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La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

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Section II

Les procédés de preuves portant atteinte à l'intimité de la

vie privée

135. Le droit à la vie privée est un droit protégé. La protection de la vie privée est en train

d'émerger depuis plusieurs années

773

et elle a connu une reconnaissance remarquable et une

186

valeur considérable dans la majorité des pays du monde. Le droit au respect de la vie privée et

774

familiale est protégé en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme, au niveau

international

et par

775 776

par l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme

777

l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La protection juridique de la vie privée est reconnue au niveau national, en droit français par l'article 9 du

778

Code civil français. De surcroît, l'atteinte à l'intimité de la vie privée en droit français est

773 J.-C. Soyer, «L'avenir de la vie privée face aux effets pervers du progrès et de la vertu », in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la vie privée dans la société d'information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2000, tome 1, chapitre 1, pp. 7-12, V. spec. p. 7 : « Parmi les droits de l'homme, figure le droit au respect de la vie privée ».

774 L'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose:1. « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

775 V. F. Terré, « La vie privée », in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la vie privée dans la société d'information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 7, pp. 138151, V. spec. p. 138 : « La protection de la vie privée est volontiers affirmée à notre époque dans les instruments internationaux les plus prestigieux (déclarations, pactes et conventions) ».

776 L'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose: « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

777 L'article 17 de la Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « 1. Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

778 Le droit au respect de la vie privée a été consacré par l'article 22 de la loi du 17 juillet 1970, devenue l'article 9 du Code civil français qui dispose: « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé ».

779 780

sanctionnéepénalement

781

, comme la tentative. En droit libanais, au niveau national il

187

existe un vide juridique grave s'agissant de la protection de la vie privée qui est comblé par les obligations des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le Liban comme la Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte International relatif aux droits civils et politiques.

136. La preuve pénale au regard du droit au respect de la vie privée. La recherche de la preuve pénale par un moyen qui constitue une divulgation de la vie privée constitue une

atteinte flagrante au droit au respect à l'intimité de la vie privée. Le droit au respect de la vie

782

privée protège l'individu contre le fait de rassembler des preuves pénales qui portent atteinte à 783 . La protection de la vie privée de la personne lors d'un procès pénal est un la vie privée

droit fondamental qui occupe un haut rang dans la hiérarchie des normes juridiques. Le

784

contenu de la vie privée est variable parce que la notion de la vie privée est floue et vague

779 F. Terré, « La vie privée », in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la vie privée dans la société d'information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 7, pp. 138151, V. spec. p. 149 : « les atteintes à la vie privée relatives à l'image ou à la voix sont frappées de sanctions pénales particulières, prévues aux articles 226-1 et suivants du code pénal ».

780 Article 226-1 du Code pénal français dispose : «Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui : 1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; 2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.» ; L'article 226-2 du code pénal français dispose : « Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1. Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.».

781 L'article 226-5 du Code pénal français dispose: « La tentative des infractions prévues par la présente section est punie des mêmes peines ».

782 V. B. Beignier, « Vie privée et vie publique », in Arch. phil. Droit., t. 41, 1997, pp. 163-180, V. spec. p. 169 : « Le respect de la vie privée se traduit essentiellement par un devoir d'abstention : il faut laisser l'individu tranquille ».

783 V. A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, pp. 255-359, V. spec. p. 256 : « Le droit au respect de la vie privée regroupe ainsi deux droits. Le premier droit consiste à ne pas voir sa vie privée espionnée ou divulguée. Et le second droit impose que les relations avec autrui, dans un cadre public, ne soient pas conditionnées par la vie privée. Aucune discrimination ou aucune sollicitation abusive ne doit dépendre de la vie privée d'un individu si celui-ci désire qu'elle ne soit pas exposée. Le droit au respect de la vie privée a pour objet de défendre les citoyens contre l'exclusion, de même qu'il leur reconnaît un droit à être laissé tranquille ».

784 V. en ce sens : J.-C. Soyer, «L'avenir de la vie privée face aux effets pervers du progrès et de la vertu », in P. Tabatoni (Sous direction), La protection de la vie privée dans la société d'information, P.U.F., Collection :

188

en absence d'une définition juridique stable de la vie privée. La notion de vie privée n'est pas définie par la loi, les textes de droit énoncent simplement la protection de la vie privée sans la

785

définir

. Pour certains auteurs, la vie privée est une notion indéfinissable

786

. Par conséquent,

. En

787

M. Robert Badinter essaie de définir la vie privée en partant des notions de négation

effet, la protection de la vie privée face à la nécessité de la recherche des preuves n'est pas

788

absolue : elle est généralement limitée à travers des restrictions apportées par le législateur au droit au respect de la vie privée. L'audiosurveillance comme preuve pénale est l'un des principaux problèmes de la preuve pénale relatifs au droit au respect de la vie privée. Les cas d'atteinte à la privée sont innombrables, mais nous limiterons notre étude aux atteintes au respect de la vie privée qui sont en fait intimement liées à la preuve issue de l'écoute des conversations téléphoniques et de l'enregistreur vocal. Donc, le premier paragraphe porte sur la preuve obtenue par la mise sur écoute de conversations téléphoniques. Le second paragraphe porte sur la preuve obtenue au moyen d'un enregistrement audio ou l'enregistrement par magnétophone.

Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2000, tome 1, chapitre 1, pp. 7-12, V. spec. p. 8: « il faut souligner que la notion de vie privée, relevant d'une telle protection juridique, est une notion à géométrie des plus variables. Elle est tout autant relative qu'évolutive ».

785 V. en ce sens : A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, pp. 255-359, V. spec. p. 255 :« Ce que recouvre l'expression droit au respect de la vie privée est fort difficile à cerner » ; « La jurisprudence ne fournit pour sa part que des indices qui permettent au mieux de dresser une typologie des composantes de la vie privée et des atteintes qui sont susceptibles d'y être portées. En revanche, elle ne donne aucune définition précise de la «vie privée», et n'indique pas en quoi consisterait un «droit au respect» de celle-ci ».

786 V. B. Beignier, « Vie privée et vie publique », in Arch. phil. Droit., t. 41, 1997, pp. 163-180, V. spec. p. 165 : « L'impossible notion: La loi de 1970, d'où est extrait l'article 9 du Code civil, parle de vie privée. L'expression est tout à la fois restrictive et insuffisante. Lors du vote, le Garde des Sceaux avait indiqué que la loi se référait à l'intimité de la vie privée pour diminuer la portée de la formule vie privée dont on se sert dans l'alinéa 1er de cette disposition ».

787 V. R. Badinter, « Le droit au respect de la vie privée », in JCP. G., 1968, I (Doctrine), 2136 : « En l'absence de toute définition positive de la vie privée, comment ne pas tenter de la définir par la négative ? La vie privée, c'est tout ce qui n'est pas la vie publique de l'individu... cette définition a le mérite de mettre l'accent sur la primauté de la vie privée, celle-ci, interdite à toute intrusion indiscrète, étant pour chacun le sort commun, le reste, c'est-à-dire la vie publique ouverte à la curiosité de tous, étant l'exception ».

788 V. en ce sens : G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 8 : « Mais, si le respect de la dignité humaine est un principe qui ne souffre aucune exception, le droit au respect de la vie privée comme celui de la liberté d'expression peuvent, selon les dispositions de la Convention européenne, subir des restrictions, à la condition qu'elles apparaissent nécessaires dans une société démocratique ».

189

§ 1. Preuve obtenue par la mise sur écoute de conversations téléphoniques.

137. Les écoutes téléphoniques portent-elles atteinte au respect de la vie privée ? En isolant la question de la fiabilité des écoutes téléphoniques comme procédé dans la recherche de preuve pénale, il est pertinent de s'interroger sur la légalité de l'utilisation de ce procédé parce qu'il constitue une véritable atteinte à la vie privée des citoyens. Les écoutes

789

téléphoniques n'ont jamais cessé de susciter des questionset ont toujours soulevé un problème d'équilibre entre d'une part, le droit des individus de jouir de la confidentialité de la

790 791

vie privée, et de s'opposer à toute immixtion dans leur intimité sans autorisation, et, d'autre part, le droit de l'État de préserver sa sécurité intérieure et extérieure et le contrôle de tout ce qui pourrait nuire au système et à la sécurité de ses citoyens, et ce, à travers le contrôle

792

du phénomène criminel et le suivi de son évolution et de ses moyens. La question de l'écoute téléphonique a soulevé un vaste débat sur la légalité et l'admission de cette preuve

dans le domaine du droit pénal793. En effet, d'une part les enquêteurs considèrent que l'écoute téléphonique est un moyen qui va leur permettre de détecter certaines infractions importantes, et que l'intérêt général dans la détection des infractions et la récolte de preuve l'emporte sur les intérêts privés de l'individu, car la sécurité et la sûreté publique dépassent de loin la valeur de tout droit à la vie privée invoqué par l'individu. D'autre part, il faut protéger le droit du citoyen du fait de l'immixtion dans ses communications et sa vie privée, sinon la liberté individuelle serait en danger, ce qui sape les fondements de la vie publique et conduit les

789 V. R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 17 : « Il est remarquable de constater que c'est toujours sur le plan de l'admissibilité de la preuve d'un acte ou d'un fait juridique par le moyen d'écoute clandestine que le débat était placé ».

790 V. sur ce point : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 469, p. 322 : « Ces pratiques, même si elles sont encadrées par la loi, restent critiquées en ce qu'elles violent certains droits et libertés fondamentaux de l'individu concernés, en particulier sa vie privée ».

791 V. sur écoute téléphonique : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 468, p. 322 : « la pratique des écoutes entre en contradiction avec le respect de l'intimité de la vie privée protégé notamment par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ».

792 V. en ce sens : A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n° 2, Avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p. 750 : « II y a parfois un équilibre à trouver entre l'intérêt privé du secret et divers intérêts d'ordre général de prévention et de répression d'infractions pénales ou encore de défense de l'intimité de la vie privée ».

793 V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 293, p. 248 : « À vrai dire, le problème de savoir s'il est licite pour la justice ou par voie de conséquence pour un officier de police judiciaire de rechercher des preuves au moyen de l'interception des communications téléphoniques est une question des plus délicates qui a fait l'objet d'abondantes études ».

citoyens à se méfier les uns des autres, à l'introversion et à la crainte permanente du contrôle

794

du pouvoir. En effet, la preuve pour être légalement acceptable doit être basée sur une procédure correcte qui ne porte aucune atteinte au droit de la défense de la personne suspectée ni au respect de la liberté individuelle ou de la vie privée. C'est justement ce qu'impose le principe pénal général qui exige le respect des règles d'intégrité et de crédibilité, « la loyauté

795796

des preuves », lors de la mission de recherche des preuves criminelles.

A. La nécessité d'une réglementation légale des écoutes téléphoniques.

138. La légalité de l'écoute téléphonique. L'écoute des communications téléphoniques, qu'elle soit judiciaire ou administrativs, doit être légale afin que ses effets soient reconnus valables. Elle doit donc être autorisée en vertu d'un texte légal. Pour certains auteurs, 1'écoute de conversations téléphoniques peut constituer un mode de preuve valable si elle a été conforme aux règles régissant les preuves pénales qui imposent la loyauté dans le processus de recherche des preuves criminelles, dans le cas d'absence de textes comme l'avait déjà

souligné M. Doreid Becheraoui797. Nous ne sommes pas d'accord avec M. Doreid Becheraoui qui n'exige la conformité de 1'écoute de conversations téléphoniques qu'aux principes d'intégrité et de crédibilité qui caractérisent le principe de la loyauté de preuve. Ce principe étant essentiellement moral, cela amène à négliger totalement l'exigence d'une base légale pour permettre l'écoute. En France, avant la loi du 10 juillet 1991, les écoutes téléphoniques

n'étaient soumises à aucun régime légal

798

comme en droit libanais avant la loi n° 140/99

799

.

190

794 V. en langue arabe : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p. 187.

795 La loyauté dans la recherche de la preuve pénale.

796 V. en langue arabe : D. Becheraoui, « Les écoutes téléphoniques », in La revue du barreau des avocats (Revue Al Adl), 1997, n° 2, pp. 23-40, V. spec. p. 24.

797 V. en langue arabe : D. Becheraoui, « Les écoutes téléphoniques », in La revue du barreau des avocats (Revue Al Adl), 1997, n° 2, pp. 23-40, V. spec. p. 24.

798 V. en se sens : J. Pradel, « Un exemple de restauration de la légalité criminelle: le régime des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991) », in D., 1992, p. 49 : « Longtemps, c'est vrai, les interceptions n'ont pas eu en France de statut légal véritable ... Les écoutes judiciaires étaient admises par la Cour de cassation sur le fondement des art. 81, al. 1er, et 151 c. pr. pén. qui sont tellement généraux qu'ils ne parlent même pas des écoutes téléphoniques».

799 V. en droit français : sur les interceptions de correspondances émises par voie de télécommunications : C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 362, p. 246 : « pendant longtemps le droit français ne connut aucune législation particulière concernant ces procédés techniques d'enregistrement des paroles des personnes soupçonnées. Le juge français se contenait d'ordonner de telles mesures en s'appuyant sur le seul article 81 du Code de procédure pénale, éventuellement combiné aux articles 151 et 152 relatifs aux commissions rogatoires. » ; L'article 81 du CPP français dispose : « Le juge d'instruction

Certains auteurs français ont considéré que l'article 81 du CPP français couvre ce vide juridique et offre une base légale à l'écoute judiciaire. La situation est la même au Liban,

l'article 61 du CPP libanais

800 801

qui est parfaitement identique à l'article 81 du CPP française

.

 

191

En effet, en l'absence de texte juridique autorisant cette procédure dangereuse, une reconnaissance de la recevabilité ou de la légalité de toute procédure d'écoute qui vise à recueillir des preuves criminelles, nous semble inacceptable. Cette procédure doit être basée sur un cadre et une référence juridique explicite et sans ambiguïté, en vue du respect du principe de la légalité procédurale, et en particulier du principe de la légalité de la preuve pénale. Car le principe de la légalité de la preuve pénale représente la protection des libertés individuelles et le droit à la vie privée et constitue la pierre angulaire et le fondement de l'État de droit. En effet, la question de l'écoute va au coeur de la liberté et la confidentialité des communications. C'est un droit auquel il n'est pas possible de renoncer et qui n'est même pas susceptible de discussions car il concerne la vie intime de l'individu. L'écoute est un moyen de preuve illicite et immoral qui suppose l'utilisation de la fraude pour établir la preuve de l'implication d'une personne dans l'infraction, ce qui est tout aussi grave que la violence. Donc, l'exigence de la loyauté de la preuve est une condition complémentaire et intégrée à la condition de la légalité de la preuve, et l'absence de texte juridique pour encadrer l'opération d'écoute comme moyen de preuve, lui enlève toute base légale, c'est-à-dire toute validité juridique. Par conséquent, cette absence ne peut jamais être compensée par l'exigence du principe de la loyauté de la preuve, dont la présence, à côté du principe de la légalité de la preuve, est considérée parmi les principes de base dans le processus de l'exploration et de la recherche de la preuve en matière pénale. La preuve peut être déloyale mais légale, mais elle ne peut pas être loyale mais illégale.

139. L'écoute clandestine de la conversation téléphonique. Parmi les plus importants cas

802

de figure de fraude employée par l'enquêteur pour l'obtention des aveux de l'accusé, on

procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge ».

800 L'article 61 du CPP libanais dispose : « Dans le cadre de l'ensemble des mesures d'instruction qu'il entreprend aux fins de la manifestation de la vérité, le juge d'instruction a recours à des moyens légaux ».

801 V. A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n°2, Avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p. 751 : « Sans doute, le juge d'instruction dispose-t-il des plus larges pouvoirs, mais à condition que soient respectés les droits de la défense. Les écoutes téléphoniques ne se prêtent pas au formalisme prévu par la loi pour les interrogatoires ou les auditions où la présence d'un avocat constitue une garantie sérieuse. En outre, les conversations surprises peuvent se situer entre le délinquant et son avocat et une telle écoute violerait les droits de la défense et serait contraire à l'ordre public ».

802 V. P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 4:« Afin d'obtenir la preuve de la commission d'une

192

distingue : l'écoute clandestine des conversations téléphoniques et l'enregistrement dérobé des

803

déclarations des accusés. Les conversations téléphoniques comprennent les secrets les plus intimes des gens, l'énigme de leurs âmes, et pendant lesquels le locuteur, rassuré par son correspondant à l'autre bout du fil, divulgue ses secrets en toute liberté sans embarras, ni crainte d'être entendu, et croyant qu'il est à l'abri de la curiosité et de l'écoute secrète de ses

804

conversations, leur surveillance et leur enregistrement. C'est un moyen frauduleux interdit. La cause de l'interdiction de cette méthode réside dans le fait qu'elle comporte une violation et une atteinte aux droits de l'homme et à la confidentialité de la correspondance qui représente une forme d'atteinte à la vie privée, protégée par la loi libanaise et française. En

805

.

effet, espionner les appels téléphoniques constitue une grave violation des libertés

Cependant, il est à noter que cette interdiction n'est pas absolue, car le développement technologique et l'évolution des techniques de commission des infractions ont engendré des

806

difficultés pour prouver l'incident criminel et l'attribuer à une personne en particulier. Par conséquent, les législateurs libanais et français, comme dans beaucoup de législations, a autorisé l'interception des appels téléphoniques et des communications accomplies par les moyens de communications à distance, sous certaines conditions. Ainsi, l'utilisation de ce moyen comme preuve, ou dans le cadre de procédures d'enquêtes et d'investigation, est considérée comme illégale si elle n'a pas été précédée d'une autorisation préalable du législateur, c'est-à-dire d'une disposition légale qui réglemente l'utilisation de cette méthode,

infraction, il peut être utile d'enregistrer certaines conversations. En effet, en écoutant les confessions que l'accusé adresse à un tiers, les autorités de poursuites reçoivent des déclarations ».

803 V. P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 4 : « L'écoute secrète vise à contourner les dispositions concernant l'interrogatoire formel et conduit à l'obtention d'une confession auto-incriminante ».

804 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 362.

805 V. R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 17 : « En général, le choix du législateur est à cet égard fondamental et révélateur, car en mettant l'écoute clandestine hors la loi, quels que soit sa forme ou son objet, le législateur affirme du même coup que la protection de l'individu contre toute forme d'espionnage est un droit essentiel en notre société » ; V. encore pour le même auteur : R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n°1, p. 21 : « La vie privée de chacun comporte en tout état de cause un noyau irréductible, une zone d'intimité qui appelle une protection absolue ».

806 V. A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n° 2, avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p. 750 : « II est de nombreuses infractions pour la découverte desquelles des écoutes téléphoniques constituent presque une nécessité : proxénétisme, trafic de drogue, trafic d'armes notamment ».

807

.

193

compte tenu de la gravité qu'elle peut représenter pour les droits et les libertés Généralement, le législateur restreint l'utilisation de ces moyens au sein des cadres et normes spécifiques et bien précises, qui doivent être respectées. Par conséquent, et en l'absence de dispositions légales qui autorisent le recours à des écoutes téléphoniques ou à des enregistrements audio, on ne peut pas justifier sa légalité par le prétexte du principe de la

808

liberté de la preuve en matière pénale, ce qui aurait pour conséquences d'admettre cette

809

preuve illégale.

140. L'écoute téléphonique au Liban avant la loi n° 140/99. Avant la promulgation de la loi n° 140/99 publiée le 27/10/1999 et destinée à préserver le droit à la confidentialité des communications, par tout moyen de communication, telle que modifiée par la loi n° 158 du 27/12/1999, la législation libanaise ne contenait aucun texte relatif à la réglementation de l'écoute des appels téléphoniques, avec ou sans fil. Par conséquent, la loi libanaise n'a pas autorisé, ni dans le Code de procédure pénale ni dans aucune disposition particulière, les autorités judiciaires et policières à intercepter les communications téléphoniques avec ou sans

fil810. Toutefois, la loi n° 140/99, dont la majorité des dispositions ont été inspirées de la loi

811

française publiée le 10/07/1991, est devenue la base juridique réglementant l'écoute

812

judiciaire en droit libanais.

141. Des écoutes illégales avant la loi n° 140/99 en droit libanais. En l'absence de texte juridique, et avant la publication de la loi n° 140/99, M. Doreid Becheraoui considérait qu'on

807 V. R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 19 : « Le droit au respect de la vie privée apparaît ainsi général, absolu, extrapatrimonial ».

808 V. sur ce point : R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, pp. 17-18 : « En choisissant l'autre terme de l'alternative, la prohibition ou l'écoute en fonction de son objet, restrictivement limité, le législateur opte pour la légalité de l'écoute hors le champ interdit par la loi ».

809 V. R. Badinter, « Le droit et l'écoute électronique en droit français », in Publications de la faculté de droit et des sciences politiques et sociales d'Amiens, 1971-1972, n° 1, p. 24 : « l'illégalité de l'écoute clandestine emporte des conséquences importantes concernant le problème de l'admissibilité comme preuve judiciaire des enregistrements ou documents réalisés grâce à de telles écoutes ».

810 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 287, p. 279.

811 La loi du 10 juillet 1991 qui légalise les écoutes téléphoniques en droit français, a été prise à la suite de deux condamnations contre la France par la Cour européenne des droits de l'homme condamnant la France pour des écoutes illégales (Huvig c. France et Kruslin c. France).

812 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 287, p. 279.

194

devait reconnaître au juge d'instruction le droit de recourir - en cas de nécessité - à l'écoute ou à l'interception des communications de l'accusé, ainsi qu'à celles de toutes les personnes ayant contribué avec lui à commettre l'infraction objet de l'enquête que ce soit directement, à travers la société des télécommunications nationale, ou par le biais de n'importe quelle société de communication agréée par l'État (comme les sociétés de téléphonie mobile par exemple), sous sa supervision et son contrôle permanent, et ce, en vertu d'une décision écrite motivée, signée et datée, soit indirectement, par l'émission d'une commission rogatoire en faveur de la police judiciaire, exécutant cette tâche sous sa supervision et son contrôle. C'est ce qui se passait réellement avant l'entrée en vigueur de la loi n° 140/99, d'une manière arbitraire et non organisée, de telle sorte que cette opération d'écoute étant exécutée, soit selon les conditions mentionnées, soit sans le respect des conditions préalables, ce qui a fait que cette opération constituait une procédure non soumise à des contrôles juridiques, menée par les membres des forces de l'ordre sans la connaissance du juge d'instruction ou sans la présence de toute commission rogatoire, ou encore menée par le procureur au cours des enquêtes

813

préliminaires . Ces agissements ont constitué une grave et flagrante violation des libertés individuelles et du respect de la vie privée, ainsi que du droit de la défense protégés par tous

. En

814

les pactes et les chartes internationales relatives à la protection des droits de l'homme

fait, l'avis du M. Doreid Becheraoui ne correspond pas à une logique juridique solide, ni aux principes de la légalité procédurale et de la légalité de la preuve pénale. Ce qu'il affirme signifie qu'en l'absence du texte juridique ; c'est-à-dire avant de légiférer sur l'écoute avec la loi libanaise n° 140/99, il a été reconnu au juge le recours - en cas de nécessité - à l'écoute ou à l'interception des communications de l'accusé et de toute personne ayant contribué avec lui au crime objet de l'enquête. Nous ne sommes pas d'accord avec cet avis de M. Doreid Becheraoui, car, bien que ce qu'il a avancé soit considéré comme la pratique courante de la justice libanaise avant la loi n° 140/99, nous ne pouvons attribuer à cette application illégale aucune légalité parce que l'illégalité est flagrante. Est-il permis de violer les garanties de la liberté individuelle et de la vie privée protégées par la constitution libanaise, par une ordonnance ou une décision judiciaire ? La décision du juge d'instruction peut-elle remplacer la volonté du législateur libanais ? L'avis du M. Doreid Becheraoui est-il cohérent avec le principe de séparation des pouvoirs, et en particulier du pouvoir judiciaire et du pouvoir législatif ? Qu'en est-il du principe de la légalité de la procédure pénale et de la légalité de

813 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 295, pp. 285-286.

814 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 295, p. 286.

preuve pénale ? Qu'est-ce qui peut en rester, si jamais nous acceptons et reconnaissons la position de M. Doreid Becheraoui et de ceux qui ont considéré qu'en l'absence de texte juridique, on admet que le juge peut recourir - en cas de nécessité - à l'écoute ou à l'interception des communications de l'accusé et de toute personne ayant contribué avec lui au crime objet de l'enquête ? En droit français, la situation est semblable à celle du droit libanais, on peut considérer que la situation des écoutes téléphoniques avant la loi du 10 juillet 1991 est d'une illégalité flagrante contrairement à la position de la Cour de cassation française qui

admettait les écoutes illégales sans les considérer comme illégales

815

. C'est dans cet esprit que

nous considérons qu'en droit libanais toutes les opérations d'écoute ayant eu lieu avant la loi n° 140/99 sont illégales. En fait, il s'agit d'un acte dont l'illégalité est particulièrement grave et flagrante, et qui aurait dû être frappé de nullité, ainsi que toute preuve en découlant, que ce soit d'une manière directe ou indirecte, pour avoir violé le principe de la légalité de la preuve pénale, et parce que tout ce qui s'est basé sur l'illégalité doit être jugé illégal, ces procédures

ont été en désaccord avec la légalité procédurale

816

. Il est également opportun de noter que

195

l'article 174 de la loi sur les stupéfiants, les substances psychotropes et les précurseurs n° 673/1998 a été publiée avant la législation sur l'écoute n° 140/99, et a traité la façon de surveiller et d'écouter les communications téléphoniques dans le cadre des crimes liés à la

drogue 817 . Ici, le législateur libanais a légiféré sur l'écoute exceptionnellement dans les cas d'infractions liées aux drogues, et ce, avant l'adoption de la loi n° 140/99. Cette disposition

dans la loi sur la drogue est toujours en vigueur aujourd'hui818.

815 V. en ce sens : Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 360, p. 263 : Les écoutes téléphoniques : « cette pratique courante ne connut, pendant longtemps, aucune réglementation, ce qui donna lieu à bien des abus, tant de l'administration (écoutes administratives) que de la justice (écoutes judiciaires). Elle était, pourtant, illégale, même si la chambre criminelle s'efforçait de soutenir le contraire. ».

816 La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise n'offre pas l'exemple de sanctions de ces illégalités car la preuve de ces écoutes est pratiquement impossible à faire par les personnes intéressées.

817 L'article 174 de la loi libanais sur les stupéfiants, les substances psychotropes et les précurseurs n° 673/1998 dispose que : « l'officier de police, peut - sous autorisation du procureur général- peut mettre sous surveillance ou sur écoute des lignes téléphoniques utilisées par des personnes, que des preuves sérieuses ont démontré leur implication dans des crimes liés aux drogues. Toutefois, les communications obtenues de la sorte ne peuvent être considérées comme des aveux, mais utilisés plutôt dans la surveillance des contrevenants et la détection des crimes ».

818 Il est à noter dans ce cas que l'article 2 de la loi sur la défense Nationale, publiée par le Décret-loi n° 102 /83 en date du 16/09/1983, c'est à dire avant la loi sur l'écoute n°140/99, dispose que « si le pays, ou une partie du territoire, ou un secteur parmi ses secteurs publics, ou une partie de la population, ont été exposés à un risque, on peut déclarer un état d'alerte qui peut être partiel ou total, ou un état de mobilisation partiel ou total. Dans ces cas, des mesures seront prises par des décrets au sein des conseils ministériels sur proposition du Conseil suprême de la défense et peut inclure des dispositions spéciales visant à : organiser le contrôle des transports et des communications ». On peut donc conclure à partir de ce texte, que l'État a le droit - dans les cas visés plus

196

142. Des écoutes illégales avant la loi du 10 juillet 1991 et la condamnation de la France par la CEDH pour violation de l'article 8 de la Convention EDH. Avant la loi du 10 juillet 1991, il y avait un vide juridique dans le domaine des écoutes téléphoniques qui n'étaient

soumises à aucun régime légal819. M. Édouard Verny a bien exprimé la situation juridique qui existait avant la loi du 10 juillet 1991 en soulignant qu'« avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1991, la législation française ne prévoyait pas expressément les écoutes téléphoniques. La Cour de cassation avait avalisé le recours à ce procédé en se fondant sur l'article 81 du Code de procédure pénale qui autorise le juge d'instruction à procéder à tous

820

les actes utiles à la manifestation de la vérité ». Donc, les écoutes téléphoniques faites avant la loi du 10 juillet 1991 l'ont été sans base légale, malgré la position de la jurisprudence

821

de la chambre criminelle de la Cour de cassation françaisequi a fait une couverture légale

822 823

purement formellepour des écoutes entachée d'illégalité flagrante. A plusieurs reprises, la

loin-, de recourir à l'écoute des communications des citoyens dans les états d'alerte ou de mobilisation, à condition que ceci ne soit possible qu'en vertu de décrets et dans des cas exceptionnels et très limités. Ce texte est toujours valable de nos jours.

819 V. S. Jacopin, « La réception par les lois pénales françaises contemporaines de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme », in Droit pénal, n° 6, Juin 2006, Etude 9 : « Pendant longtemps, les écoutes téléphoniques, régulièrement utilisées en France dans le cadre du procès pénal, n'étaient soumises à aucun régime légal. S'est donc posée la question légitime de savoir si ces procédés permettant d'écouter et d'enregistrer des conversations ou des communications téléphoniques étaient recevables ».

820 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 333, p. 192.

821 V. la juriprudence de la Cour de cassation française avant la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme: Cass. crim., 23 juillet 1985, B.C., n° 275 : « La mise sur écoutes de la ligne téléphonique attribuée à une personne soupçonnée d'être impliquée dans un crime à laquelle il a été procédé sur commission rogatoire régulière d'un juge d'instruction ne saurait constituer une cause de nullité des actes de la procédure ni une violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que cette mesure d'investigation a été accomplie sans artifice ni stratagème et que rien ne permet d'établir que ce procédé ait eu pour résultat de compromettre les conditions d'exercice des droits de la défense ».

822 V. en ce sens : H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15 : « la Chambre criminelle avait forgé une jurisprudence et depuis l'arrêt Tournet du 9 octobre 1980, sur le fondement de l'article 81 du Code de procédure pénale, elle estimait que le juge d'instruction pouvait ordonner une écoute téléphonique s'il la jugeait nécessaire à la manifestation de la vérité » ; V. la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation dans l'arrêt Tournet : Cass. Crim., 9 octobre 1980, B.C., n°255 : « La mise sur écoutes téléphoniques du domicile d'un inculpé à laquelle il a été procédé sur commission rogatoire du juge d'instruction ne saurait constituer une cause de nullité de la procédure lorsque cette mesure d'investigation a été exécutée sous le contrôle de ce magistrat sans artifice ni stratagème et que rien ne permet d'établir que ce procédé ait eu pour résultat de compromettre les conditions des droits de la défense ».

823 V. sur ce point : A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, p. 265 : « La jurisprudence s'est longtemps interrogée sur la légalité des écoutes judiciaires, dans la mesure où elles n'étaient pas expressément autorisées par la loi. Mais elle a finalement accepté qu'un juge d'instruction puisse, au cours d'une information, délivrer une commission

Convention européenne a exigé d'une manière indirecte mais explicite que les autorités disposent d'une base légale pour certains actes qui constituent en fait des atteintes aux droits

824

fondamentaux

. L'article 8 de la Convention EDH. n'admet l'ingérence d'une autorité

publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance que pour autant que celle-ci soit prévue par la loi825 . Cette position fut celle de

826

la Cour EDH qui a condamné la France en matière d'écoutes téléphoniques. Cette position

827

est illustrée par deux affaires importantes d'écoutes téléphoniques, Huvig contre la France,

24 avril 1990 et Kruslin contre la France, 24 avril 1990

828

« la France fut cependant

197

condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme dans les arrêts Kruslin et Huvig du

829

24 avril 1990 en raison de l'imprécision du droit français en la matière ». Dans les deux cas Huvig et Kruslin contre la France, le sujet essentiel de la plainte porte sur l'absence d'une base légale explicite autorisant les écoutes sur mandat du juge d'instruction en droit

rogatoire à un officier de police judiciaire l'autorisant à intercepter des conversations téléphoniques, dans le but de découvrir les auteurs d'une infraction grave».

824V. sur ce point: CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times C/ Royaume-Uni, Requête n° 6538/74, spec. § 49: « Aux yeux de la Cour, les deux conditions suivantes comptent parmi celles qui se dégagent des mots "prévues par la loi". Il faut d'abord que la "loi" soit suffisamment accessible: le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné. En second lieu, on ne peut considérer comme une "loi" qu'une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite ; en s'entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé. Elles n'ont pas besoin d'être prévisibles avec une certitude absolue : l'expérience la révèle hors d'atteinte. En outre la certitude, bien que hautement souhaitable...».

825 V. en ce sens : P. De Hert, « La jurisprudence européenne dans le domaine des moyens de contrainte, des écoutes policières, des prisons, de la violence policière, du terrorisme, de la détention préventive, des témoins anonymes... », in Vigiles. Revue de droit de police, 1996, vol. 2 n° 4, 26-37.

826 V. H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15: « Le débat a pris un tour aigu après les arrêts Kruslin et Huvig de la Cour européenne (24 avr. 1990, A. 176), qui avaient condamné la France, estimant que le système jurisprudentiel, qui suppléait à l'absence de loi spécifique et constituait une base légale, n'était pas d'une qualité suffisante ».

827 V, sur ce point : A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, p. 265 : « C'est précisément l'absence de texte légal pouvant justifier ces pratiques qui a conduit la Cour européenne des Droits de l'Homme à condamner la France à l'occasion des arrêts Kruslin et Huvig, rendus le 24 avril 1990. Par ces arrêts, la Cour désapprouve tant les écoutes judiciaires que les écoutes administratives ».

828 V. Des pratiques contraires aux engagements internationaux de la France et exposant le gouvernement à une condamnation : R. Errera, « Les origines de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques », in R.T.D.H., 55/2003, pp. 851 et s,. V. spec. pp. 859-860 : « On pouvait assurément s'attendre à voir un jour un requérant français se plaindre devant la Cour, à propos d'écoutes téléphoniques, de la méconnaissance de l'article 8 de la Convention. C'est ce qui se produisit. MM. Huvig et Kruslin, n'ayant pu convaincre les juges français, y compris la Cour de cassation, du bien-fondé de leur position, saisirent la Cour européenne des droits de l'homme ».

829 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 333, pp. 192-193.

français 830 . La Cour de Strasbourg va considérer que le manque de base légale n'est pas le

sujet essentiel parce que la Cour européenne admet en fait que le droit non écrit et la jurisprudence constituent une base légale suffisante afin de recourir à des techniques de recherche ce qui constitue une nouvelle notion de la base légale en droit français. Donc, c'est la qualité de la législation française et plus particulièrement la prévisibilité qui ne répondaient pas aux conditions légales de l'article 8 C.E.D.H qui vont conduire la Cour de Strasbourg à

condamner la France

831

. Cela soulève évidemment bien d'autres questions inévitables parce

198

que le législateur français n'a pas encadré légalement les écoutes téléphoniques durant cette période. « Sans aucun doute, toutes ces discussions auraient pu être évitées si le législateur avait pris le soin de se prononcer nettement sur le problème de la légalité des interceptions

832

.

ordonnées par les autorités judiciaires »

143. Les conséquences immédiates de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme le 24 avril 1990. L'effet de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme se manifeste clairement et très rapidement dans la position de la Cour de cassation française. « Ainsi, trois semaines après les arrêts Kruslin et Huvig, a-t-elle, par son arrêt Bacha Baroudé du 15 mai 1990, aménagé sa jurisprudence

833

relative aux écoutes téléphoniques dans le sens indiqué par la Cour de Strasbourg ». Un arrêt rendu le 15 mai 1990 par la chambre criminelle de la Cour de cassation française énonça

834

les principes suivants: les écoutes téléphoniques trouvent une base légale dans les articles

830 V. B. Bouloc, « Réglementation des écoutes téléphoniques », in R.S.C., 1992, p. 128 : « On sait qu'après que la Cour de cassation ait cru devoir, sans texte précis, admettre qu'un juge puisse ordonner une écoute téléphonique la Cour européenne des droits de l'homme par un arrêt du 24 avril 1990 a estimé que les modalités de mise en oeuvre étaient peu précises et laxistes ».

831 V. P. De Hert, « La jurisprudence européenne dans le domaine des moyens de contrainte, des écoutes policières, des prisons, de la violence policière, du terrorisme, de la détention préventive, des témoins anonymes... », in Vigiles. Revue de droit de police, 1996, vol. 2 n° 4, 26-37 : « La Cour souffle le chaud et le froid à propos de la condition de légalité des techniques de recherche. Une disposition légale explicite, écrite sur mesure, n'est absolument pas nécessaire, mais toute réglementation, écrite ou non, doit atteindre un certain niveau de qualité, en ce sens que suffisamment d'informations doivent être fournies sur l'existence, la portée et la manière d'utiliser la technique de recherche».

832 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 296, p. 252.

833 J.-P. Marguénaud, « La dérive de la procédure pénale française au regard des exigences européennes », in D., 2000, p. 249.

834 V. Cass. crim., 15 mai 1990, B.C., n° 193, p. 490 : « Pour qu'il n'y ait pas méconnaissance de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, la mise sur écoutes et les enregistrements téléphoniques ne peuvent être ordonnés à l'insu des personnes intéressées que sur l'ordre d'un juge et sous son contrôle en vue d'établir la preuve d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public et d'en identifier les auteurs. Il faut que l'écoute soit obtenue sans artifice ni stratagème et que sa transcription puisse être discutée par les parties concernées ».

199

81 et 151 du Code de procédure pénale français; elles ne peuvent être effectuées que sur l'ordre d'un juge et sous son contrôle, en vue d'établir la preuve d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public et d'en identifier les auteurs; l'écoute doit être obtenue sans stratagème ni artifice ; sa transcription doit pouvoir être

835

contradictoirement discutée par les parties, le tout dans le respect des droits de la défense. Trois mois plus tard, un autre arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation

mentionna explicitement l'exigence d'une durée limitée, celle du procès-verbal de

836

française

la transcription des enregistrements opérés et celle de la saisie et du placement sous scellés

837

des cassettes supportant les enregistrements. Donc, il y avait un consensus général sur la nécessité de légaliser les écoutes téléphoniques en adoptant une nouvelle loi sur l'écoute

téléphonique pour légaliser l'écoute judiciaire838 dans la recherche de preuve pénale. Comme

839

souligne M. Roger Errera, « la nécessité d'une loi était désormais admise par tous ». Ce qui

840 841

a eu comme conséquence directe la légalisation de l'écoute téléphoniqueen droit français

835 R. Errera, « Les origines de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques », in R.T.D.H., 55/2003, pp. 851 et s,. V. spec. pp. 861-862.

836 V. Cass. crim., 17 juillet 1990, B.C., n° 286, p. 724 : « Ne transgresse pas les dispositions de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l'homme la mise sur écoute et l'enregistrement de communications téléphoniques ordonnés par un juge d'instruction et sous son contrôle, à l'insu des personnes intéressées, en vue d'établir la preuve d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public et d'en identifier les auteurs. Il faut que l'écoute, pratiquée pendant une durée limitée, soit obtenue sans artifice ni stratagème et que sa transcription puisse être discutée par les parties en cause » ; V. encore : Cass. crim., 26 novembre 1990, B.C., n° 401, p. 1008 : « Qu'en effet les écoutes et enregistrements téléphoniques trouvent leur base légale dans les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale ; qu'ils peuvent être effectués à l'insu des personnes intéressées, qui ne sont pas seulement celles sur qui pèsent les indices de culpabilité, s'ils sont opérés pendant une durée limitée, sur l'ordre d'un juge et sous son contrôle en vue d'établir la preuve d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public, et d'en identifier les auteurs ; qu'il faut en outre que l'écoute soit obtenue sans artifice ni stratagème et que sa transcription puisse être contradictoirement discutée par les parties concernées, le tout dans le respect des droits de la défense ».

837 R. Errera, « Les origines de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques », in R.T.D.H.., 55/2003, pp. 851 et s,. V. spec. p. 862.

838 A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, pp. 265-266 : « La France voulant prévenir toute nouvelle condamnation de son droit par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, il lui était dès lors devenu nécessaire de se doter d'une législation spécifique aux écoutes téléphoniques. Tel est l'objet de la loi n°91-646 du 10 juillet 1991 relative aux correspondances émises par la voie des télécommunications».

839 R. Errera, « Les origines de la loi française du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques », in R.T.D.H., 55/2003, pp. 851 et s,. V. spec. p. 863.

840 V. H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15 : « Si des problèmes restent évidemment posés en matière de force probante des écoutes téléphoniques, il faut néanmoins constater que le législateur a fait l'effort de tenter d'harmoniser la loi écrite avec les exigences de la Convention et qu'une fois encore une décision de la Cour européenne a seule été capable de faire progresser le droit dans un État démocratique ».

200

et une leçon tirée de la condamnation par la Cour européenne comme le soulignent Mme Haritini Matsopoulou « ... après la condamnation de la France par la Cour de Strasbourg dans les affaires Kruslin et Huvig, le législateur est intervenu par la loi du 10 juillet 1991 qui a fait de l'interception des correspondances émises par voie de télécommunications un acte judiciaire, insusceptible d'être prescrit par un policier, pas même lors d'une enquête

842

subordonnée » et M. Henri Leclerc : « Les écoutes téléphoniques sont donc enfin

réglementées en France, non seulement sur le plan judiciaire mais sur le plan administratif et il faut s'en féliciter, même si la loi du 10 juillet 1991 peut donner lieu à certaines

843

critiques ». Il est clair que la loi du 10 juillet 1991 était nécessaire au regard des exigences de l'article 8 de la CEDH comme le souligne M. Édouard Verny « la loi du 10 juillet 1991 a répondu aux exigences de la Cour européenne en autorisant, sous des conditions désormais strictement déterminées, d'une part les écoutes administratives (dites de sécurité) qui sont étrangères à la procédure pénale et d'autre part les écoutes judiciaires qui peuvent être

844

décidées par le juge d'instruction ».

B. L'encadrement légal des écoutes téléphoniques judiciaires en droit libanais et français.

144. Le retard dans l'élaboration des décrets d'application de la loi n°140/99 en droit libanais. L'écoute téléphonique constitue une lourde atteinte à un droit fondamental mais l'écoute judiciaire est considérée parmi les atteintes au respect de la vie privée fondées sur une base légale. À cet égard le législateur libanais est intervenu pour concilier les droits de

845 846

l'individu et l'intérêt publicen adoptant la loi n° 140 datant du 03/11/1999

. Il est bien

connu que dans certains cas, il existe certains détails de procédure, laissés par la loi pour le

841 V. J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, septembre 2008, étude 17, V. spec. n°12 : « Cette position européenne a conduit le législateur français à organiser une procédure spécifique relative aux interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications aux articles 100 et suivants du Code de procédure pénale. Ces dispositions pénales spécifiques apparaissent désormais comme une permission de la loi justifiant le délit de l'article 226-15 du Code pénal ».

842 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 902, p. 729.

843 H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in R.S.C., 1992, p. 15.

844 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 333, p. 193.

845 V. en langue arabe : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, pp. 187-188.

846 Journal officiel de la République libanaise : n° 52/99, p. 3160.

201

pouvoir exécutif qui va prendre en charge l'application de cette loi, et qu'on qualifie de décret

847

d'application des lois émises par le Parlement dans la loi libanaise. Ces décrets d'application de la loi n° 140/99 ont enregistré un retard d'environ cinq années. Il s'agit du décret n° 15280 datant du 1/10/2005 sur la loi n° 140 du 27 octobre 1999, publiée en date du 3 novembre 1999 au Journal Officiel n° 52 et relative à la protection du droit au secret des communications effectuées à travers tout moyen de communication, de quelque nature qu'il soit. Le décret 15281 datant du 1/10/2005 a défini le mode d'action de l'organisme indépendant chargé de vérifier la légalité de la procédure administrative d'interception des communications téléphoniques. D'où le décret n° 15871 datant du 2/12/2005 (amendement de l'article II du décret n° 15280 datant du 1/10/2005).

145. Conditions des écoutes judiciaires en droit libanais. En date du 27/10/1999, la loi n° 140/99 a été publiée. Cette loi porte sur la préservation du droit de confidentialité des communications menées par tous les moyens de télécommunications cités dans l'article

premier de la loi848. La loi protège le droit de confidentialité des communications internes et externes obtenues par tous les moyens de télécommunications (téléphones fixes, tous types d'appareils portables y compris les cellulaires, les fax, les courriels, etc....). Ce droit n'est soumis à aucun type d'écoute, de contrôle, d'interception ou de divulgation sauf dans les cas énumérés dans cette loi et par les moyens et dispositions qu'il définit. Cette loi distingue entre la contestation des communications sur décision administrative et la contestation sur décision juridique. Cependant, cette loi ne prévoit rien sur les relevés des communications téléphoniques ou ce que l'on appelle la base de données des télécommunications. En vertu de l'article 2 de la loi n° 140/99, il est interdit d'effectuer des écoutes sur les télécommunications des individus exerçant des professions ordinaires sauf sur décision à l'initiative du premier juge d'instruction dans chaque province ou sur demande manuscrite du juge d'instruction

849

chargé de l'instruction. De ce fait le parquet n'a nullement le droit, qu'il s'agisse du procureur général près la Cour d'appel ou de l'un de ses avocats généraux ou du procureur général près la Cour de cassation ou de l'un de ses avocats généraux, ni la police judiciaire de

847 Il est connu que dans certains cas il y a quelques détails procéduraux que la loi laisse parfois le soin au pouvoir exécutif de les appliquer, il s'agit des décrets des lois à appliquer adoptées par le Parlement libanais. Ces décrets à appliquer de la loi n° 140/99 ont pris un retard de cinq ans environ.

848 La loi n° 140/99, a été promulguée dans le but de mettre un terme à la grave atteinte aux droits des individus qui consiste en l'écoute illégale, non réglementée et sans contrôle administratif et judiciaire, cette loi représente désormais la base juridique régissant les procédures d'écoute et d'interception des communications, juridiques soient elles ou sécuritaires.

849 Qui est nommé le doyen des juges d'instruction en droit français.

prendre une décision d'interception des télécommunications de l'un des suspects ou

850

accusés

. La loi n° 140/99 dispose dans son deuxième article que dans des cas extrêmes, le

202

premier juge d'instruction de chaque province, à son initiative ou à la demande écrite du juge d'instruction chargé de l'enquête, a le droit de décider l'interception des communications qui s'effectuent par l'un des moyens énoncés dans l'article premier de la même loi, et ce dans chaque poursuite criminelle sanctionnée par une peine d'emprisonnement d'un an au minimum, à condition que sa décision se présente sous forme de notification écrite et justifiée. Cette décision n'admet aucune forme de recours. Ce qui signifie que cette procédure ne peut être ordonnée que dans le cadre d'une enquête devant le juge d'instruction sur notification écrite et justifiée provenant du premier juge d'instruction. En outre, le juge d'instruction ne peut en aucun cas recourir aux mesures qui pourraient porter atteinte à la vie privée sauf dans le cas où l'infraction jugée rentre dans le genre de crimes ou délits sanctionnés par un emprisonnement d'une année au minimum. Ajoutons à cela que la loi oblige à ce que cette procédure soit entreprise uniquement en cas d'extrême nécessité. Il n'existe néanmoins aucun mécanisme permettant de vérifier qu'il y a réellement nécessité extrême ou non puisque la décision du premier juge d'instruction ne peut être contestée, et donc on remarque l'existence d'une telle liberté d'appréciation pour le premier juge d'instruction. Cependant, il convient de signaler ici que la possibilité de l'écoute des communications des personnes, même dans les cas où l'infraction semble banale, tels les délits sanctionnés par un an de prison, constitue une exagération du législateur libanais, d'autant plus que le respect de la vie privée rentre parmi les libertés inviolables tel que le dispose le texte de l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le législateur libanais devrait donc suivre le législateur français et poser le principe de l'impossibilité de prendre une décision d'écoute sauf si l'infraction invoquée devant le juge d'instruction est sanctionnée d'un emprisonnement de deux ans au minimum851 (article 100 du CPP français)852. Sur la base de ce qui précède, le juge d'instruction ne peut pas effectuer directement des écoutes sur les télécommunications ni les contrôler, ni les intercepter, sauf conformément aux conditions inspirées majoritairement par le droit français et par l'assiduité de la jurisprudence européenne des droits de l'homme.

850 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 288, p. 280.

851 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 296, pp. 286-287.

852 L'article 100 du CPP français : « En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle. La décision d'interception est écrite. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours ».

203

853

Toutefois, la loi 140/99 ne prévoit pas toutes ces conditions. Ces conditions sont que le juge d'instruction ne peut avoir recours à l'écoute des télécommunications qu'en cas d'extrême nécessité, c'est-à-dire dans les cas ou l'écoute constitue le moyen unique de découvrir les circonstances et conditions de l'infraction commise, et la question de l'estimation du degré de cette nécessité doit être soumise au contrôle de la Cour de cassation. La loi libanaise n° 140/99 ne prévoit pas cette clause, c'est-à-dire, le contrôle par la Cour de cassation. Son article deux accorde au premier juge d'instruction le droit de décider l'écoute et l'interception des télécommunications sans aucune obligation de justifier cette procédure par un cas de nécessité, ce qui mène à un grand nombre de violations par le mauvais usage ou l'abus de ce

854

droit. Cette procédure ne peut être décidée que dans des cas de crimes ou délits sanctionnés conformément à la loi n° 140/99 par une année d'emprisonnement au minimum et par la loi

855

française de deux ans d'emprisonnement minimumconformément à l'article 100 du CPP

856

français. Nous pensons que l'écoute devrait être limitée aux cas graves, tels que les crimes uniquement, car l'écoute est un procédé qui viole les droits fondamentaux et naturels des individus et ne devrait pas être utilisée facilement sauf dans les cas très graves et d'extrême nécessité et durant leur enquête. M. Doreid Bechraoui estime que la décision d'écoute du premier juge d'instruction, conformément aux dispositions de la loi libanaise, jouit d'un

857

.

caractère administratif, et à partir de là, elle ne peut être soumise à aucun type de recours

Nous ne soutenons donc pas l'avis de M. Doreid Bechraoui sur ce point car nous estimons que la décision d'écoute venant du premier juge d'instruction est une décision purement juridique mais le législateur n'a pas autorisé sa contestation en raison de sa futilité, car la décision d'écoute n'est évidemment pas notifiée à la personne placée sur écoute. Nous préférerions que le contrôle de la condition d'extrême nécessité s'effectue de manière automatique à travers la chambre d'accusation (nommée chambre d'instruction en droit français) pour confirmer la décision du premier juge d'instruction ou la rejeter avant son application à condition de tenir

853 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 287.

854 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 287.

855 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, pp. 287-288.

856 L'article 100 du CPP français dispose : « En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle ».

857 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 288.

compte de la vitesse à prendre dans ce contrôle, de manière à ce qu'elle soit présentée à la chambre d'accusation qui prendra sa décision dans un délai très court. C'est justement cela que nous attendons du législateur libanais : qu'il rectifie cet article et l'ajoute à la loi 140/99. Il s'agit absolument d'interdire l'exécution, l'interception ou la surveillance de toute écoute téléphonique ou télécommunicative sauf sur décision écrite et justifiée du premier juge d'instruction à son initiative ou à la demande écrite du juge chargé de l'enquête, et ce sous sa

858

supervision et son contrôle. Il est impératif que la décision du premier juge d'instruction qui autorise l'écoute comporte tous les éléments imposant la nécessité de la procédure d'écoute

859

. La

avec la description pénale de l'infraction objet de cette écoute et sa durée maximale

décision d'écoute doit aussi déterminer le moyen de l'écoute conformément aux dispositions

du texte de l'article 3 de la loi 140/99

860

. Cet article fixe la durée de l'écoute à deux mois

204

comme délai maximal, et l'on suppose que la décision d'écoute fixe cette durée de telle sorte qu'elle n'excède pas les deux mois comme maximum et qu'elle admette la prolongation sous les mêmes conditions qui ont exhorté la décision d'écoute initiale, c'est-à-dire un délai n'excédant pas les deux mois au maximum selon ce que l'on déduit de la lecture du texte de l'article 2 qui est un texte vague et ambigu dans l'ensemble au sujet de la prolongation de l'écoute. Il aurait été préférable de préciser combien de fois on pouvait prolonger le délai pour empêcher toute controverse et confusion et ne pas laisser cette prolongation ouverte sans détermination claire, précise et rigoureuse. Nous admettons que dans chaque prolongation, la procédure d'écoute ne peut excéder la durée de deux mois mais sa prolongation sans restriction du nombre de répétitions constitue un risque d'abus dans l'usage de ce droit et une violation des libertés fondamentales. Ce qui incite à la prudence et à la préoccupation selon

M. Doreid Becheraoui qui trouve que le texte de l'article 3 de la loi 140/99 ne fixe pas la période de prolongation, ce qui pourrait donner libre cours au juge d'instruction pour prolonger la durée de l'écoute sur de longues périodes. Ceci constitue un danger pour les libertés personnelles tandis que le texte de la loi française dans l'article 100-2 du CPP

861

françaisprévoit l'écoute des communications pour une période de 4 mois renouvelable

858 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 288.

859 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 288.

860 L'article 3 de la loi 140/99 dispose : « La décision qui régit l'interception, détermine le moyen de communication que la procédure d'écoute saisie ainsi que l'infraction objet de la poursuite ou de l'enquête et la durée que nécessite l'opération d'interception, à condition que ce délai n'excède pas les deux mois et qu'il soit prolongeable conformément aux mêmes conditions et dispositions ».

861 L'article 100-2 du CPP français dispose : « Cette décision est prise pour une durée maximum de quatre mois. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée ».

862

. À

205

conformément aux dispositions prévues légalement pour réglementer cette procédure notre avis le même problème se trouve dans la loi française puisque la loi française comme la loi libanaise ne limitent pas le nombre de répétitions de la décision dans une même affaire pénale. L'article 6 de la loi 140/99 affirme que l'officier de police judiciaire ou le juge d'instruction en charge, peut, lorsqu'il exécute les procédures d'écoute lui-même, établir un

863

procès-verbal comportant toutes les opérations d'écoute et d'enregistrement. Les bandes d'enregistrement sont détruites sur instruction du procureur général de la Cour de cassation et

864

sous sa supervision à l'expiration d'un délai succédant la prescription de l'action publique conformément au texte de l'article 7 de la loi 140/99.

146. Conditions d'écoute judiciaire en droit français. Sans doute l'écoute téléphonique par sa nature constitue une violation de respect de la vie privée et de la correspondance en même temps comme l'affirme M. Louis-Edmond Pettiti « on pourra relever que dans son arrêt

865

Malone c/ Royaume-Uni du 2 août 1984 (série A, n° 82, § 64) la Couravait affirmé que « les communications téléphoniques se trouvant comprises dans les notions de «vie privée» et

866

de «correspondance» au sens de l'article 8 de la Convention ». Le législateur français a choisi le montant ou la durée de la peine de l'infraction comme référence pour ordonner une

867

écoute judiciaire. « Le législateur de 1991 s'attache au quantum de la peine ». Selon l'article 100 du CPP français, la peine de l'infraction doit être égale ou supérieure à deux ans

. Ce système a pour

868

d'emprisonnement pour justifier une écoute téléphonique judiciaire

862 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, pp. 288-289.

863 L'article 6 de la loi 140/99 dispose : « le juge instruisant la décision d'écoute ou l'officier de police judiciaire en charge établit un PV de l'opération d'interception, qui comporte les dates et heures du début et de la fin de l'interception et son enregistrement. Comme il établit un rapport contenant toutes les informations ayant trait au sujet. Cet enregistrement doit être placé dans une enveloppe scellée portant le seau du juge compétent conformément aux dispositions ».

864 V. en langue arabe : D. Becheraoui, Procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2003, 2ème partie, n° 297, p. 289.

865 La Cour européenne des droits de l'homme.

866 L.-E. Pettiti, « Les écoutes téléphoniques et la protection de la vie privée », in R.S.C., 1998, p. 829.

867 J. Pradel, « Un exemple de restauration de la légalité criminelle: le régime des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991) », in D., 1992, p. 49, n° 8.

868 L'article 100 du CPP français dispose : « En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle ».

conséquence

869

d'exclure ce moyen d'écoute téléphonique dans la recherche des preuves

concernant les petits délits qui sont sanctionnés par une peine inférieure à deux ans

870

d'emprisonnement. Selon Mme Haritini Matsopoulou, la nouvelle loi de 1991 de l'écoute en France qui a introduit les articles 100 à 100-7 dans le Code de procédure pénale français « ... a exclu qu'il puisse y être recouru en cas de flagrance, ce qui, à notre avis, est justifié, car normalement les traces et indices sont présents sur les lieux, si bien qu'on ne saurait

871

accomplir des recherches ». L'autorisation qui permet légalement de pratiquer des écoutes

872

téléphoniques est accordée par décision écrite.La décision prescrivant les interceptions n'est pas considérée comme une décision juridictionnelle, donc n'est susceptible d'aucun

. « La décision du juge est écrite, elle n'a pas le caractère

873

recours et n'est point motivée

juridictionnel et elle n'est pas susceptible d'aucun recours : il s'agit donc d'un acte

d'instruction »

874

. La loi du 10 juillet 1991 consacre, dans l'alinéa premier de son article

206

premier, le principe selon lequel « le secret des correspondances par la voie des télécommunications est garanti par la loi ». L'alinéa second de cet article consacre

869 Certains auteurs critiquent l'article 100 du CPP français : V. H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « la loi a aligné le régime des écoutes téléphoniques sur celui de la détention provisoire en ne les autorisant que lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans (art. 100 nouveau c. pr. pén.), ce qui est un critère extrêmement vaste et recouvre, outre les affaires criminelles, la très grande majorité des affaires correctionnelles ».

870 V. J. Pradel, « Un exemple de restauration de la légalité criminelle: le régime des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991) », in D., 1992, p. 49, n° 8 : « L'application du seuil retenu a pour effet évident d'exclure toute interception à l'occasion de poursuites relatives à un petit délit... ».

871 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 306, p. 263.

872 L'article 100 du CPP français dispose : « La décision d'interception est écrite. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours » ; L'article 100-1 du CPP français dispose : « La décision prise en application de l'article 100 doit comporter tous les éléments d'identification de la liaison à intercepter, l'infraction qui motive le recours à l'interception ainsi que la durée de celle-ci » ; L'article 100-4 du CPP français dispose : « Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations d'interception et d'enregistrement. Ce procès-verbal mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée. Les enregistrements sont placés sous scellés fermés ».

873 V. l'avis de M. Jean Pradel qui supporte l'avis du législateur selon lequel ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours et ne sont pas motivées : J. Pradel, « Un exemple de restauration de la légalité criminelle: le régime des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications (commentaire de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991) », in D., 1992, p. 49, n° 9 : « il serait hasardeux d'annuler une procédure importante dans laquelle le magistrat aurait ordonné des interceptions sans s'assurer au préalable qu'aucun autre mode de preuve n'était utilisable. Car obliger le juge à épuiser d'abord ces autres modes de preuve risquerait de lui faire perdre un temps précieux, néfaste aux investigations et donc à l'ordre public. Et la démonstration que ces autres modes n'ont pas été utilisés serait bien difficile à apporter. Il convient donc de fermer la porte à toute velléité de plaideurs qui soulèveraient la nullité d'une interception au motif que le principe de subsidiarité aurait été violé ».

874 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 474, p. 429.

explicitement qu'« il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l'autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d'intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-

875

ci »

. Il est remarquable que la loi n'autorise pas les parties privées à effectuer des écoutes

876

téléphoniques. L'article 100-7 du CPP français ne permet pas l'écoute téléphonique lorsque

877

la ligne écoutée est celle d'un député, d'un sénateur, d'un avocat ou d'un magistrat. Les exceptions précédentes de mise sur écoute téléphonique sont expressément édictées à peine de

. Concernant l'autorité qui autorise les écoutes téléphoniques « la procédure

878

nullité

d'interception est bien précisée dans la loi. En premier lieu, les seules autorités habiles à ordonner des écoutes téléphoniques sont le juge d'instruction (art. 100 C.P.P.) et, dans le cadre d'une enquête, le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur et seulement en matière de criminalité organisée (art. 706-95 C.P.P.) : seuls ils sont visés dans les textes, ce qui exclut tout pouvoir du parquet dans le cadre de l'enquête et ce qui confirme

la jurisprudence »

879

. Concernant la durée des interceptions téléphoniques, elle est limitée par

la loi. « Le juge d'instruction peut prescrire une écoute pour une durée de quatre mois au plus, des prorogations étant possibles ; le juge des libertés et de la détention ne peut la

prescrire, en enquête, que pour un mois avec un seul renouvellement d'égale durée »

880

. Afin

207

de progresser dans la lutte contre la grande criminalité, la loi Perben 2 donne aux policiers, sous l'autorité et le contrôle du ministère public, des pouvoirs exorbitants, dès lors que l'on sera dans la sphère de la grande criminalité. Depuis la loi Perben 2 en 2004, il est également possible pour le procureur (avec l'accord du juge des libertés et de la détention) d'y recourir

875 L'article premier de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques dispose : « Le secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques est garanti par la loi. Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l'autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d'intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-ci ».

876 A. Maitrot de la Motte, « Le droit au respect de la vie privée », in P. Tabatoni (sous direction), La protection de la vie privée dans la société de l'Information, P.U.F., Collection : Cahiers Sciences Morales Et Politiques, 2002, tome 3, chapitre 17, p. 266 : « Aux termes de cet article premier, les écoutes téléphoniques effectuées par des particuliers sont donc interdites. Quant à celles qui sont le fait de la puissance publique, la loi du 10 juillet distingue les deux cas traditionnels: les écoutes judiciaires et les écoutes administratives ».

877 E. Mathias, Procédure pénale, 3e éd., Bréal, 2007, p.152.

878 L'article 100-7 du CPP français dispose : « Aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne d'un député ou d'un sénateur sans que le président de l'assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d'instruction. Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction. Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un magistrat ou de son domicile sans que le premier président ou le procureur général de la juridiction où il réside en soit informé. Les formalités prévues par le présent article sont prescrites à peine de nullité ».

879 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 474, p. 428.

880 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 474, p. 428.

208

dans une enquête préliminaire ou de flagrance sur des affaires de terrorisme, blanchiment,

881

torture, enlèvement, trafic de drogue et délinquance en bande organiséeconformément à

882

l'article 706-95 CPP français. Toutes ces procédures selon Mme Pierrette Poncela « portent incontestablement atteinte aux droits de la défense, au respect de la vie privée, ..., au secret des correspondances... comment cela a-t-il pu recevoir l'assentiment du Conseil constitutionnel ? La réponse est simple : parce que toutes les dérogations aux droits et libertés qu'emportent les opérations d'enquête doivent, préalablement à leur mise en oeuvre, être autorisées en temps réel par l'autorité judiciaire, c'est-à-dire ici principalement soit par

883

le Procureur de la République, soit par le juge des libertés et de la détention (JLD) ». Il'est remarquable que le législateur français se fonde sur le critère de la dangerosité de l'infraction pour affaiblir l'efficacité de la protection ou du respect des principes généraux du droit des personnes comme le droit au respect de la vie privée.

§ 2. Preuve obtenue au moyen d'un enregistrement par magnétophone.

147. Questions autour de la preuve par magnétophone. L'enregistrement par magnétophone ou la preuve par magnétophone pose la question de la recevabilité ou de l'admissibilité des moyens de preuve qui est sans doute une question de principe qui revêt un grand intérêt. M. Pierre Mimin constate que l'apparition de l'enregistrement de la voix

881 V. P. Poncela, « Le combat des gladiateurs. La procédure pénale au prisme de la loi Perben II », in Droit et Société, 60/2005, p. 482 : « Les écoutes téléphoniques deviennent possible dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance, sur requête du Procureur de la République et autorisation du juge des libertés et de la détention. Leur durée- 15 jours renouvelables une fois- est cependant plus brève que celles décidées par le juge d'instruction ».

882 L'article 706-95 CPP français dispose : « Si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100, deuxième alinéa,100-1 et 100-3 à 1007, pour une durée maximum d'un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée. Ces opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. Pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire requis par ce magistrat. Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l'interception est informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis en application de l'alinéa précédent, notamment des procès-verbaux dressés en exécution de son autorisation, par application des articles 100-4 et 100-5 ».

883 P. Poncela, « Le combat des gladiateurs. La procédure pénale au prisme de la loi Perben II », in Droit et Société, 60/2005, p. 482.

209

humaine sur disque en justice comme moyen de preuve soulève une série de questions :

884

juridiquement, ce moyen de preuve est-il admissible ? Est-il utilisable?

148. L'enregistrement magnétique et le témoignage. Il semble, à première vue, que le moyen de preuve présentant le plus d'analogies avec l'enregistrement magnétique est le

885

témoignage. L'idée précédente n'est pas totalement vraie. Selon M. Jean-Claude Georgin, il s'agit là d'une vue superficielle car la preuve par fil magnétique ne peut être assimilée à un témoignage et ceci pour deux raisons : 1° une raison de fond : le magnétophone n'a pas de personnalité. 2° une raison de forme : -- qui découle de la précédente -- les formalités de

886

.

l'enquête ne sont pas respectées

149. La différence entre la mise sur écoute téléphonique et l'enregistrement vocal d'une personne. M. Jean-Claude Georgin définit le magnétophone comme « une machine qui se contente de reproduire les paroles imprimées sur la bande sans essayer d'en comprendre ni

887

d'en interpréter le sens ». Il y a toujours eu confusion entre les écoutes téléphoniques et l'enregistrement des conversations. Toutefois, il faut faire la distinction entre eux d'une manière précise. En effet, l'écoute est pratiquée sur une conversation téléphonique, que ce soit à partir d'un téléphone fixe ou d'un téléphone cellulaire (mobile). Quant à l'enregistrement secret des conversations, ceci ne peut être qu'en mode audio, en plaçant un magnétophone dissimulé pour enregistrer la voix du locuteur, et peut aussi inclure l'enregistrement audio et

888

image à l'insu de l'intéressé par une caméra cachée. Il est possible d'utiliser la conversation interceptée, après son enregistrement sur un support magnétique, comme preuve vocale, ressemblant à l'enregistrement vocal du point de vue forme. Mais il y a un problème fondamental: l'enregistrement sur bande magnétique n'est qu'un enregistrement d'une conversation interceptée. Y a-t-il donc une différence entre eux en termes de légalité de la preuve pénale résultant de ces deux méthodes ? Il faut aussi faire une distinction entre les écoutes et l'enregistrement audio d'une part, et la base de données relative aux communications téléphoniques, d'autre part. En effet, cette base de données n'a rien à voir

884 P. Mimin, « La preuve par magnétophone », in JCP G., 1957, Doctrine (1370).

885 J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 70.

886 J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 70.

887 J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 71.

888 V. A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n°2, Avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p. 753 : écoutes privées : « A l'aide d'appareils divers (micro, dérivations, etc.) ».

889

avec le contenu des appels téléphoniques, et ne comprend pas des enregistrements audio des conversations téléphoniques. C'est donc une chose totalement différente de l'écoute, car, par principe, elle ne porte pas atteinte directement aux libertés individuelles et à la vie privée des

individus

890

. Toutefois, il vaut mieux que le législateur réglemente la manière d'obtenir les

210

données téléphoniques et détermine avec précision ceux qui ont le droit d'obtenir ces informations, ainsi que ceux ayant le droit de contrôler la légalité et la manière d'accéder à ces informations et enfin ceux qui en autorisent l'accès.

A. Enregistrement des déclarations des accusés à leur insu au moyen d'un magnétophone.

150. La légalité de la preuve par un enregistrement audio. L'enregistrement audio signifie

891

l'enregistrement des sons au cours d'une conversation privéeen utilisant un appareil d'enregistrement vocal destiné à enregistrer les sons sur des bandes qui peuvent être réservées

892

pour être entendues plus tard, à tout moment. Un différend surgit dans la doctrine sur la légalité de l'utilisation de l'enregistrement audio. L'enregistrement des aveux et des déclarations des accusés en leur connaissance lors de l'enquête par un magnétophone est un acte légal et contre lequel nous n'avons pas d'objection, tant que la loyauté et toutes les garanties ont été prises en considération, pour confirmer la validité de ces enregistrements et écarter tout doute, et aussi pour que l'accusé admette ces enregistrements et ne les conteste

889 V. sur ce point en droit français: A. Chavanne, « Les résultats de l'audiosurveillance comme preuve pénale », in R.I.D.C., Vol. 38 n° 2, avril-juin 1986, pp. 749-755, V. spec. p. 751 : « La Cour de cassation française s'est prononcée sur ce point dans un arrêt du 4 janvier 1974 interprété par a contrario. Il précise qu'est légal -- dans une affaire de persécution téléphonique -- la pose d'un appareil ayant pour but et pour résultat non d'intercepter les communications téléphoniques mais de déterminer l'origine des appels et d'en identifier l'auteur ».

890 V. sur le repérage téléphonique et la localisation des télécommunications : M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 323 : « Le repérage et la localisation des télécommunications visent des situations différentes : le repérage permet d'identifier les données d'appel de moyens de télécommunication à partir desquels ou vers lesquels des appels sont adressés ou ont été adressés (sans pour autant prendre connaissance de leur contenu, ce qui est le propre de l'écoute téléphonique), tandis que la localisation des télécommunications permet de déterminer leur origine et leur destination ».

891 V. en ce sens : J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 106 : « Les paroles enregistrées doivent avoir été prononcées au cours d'une conversation privée, leur auteur ne pouvant se plaindre de leur divulgation si elles ont été prononcées en public ».

892 V. J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 82 : « L'enregistrement magnétique porte la marque de son auteur, empreinte qui est alors le timbre de sa voix ; par répétition, il fait revivre dans le temps une conversation entre plusieurs personnes, dont les paroles ne constituent plus une simple présomption, mais en quelque sorte véritablement un aveu intégral d'une exactitude supérieure à tout autre ».

211

893

pas. Selon M. Mustapha Awji, il n'y a pas d'objection légale qui empêche le juge d'instruction d'enregistrer les interrogatoires sur une bande, à condition que l'interrogé soit mis au courant de cet enregistrement. Mais ce qui empêche l'utilisation de ce procédé, et qui n'est pas permis, c'est enregistrer secrètement les communications, sauf dans la limite

894

.

autorisée par la loi. Généralement cet enregistrement est effectué à travers le téléphone

Mais la question ayant soulevé un désaccord est l'étendue de la légalité des enregistrements des déclarations et des communications des accusés à leur insu. Le problème le plus complexe est d'enregistrer ces admissions par des personnes extérieures à l'enquête, comme des parties privées de l'action publique, ou des tierces personnes, et ce, avec ou sans la connaissance et le consentement de la personne qui parle. M. Mustapha Awji estime à cet effet qu'il n'y a aucun empêchement juridique pour que le juge d'instruction procède à l'enregistrement de l'interrogatoire sur une bande, à condition que l'interlocuteur soit mis au courant de cette procédure d'enregistrement.

151. L'orientation de la juridiction et de la jurisprudence sur le problème de légalité de l'enregistrement audio. Il y a un point de vue qui affirme que l'enregistrement audio, fait d'une manière furtive et pris en considération, ne constitue pas une procédure invalide, à condition que cet enregistrement n'ait pas été fait en violation de la loi, par exemple, effectuer un enregistrement dans un domicile où on est entré sans autorisation préalable. Ce point de vue est justifié par le principe de la conviction personnelle du juge, puisque l'aveu obtenu par

cette méthode est soumis à l'appréciation du juge, qui peut l'accepter ou le rejeter 895 . Il est indéniable que la doctrine et la jurisprudence pénale égyptiennes ont exercé une influence remarquable sur le droit libanais en matière pénale parce que plusieurs pénalistes égyptiens ont enseigné au Liban le droit et la procédure pénale dans les facultés de droit libanaises et ils ont contribué à la création des oeuvres de droit pénal général, de droit pénal spécial et de procédure pénale, notamment M. le professeur Mahmoud Najib Hossni, Mme le professeur Fawzia Abdel-Sattar, M. le professeur Soulayman Abdol-Miniin et M. le professeur Ali Abdel-Kader Kahwaji. La seconde opinion a été exprimée par le système judiciaire égyptien

893 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 363.

894 V. en langue arabe : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p. 187.

895 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 363.

212

dans un procès célèbre de contrebande, connu sous la dénomination « procès Al-Homsi », qui est un cas de contrebande où ont été accusés : Rizkallah Homsi -- directeur de la banque de Homs -- et Sobhi Maghrébi. Cette affaire se résume par le fait que l'enquête a révélé un trafic d'argent de l'Égypte vers l'extérieur (contrebande de fonds), et que ces deux accusés faisaient partie de la contrebande. À cet effet, les enquêteurs ont envoyé un informateur au premier pour le rencontrer - après avoir gagné sa confiance -- dans une pièce de la banque où ils ont eu une conversation concernant les conditions de réalisation d'une opération de contrebande de fonds. De ce fait, lorsque les deux accusés ont comparu devant la Cour, la conversation enregistrée était l'un des éléments de preuve invoqués dans l'enquête pour prouver le crime, à ce moment la controverse a éclaté au sujet de la légalité de recourir à cette méthode pour démontrer la légalité de la preuve provenant de cet enregistrement. Dans son jugement, la Cour a négligé la preuve délivrée par l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement caché, considérant qu'il s'agit là d'un acte contraire aux règles de l'éthique, inacceptable par les règles de liberté garanties par toutes les constitutions, et ce n'est qu'un espionnage fait par une autre personne qui s'est introduite en cachette pour écouter les conversations, puis apparaît plus tard sous la forme d'un autre témoin, ce qui est incompatible avec la protection des droits

896

et libertés. Les partisans de ce point de vue entendent conférer la validité juridique à cette méthode et la recevabilité des preuves qui en découlent si les conditions légales requises pour la surveillance des appels téléphoniques sont rencontrées, c'est-à-dire s'il y a une infraction commise, une enquête ouverte, une autorisation délivrée par le juge, et si l'utilisation de l'appareil d'enregistrement est faite avec la connaissance de l'enquêteur. Quant au troisième point de vue, qui est le plus probable, les partisans de ce point de vue estiment qu'il y a une grande différence entre l'enregistrement clandestin et la surveillance des communications téléphoniques, car dans le dernier cas, on commet une atteinte aux droits de l'homme, et notamment le droit au secret de la correspondance, l'un des droits universels garantis par les constitutions, comme la liberté individuelle, la liberté d'opinion et d'expression, la liberté de presse, d'impression, d'édition, et la liberté de réunion. Toutefois, ces droits ne sont pas absolus, ils ont été restreints par la loi. Il y a aussi des droits absolus, sans restriction, garantis par la constitution, on distingue : le droit de la défense -- que ce soit personnellement ou assisté par un avocat -- ainsi que le droit à la liberté de croyance. À cet effet, l'enregistrement clandestin viole les droits de la personne, le droit au respect de sa vie privée, est un droit absolu parmi les droits naturels de l'homme, que les constitutions n'ont pas parfois besoin de

896 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 364.

mentionner. Ce droit a été énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de

897898

1948, dans son article 12. Par conséquent, l'enregistrement d'une manière secrète est considéré comme une procédure invalide, même s'il a été autorisé par le juge d'instruction, si elle permet l'introduction dans la vie privée et l'intimité de la personne. Cela signifie que l'enregistrement subreptice est effectué dans un endroit privé où l'individu croyait être à l'abri de toute écoute, telle que les conversations qui ont lieu dans la maison, le bureau ou la voiture privée. Mais si l'enregistrement a eu lieu sans violer le droit à la vie privée, par exemple dans un lieu public, les preuves qui en résultent deviennent valables, tant que la personne a, elle-même, révélé son secret et divulgué son intimité dans un lieu public et au vu et au su de toutes

899

les personnes présentes. En France, Mme Haritini Matsopoulou souligne qu' « une bande magnétique peut faire l'objet de coupures ou de repiquages. Il est possible, dès lors, d'accoler

900

une réponse à une question différente, comme on peut ajouter, déformer ou dénaturer »et considère qu' « ... il est choquant que des propos tenus en privé puissent être enregistrés, puis ultérieurement produits en justice. Comment peut-on admettre que l'entrée dans un lieu privé soit soumise à des règles précises, tandis que la captation des paroles pourrait se faire à

l'insu des personnes »

901

. La protection de la vie privée a poussé le législateur français à

213

intervenir par la loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens « Il faut bien reconnaître que depuis la loi du 17 juillet 1970, tendant à protéger l'intimité de la vie privée, se trouve interdit, sous sanctions pénales, l'enregistrement des conversations ou discours prononcés dans des lieux privés sans le consentement des

902

intéressés ». Donc, en droit francais, il est strictement interdit d'enregistrer la voix d'une personne sans son autorisation. Cependant, la juriprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française considère que « des enregistrements audio, réalisés par un particulier à l'insu de la personne concernée, ne sont pas en eux-mêmes des actes ou pièces de l'information au sens de l'article 170 du code de procédure pénale et comme tels

897 L'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme dispose: « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

898 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 365.

899 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 365.

900 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 897, pp. 724-725.

901 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 897, p. 725.

902 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 897, p. 725.

214

susceptibles d'être annulés mais constituent des moyens de preuve qui peuvent être discutés

903

contradictoirement ».

B. L'utilisation de la bande magnétique dans le domaine pénal.

152. La légalité de l'utilisation de la bande magnétique. Mme Fawzia Abdel-sattar souligne qu'il est permis à l'officier de la police judiciaire d'utiliser cet appareil comme moyen de sauvegarde du contenu d'une conversation, ayant le rôle d'un procès-verbal dans lequel sont inscrits les propos du suspect. Il est requis que l'enregistrement ne soit pas effectué

904

par le biais d'une ruse ou violation de domicile, et que l'individu enregistré le reconnaisse. Selon l'avis de Mme Fawzia Abdel-sattar, la valeur de cet enregistrement consiste à renforcer des preuves fondées en possession du juge, mais on ne peut pas le considérer comme preuve fondée en soi car la voix enregistrée pourrait ne pas être la voix de l'accusé, et faire l'objet de manipulations telles que la censure de certains propos ou le découpage de certains passages et leur reconstitution de manière à modifier le contenu et le sens que contient l'enregistrement

original905. Dans le domaine pénal, selon le Code de procédure pénale libanais, le président de la Cour criminelle, qui est l'équivalent de la Cour d'assises en droit français, peut ordonner ou permettre l'enregistrement de l'audience devant la Cour criminelle par un moyen adéquat. Ceci à notre avis n'a aucun rapport avec la question de l'enregistrement vocal comme preuve que les lois pénales libanaises ont occulté. Cependant, le Code de procédure civile libanais est un texte général applicable au cas non expressément définis et notamment pour combler un vide procédural. Il faut appliquer ici le texte de l'article 217 du Code de procédure civile libanais qui réglemente la question de l'utilisation de la bande magnétique qui contient la voix enregistrée. Cet article prévoit qu'« il est permis d'extraire un aveu non juridique de la déclaration de l'adversaire enregistré avec sa connaissance sur enregistrement magnétique. Dans le cas où l'adversaire dément sa déclaration, le juge peut recourir à expert pour examiner la voix ». Il est évident que, si la personne enregistrée doit accepter la bande magnétique sur laquelle sa voix est enregistrée, il faut d'abord qu'elle soit au courant de la procédure d'enregistrement. Ensuite, dans le cas où la voix lui appartient, le juge peut mandater un expert pour examiner la voix pour que le juge puisse statuer sur le démenti de

903 Cass. crim., 7 mars 2012, B.C., n° 64.

904 V. en langue arabe : F. Abdel Sattar, Interprétation du code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1975, n° 329, pp. 374-375.

905 V. en langue arabe : F. Abdel Sattar, Interprétation du code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1975, n° 329, p. 375.

215

l'individu à cette voix. Mais que signifie la déclaration de l'adversaire enregistrée à sa connaissance ? Cela veut-il dire avec son consentement ? Premièrement, tout enregistrement forcé est absolument rejeté. Deuxièmement, à sa connaissance veut dire que l'individu était au courant de l'enregistrement de sa voix et ne s'y est pas opposé. Fondamentalement, si l'individu reconnaît que la voix de l'enregistrement lui appartient et a eu lieu sans contrainte cela ne crée aucun problème. Nous précisons sans contrainte, une condition évidente que nous ajoutons à l'article qui l'a omis. Il est à souhaiter que le législateur libanais ajoute cette condition au texte de l'article car cela n'a pas de signification que l'individu soit au courant de l'enregistrement de sa voix si cela ne s'associe pas à son acceptation de cette preuve. Car l'individu peut savoir que sa voix est enregistrée mais ne peut empêcher la procédure même s'il en est au courant. Mais le vrai problème survient lorsque l'individu prétend ou affirme que l'enregistrement a eu lieu subrepticement et à son insu, ou encore qu'il le savait mais n'était pas consentant. Comment pourra-t-on alors prouver le contraire et la charge de la preuve fondamentale repose-t-elle sur l'individu jusqu'à la preuve du contraire ? Des questions difficiles et compliquées que la brièveté du texte de l'article 217 du Code de procédure civile

906

libanais nous oblige à poser. Nous voyons sous l'égide de la formulation stérile actuelle du texte qu'il n'est pas permis au juge de considérer que l'individu auteur de la voix enregistrée sur la bande était au courant de l'enregistrement tant que cet individu n'a pas reconnu ouvertement et clairement qu'il en était au courant, à moins que le juge ne tombe sur une preuve formelle et sans équivoque que cet individu ment et qu'il était au courant de la procédure d'enregistrement avant et durant son interrogatoire et pas après. M. Elias Abou-Eid estime que le recours à l'enregistrement par la coercition est catégoriquement rejeté. Il est selon son avis considéré comme inexistant, et ce qui est entendu par coercition dans le discours de M. Elias Abou-Eid c'est une coercition manifestée par la violence physique sur l'individu dont le discours est enregistré ainsi que la coercition morale. Il ajoute à cela l'enregistrement obtenu par l'exploitation d'une situation personnelle de l'individu tel que l'état d'ivresse, ou un enregistrement obtenu lors d'une forte réaction. Tous les cas qui viennent d'être cités selon M. Elias Abou-Eid constituent des cas et des circonstances qui

907

rendent illégal le moyen d'obtenir ces déclarations. Mais M. Elias Abou-Eid ici n'a pas

906 V. sur ce point : J.-C. Georgin, Les procédés modernes de preuve, Thèse de droit, Université de Paris, 1962, p. 85 : « Le magnétophone reproduira bien les propos échangés au cours d'une conversation, mais il ne nous fera jamais savoir, si cette personne avait ou non connaissance de cet enregistrement et surtout, si elle savait qu'il serait ultérieurement utilisé comme moyen de preuve contre elle. Il y aura toujours de sérieux doutes sur cet élément intentionnel de l'aveu ».

907 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, La théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile, Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 338, pp. 386-387.

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expliqué la notion ou ce qu'il entend par la coercition morale. M. Elias Abou-Eid affirme encore que contrairement à ce qui précède, les autres cas ordinaires dans lesquels les enregistrements des discours s'effectuent doivent être considérés comme légaux si l'on s'appuie sur le principe selon lequel dans le domaine pénal la preuve peut être obtenue par

908

divers moyens. Il est donc nécessaire de préciser la notion de coercition morale en matière d'enregistrement vocal afin de préciser les limites d'applicabilité de cette méthode.

153. Décision pénale du juge unique pénal de Kesrouan (droit libanais)909. Le juge unique pénal de Kesrouan910 dans la résolution n° 66/99 datant du 10/03/1993, dans l'affaire Abou Eid contre Saliba, précise que principalement, l'usage des bandes d'enregistrement de manière générale comme moyen de preuve est confronté à divers obstacles. D'une part l'enregistrement est souvent effectué à l'insu de l'individu, un deuxième obstacle concerne la force probante de la preuve de la bande enregistrée même avec la connaissance de l'individu, puis que son contenu ne doit être compris que dans le cadre qui l'a engendré. D'autre part, on ne peut pas garantir que le discours enregistré n'a pas fait l'objet de manipulations par son découpage et sa reconstitution, particulièrement si l'on tient compte de la sophistication de l'appareil et de ses accessoires ; ce qui suppose que l'intégration de l'appareil dans le domaine de la preuve de manière générale basée sur la conviction personnelle du juge qui est une personne devrait être considérée avec prudence. Cela en sachant que la Cour est consciente de ce que l'article 217 du Code de procédure civile prévoit la validité du prélèvement non judiciaire d'un aveu de la déclaration de l'adversaire, enregistré à sa connaissance sur une bande magnétique, ceci en rappelant que la bande présentée dans cette affaire a été enregistrée à l'insu de l'accusée, comme indiqué dans la plainte. Cette Cour, en précisant les principes cités plus haut, a auditionné plusieurs fois la bande enregistrée, et en vertu de ce que la loi lui confère comme droit pour estimer et apprécier les moyens de preuves, l'a trouvée incohérente d'une part, et par conséquent le juge a décidé ne pas le prendre en considération et par digression, la Cour n'y a trouvé aucune preuve que l'accusée ait effectué une manoeuvre frauduleuse constituant le délit de fraude dont elle est accusée.

154. Réflexion critique sur la motivation de la décision pénale du juge unique pénal de Kesrouan (droit libanais). Là, on constate que le juge a fait une très grave erreur et le moins

908 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, La théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile, Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 338, pp. 386-387.

909 Le Kesrouan est un des cazas (divisions administratives) de la subdivision du Mont Liban au Liban.

910 Le President Maroun Zakhour.

217

que l'on puisse dire sur ce rapport est qu'il est l'exemple de l'erreur flagrante vu l'écart logique, idéologique et juridique qu'il comporte. Premièrement, le juge précise que la Cour est consciente de ce que l'article 217 du Code de procédure civile prévoit la validité du prélèvement non judiciaire d'un aveu de la déclaration de l'adversaire, enregistré à sa connaissance sur une bande magnétique. La bande présentée dans cette affaire a été enregistrée à l'insu de l'accusée, comme indiqué dans la plainte par les plaignants, c'est-à-dire sur la base de leurs déclarations. Le juge devait donc s'arrêter là et refuser l'écoute de l'enregistrement, en raison du fait prouvé que l'auteur de la voix n'était pas au courant de l'enregistrement, par conséquent, la condition de l'écoute par le juge de cet enregistrement est éliminée et il ne peut nullement invoquer la liberté de conviction du juge dans l'estimation et l'appréciation des preuves d'inculpation car les lois ont clairement prévu un moyen précis et des conditions précises pour accepter cette preuve et qui ne se pressentent pas dans ce cas. Il fallait donc négliger ou refuser d'écouter cette preuve en raison de son illégalité sans s'introduire dans son contenu et son argumentation. Nous croyons que le juge unique pénal de Kesrouan a commis une violation par refus d'application de la loi ou que le juge a violé la loi par fausse application, précisément des conditions prévues par l'article 217 du Code de procédure civile concernant l'admission de l'enregistrement vocal sur bande.

155. Position de la Cour d'appel par rapport au jugement proclamé par le juge unique pénal de Kesrouan (droit libanais). La Cour d'appel des délits du Mont-Liban a observé une position totalement différente en adoptant une preuve fondée sur l'enregistrement sonore magnétique et l'a prise en considération dans sa délibération n° 128/96 datant du 20/03/1996

911

qui cite: « Ce qui renforce la conviction de la Cour est cette conversation enregistrée sur cassette, présentée dans le dossier, entre Samia et Latifa Saliba (intimée) qui reconnaît clairement que l'appelant Samir est propriétaire de l'appartement objet du litige. Si l'on admet de manière generale l'avis exprimé par la doctrine et la jurisprudence selon lequel l'interdiction de recourir aux enregistrements comme unique preuve sur laquelle se baserait le juge pour constituer sa conviction, néanmoins, il en irait autrement, comme dans la présente affaire, lorsque cette preuve vient en renforcement et appui à d'autres preuves »

On s'aperçoit ici que la Cour a contourné la raison et justifié son acceptation de l'enregistrement audio comme preuve de façon illogique, puisqu'elle reconnaît avoir accepté l'enregistrement audio parce qu'il n'est pas l'unique preuve dans l'affaire et non parce qu'il vient comme preuve renforcer le reste des preuves. Ce qui signifie que la Cour reconnaît que

911 La Cour d'appel des délits du Mont-Liban qui était constituée du Président Abdellatif Al Huseini, Fayez Matar et Ghada Aoun et qui a examiné la même précédente affaire.

218

les preuves disponibles, si l'on écarte l'enregistrement audio, avaient placé la conviction de la Cour dans le doute sur la culpabilité de l'accusée, car la Cour n'était parvenue à la certitude pour statuer sur la condamnation qu'en s'appuyant sur la preuve vocale qui a influencé cette conviction et converti le doute en certitude, sachant que le doute allait être interprété en faveur de l'accusée. De ce fait, l'enregistrement vocal qui est un élément de preuve illégal a servi pour dresser un jugement de condamnation et cela est contraire au principe de la légalité de la preuve. Ce jugement est basé sur une preuve illégale et la position de cette Cour est totalement inacceptable parce qu'elle s'oppose clairement au texte de l'article 217 du Code de procédure civile applicable obligatoirement dans ce cas.

156. Position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise. La chambre criminelle de la Cour de cassation a accepté le moyen d'enregistrement magnétique vocal

dans l'arrêt n° 144/97 datant du 03/06/1997 912 : « La Cour précise d'abord le principe suivant : contrairement au Code des dispositions civiles qui s'occupe de plus en plus des formalités, elle n'accepte pas durant les discussions devant la justice certains moyens de preuves, car les dispositions pénales sont régies par le principe de liberté des preuves comme conséquences directes dérivant du principe de conviction personnelle qui prévaut dans les dispositions pénales visant à découvrir la vérité et y accéder quel que soit le moyen, sauf dans les cas cités par la loi autrement, ou à travers des moyens spécifiques. S'il y a des limites et des exceptions à ce principe, cela n'affecte pas les bandes magnétiques car les tribunaux ont tendance à les adopter et si elles ne les considèrent pas comme aveux, elles font au moins office d'indices que l'on ajouterait au reste des indices qui pourraient contribuer à constituer une conviction. Lorsque le Code des dispositions des jugements civils libanais fut établi, et contrairement à ce que cite le sujet en appel, elle pourrait dépasser ces limites, car selon l'article 217 du Code de procédure civile il est permis de prélever un aveu non judiciaire de la déclaration de l'adversaire enregistrée dans une bande magnétique. Il s'avère que la situation est telle que décrite n'empêche pas de prendre le contenu de l'enregistrement comme moyen de preuve à ajouter au reste des moyens. La Cour précise aussi d'autre part, que cette tendance est susceptible de renforcer le fait que le sujet en appel aurait reconnu ouvertement finalement le contenu de cet enregistrement et son déroulement entre elle et la défunte Samia. Cette reconnaissance deviendrait incompatible avec son rejet de l'enregistrement et ce rejet serait déplacé du point de vue juridique. Sur la base de ce qui précède l'objection du côté du sujet en appel, à la bande d'enregistrement est rejetée et il

912 La Cour de cassation libanaise, sa septième chambre criminelle, constituée du président Ahmed Almouallem et les deux conseillers M. Elias Nammour et M. Nouhad Mourtadha.

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serait préférable d'accepter cet enregistrement comme moyen de preuve à ajouter au reste des moyens ». Nous trouvons dommage ce genre de dérive intellectuelle juridique à laquelle est arrivée la Cour de cassation libanaise dans cette décision. Nous déplorons l'établissement d'une telle décision par la plus haute Cour du Liban vu la valeur de cette Cour et nous rejetons sa position. Dans tous les cas où il y a un texte de loi clair, la jurisprudence n'a pas le droit d'apprécier et d'interpréter faussement la situation. D'abord, lorsque la Cour s'appuie ouvertement sur le texte de l'article 217 du Code de procédure civile en le désignant comme la référence générale des procédures pénales en cas d'absence d'un texte dans le Code de procédure pénale, la Cour de cassation doit se conformer à la lettre au contenu de l'article 217 de procédure civile, car il ne faut pas innover avec la lettre claire du texte. Donc, parler de formalités dans la preuve civile et la libération dans la preuve pénale est une partie des innovations injustifiées et regrettables de la Cour de cassation. L'enregistrement audio est un aveu non judiciaire, il est soumis dans ses preuves aux règles générales des preuves dans le Code de procédure civile parce qu'il y a un vide juridique dans ce genre de preuve en matière pénale. Quant au dire selon lequel « les dispositions pénales sont régies par le principe de la liberté des preuves comme conséquences provenant du principe de conviction personnelle qui domine les procédures pénales » ceci n'a aucun rapport avec le texte et les conditions spécifiées demandées par le législateur pour accepter un élément de preuve acquis à l'aide d'enregistrement par magnétophone. Le juge pénal ne peut pas écarter un texte législatif. Le juge est tenu de respecter les textes législatifs qui émanent du législateur et s'imposent au juge. Car la volonté du législateur est plus forte que la liberté du juge pénal d'apprécier la preuve et ce jugement est en contradiction avec le principe de séparation des autorités entre l'autorité juridique et l'autorité législative. Quant au dire selon lequel : « et son objectif est de découvrir la vérité et y accéder quels que soient les moyens » ceci est vraiment dommage qu'il provienne des hauts magistrats et d'une Cour suprême telle que la Cour de cassation. « Quels que soient les moyens » implique la torture, la coercition, la violation des libertés individuelles et la violation de la vie privée. Par conséquent, en quoi aurions nous besoin d'un Code qui régit les procédures pénales tant qu'il se base sur le principe de «, quels que soient les moyens », selon le point de vue de la Cour de cassation libanaise. Et nous demandons à cette Cour quelle est l'utilité des Codes procéduraux ? Et à quoi servent le principe de la légalité procédurale et la légalité de la preuve et les droits de défense ? Et quel est leur rôle dans la procédure pénale ? Quant au dire de la Cour selon lequel « sauf dans les cas cités par la loi contrairement à cela ou par des moyens spécifiques, s'il y a des limites et des exceptions à ce principe, celles-ci n'affectent pas les bandes magnétiques », nous interrogeons la Cour : l'article 217 du Code de procédure civile ne représente-t-il pas en lui-même ces limites et

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exceptions citées par la loi ou même un moyen spécifique tel que vous l'avez mentionné ? Et qui vous a donné le droit d'affirmer que ces exceptions n'affectent pas les bandes d'enregistrement ? Le texte n'est-il pas clair dans l'article 217 du Code de procédure civile ?

157. L'utilisation d'un magnétophone pour enregistrer la voix en droit français. D'abord il faut bien faire attention que l'un des interlocuteurs peut utiliser le magnétophone pour enregistrer une conversation téléphonique. On ne peut considérer l'enregistrement comme une écoute téléphonique. « L'enregistrement de son téléphone par un particulier est un moyen de défense ; pour un policier c'est un acte d'enquête ou d'instruction qui doit être réalisé en

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conformité avec la législation ». La justice peut autoriser le placement de caméras et de

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micros-espions dans les lieux privés afin de faciliter la recherche des preuves lorsque

l'infraction relève de la criminalité organisée. L'usage du magnétophone en justice ne cesse de

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soulever des questions concernant la légalité de ce moyen. Il faut rappeller à ce sujet, qu'avant la loi Perben II qui a légalisé la sonorisation de lieux privés et l'enregistrement de conversations privées, cette procédure spéciale était faite et appliquée en pratique sans texte ou base légale claire et précise contrairement au sens de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et contrairement à l'interprétation donnée à cet article par la jurisprudence constante de la Cour de Strasbourg. Comme l'indique M. Jean-Christophe

916

Saint-Paul : « Reconduisant la même approche qu'en matière d'écoutes téléphoniques », et pour justifier la régularité de ces actes de procédure concernant la sonorisation de lieux privés et l'enregistrement de conversations privées, la chambre criminelle de la Cour de cassation française a eu recours à l'article 81, alinéa 1, et 151 et 152 du CPP français pour fournir une

913 G. Accomando et Ch. Guéry, « La sonorisation : un mode légal de preuve ? », in D., 2002, p. 2001.

914 V. L. Viau, « La surveillance vidéo et le droit à la vie privée au Canada et au Québec : l'impact des chartes des droits et l'exclusion de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 52, n° 3, Juillet-septembre 2000, pp. 581-603, p. 582 : « Avec les progrès technologiques qui amènent notamment une miniaturisation des caméras de surveillance, la vie privée des gens est de plus en plus menacée. Non seulement les policiers ont-ils recours à cette méthode d'enquête, mais des employeurs embauchent des détectives privés pour procéder à la filature de leurs employés lorsqu'ils les soupçonnent de conduites qui dénotent un manque de loyauté à leur endroit ».

915 V. sur la légalité de la sonorisation : G. Accomando et Ch. Guéry, « La sonorisation : un mode légal de preuve ? », in D., 2002, p. 2001 : « La sonorisation est un moyen de preuve peu utilisé en France. Les praticiens s'interrogent sur sa légalité. L'analyse de la jurisprudence, apparemment contradictoire, nous invite cependant à considérer comme licite l'usage de micros d'ambiance dès lors qu'il est ordonné par un juge d'instruction et que le principe de la loyauté des preuves est respecté ».

916 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 13.

couverture légale formelle à ses actes de procédure malgré leur illégalité flagrante

917

. « Par

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application des articles 81, alinéa premier, 151 et 152 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction peut prescrire par commission rogatoire, en vue de la constatation des infractions, la captation, la transmission et l'enregistrement de conversations privées, autres que des communications téléphoniques, pourvu que ces mesures aient lieu sous son contrôle

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et dans des conditions ne portant pas atteinte aux droits de la défense». La loi Perben II

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donne la possibilité à la police d'écouter et filmer les particuliers à leur domicile. Donc, la

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loi Perben II prévoit conformément à l'article 706-96 du CPP françaisqu'en plus de ces écoutes téléphoniques, les juges pourront faire installer chez les suspects des caméras et des

de

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micros-espions dans la nécessité d'accroître l'efficacité de la recherche des preuves

certaines catégories d'infractions graves mentionnées dans l'article 706-73 du CPP français. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation est rigoureuse dans l'application de l'article 706-96 du CPP français. « Il résulte des articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale que le juge d'instruction qui décide de faire procéder à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, fixation, transmission et enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes, à titre privé ou confidentiel, ou de l'image de personnes se trouvant dans un lieu privé, doit, non seulement rendre une ordonnance motivée autorisant ces opérations,

917 V. J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 13: « Cette jurisprudence contraire à l'interprétation européenne de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l'homme (Conv. EDH) est heureusement caduque dès lors que la sonorisation d'un lieu privé est désormais explicitement envisagée dans des conditions restrictives par les articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale ».

918 Cass. crim., 23 novembre 1999, B.C., n° 269, p. 840.

919 P. Poncela, « Le combat des gladiateurs. La procédure pénale au prisme de la loi Perben II », in Droit et Société, 60/2005, p. 475.

920 L'article 706-96 du CPP français dispose : « Lorsque les nécessités de l'information concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut, après avis du Procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. Ces opérations sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction ».

921 V. M. Murbach, Les pouvoirs d'investigation en droit français. Essai d'une théorie générale, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2010, p. 367 : « La sonorisation et la captation d'images permettent comme la vidéosurveillance d'enregistrer et de consulter des données périmétriques. Ces deux catégories typologiques se distinguent par le fait que la vidéosurveillance s'applique dans des lieux publics pour enregistrer à titre proactif tout ce qui passe dans une zone. La sonorisation et la captation d'images vont principalement s'opérer dans un lieu privé, dans un cadre réactif et de façon clandestine, pour rechercher des éléments probatoires relatifs à un trouble à l'ordre public ciblé et des personnes déterminées ».

mais également délivrer une commission rogatoire spéciale aux officiers de police judiciaire

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qu'il désigne pour y procéder ». La loi Perben II légalise et autorise l'usage des micros ou des caméras qui pourront être posés dans des lieux privés (sonorisations et fixation d'images)

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au domicile des personnes suspectes, sur leur lieu de travail ou dans leur véhicule

. En ce qui

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concerne l'instauration de ces nouveaux outils non traditionnels comme moyens de recherche de preuve, Mme Julie Alix souligne qu'« outre les moyens d'investigation traditionnels, la récente intégration du terrorisme au sein de la criminalité organisée a pour conséquence de lui rendre applicable l'ensemble des nouveaux moyens d'investigation instaurés, en particulier la faculté de sonoriser les lieux privés. En offrant au magistrat instructeur la faculté de capter des sons ou des images provenant de lieux clos ou des véhicules, le législateur poursuit l'évolution vers l'utilisation de moyens de preuves qui, parce qu'ils s'effectuent à l'insu des personnes qu'ils concernent, sont potentiellement très efficaces - d'autant plus que, s'agissant des sonorisations, la mesure, si elle doit être renouvelée tous les

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quatre mois, n'est pas limitée dans le temps, tout comme l'instruction préparatoire ». À l'exception des professions protégées par l'article 56-1, 56-2 et 56-3 du CPP français comme dans les locaux d'une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle, les médecins, avocats, notaires ou huissiers, les décisions de sonorisations et de fixations d'images de

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certains lieux ou véhicules doivent remplir certaines conditionset elles sont prises pour une

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durée maximale de quatre mois, renouvelable si les mêmes conditions sont remplies. De surcroît, la loi exige le respect de certaines formes procédurales dans l'application des opérations de sonorisation et de fixation d'image dans certains lieux ou véhicules comme le

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procès-verbal de chacune des opérationset les opérations de destruction des

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enregistrements sonores ou audiovisuels.

922 Cass. crim., 13 fevrier 2008, B.C., n° 40, p. 149.

923 V. A. Maron et M. Haas, « Quand les murs ont des oreilles sourdes », in Droit pénal n° 3, Mars 2009, comm. 43: « Les murs peuvent maintenant avoir des oreilles, pourvu que leur implant ait été autorisé conformément aux dispositions des articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale ».

924 J. Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010, n° 468, p. 377.

925 L'article 706-97 du CPP français dispose : « Les décisions prises en application de l'article 706-96 doivent comporter tous les éléments permettant d'identifier les véhicules ou les lieux privés ou publics visés, l'infraction qui motive le recours à ces mesures ainsi que la durée de celles-ci ».

926 L'article 706-98 du CPP français dispose : « Ces décisions sont prises pour une durée maximale de quatre mois. Elles ne peuvent être renouvelées que dans les mêmes conditions de forme et de durée ».

927 L'article 706-10 du CPP français dispose : « Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations de mise en place du dispositif technique et des opérations de captation, de fixation et d'enregistrement sonore ou audiovisuel. Ce procès-verbal mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée. Les enregistrements sont

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard