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De l'avoir pour la valorisation de l'être. essai de compréhension de l'être et l'avoir chez Gabriel Marcel


par Ange TEZANGI AZAKALA
Université Saint-Augustin de Kinshasa - Grade en philosophie 2020
  

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II. 2. CRISE DE L'ETRE ET OBJECTIVATIVATION DE L'AVOIR-POSSESSION

La crise de l'êtrea aussi comme agent vecteurl'objectivation de l'avoir-possession. Cependant, qu'entendons-nous par ``objectivation de l'avoir-possession'' ?L'avoir-possession faut-il le rappeler, est une impulsion passionnée de retenir, de garder, d'amasser pour soi et rien que pour soi, c'est avarice incarnée.« Un homme objet, est essentiellement un être dont la valeur d'être en tant qu'être, c'est-à-dire, le point ontologique s'effrite »48(*). Ainsi, pour Marcel, « traiter l'autre, un homme, comme objet, c'est, en effet, le considérer comme nous considérons un ustensile : à la fois identifier son être avec ce que nous connaissons et ne voir en lui qu'une somme de qualités ou de fonctions sur lesquelles nous pouvons exercer des techniques »49(*). Ainsi, dans l'univers marcellien, traiter autrui comme un objet, c'est-à-dire, à la troisième personne, comme un « lui », c'est le traiter comme absent, même si physiquement il est présent. Par présence, Marcel n'entend pas : « le fait de se manifester extérieurement, mais celui bien moins objectivement définissable de me donner à sentir qu'il est avec moi »50(*).

Gabriel est persuadé quant à lui qu'il y a un sens où l'on peut considérer le corps humain ou son autre comme un simple avoir ou une chose car le corps est plus fondamental dans l'ordre de l'être ou du corps-sujet différent des choses matérielles, des objets. C'est sous l'angle scientifique et technique que Marcel voit le corps comme un objet ou un avoir outre cette réalité rien d'autre. En effet, dans ce domaine, toute réalité de l'univers est envisagée comme un objet et étudiée par la science. Il l'exprime en ces termes : « Le corps est « objet » en tant qu'il donne prise à la connaissance « scientifique » et qu'il se prête à tout un ensemble de techniquesextrêmement variées qui vont de l'hygiène à la chirurgie. Ou pour prendre une illustration hélas ! Contemporaine, dans la mesure où il peut être manipulé et malmené par des tortionnaires »51(*). De fait, le corps est confondu avec d'autres objets, il n'est investi par rapport à eux d'aucun privilège quel qu'il soit. Il est objet pour autant puisqu'il peut être étudié par l'anatomie, qu'on peut prendre soin de lui par l'hygiène, qu'on peut le disséquer par la chirurgie.

Par ailleurs,selon Gabriel Marcel, l'avoir-possession est « celui où se trouve exprimé le caractère possessif même quand l'élément possessif lexical a subi une ellipse »52(*). L'avoir peut de cette façon revêtir des modalités très différentes.Remarquons que l'indice de possession ou possessif est aussi marqué lorsqu'on dit par exemple : « j'ai une voiture, de l'argent, une maison ou une arme »53(*). La voiture ou la maison, voire l'argent sont des avoirs. Ce genre de possession engage la personne dans une voie un peu différente que lorsqu'on dit : « j'ai le temps de réaliser ou de faire telle ou telle chose »54(*). Dans cette dernière phrase, nous percevons suffisamment le rapport de possession malgré la résignation de l'indice possessif « ma ou mon ». Ce rapport n'est essentiellement signifiant que dans le contexte d'une chose possédée et d'un possesseur ou d'un sujet possédant. C'est-à-dire que l'avoir-possession, fait appel à un certain contenu ; disons plus, à un centre « qui (chose) rapporté à un qui (sujet) traité comme le pense Marcel « comme un centre d'inhérence ou d'appréhension de cet objet »55(*).

Par conséquent, l'avoir-possession, implique le facteur de revendication exclusive. C'est dire que toute possession se caractérise par la présence d'un sujet revendicateur exclusif. Ce sujet dit possesseur peut être moi-même sujet-centre qui n'est qu'une forme analogue de ce moi qui lui est prototype. Mais le bien que l'homme a, n'est pas en soi une entité intrinsèque à soi-même, comme le cas du nez, desbras, du ventre, des oreilles, de la bouche ou des jambes par exemple ; le bien est extérieur à la personne tant que son existence est indépendante de ce dernier56(*). L'avoir est un ``objet là'', situé dans l'espace et le temps. Disons que l'objet se révèle extérieur au possesseur. Bien qu'il soit extérieur, celui-ci est aussi le lieu où se révèle l'opposition du dedans et du dehors. Mieux, comme le soutient Marcel, cette chose possédée se situe dans le registre où l'extériorité et l'intériorité se distinguent l'une de l'autre.

En effet, le possesseur s'évertue toujours à ajouter à soi son bien et à en faire autant que possible quelque chose qui lui est intérieur. Pourtant, le fait d'être possédé, n'est qu'une caractéristique accidentelle à la chose en question. Surtout lorsque cet objet produit est extérieur au possesseur, distinct de lui dans l'espace et distinct de lui aussi dans leurs destinées. Il s'ensuit que l'avoir revêt une double dimension lui conférant un caractère quelque peu ambigu.

* 48 ELONGO LUKUNGA, « De l'être avec dans la philosophie de G. Marcel. Une approche ontologique de la communication » in Pensée Agissante, Vol. 2, n°4, (juillet-décembre. 1996) p. 75.

* 49 J. PARRAIN-VIAL, Gabriel Marcel et les niveaux de l'expérience (Philosophies de tous les temps), Paris, Seghers, 1966, p. 208.

* 50 G. MARCEL, Du refus à l'invocation, Paris Gallimard, 1940, p. 201.

* 51TROISFONTAINES, R, De l'existence de l'être, op.cit., p. 176.

* 52 G. MARCEL, Etre avoir, op.cit., p. 199.

* 53Ibid.p. 200.

* 54Ibid.

* 55Ibid., p. 201

* 56Ibid., p. 198.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote