement des investissements qui créent des emplois.

    c) Les investissements font baisser la pauvreté non seulement par la création d'emplois, mais aussi et surtout par les taxes, droits et impôts qu'ils apportent aux finances publics. Dans le dernier cas, la redistribution des richesses est assurée pour les plus nécessiteux et pour la mise en

    Le développement économique et social (infrastructures, structures et superstructure, environnement, industrialisation, modernisation, croissance économique) passe certainement par

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    place d'infrastructures dans le pays. Or, on sait combien le trésor de l'Etat est indispensable pour pouvoir fournir des services publics et des services de base pour les gens les plus démunis.

    d) Le flux d'argent que les investissements injectent dans l'économie est un facteur non négligeable de croissance économique. L'argent circule et permet la production sans cesse croissante de biens et de services et facilite la consommation. On produit, on consomme, on reproduit, on re-consomme, etc. L'argent circule et permet la création de richesses. C'est le mouvement du flux et du reflux en Economie.

    Toutes ces considérations faites, on peut s'agréer le droit de dire que faciliter les investissements, c'est garantir la croissance économique. Accorder des faveurs spéciales aux sociétés anonymes pour encourager les investissements directs et directs, c'est préparer la croissance économique. C'est comme une imbrication, l'un ne va sans l'autre. Mais un troisième élément mérite qu'on s'en occupe.

    3- Promouvoir le développement

    La croissance économique est l'une des composantes du développement durable. On a longtemps assimilé le développement à la croissance économique. La formule était : développement= croissance économique= modernisation= industrialisation. Mais on a vite compris que ce n'étaient que des phases du développement. Le développement s'entend d'un progrès qui prend en compte les réalités sociales, économiques et humaines. Le développement est un processus conduisant à l'amélioration du bien-être des humains. L'activité économique et le bien-être matériel demeurent essentiels mais la santé, l'éducation, la préservation de l'environnement, l'intégrité culturelle par exemple le sont tout autant. Pour être durable, le développement doit concilier trois éléments majeurs : l'équité sociale, la préservation de l'environnement et l'efficacité économique. On l'a dit plus haut, les faveurs de la loi pour la société anonyme favorisent la survenue des investissements, ces derniers amènent la croissance économique qui elle, est corollaire du développement durable. La chaine se construit et se tient : le favoritisme de la législation haïtienne attirent de bonnes vibrations. Le développement a plusieurs dimensions : économique, sociale et humaine.

    La politique du favoritisme, une fois appliquée sur les sociétés anonymes, attirera sans nul doute possible les fraudeurs. Les adeptes de l'économie souterraine, les pratiquants des circuits

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    l'essor économique et l'effort social mais elle ne se réduit pas seulement à cela. Le développement économique et social fait référence à l'ensemble des mutations positives (techniques, démographiques, sociales, sanitaires...) que peut connaître une zone géographique (monde, continent, pays, région...). Le développement économique nécessite notamment la création de richesses. On associe développement économique et « progrès », puisqu'il entraîne, généralement, une progression du niveau de vie des habitants. On parle alors d'amélioration du bien-être social (au sens économique).

    La volonté de concilier simple développement économique et progrès ou amélioration du bien-être a mené à forger, à côté des indicateurs de développement traditionnels (PNB, PIB), d'autres indicateurs, tels que l'indice de développement humain (IDH), qui prend en compte la santé, l'éducation, le respect des droits de l'homme (dont font partie, depuis 1966, les droits économiques et sociaux), etc. Les paramètres économiques et sociaux tels que le BIP 40 (baromètre des inégalités et de la pauvreté) l'IPH (indicateur de la pauvreté humaine.), l'accroissement de la sécurité juridique, innovation (via la recherche), l'investissement dans la santé et l'éducation, l'équité de genre sont là pour mesurer le développement économique et social d'un pays.

    Un pays qui croît économiquement à un rythme constant ou grandissant a toutes les chances et opportunités pour se développer. Les moyens ne manqueront pas, il suffira d'un peu de bonne volonté de la part des décideurs, du respect des valeurs et libertés fondamentales, du respect des droits humains, de la facilitation de l'accès aux services sociaux, du progrès etc. et le reste suivra. Il n'y a plus de doute possible, ce sont des réalités imbriquées : l'octroi des faveurs spéciales légales accordées aux sociétés anonymes ? importants investissements ? croissance économique ? développement. Le favoritisme à l'égard des sociétés anonymes est une assurance pour l'avenir du pays. Mais, certains inconvénients peuvent également découler de ce favoritisme.

    B) Les principaux inconvénients

    1- Attirer des fraudeurs

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    parallèles, les tenants des négoces illicites et illégaux, les trafiquants et contrebandiers se donneraient à coeurs joie. Ils n'auraient qu'à former une société anonyme pour blanchir leurs avoirs et jouir des privilèges qui en sont associés. Certes, ils le font quand même, dans l'état actuel des choses, mais, ils se réjouiraient et auraient plus de motivations pour légaliser leurs fraudes et affaires douteuses dans la société anonyme avec un régime juridique axé sur le favoritisme.

    2- Encourager l'oligarchie foncière

    Favoriser complètement la société anonyme aurait une autre conséquence : encourager à l'oligarchie foncière. En effet, aucune barrière, aucune limite, aucune réserve, aucune restriction n'est faite pour l'acquisition du droit de la propriété par les sociétés anonymes. C'est simple, des investisseurs étrangers arrivent, sélectionnent un haïtien pour s'associer avec eux et acquièrent la nationalité haïtienne pour leur société anonyme. Dans un cas pareil, cette société anonyme haïtienne peut s'approprier tous les biens qu'elle peut et jouir de tous les avantages prévus par la loi. C'est un inconvénient dans la mesure où des sociétés anonymes haïtiennes, mais dont la majeure partie du capital social provient de l'étranger pourraient avoir le contrôle foncier en Haïti. Une fois ce contrôle obtenu, ces sociétés seraient les nouveaux seigneurs terriens de cette moitié d'île. L'oligarchie terrienne établie, elles dicteraient les lois du marché en matière de propriété immobilière.

    Dans ce chapitre si riche en informations sur les faveurs accordées aux sociétés anonymes, on a appris pas mal de choses jusque là incomprises. Premièrement, que les droits extrapatrimoniaux ne révèlent pas autant de faveurs qu'on pourrait le croire au premier abord. Ils sont pareils pour toutes les sociétés commerciales, sans exception aucune, même pour les sociétés étrangères. On ne peut alors pas parler de privilèges puisque c'est la règle. Deuxièmement, que les droits patrimoniaux sont carrément avantageux pour les sociétés anonymes haïtiennes mais pas pour les sociétés anonymes étrangères. Cette discrimination est compréhensible pour nos 27500 km2.On a relevé également que les autres sociétés commerciales, pour jouir des mêmes privilèges en ce qui concerne les droits patrimoniaux doivent également être haïtiennes. Mais les exigences pour que la nationalité haïtienne leur soit attribuée sont plus rigides que pour les sociétés anonymes. La priorité accordée aux sociétés anonymes est due, on l'a vu, à leurs caractéristiques, leur évolution sans cesse croissante en Haïti, ses secteurs de prédilection et les importants capitaux

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    qu'elles rassemblent. En dernier lieu, on a démontré les liens étroits qui existent entre les faveurs de la loi, les investissements, la croissance économique et le développement, et les inconvénients qui peuvent résulter du favoritisme.

    Une fois de plus, la dichotomie dans la législation haïtienne sur les sociétés anonymes est frappante. Ce régime qu'on vient de voir tout en faveurs va être contrebalancé par un autre fait de rigueurs. C'est à croire que le législateur jouait un double jeu. Mais, le dernier chapitre finira de nous éclairer sur ses vraies motivations et sur l'interprétation qu'on doit en faire, sans parler des recommandations et perspectives.

    85

    CHAPITRE IV : LES OBLIGATIONS FISCALES DES SOCIETES ANONYMES

    Les obligations des sociétés anonymes sont nombreuses et ont toujours un caractère contraignant. Elles sont d'ordre juridique, d'ordre administratif ou d'ordre fiscal. En général, les trois sont consacrées par la législation et on peut donc affirmer sans l'ombre d'un doute qu'elles découlent toutes du droit positif. Cependant, les obligations fiscales sont celles qui soulèvent le plus de controverses dans le domaine. L'une des caractéristiques du fisc c'est qu'il est réaliste, c'est-à-dire qu'il est opposable au contribuable dès qu'il y a matière à imposer, sans considération de la légalité et/ou de licéité des sources de revenus imposables. C'est peut être ce réalisme -ou ce cynisme- qui rend les obligations fiscales aussi accablantes. Dans ce chapitre, il sera question des obligations fiscales dans ce qu'elles ont de rigueurs et de libertés (ou faveurs !). La section I traitera de l'inégalité devant l'administration fiscale, la section II abordera la question de la double imposition applicable seulement aux sociétés anonymes et la section III énoncera les impacts du rigorisme fiscal (et de toutes les autres rigueurs).

    Section I : L'égalité devant l'impôt, un principe discuté

    Les sociétés commerciales sont généralement soumises aux différents prélèvements fiscaux dans le pays où elles sont fiscalement domiciliées, quelque soit leur nationalité. La loi fiscale ne tient pas compte de la nationalité, mais de la territorialité. En d'autres termes les sociétés commerciales haïtiennes et étrangères sont imposées en vertu des mêmes principes. Chaque Etat est souverain pour imposer selon le principe de la territorialité. Aussi, a-t-il la possibilité ou bien d'imposer des revenus réalisés sur son territoire ou bien de n'imposer que les revenus réalisés par ses résidents quelque soit leur provenance, ou les deux.

    Les sociétés commerciales sont assujetties à différents droits, taxes et impôts. Ils peuvent être des impôts indirects (ex : le droit d'accise, la taxe sur le chiffre d'affaire, les droits de douane, le droit d'enregistrement...), des impôts locaux (ex : la patente, la contribution foncière des propriétés bâties, la contribution au fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales), ou des impôts sur les revenus. Généralement, il n'y a pas de discrimination lorsque les sociétés commerciales paient les impôts locaux et indirects. Mais s'agissant de l'impôt sur le revenu, les disparités sont criantes entre les sociétés anonymes et les autres types de sociétés

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    commerciales. Voilà pourquoi l'accent sera mis l'impôt sur le revenu individuel (IRI) ou celui sur les sociétés (IS).Parlons d'abord de l'impôt tout court.

    L'impôt constitue un prélèvement obligatoire effectué par voie d'autorité par une administration (État, collectivités territoriales, provinces, régions et départements, cantons, pays, communes etc.) sur les ressources des personnes vivant sur son territoire ou y possédant des intérêts pour être affecté aux services d'utilité générale. Formant aujourd'hui la plus grosse part des recettes publiques (sauf ressources minières extraordinairement abondantes), les impôts alimentent le budget de l'État ou d'une subdivision nationale ou fédérale (une province, une région, un territoire, un département, un district, etc.), et dans une moindre mesure des organismes à compétence spécialisée. Historiquement, l'impôt est un élément important dans l'histoire des États et l'évolution de leurs formes : l'État moderne se réserve le monopole de la levée des impôts. Gaston Jèze a défini dans la première moitié du XXe siècle l'impôt de la manière suivante : « L'impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques1». C'est la définition classique de l'impôt. Selon BELTRAME2, l'impôt est un acte de la puissance publique, perçu dans un but d'intérêt général et qui constitue un prélèvement sur la propriété. L'égalité devant l'impôt est un principe reconnu en droit, mais un principe souvent discuté.

    A) Du principe de l'égalité devant l'impôt

    Les lois fiscales ont des caractères qu'elles seules s'attribuent3. Elles sont à la fois autonomes et réalistes. Elles s'encadrent d'un ensemble de principes juridiques pour les aider à bien remplir leur mission. Le droit fiscal consacre quatre principes concernant l'impôt :

    1- Le principe de la légalité de l'impôt : qui fait de la loi la source de tout impôt. Un impôt n'est pas valable s'il ne découle pas d'une loi, d'un décret, d'un décret-loi,

    1 - Professeur Gélin I. COLLOT : Cours de Droit Fiscal, 3e Année ,2009-2010.

    2- BELTRAME, Pierre : La fiscalité en France, 3e édition Hachette 1994, page 12.

    3- GORE, F. et JADAUD, B. : Droit fiscal des affaires, 2eme édition, Précis Dalloz, Paris, 1997, page 8.

    87

    d'un traité international, ou d'une règle administrative (art. 218 de la constitution du 29 Mars 1987).

    2- Le principe de l'égalité devant l'impôt : qui fait des contribuables des sujets égaux devant l'administration fiscale. Ce principe a fait couler jusqu'ici beaucoup d'encre, car l'égalité devant l'impôt est comprise différemment par chaque contribuable selon ses intérêts. (art. 219 de la constitution). De manière générale, on parle de l'égalité fiscale pour absorber toute la masse fiscale dans le principe.

    3- Le principe de la nécessité de l'impôt : l'impôt est nécessaire pour la couverture des charges publiques et la redistribution des richesses. Pour remplir des fonctions d'intérêt général, économiques et sociales que l'Etat s'attribue, l'impôt est indispensable.

    4- Le principe de l'annualité de l'impôt : Généralement, l'impôt est perçu chaque année. D'ailleurs un calendrier fiscal est établi annuellement et l'année fiscale est aussi ponctuelle que l'année ordinaire. (Article 152 du décret du 29 Septembre 2005).

    L'égalité fiscale recouvre une dimension politique et juridique1. Le principe d'égalité fiscale est d'abord entendu comme l'égalité des contribuables devant l'impôt. En ce sens, il découle de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC). Celle ci établit que la " contribution commune (...) doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". C'est l'idée d'une justice fiscale. Afin d'assurer une répartition plus juste de la charge fiscale et de favoriser une égalité de sacrifices financiers, le législateur est donc autorisé à opérer des différences de traitement (ex : payer 20 % de son revenu est un effort plus important pour les moins aisés).

    En 1987, les Constituants ont reconnu au principe d'égalité devant l'impôt une valeur constitutionnelle. Bien qu'un contrôle attentif ne soit pas exercé sur chaque impôt séparément des autres, la constitution du 29 Mars 1987, en son article 219 consacre le principe de l'égalité devant l'impôt. Elle considère que l'égalité devant les charges publiques s'entend comme l'égalité devant le système fiscal, c'est-à-dire devant l'ensemble des prélèvements obligatoires, ensemble des impôts et des cotisations sociales perçus par l'administration publique.

    1 - TROTABAS, Louis et COTTERET, Jean-Marie : Droit Fiscal, 8e édition Dalloz, Paris, page 118.

    88

    Le principe d'égalité devant l'impôt consiste également en l'égalité des contribuables devant la loi fiscale. Il découle des articles 1 et 6 de la DDHC qui proclament respectivement l'égalité des hommes et l'égalité devant la loi. Un même régime fiscal doit alors s'appliquer à tous les contribuables placés dans la même situation.

    Posée en réaction face aux privilèges fiscaux de l'Ancien Régime en France et à ceux accordés aux nantis d'Haïti à l'époque moderne, l'égalité fiscale est aujourd'hui surtout invoquée dans le débat politique contre des exonérations fiscales ciblées, assimilées à des privilèges. Elle est souvent rapprochée des principes de proportionnalité et de progressivité de l'impôt.

    B) L'impôt sur le revenu

    Avec l'impôt sur la consommation, l'impôt sur le capital et sur le patrimoine, l'impôt sur les opérations financières et l'impôt sur la production, l'impôt sur le revenu est l'une des obligations fiscales qui s'appuient sur des critères économiques. Il est perçu sur les revenus individuels (IRI) et sur les bénéfices des sociétés commerciales (IS). Le décret1 du 29 Septembre 2005, modifiant celui du 29 Septembre 1986 porte sur l'impôt sur le revenu individuel et sur celui des sociétés. Les articles 1, 2 et 3 du décret du 29 Septembre disposent :

    Article 1 : « Il est établi un Impôt sur le Revenu des personnes physiques et morales, désigné sous le nom d'impôt sur Revenu pour les personnes physiques et d'Impôt sur les Sociétés pour les sociétés et autres personnes morales. »

    Article 2 : « Le revenu est le produit d'une activité individuelle ou collective résultant d'une initiative d'ordre intellectuel ou matériel, le fruit d'un droit engendrant un accroissement de patrimoine ou une satisfaction des besoins. Ce produit ou ce fruit peut être soit en numéraire, soit en nature. »

    Article 3 : « L'impôt sur le revenu frappe le revenu net du contribuable, sauf dispositions contraires prévues par la loi et les accords internationaux ratifiés par la République d'Haïti. »

    1- Moniteur du 05 Octobre 2005.

    89

    Ce sont les dispositions générales, objet du Titre I, sur l'impôt sur le Revenu et des personnes physiques et des personnes morales. Elles l'introduisent, le définissent et déterminent le champ de son application.

    1- L'impôt sur le revenu individuel (IRI)

    L'impôt sur le revenu individuel (IRI) frappe les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en Haïti, en raison de l'ensemble de leurs revenus ; les personnes physiques dont le domicile est situé hors d'Haïti en raison de leurs revenus de sources haïtiennes et les personnes physiques de nationalité haïtienne ou étrangère qui recueillent les bénéfices ou revenus dont l'imposition est attribuée à Haïti par une convention internationale relative aux doubles impositions (art.4). Mais encore, les revenus des enfants mineurs et autres personnes à charge sont imposés, et ceux du conjoint également selon l'article 4 en question. L'article 5 donne l'interprétation de la loi en ce qui a trait au domicile. L'article 13 donne les revenus imposables. Ce sont les :

    i) Revenus fonciers.

    ii) Bénéfices industriels et commerciaux.

    iii) Bénéfices des professions non commerciales et revenus assimilés.

    iv) Traitements, indemnités, salaires, y compris rémunérations pour heures supplémentaires, boni, étrennes, gratifications, avantages en nature, de même que les commissions et courtages.

    v) Rémunérations alloués aux gérants et aux associés des sociétés.

    vi) Plus-values réalisées sur la cession de biens mobiliers ou immobiliers.

    vii) Revenus de capitaux mobiliers et tous autres produits de valeur mobilière.

    Pour chacune de ces catégories de revenus, il y a une définition, la détermination de la base d'imposition et les modalités d'imposition. Il est perçu sur la base forfaitaire ou sur la base de bénéfice réel. Les exonérations à l'impôt sur le revenu des personnes physiques sont mentionnées à l'article 15. Et toutes les personnes physiques ayant leur domicile en Haïti doivent faire leur déclaration définitive d'impôt à la Direction Générale des Impôts avant le 1er Février de chaque année pour les revenus de l'exercice fiscal de l'année précédente.

    90

    2- L'impôt sur les sociétés (IS)

    L'impôt sur les sociétés, autre variante de l'impôt sur le revenu, frappe les sociétés commerciales, les autres personnes morales se livrant à l'exploitation ou à des opérations à caractère lucratif, les entreprises publiques et organismes d'Etat jouissant de l'autonomie financière, quelque soit leur objet (article 150 du décret du 29 Septembre 2005). Le domicile fiscal de ces personnes morales est établi selon les mêmes critères que pour les personnes physiques, c'est-à-dire en fonction de la territorialité et non de la nationalité. Rappelons que le domicile fiscal est pour les personnes physiques le foyer ou lieu de séjour principal, le lieu de l'activité professionnelle ou le centre des intérêts économiques. A la différence de l'impôt sur le revenu individuel, l'impôt sur les sociétés doit être calculé par la société elle-même et versé spontanément par elle au percepteur, sans émission préalable d'un rôle par le service d'impôt1. L'impôt sur les sociétés est perçu en un lieu que nous dit l'article 155 :

    « L'impôt sur les sociétés est établi au lieu du principal établissement de la personne morale. Toutefois, la Direction Générale des Impôts peut désigner comme lieu d'imposition soit celui où est assurée la direction effective de la société, soit celui de son siège social.

    Les personnes morales exerçant des activités en Haïti ou y possédant des biens, sans y avoir leur siège social sont imposables au lieu du domicile fiscal de leur représentant en Haïti. »

    L'impôt sur les sociétés est payable du 1er Octobre au 31 Janvier de chaque année pour l'exercice fiscal précédant. Il obéit aux mêmes règles sur la déclaration définitive et celle prévues à l'article 47 dudit décret pour les personnes physiques. Les procédures administratives, la question de la comptabilité informatisée (art.185) sont communes à l'impôt sur le revenu individuel et à l'impôt sur le revenu des sociétés.

    C) Inégalité devant l'impôt entre les contribuables

    Les charges publiques ne sont pas également reparties entre toutes les catégories de contribuables. Les disparités sévissent entre l'impôt des personnes physiques et l'impôt des

    1- LEFEBVRE, Francis : Fiscal, (Mémento Pratique), édition Francis Lefebvre, Paris, 1992, page 473.

    91

    sociétés. Elles existent même entre les sociétés commerciales. Le décret du 29 Septembre n'a pas arrangé la situation.

    1- Inégalité entre personnes physiques et personnes morales

    L'inégalité entre les personnes physiques et les personnes morales est une discrimination positive. Les personnes morales sont constituées de personnes physiques, donc, c'est une concentration de revenus. Cela peut se comprendre que le législateur fasse une distinction entre les deux. D'ailleurs, elles n'exercent pas le même type d'activités et ne génèrent pas le même volume de ressources. Le tarif d'imposition est différent selon l'article 149 du décret du 29 Septembre 2005. D'ailleurs, c'est le seul véritable élément de démarcation entre les personnes physiques et les personnes morales quant à l'impôt sur le revenu. On reproduit l'article à titre d'illustration.

    Article 149 : « L'impôt sur le revenu imposable des personnes physiques et l'impôt des sociétés seront calculés sur l'ensemble des revenus du contribuable ou de la société d'après les barèmes ci-après :

    a)Personnes Physiques

    Pour la fraction du revenu allant de : (en gourdes)1

    Imposition : (en %)

    De 1.00 à 60.000.00

    0 %

    De 60.001,00 à 240.000,00

    10 %

    De 240.001,00 à 480.000,00

    15 %

    De 480.001,00 à 1.000.000,00

    25 %

    A partir de 1.000.000,00

    30 %

    b) Personnes Morales

    L'impôt sur les sociétés et assimilées sera calculé sur les revenus nets réalisés par les sociétés et autres personnes morales au taux de 30 %.

    1- Le tableau et les mots en italiques sont de l'auteur.

    92

    Sous réserve de la déclaration définitive, les bénéfices industriels et commerciaux, le revenu global net de l'exploitant individuel sont imposables selon le barème relatif à l'impôt des sociétés.

    Dans le but de tenir compte des effets de l'inflation sur les tranches de revenus, le Ministre Chargé des Finances peut proposer au Parlement des modifications dans les barèmes de l'impôt sur le Revenu et l'Impôt des sociétés directement dans la loi des finances. »

    L'article est très clair. Les personnes morales paient 30 % de leur revenu global net au fisc, quelque soit leur revenus (de 1 gourde à 8). Les personnes physiques paient un quota (%) proportionnel à leur revenu (que l'article s'est chargé de déterminer). Pourtant, la question des personnes morales, surtout en ce qui à trait aux sociétés commerciales, n'est pas pour autant résolue. On verra l'ambigüité qui y existe plus loin.

    2- Inégalités entre les sociétés commerciales

    L'article 149 du décret en débat, révélateur des différences entre le tarif de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et des personnes morales, nous sera également utile pour étudier les inégalités entre les sociétés commerciales. Pour comprendre ce dynamisme, il faut distinguer les sociétés de personnes des sociétés de capitaux.

    Dans les sociétés de personnes, chacun des associés est personnellement imposé sur sa part de bénéfices lui revenant du partage, bien qu'ils soient solidairement responsables de la totalité de l'impôt sur le revenu de la société. Ce type de sociétés commerciales est règlementé par l'article 154 du décret du 29 Septembre 2005. Il stipule : « L'impôt des sociétés de personnes est établi au nom de chacun des associés pour sa quote-part des revenus de la société et calculé suivant les dispositions du présent décret. Cependant, les associés demeurent responsables personnellement du paiement dudit impôt. »

    Pour les sociétés anonymes, l'imposition est faite sur l'ensemble des bénéfices réalisés par la société. L'impôt est censé être prélevé avant toute distribution de dividendes, mais après le prélèvement de la réserve légale. Ensuite, chacun des actionnaires paie l'Impôt sur le Revenu Individuel. C'est la question de la double imposition économique. La société est imposée, les

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    actionnaires le sont également sur leur part de bénéfices. De plus, le tarif d'imposition est très discriminant pour la société anonyme.

    Les sociétés de personnes sont passibles de l'Impôt sur les Sociétés, mais elles sont imposées comme les personnes physiques. De ce fait on peut dire qu'elles relèvent de l'Impôt sur le Revenu Individuel. Par conséquent, elles sont concernées par le tableau de l'article 149 du décret du 29 Septembre. Elles peuvent ne pas payer l'impôt sur le revenu (cas 1), en payer 10% (cas 2), 15% (cas 3), 25% (cas 4) ou 30% (cas 5). Il faut un revenu d'un million de gourdes (1000.000 de gourdes) à une société de personne pour qu'elle en paie 30% en impôt, alors que pour les sociétés de capitaux (passibles de l'impôt sur les sociétés), c'est différent : elles paient 30% de leurs revenus, même si ce dernier est d'une (1) gourde. Une société anonyme avec un revenu de 25 000 gourdes paiera 30% d'impôt alors qu'une société de personne dont le revenu de soixante mille gourdes (60.000 gourdes) ne paiera pas du tout d'impôt sur le revenu. C'est d'une criante injustice ! De plus, seules les sociétés anonymes sont victimes de la double imposition. On voit bien que les inégalités sont frappantes entre les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux.

    A l'instar du tarif d'imposition et de la double imposition économique, un troisième élément marque la différence entre les deux types de sociétés commerciales. L''impôt sur les sociétés, selon l'article 153, est établi sur la base du bénéfice réel accusé par les états financiers et déterminé selon le barème établi à l'article 149 du décret du 29 Septembre 2005. Alors que l'impôt sur les sociétés de personnes est établi au nom de chacun des associés pour sa quote-part des revenus de la société [...], nous apprend l'article 154. On comprend aisément que les sociétés de personnes sont passibles de l'impôt sur le revenu individuel (IRI), les sociétés anonymes elles, relèvent de l'impôt sur les sociétés (IS). Cette distinction marque la tendance fiscale attribuable à ces types de sociétés. D'ailleurs, de là part toutes les discriminations. Le tableau de la page suivante montrera le résultat de ces inégalités.

    1 - Direction Générale des Impôts (DGI) : Les 600 plus grandes entreprises d'Haïti. Le Nouvelliste en date du 07 et 08 Janvier 2012 (Week-end).

    94

    Tableau VI : Les 600 plus grandes entreprises en Haïti en 2011.

    P.M. /P.E

    Nombre

    Fréquence (%)

    Sociétés Anonymes

    402

    67

    Autres types

    Sociétés

    Commerciales

    185

    30,83

    Entreprises

    publiques et
    Organismes d'Etat

    12

    2

    Organisations

    Non

    Gouvernementales

    1

    0,16

    Total=

    600

    100%

    Source : Direction Générale des Impôts1

    Légendes : P.P. =Personnes Morales P.E. = Paramètres d'Etude

    Dans ce tableau, il s'évidente que les sociétés anonymes occupe une place de choix dans le classement des grandes entreprises pour ce qui a à voir avec les obligations fiscales. Elles se concentrent en haut de la liste et l'ensemble paient plus de taxes-impôts-droits que tous les autres secteurs représentés. Toutes les autres sociétés commerciales réunies ne sont pas en nombre suffisant pour voler la vedette aux sociétés anonymes qui se positionnent en reines. Les entreprises publiques et organismes d'Etat et les personnes morales à but non lucratif (ONG et Eglises...) arrivent au bas de la liste, car moins important en nombres et en gourdes payées.

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    Graphe II : Les 600 plus grandes entreprises d'Haïti en 2011

    450 400 350 300 250 200 150 100

    50

    0

     
     
     

    S.A Autres S.C Etat O.N.G

    Source : Données de la DGI/MEF

    D) Les exemptions fiscales et douanières

    Les exemptions fiscales et douanières sont constituées de dispenses, d'exonérations et de franchises fiscales et douanières. En général, les exemptions fiscales sont destinées aux plus vulnérables, mais par un jeu politique visant à attirer les investissements, elles sont de plus en plus accordées aux sociétés commerciales. Cependant, on se demande selon quels critères elles sont accordées si elles n'ont pas été prévues par une loi ou un texte à caractère réglementaire. C'est une question de politique. Purement et simplement.

    1- Les franchises

    Comme moyen d'exemption fiscale, la franchise concerne les droits et taxes douaniers. Qu'elles soient prévues par une loi, un règlement de l'Administration Générale des Douanes (APN, AAN), ou qu'elles consistent en une faveur d'ordre politique, les franchises sont bornées en général par un intervalle de temps. Ce temps peut varier de trois ans à un temps plus long. C'est le cas par exemple, d'une société commerciale qui a soutenu un candidat pour le poste de chef

    96

    d'Etat. Une fois au timon des Affaires de l'Etat, l'ex- candidat peut donner une franchise à la société qui a financé en partie sa campagne électorale. Ou, la franchise peut dériver d'une liberté du code des investissements ou d'un vide des règlements fiscaux et douaniers. De toute façon, les sociétés anonymes en bénéficient car elles sont nombreuses à importer et à exporter pour l'exploitation de leur objet social. Mais c'est plus l'apanage de la politique, qu'autre chose.

    2- Les exonérations

    L'exonération vise à soulager de l'impôt les contribuables disposant de revenus modestes. C'est une mesure de justice sociale. Ainsi en France, plus de 50% des ménages ne paient pas l'impôt sur le revenu : ils en sont exonérés. Pour ne pas pénaliser les plus démunis, l'Etat les dispense de la plupart des impôts : impôts locaux et bien sûr impôt sur le revenu. C'est ce qu'on appelle l'exonération. Souvent accordées sur la base de critères financiers, les exonérations fiscales peuvent aussi être soumises à des conditions plus sévères : âge et situation sociale (invalide, handicapé, veuf) notamment.

    Cependant, en Haïti, dans le code des investissements, beaucoup d'entreprises, pour la plupart des sociétés anonymes, sont exonérées des charges fiscales dépendamment du secteur d'activités dont l'Etat veut faire la promotion ou veut inciter à y investir. C'est le cas par exemple des zones franches, de la Société Nationale des Parcs Industriels (SONAPI), de la loi sur les industries nouvelles, des dividendes revenant aux actionnaires des sociétés anonymes mixtes (art.12 de la loi du 16 Septembre 1963), etc. De plus, les sociétés anonymes bénéficient de l'exonération de l'impôt sur le revenu sur le fonds de réserve. Une faveur spéciale de la loi. Le tableau ci-après montre la répartition par secteur des 500 plus grands importateurs d'Haïti en 2011. Pour les questions douanières, on aurait préféré avoir la liste des 500 plus grands exportateurs, mais, il semblerait que ce sont les importations qui donnent du travail à l'Administration Générale des Douanes.

    Janvier 2012 (Week-end).

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    Tableau VII : Les 500 plus grands importateurs d»Haïti en 2011.

    P.M. /P.E

    Nombre

    Fréquence (%)

    Sociétés Anonymes

    226

    45,2

    Autres types

    Sociétés

    Commerciales

    262

    52,4

    Organisations

    Non

    Gouvernementales

    9

    1,8

    Rassemblements Religieux (Eglises)

    2

    0,4

    Entreprises

    publiques et
    Organismes d'Etat

    1

    0,2

    Total=

    500

    100%

    Source : Administration Générale des Douanes

    Légendes : P.P. =Personnes Morales P.E. = Paramètres d'Etude

    Contrairement pour les impôts, les sociétés anonymes, si elles remplissent beaucoup d'exigences douanières ne sont que deuxième en importation. Les autres sociétés commerciales importent sensiblement plus, et paient sensiblement plus de taxes douanières. De toute façon, des exemptions douanières existent pour tous types d'entreprise. L'Etat, les ONG et les Eglises, contre toute attente, remplissent les exigences douanières également.

    1- Administration Générale des Douanes (AGD) : Les 500 plus grands importateurs d'Haïti. Le Nouvelliste en date du 09 et 10

    98

    Graphe III : Les 500 plus grands importateurs d'Haïti en 2011

    Source : Données de l'AGD

    Section II : De la question de la double imposition

    La double imposition est le fait, pour un revenu, d'être imposé deux fois au niveau fiscal. Par exemple, si une entreprise est présente dans deux pays dont les États n'ont pas conclu de convention de double imposition entre eux, elle devrait en théorie s'acquitter de ses impôts dans les deux pays. Cette question est actuellement résolue par le principe de l'imputation d'impôt et celui du crédit d'impôt. Cependant ici, il sera question de la double imposition économique1 qui pèse sur les sociétés anonymes et sur leurs actionnaires. Simultanément, la part de bénéfices de l'actionnaire est imposée à la source (dans l'imposition de la société), et ce même actionnaire paie également l'impôt sur le revenu individuel.

    1- Il y a une distinction entre double imposition juridique et double imposition économique. La première explique le fait qu'une même personne (ou une personne et son prolongement) soit imposée deux fois sur le même revenu. La seconde implique deux personnes juridiquement et économiquement distinctes, mais liées par un même revenu et imposées chacune séparément sur le revenu en question. C'est le cas des S.A. et de leurs actionnaires.

    99

    A) L'imposition des sociétés anonymes

    Les sociétés anonymes, on l'a vu, ne sont pas imposées de la même manière que les autres types de sociétés ou que les personnes physiques. En plus des inégalités, les sociétés anonymes s'en distinguent encore par les modalités d'imposition que constituent la réserve légale et le tarif d'imposition.

    1. Le fonds de réserve

    L'article 41 du 28 Aout 1960 stipule que : « Il est fait obligation aux sociétés anonymes de constituer un fonds de réserve en prélevant le dixième du bénéfice net jusqu'à ce que ce fonds atteigne la moitié du capital versé. Les revenus servant à la constitution de la réserve légale seront exempts de l'impôt sur le revenu. Les dividendes ne pourront être distribués qu'après prélèvement pour la constitution du fonds de réserve. » Les trois derniers alinéas de l'article 153 du décret du 29 Septembre 2005 disent exactement la même chose. La réserve légale ou fonds de réserve est une faveur spécialement accordée aux sociétés anonymes. Ce n'est qu'après ce prélèvement que les dividendes peuvent être imposées, traitées et distribuées. Donc, les sociétés anonymes ne peuvent subir l'impôt sur le revenu qu'après le prélèvement de 10 % destiné au fonds de réserve.

    2. Le tarif d'imposition

    Les sociétés anonymes sont imposées sur la base du bénéfice réel. Leur tarif d'imposition, quelque soit le montant de leur revenu, est de 30% (art. 149 du décret du u 29 Septembre 2005). Le décret du 29 Septembre 1986, en son article 157, consacrait l'impôt forfaitaire opposable à tous types de sociétés sans distinction aucune, et l'impôt sur la base du bénéfice réel différent selon le type de société en question. Le décret du 29 Septembre 2005 a fait une croix sur l'impôt forfaitaire pour les sociétés commerciales. En définitive, les sociétés anonymes sont imposées sur le revenu à 30%, sur la base du bénéfice réel, après prélèvement des 10% de la réserve légale obligatoire.

    1- Réf. page 88. 2 - Réf. page 90.

    100

    B) L'imposition des actionnaires sur leur quote-part

    Les actionnaires des sociétés anonymes sont passibles de l'impôt sur le revenu individuel. Ils sont imposés sur leur quote-part découlant des dividendes distribués dans la société dont ils sont actionnaires. Il faut re-souligner que les dividendes provenant des sociétés anonymes sont doublement imposées. Voyons les modalités de cette imposition sur les actionnaires.

    1. Les revenus imposables

    L'article 12 du décret nous dit que le bénéfice ou revenu imposable est constitué de l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages dont le contribuable a joui en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. Ils sont donnés à l'article 131. L'article 2 du même décret nous a appris que l'impôt est dû en raison des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de l'année d'imposition.

    2. Le tarif d'imposition

    L'article 149 donne le tarif d'imposition pour les personnes physiques. Le taux d'imposition est proportionnel au revenu ou bénéfice réalisé. Il par de 0 % à 30 %passant par 10 %, 15 %, et 25 % selon des revenus déterminés. Le législateur s'est chargé de calculer cette proportionnalité2.

    Section III : Impacts de ce rigorisme fiscal

    L'État tire sa légitimité de son aptitude à lever l'impôt sur toutes les catégories de citoyens. En régime démocratique le contribuable-citoyen étant censé consentir librement à l'impôt, de grandes doctrines théorisent l'acceptation de l'impôt et la légitimité du pouvoir fiscal. La politique fiscale telle qu'elle est conçue en Haïti s'articule autour de trois grands objectifs : la couverture des charges publiques qui sont à la fois les dépenses de fonctionnement et d'investissement, la promotion de l'investissement et la protection des catégories les plus vulnérables. Pour atteindre ces objectifs, l'État utilise environ une soixantaine d'impôts et de

    101

    taxes. Six ou sept sont assez effectifs. Les autres « sont des poussières, des impôts de nuisance », selon le président de la commission Économie et Finances du Sénat, Jocelerme Privert1. L'impôt a un objectif de faire grossir les recettes, mais aussi un objectif dissuasif. S'il ne répond pas à l'un de ceux-là, il est inutile. De ce fait, on va voir les incidences de notre politique fiscale sur la santé économique du pays.

    A) Les avantages

    1. Une protection contre les investissements douteux

    Le rigorisme fiscal protège le pays contre les investissements douteux. C'est vrai que le droit fiscal est réaliste et pratique, ne se préoccupant pas de la source des revenus qu'il impose, mais c'est également vrai que les rigueurs des règles fiscales peuvent décourager toute société commerciale qui ne se sent pas prête à être en règle avec la loi. Plus encore, elle décourage à la base les entrepreneurs fougueux mais animés du désir de fraude. Cela ne veut pas dire que dans l'état actuel de la fiscalité haïtienne, il n'y a pas d'entreprise qui fraude, ou que tous les investissements imposés sont au-dessus de tout doute. On explore plutôt l'idée selon laquelle un régime fiscal rigide aura le mérite de décourager les investissements dont les sources ne sont pas fiables ou susceptibles de doute.

    2. Une prévision pour la santé des finances publiques

    Les finances publiques sont constituées des impôts, taxes, et droits que les contribuables versent à l'Etat par le biais de l'Administration Générale des Douanes (AAN, APN), ou par la Direction Générale des Impôts. Un système fiscal rigoureux aide le trésor public, car il lui permet de se garnir. N'oublions pas que l'une des fonctions principales de l'impôt c'est de pourvoir les caisses de l'Etat en argent. Ainsi, régir efficacement et/ou rigoureusement les règles fiscales peut être une garantie pour un trésor public sain.

    1 - EDOUARD, Lionel : « Le défi d'investir». Le Matin en date du 09 Décembre 2011.

    102

    3. Un moyen de redistribution des richesses

    Redistribuer les richesses est une des fonctions de l'Etat. Cette redistribution se fait par l'érection des infrastructures, l'accès aux services sociaux et de l'assistance sociale pour les plus vulnérables. Un Etat dont les finances sont maigres ne peut pas s'octroyer le luxe de gratifier ses démunis d'avantages sociaux, de permettre l'accès aux services sociaux de base et de se doter d'infrastructures. D'où la nécessité des caisses étatiques bien garnies. Le rigorisme fiscal, à ce point là du débat a un argument de taille.

    4. Pour une fiscalité dissuasive

    Des mesures appropriées doivent être adoptées pour arriver à une fiscalité dissuasive. La fiscalité persuasive, incitative ou permissive a tout son intérêt et tous ses avantages. La fiscalité dissuasive a également son importance, et on l'a vu. Pour un régime fiscal plus rigide, le législateur peut cumuler les options suivantes

    a)La refonte de la fiscalité permissive est l'un des moyens les plus surs pour parvenir à un régime fiscal dont le rigorisme serait la norme. Par refonte, on entend le procédé qui transvaserait les normes fiscales permissives à celles dissuasives. Les avantages fiscaux et autres seraient amoindris au profit des exigences et barrières.

    b) L'actualisation des textes désuets est une condition sine qua non dans la mesure où la fiscalité doit marcher au gout du temps et des réalités du moment. Dans ce cas, les textes dépassés seraient actualisés et modernisés pour un régime fiscal plus efficace et plus efficient. La norme doit accompagner l'évolution de l'objet qu'elle réglemente.

    c)L'élargissement des perspectives fiscales est une mesure appropriée. Il serait de bon ton d'élargir l'horizon fiscal si on veut vraiment parvenir au rigorisme fiscal quasi-complet. C'est vrai que les impôts ne manquent pas, mais, ils ne sont pas appliqués. Il faudrait revoir la législation pour la dépouiller des impôts de nuisance et l'agrémenter de ceux qui manquent. Plus important encore, il faudrait donner force exécutoire aux décisions de l'Administration fiscale et faire appliquer effectivement les textes de lois en vigueur. C'est à ces seules conditions qu'un régime fiscal rigoureux, efficace et efficient peut être obtenu.

    103

    B) Les inconvénients

    1. Une barrière pour les investissements

    Une étude économique des impôts permettra de comprendre comment l'impôt peut constituer une barrière pour les investissements. Les caractéristiques et les impacts des impôts sont étudiés en détail par les sciences économiques, en particulier l'économie publique. Les économistes étudient l'effet du niveau relatif d'imposition, et des politiques fiscales, sur la croissance économique. Plus largement, la théorie économique étudie la manière dont le système fiscal s'intègre au sein de l'activité économique, les distorsions économiques dont il est la cause ou l'effet, et sa façon d'influencer les agents dans leur comportement à l'égard du revenu et de l' épargne.

    Les systèmes fiscaux génèrent des « comportements d'évitement » de la part des contribuables, particuliers et entreprises (fraude fiscale, travail au noir, évasion fiscale ou simple dés-incitation au travail et/ ou à l'investissement). Il reste cependant difficile de prévoir les conséquences d'une augmentation des impôts ou d'un impôt rigide sur l'activité économique et l'investissement. Les contribuables personnes physiques et sociétés de personnes ont en effet deux options antagonistes : diminuer leur quantité de travail parce qu'ils estiment que le revenu qu'ils en tirent ne correspond plus aux efforts consentis. C'est l'effet de substitution. Ou, augmenter leur activité pour conserver leur niveau de vie ou leur régime de fonctionnement. C'est l'effet de revenu. Les sociétés anonymes elles seront désenchantées par rapport à l'investissement dans un pays à politique fiscale rigoureuse pour elles. Or, l'un des objectifs de l'impôt est la promotion des investissements. Paradoxe. En effet, comment concilier l'effet dissuasif de l'impôt avec ses velléités de promotion pour attirer les investissements ?

    2. Un frein pour le progrès

    Il convient ici de parler de l'influence de l'impôt sur la croissance. Les économistes ont étudié l'ampleur à différentes échéances de l'impact récessif d'une hausse des impôts sur la croissance économique. Ils ne sont pas unanimes sur l'importance de cet impact négatif, qui dépend du type d'impôt considéré. Par exemple, Christina D. Romer et David H. Romer ont estimé cet impact sur des données américaines, et montrent qu'une hausse des impôts de un ( 1) dollar provoque une diminution du PIB de trois (3) dollars, essentiellement du fait d'une diminution de

    Effect, 1997.

    104

    l'investissement. Les deux auteurs tentent de séparer l'impact purement fiscal des autres impacts économiques, pour mieux isoler son effet, ce qui leur donne une latitude importante, pour « retraiter » la corrélation historique entre le taux d'imposition et la croissance. Ce retraitement vise aussi à neutraliser les variations fiscales liées à des contraintes macro-économiques (augmentation des dépenses ou relance de la conjoncture) pour se concentrer sur celles qui visent à promouvoir la croissance à long terme. Pour y parvenir, ils ont analysé les discours politiques. Leur travail montre qu'une hausse d'impôts accompagnant un discours de réduction du déficit budgétaire ont un impact économique meilleur que les autres.

    Il n'existe pas de relation simple entre niveau d'imposition et niveau du PIB ; en revanche un niveau d'imposition élevé tend à réduire la croissance du PIB, et donc le PIB futur. De manière plus globale, le niveau d'imposition dépend des politiques sociales mises en oeuvre et de l'efficacité du secteur public. Dans tous les cas, le secteur public doit être efficient, c'est-à-dire il doit accroître l'utilité de ses citoyens pour un coût minimal. Les évolutions au sein des pays développés à partir des années 1980 visaient à répartir la charge fiscale de manière optimale entre les différents modes de prélèvement (rôle de la politique fiscale).

    Par ailleurs, moduler l'imposition en fonction de la conjoncture économique par la politique conjoncturelle est recommandé par une partie des économistes, si les incertitudes sur les prévisions et les impacts de long terme sont correctement pris en compte. Alberto ALESINA et Roberto PEROTTI ont étudié ces ajustements dans une étude sur tous les pays de l'OCDE1.

    3- Pour une fiscalité plus souple et équitable

    Un adage courant énonce que : « Trop d'impôts tue l'impôt ».Cette formule a été théorisée par Arthur Laffer, économiste américain de l'école de l'offre. Cet auteur de la courbe de Laffer qui modélise les rentrées fiscales en fonction du taux d'imposition, estime qu'au-delà d'un certain niveau d'imposition, l'optimum, les recettes fiscales diminuent car la baisse d'activité ne compense plus l'augmentation d'imposition (ces recettes étant nulles pour les taux d'imposition 0

    1- ALESINA, Alberto, et PEROTTI, Roberto: Fiscal Adjustments in OECD Countries: Composition and Macroeconomic

    105

    ou 100 %). Lorsque la pression fiscale augmente trop, les acteurs économiques cherchent des moyens de la compenser :

    a) En cherchant dans la complexité des règles du système fiscal des dispositifs fiscaux plus favorables à leur cas ;

    b) En émigrant vers des pays où la fiscalité est moindre (comme les paradis fiscaux) : c'est l'évasion fiscale ;

    c) En fraudant (par exemple en falsifiant leur comptabilité ou par des fausses déclarations définitive d'impôt) ;

    d) En réduisant leur activité pour payer moins d'impôt, ou en l'augmentant pour garder le même niveau de vie malgré l'impôt.

    Florin Aftalion en donne une illustration au début des années 2000 aux États-Unis : la réduction des taux d'imposition des plus-values et des dividendes appliquée en 2003 est allée de pair avec une hausse des recettes fiscales de 8 % en 2004 puis 9% en 20051.Tout cela pour dire qu'en faveur des sociétés anonymes, l'Etat Haïtien peut adopter une politique fiscale en adéquation avec ses velléités de développement. Il s'agit d'articuler une politique qui inclurait dérogation, justice et neutralité fiscales.

    Une niche fiscale, ou dérogation fiscale, ou abri fiscal, peut être, soit une disposition fiscale qui permet de payer moins d'impôts lorsque certaines conditions sont réunies, soit une lacune ou un vide législatif permettant d'échapper à une catégorie d'impôt de nuisance sans être en infraction avec la loi. Elle peut concerner les revenus les plus faibles qui sont alors exonérés, certaines corporations, en compensation d'obligations pour soutenir l'activité ou sous la contrainte des pressions catégorielles ; une incitation à investir dans tel ou tel secteur économique. On veut parler des dispositions fiscales et non des lacunes législatives. Cette alternative serait en adéquation avec un régime fiscal plus favorable pour les sociétés anonymes qui sont très discriminées par rapport au fisc.

    La justice fiscale ou le principe d'équité demande le même effort à tous les contribuables. Il peut prendre deux formes : l'équité verticale et l'équité horizontale. L'équité verticale module

    1- FLORIN, Aftalion : L'Economie de l'offre se porte bien, Economica, Paris 2005

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    l'imposition en fonction de la « capacité contributive », exigeant un impôt plus important aux personnes les plus aisées. Il motive l'impôt progressif . L'équité horizontale impose un traitement équivalent à une situation équivalente. Il s'oppose aux exonérations catégorielles. A défaut d'attribuer le même régime fiscal à toutes les sociétés commerciales (ce serait trop facile !), le législateur peut appliquer le principe d'équité en matière d'imposition. Les sociétés anonymes en seraient soulagées.

    La neutralité fiscale suggère l'idée que l'Etat ne devrait pas avoir d'état d'âme en matière d'impôt. Son objectif premier étant de se doter de mesures et de politiques fiscales qui attireront les investissements et provoqueront à coup sûr le développement économique. C'est vrai que l'impôt doit influencer le comportement des acteurs économiques en les dissuadant ou en les encourageant, mais c'est également vrai que le pays a besoin d'investisseurs haïtiens et étrangers pour contribuer à son développement. Et cela, seule la neutralité fiscale peut porter l'Etat à se départir de ses préjugés pour accueillir convenablement les futures sociétés anonymes d'Haïti ou qui seront implantées en Haïti.

    Ce chapitre montre une fois de plus, une fois de trop, que la législation haïtienne en vigueur sur les sociétés anonymes a un double visage. Il accorde quelques privilèges fiscaux et douaniers (franchises, exonérations, dispenses) mais, simultanément, elle s'empresse de réduire les libertés en consacrant des rigueurs opposables uniquement aux sociétés anonymes (double imposition, tarif d'imposition...). C'est à croire que la législation concède des particularités pour tout ce qui a trait aux sociétés anonyme. Pourtant, il suffirait de moderniser et d'harmoniser les mesures et politiques applicables aux sociétés anonymes pour durcir ou adoucir le ton.

    107

    CONCLUSION

    Les sociétés anonymes sont l'objet d'un régime juridique spécifique. Chacun des chapitres l'a démontré, sur un même sujet il y a des libertés énormes et des contraintes irritantes. Sur le plan de la constitution, les particularités sont nombreuses, et elles consistent tant en faveurs qu'en rigueurs. La vie sociale des sociétés anonymes est jalonnée d'exigences qui à elles seules rendent lourde cette structure juridique de société commerciale. Simultanément, la législation accorde des privilèges de fonctionnement et de non fonctionnement reconnus aux seules sociétés anonymes. En matière de droits extrapatrimoniaux et patrimoniaux, les avantages ne manquent pas. Cependant, il y a des nuances pour les sociétés anonymes étrangères : des interdictions très significatives pèsent sur elles pour les droits patrimoniaux. Et c'est tout à fait légitime. Les obligations fiscales sont aussi à double visage, une partie est faite d'exemptions, l'autre, de rigueurs. Mais, elles sont en majeure partie constituées de rigueurs, de discriminations et d'injustices. La législation est prise entre deux feux d'une égale intensité : le favoritisme et le rigorisme. Ce régime spécial découle, non pas d'une incohérence législative, mais en considération des caractéristiques et particularités des sociétés anonymes. Les vides, les imperfections, les contradictions, les incohérences, les lacunes, tout montre que la législation haïtienne sur les sociétés anonymes doit être repensée, revue, corrigée, augmentée et actualisée.

    Cette ambivalence dans les mesures déroute quelque peu. D'une part, les avantages présentés subjuguent les entrepreneurs. D'autre part, les contraintes découragent les plus prudents. De là découle la nécessité d'adopter une politique législative univoque pour les sociétés anonymes. Le nouveau régime sera tout à fait rigide ou grandement favorable.

    Pour une législation dont le rigorisme serait la norme, un remaniement serait nécessaire. Il va falloir revoir à la hausse les exigences fiscales et douanières, les procédures de constitution, les modalités de fonctionnement et de non-fonctionnement et les privilèges patrimoniaux. Les anciens textes doivent être modernisés. Les exonérations, dispenses et franchises doivent diminuer. Les textes de lois doivent produire leurs effets. Et le système fiscal doit être renforcé par de nouvelles réglementations visant l'efficacité de l'administration fiscale. Cette option serait l'idéal pour fermer les vannes du néo-libéralisme galopant et sauvegarder le pays de ses effets pervers mais subtils.

    108

    1- Le maintien des rigueurs existantes est la première mesure impérative pour une législation tout à fait rigoureuse. L'épaisseur des conditions et procédures de constitution, les contraintes de la vie sociale, les restrictions pour l'acquisition et la jouissance du droit de la propriété immobilière pour les sociétés étrangères, les rigueurs fiscales, tout doit être maintenu.

    2- L'augmentation des exigences est la deuxième phase du processus. Le législateur doit parfaire son oeuvre en ayant soin d'ajouter de nouvelles dispositions pour remplir les vides, manquements et lacunes. Il faut revoir les imperfections. La législation se rectifie, se corrige, s'augmente à l'humeur du fait réglementé. De ce fait, les incohérences doivent tomber pour faire de la place à la clarté.

    3- Les ouvertures permissives, les privilèges relatifs aux droits patrimoniaux, les exonérations fiscales et douanières et toutes les autres faveurs accordées aux sociétés anonymes doivent être revues à la baisse. C'est le temps des restrictions, des réserves et des limites.

    4- L'actualisation du régime juridique est indispensable. L'évolution actuelle des choses est en inadéquation avec les structures légales existantes. Garder Haïti au monde des affaires avec des structures rigides est une tache sérieuse. D'où la nécessité d'actualiser nos lois. La modernisation de la législation devient par conséquent inéluctable.

    Si on se penche sur la deuxième option, à savoir une législation portée sur le favoritisme, il y a beaucoup à faire. Pour reconstruire ce pays, on a besoin de beaucoup d'investissements et dans tous les secteurs. Il faut dynamiser le secteur tertiaire, mécaniser nos techniques, insérer la culture technologique et industrielle dans notre vie, nous développer en somme. Ce développement qui ira de pair avec l'accès aux services de santé, d'éducation et d'un niveau de vie acceptable, ne peut pas se concrétiser sans la croissance économique. Or, cette croissance, on l'a compris, doit provenir en grande partie des investissements, qui eux sont concentrés dans les sociétés de capitaux (en majeure partie). Par conséquent, pour attirer la chaine de développement, il faut nécessairement rectifier le tir quant à nos lois. Pour ce faire, plusieurs étapes doivent s'emboiter.

    2- Président de la commission Finances et Budget du Sénat.

    109

    1- Il faut revoir toute la procédure de constitution des sociétés anonymes. On laissera, les formalités indispensables et on se passera de celles dont le défaut n'entrainera pas de conséquences. Une procédure moderne et plus légère convaincra les entrepreneurs à investir dans cette structure juridique qu'est la société anonyme.

    2- Les entraves qui chargent la vie économique et sociale inutilement doivent être enlevées. Les gangues et scories qui biaisent le jeu du fonctionnement à plein régime n'ont pas de place dans une législation qui veut faire la promotion des investissements.

    3- Les rigueurs fiscales et douanières doivent s'adoucir. Le caractère dissuasif de l'impôt remplit trop parfaitement son rôle dans le cas des sociétés anonymes. Il devient donc impérieux de remédier à cette situation en édictant de normes fiscales nouvelles, appropriées, efficaces, utiles et surtout plus équitables et moins rigides.

    4- Tous les avantages accordés doivent être maintenus. Les faveurs concernant les droits et tous autres privilèges relatifs aux sociétés anonymes ont un impact positif sur les investissements. Donc, il faut à tout prix les conserver.

    5- L'amélioration de l'environnement légal des affaires par la mise en place des conditions favorables aux investissements. Pour y arriver, beaucoup de lois méritent d'être conçues et promulguées pour renforcer le cadre des investissements. Les lois d'application sur les affaires en rapport avec la constitution qui n'existent pas doivent naitre, et les accords et conventions signés par Haïti que le Parlement n'a jamais pris la peine de ratifier doivent être ratifiés1. Les propositions de lois économiques en souffrance au Parlement (celle sur les assurances, celle sur la régulation des ports, celle sur l'énergie et les télécommunications, celle sur la copropriété) doivent être activées. Le Sénateur Jocelerme Privert2 insiste sur la nécessité de remanier tout un ensemble de documents légaux relatifs à l'activité économique. Pour lui, la révision du cadre légal des affaires constitue un sujet de première importance, car on ne peut pas encourager des

    1- CADET, Carl-Henry : Investissement : le gouvernement ne fait qu'en parler. Le Nouvelliste en date du 16 au 23 Janvier 2012 (Semaine).

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    investissements nationaux et internationaux avec la législation à caractère économique en vigueur.

    6- En définitive, l'actualisation ou la modernisation des procédés législatifs s'avère nécessaire. On doit évoluer au rythme du temps. A l'instar des rigueurs à atténuer, des faveurs à conserver et des vides à combler, il faut penser à ajuster la législation en fonction des nouvelles tendances récemment utilisées par et/ou pour les sociétés anonymes particulièrement et pour tout le secteur des affaires en général.

    Ces derniers jours, le gouvernement se montre préoccupé par la situation légale des sociétés commerciales dans le pays et dit vouloir faire changer les choses de concert avec le Parlement. Il est même question de la réduction des délais pour la procédure de constitution des sociétés anonymes et d'allègement des procédures non nécessaires. Beaucoup espère que ces mesures deviennent effectives dans les jours à venir et qu'elles soient suivies par d'autres du même genre.

    Haïti est un pays riche en opportunités et vierge en ouvertures. L'heure est venue de reconstruire cette terre que nous ont laissée nos vaillants et conséquents ancêtres. Cette reconstruction n'est pas seulement physique, elle est structurelle et systémique. Pour arriver à bouger les choses, il faut bouger les lois, car un fait social normal est un fait social juridicisé. Doter le pays de lois en adéquation aux faits qu'ils réglementent est une nécessité pratique. Voilà pourquoi il est impérieux d'ériger une législation univoque en matière de sociétés anonymes. Avec le temps, les résultats d'une telle démarche dépassera toutes les attentes. Et ce sera tant mieux pour notre Haïti.

    111

    BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

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    5- EDOUARD Lionel : Le défi d'investir. Le Matin en date du 09 Décembre 2011.

    6- JOACHIM, Dieudonné : E-Power et Oasis= deux modèles d'investissement. Le Nouvelliste en date du 07 Avril 2011.

    7- LISSADE, Joseph Guerdy et LAUTURE, Napoléon : L'affaire NABATCO S.A. vs Nahoum Acra dans l'impasse. Le Nouvelliste en date du 22 Avril 2009.

    8- Ministère du Commerce et de l'Industrie (MCI) : Choix de la forme juridique des entreprises en Haïti. Le Nouvelliste en date du 1er Aout 2007.

    116

    SITES CONSULTES

    1- www.businessandlaw.be

    2- www.ccih.org.ht

    3- www.cfihaiti.net

    4- www.droit-finances.commentcamarche.net

    5- www.lematinhaiti.com

    6- www.lenouvelliste.com

    7- www.mae.gouv.ht

    8- www.mci.gouv.ht

    9- www.mefhaiti.gouv.ht

    10- www.mjsp.gouv.ht

    11- www.premye.com

    12- www.wikipedia.org

    117

    GLOSSAIRE

    Un travail académique ne saurait être scientifique sans la définition des concepts-clés autour desquels gravite la recherche. Les concepts ont des dimensions et sont souvent polysémiques. Il s'avère donc indispensable de préciser le sens attribué aux concepts clés par une définition qui a été opératoire dans ce travail. Ainsi, on évitera les ambigüités.

    Actionnaires : Ce sont les associés des sociétés de capitaux ou par actions.

    Associés : Ce sont les sociétaires ou membres d'une société qui font un apport, participent aux résultats et ayant la volonté de s'associer.

    Décret : Décision exécutoire à portée générale ou individuelle signée par le Président de la République.

    Décret-loi : Décret du gouvernement pris en vertu d'une habilitation législative dans un domaine relevant normalement de la compétence du Parlement, et possédant force de la loi, c'est-à dire susceptible de modifier les lois en vigueur.

    Domicile fiscal : Lieu ou une personne a son principal établissement. Demeure légale et officielle ou elle exerce une activité professionnelle salariée ou non. En d'autres termes, le domicile fiscal est pour une personne le foyer ou le lieu de séjour principal, le lieu de son activité professionnelle ou le centre de ses intérêts économiques.

    Droits extrapatrimoniaux : Droits subjectifs qui n'entrent pas directement dans le patrimoine, et qui par conséquent n'entrent pas dans le commerce juridique. Ils sont incessibles et insaisissables. Ils constituent des exceptions au principe de la patrimonialité des droits subjectifs.

    Droits Patrimoniaux : Droits subjectifs entrant dans le patrimoine. Ils sont dans le commerce juridique, et sont à la fois cessibles et prescriptibles. En principe, tout droit subjectif est patrimonial.

    Exonération : Exercice qui consiste à exempter quelqu'un de ses obligations. Autrement dit, c'est une manière de le dispenser de remplir les obligations en question.

    Rigorisme : Sévérité et dureté extrême envers quelqu'un dans le but de le protéger malgré lui, de le nuire, ou de restreindre son champ d'action.

    118

    Favoritisme : Disposition à accorder de l'appui, des avantages à une personne de préférence aux autres. Considérations spéciales qui confèrent une importance.

    Franchise : Technique d'exonération fiscale consistant à ne pas percevoir un impôt lorsque le montant théoriquement du n'atteint pas un chiffre minimum.

    Impôt : Prestation pécuniaire requise autoritairement des assujettis selon leurs facultés contributives par l'Etat, les collectivités territoriales et certains établissements publics, à titre définitif et sans contrepartie identifiable, en vue de couvrir les charges publiques ou d'intervenir dans le domaine économique et social.

    Impôt sur le revenu : L'impôt sur le revenu est l'une des obligations fiscales qui s'appuient sur des critères économiques. Il est perçu sur les revenus individuels (IRI) et sur les bénéfices des sociétés commerciales (IS).

    Investissements : Placement de capitaux dans l'achat de biens de production pour l'exploitation d'une entreprise.

    Législation : Ensemble de normes juridiques dans un pays ou dans un domaine déterminé. C'est le droit, c'est la loi.

    Loi : Règle écrite, générale et permanente élaborée par le Parlement.

    Personne morale : Groupement de personnes ou de biens ayant la personnalité juridique, et étant par conséquent titulaire de droits et d'obligations.

    Personne physique : Toute personne humaine, sujet de droit. C'est le citoyen ou le sujet individuel titulaire de droits et d'obligations.

    Revenu : Le revenu est le produit d'une activité individuelle ou collective résultant d'une initiative d'ordre intellectuel ou matériel, le fruit d'un droit engendrant un accroissement de patrimoine ou une satisfaction des besoins. Ce produit ou ce fruit peut être soit en numéraire, soit en nature.

    119

    Société Anonyme : Société commerciale dont le capital social est constitué, par voie de souscription d'actions et dont les associés ne sont responsables du paiement des dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports. C'est une société par action et une société de capitaux.

    Sociétés de capitaux : Société constituée en considération des capitaux apportés, dans laquelle les parts d'associés appelées actions sont négociables et peuvent être librement transmises entre vifs et à cause de mort. Les actionnaires ne sont tenus du passif que jusqu'à concurrence de leurs apports.

    Société de personnes : Société créée <intuitu personae> c'est-à-dire en considération de la personne des associés, dans laquelle la part de chaque associé appelée part d'intérêt est en principe personnelle à l'associé et n'est pas cessible entre vifs ou ne l'est que dans certaines conditions. C'est une société par intérêt.

    120

    Table des Tableaux et Graphes

    1- Tableau I : Constitution des sociétés anonymes. .. Page 28-30

    2- Tableau II : Carte d'Identité Professionnelle des sociétés anonymes. Page 31

    3- Tableau III : Enregistrement des sociétés anonymes étrangères en Haïti. Page 31-32

    4- Tableau IV : Organisation des sociétés anonymes (schéma). Page 36

    5- Tableau V : Evolution des sociétés anonymes en Haïti de 2001 à 2010. Page 76

    6- Graphe I : Evolution des sociétés anonymes en Haïti de 2001 à 2010. . Page 77

    7- Tableau VI : Les 600 plus grandes entreprises en Haïti en 2011. Page 94

    8- Graphe II : Les 600 plus grandes entreprises en Haïti en 2011. .. Page 95

    9- Tableau VII : Les 500 plus grands importateurs d'Haïti en 2011. . Page 97

    10- Graphe III : Les 500 plus grands importateurs d'Haïti en 2011. Page 98

    Section II : Les procédures de constitution. . Page 21

    121

    Table des matières

    Remerciements. .. Page i

    Avant-propos. . Page ii

    Sommaire. Page iii

    Liste des Abréviations. Page iv

    Introduction. Page 1

    Première Partie : Considérations sur les sociétés anonymes en Haïti Page 6

    -Notions générales sur les sociétés anonymes. Page 7

    Chapitre I : La constitution des sociétés anonymes dans la législation haïtienne. Page 14

    Section I : Les conditions de constitution. .. Page 14

    A) Les conditions de fond de droit commun. . Page 14

    1- Le consentement. . Page 15

    2- La capacité. Page 15

    3- La certitude de l'objet. . Page 16

    4- La licéité de la cause. ... Page 16

    B) Les conditions de naissance. .. Page 16

    1- La pluralité des associés. .. Page 17

    2- La mise en commun d'apports. Page 17

    3- La vocation aux résultats. . Page 18

    4- L'affectio societatis. . Page 19

    C) Les conditions spécifiques aux sociétés anonymes. Page 19

    1- Le nombre d'associés. . Page 19

    2- Le capital social initial. Page 20

    3- L'objet social. ... Page 20

    122

    A) Les étapes administratives. Page 21

    1- Les étapes indépendantes du type de constitution Page 21

    2- Constitution sans appel public à l'épargne. .. ..Page 23

    3- Constitution avec appel public à l'épargne. Page 25

    B) Les institutions concernées par le processus. Page 26

    1- Les institutions traditionnelles. Page 26

    2- Les institutions ajoutées. . .Page 27

    C) Enregistrement des Sociétés Anonymes Etrangères Page 30

    D) Les particularités. Page 32

    Section III : Sanctions pour irrégularités de constitution. .. Page 33

    A) Sanctions civiles. . Page 33

    1- La régularisation. Page 33

    2- La nullité. ... Page 33

    3- La responsabilité civile. ... Page 33

    B) Sanctions pénales. Page 34

    1- L'emprisonnement. Page 34

    2- L'interdiction d'exercice de certains droits. . Page 34

    Chapitre II : La vie des sociétés anonymes au regard du droit positif haïtien. Page 36

    Section I : Organisation des sociétés anonymes. . Page 36

    A) L'Assemblée d'actionnaires ou organes délibérants. Page 37

    1- Constitutive. . Page 37

    2- Ordinaire. . Page 37

    3- Extraordinaire. . Page 38

    4- Spéciale. .. Page 38

    5- Mixte. .. Page 38

    B) Les organes de gestion et de direction. .. Page 38

    1- Le conseil d'administration. . Page 39

    2- Le directoire et le conseil de surveillance. .. Page 40

    C) Les organes de contrôle. . Page 41

    1-

    123

    Les commissaires aux comptes. Page 42

    2- L'expert de gestion. . Page 42

    D) Les salariés. Page 43

    1- Le droit à l'information. Page 44

    2- La participation financière. .. Page 44

    3- La participation à la gestion. Page 45

    Section II : Fonctionnement des sociétés anonymes. Page 45

    A) Le fonctionnement normal. Page 45

    1- Les exercices sociaux. Page 45

    2- Les modifications du capital social. . Page 47

    3- Le financement des sociétés anonymes. Page 48

    B) Les incidents de fonctionnement. Page 51

    1- Les conflits entre actionnaires. . Page 51

    2- Annulation des comptes et délibération. .. Page 52

    C) La restructuration des sociétés anonymes. . Page 52

    1- La fusion. .. Page 53

    2- La scission. Page 53

    3- La transformation. Page 53

    4- Le transfert de patrimoine. Page 54

    5- Le transfert de siège transfrontalier. Page 54

    6- Le groupe ou groupement. Page 54

    D) Le non-fonctionnement de sociétés anonymes en Haïti. Page 55

    Section III : Dissolution des sociétés anonymes. . Page 56

    A) Les causes Page 56

    1- Causes statutaires/ Dissolution statutaire. Page 57

    2- Causes légales/ Dissolution légale. . Page 57

    B) Les conséquences. .. Page 58

    1- La liquidation. .. Page 58

    2- Le partage. Page 59

    124

    1- Attirer des fraudeurs. Page 82

    Deuxième partie : Le régime juridique des sociétés anonymes. Page 61

    Chapitre III : Les droits des sociétés anonymes à découvert. Page 62

    Section I : Les droits extrapatrimoniaux. . Page 62

    A) Le droit à un nom. Page 62

    B) Le droit à un domicile ou siège social. . Page 63

    C) Le droit à une nationalité. . Page 63

    D) Droit d'exercer le commerce. Page 64

    E) L'existence légale. Page 65

    F) Droit d'ester en justice. Page 66

    G) Protection diplomatique. .. Page 67

    Section II : Les droits patrimoniaux, des privilèges exorbitants. Page 68

    A) Droit de la propriété mobilière. Page 68

    1- L'acquisition. . Page 68

    2- La jouissance. . Page 68

    B) Droit de la propriété immobilière. Page 69

    1- Les modes et moyens d'acquisition. .. Page 69

    2- La jouissance. . Page 71

    3- Le cas des sociétés anonymes étrangères. Page 73

    4- Priorité des sociétés anonymes. Page 75

    Section III : L'intérêt de l'octroi des faveurs spéciales légales. .. Page 78

    A) Les avantages du favoritisme. . Page 78

    1- Encourager et faciliter les investissements. . Page 78

    2- Garantir une certaine croissance économique. Page 80

    3- Promouvoir le développement. .. Page 81

    B) Les principaux inconvénients. . Page 81

    125

    2- Encourager l'oligarchie terrienne. .. Page 83

    Chapitre IV : Les obligations fiscales des sociétés anonymes. ... Page 85

    Section I : L'égalité devant l'impôt, un principe discuté. Page 85

    A) Du principe de l'égalité devant l'impôt. Page 86

    B) L'impôt sur le revenu. . Page 88

    1- L'impôt sur le revenu individuel (IRI). Page 89

    2- L'impôt sur les sociétés (IS). Page 90

    C) Inégalité devant l'impôt entre les contribuables. .. Page 90

    1- Inégalité entre personnes physiques et personnes morales. Page 91

    2- Inégalité entre les sociétés commerciales. Page 92

    D) Les exemptions fiscales. Page 95

    1- Les franchises. Page 95

    2-Les exonérations. . Page 96

    Section II : De la question de la double imposition. Page 98

    A) L'imposition des sociétés anonymes. Page 99

    1- Le fond de réserve. . Page 99

    2-Le tarif d'imposition. .. Page 99

    B) L'imposition des actionnaires sur leur quote-part Page 100

    1- Les revenus imposables. .... Page 100

    2-Le tarif d'imposition. ... Page 100

    Section III : Impacts de ce rigorisme fiscal. .... Page 100

    A) Les avantages du rigorisme. Page 101

    1-

    126

    Une protection contre les investissements douteux. . Page101

    2- Une prévision pour la santé des finances publiques. Page 101

    3- Un moyen de redistribution des richesses. Page 102

    4- Pour une fiscalité dissuasive. Page 102

    B) Les principaux inconvénients. Page 103

    1- Une barrière pour les investissements. Page 103

    2- Un frein pour le progrès. . Page 103

    3- Pour une fiscalité plus souple et équitable. . Page 104

    Conclusion. Page 107

    Bibliographie Sommaire. Page 111

    Sites consultés. Page 116

    Glossaire. .. Page 117

    Table des Tableaux et Graphes. .. Page 120

    Table des Matières. .. Page 121






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault