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Responsabilité pénale des anciens présidents de la république pour les faits commis pendant l'exercice de leurs fonctions en rdc.


par Aaron Mayombo Mupoy
Université de Likasi - Licence en droit, département droit privé et judiciaire 2022
  

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§.2 : Procédure

La lecture attentive de la loi organique sur la Cour constitutionnelle donne à voir que le législateur congolais, à l'instar de ses collègues de l'espace juridique francophone, est demeuré dans le droit fil d'une normativité laconique en ce qui est de la procédure. Cent et trois articles, pour pareille juridiction censée gérer au moins dix attributions répertoriées par la loi, paraissent bien minces surtout lorsque l'on se rappelle que le constituant a ouvert la saisine, du moins en certaines matières, aux particuliers.

Si les effets attachés aux arrêts d'inconstitutionnalité et de non-conformité sont détaillés dans la loi organique sous étude, il faut en revanche noter que la procédure devant la Cour se déroule comme devant les juridictions de droit commun où les audiences sont publiques. A ce niveau, la procédure sera écrite et contradictoire. L'on peut déjà saluer l'institution de la chambre restreinte comme mécanisme de filtrage de recours. En effet, de nombreux recours mus par des soucis divers sont de nature à surcharger la Cour pour ce qui est de son travail juridictionnel ; cette chambre restreinte aura donc pour tâche de ne laisser passer que les seuls recours dignes d'être examinés in plenum138(*).

Sur ce registre, il nous semble techniquement difficile à expliquer que le législateur qui a fermé le prétoire aux parties en ce qui est de la postulation en matière de cassation, en exigeant la représentation obligatoire des avocats qualifiés, car il s'agit d'un procès fait à une décision judiciaire, ait omis de le faire en matière constitutionnelle dont la technicité est plus que légendaire139(*).

Il n'y a qu'à suivre des débats houleux et animés que nos chaînes de télévision nous déversent à longueur des journées sur la matière constitutionnelle avec les politiciens et constitutionnalistes de circonstance, pour nous rendre à l'évidence que le prétoire doit être réservé aussi à des spécialistes. De sorte que des requêtes bien présentées, la Cour composée également des spécialistes n'ait à tirer que de la moelle du droit constitutionnel enfin réhabilité.

N'oublions pas au demeurant, comme nous le rappelle la doctrine, que la décision constitutionnelle est le résultat du rapport de constitutionnalité que le juge constitutionnel établit entre la norme contestée et la norme constitutionnelle140(*). Or, l'établissement du rapport de constitutionnalité n'est pas, pour le juge constitutionnel, aussi simple qu'on pourrait le croire à première vue.

Comme l'a montré Jean-Jacques Pardini, il y a une contradiction apparente dans la mise en relation entre l'opération de qualification juridique des faits et le contrôle de constitutionnalité des lois. Alors, en effet, que la première a pour objet d'assurer une relation circulaire entre le droit et le fait - entre ce qui est et ce qui doit être - la seconde, à l'inverse, se limite « en principe» à l'examen des relations entre normes juridiques141(*).

Le « refrain » est connu : le juge constitutionnel ne connaît que le droit, le droit de la Constitution, le droit législatif. Cet auteur démontre que cette contradiction apparente n'est pas. Il propose un essai de systématisation du contrôle opéré par le juge constitutionnel sur la loi en s'efforçant de prouver, décisions à l'appui, que la qualification juridique des faits joue souvent comme une mesure à deux temps : on la trouve dans le contrôle des motifs de la loi et dans le contrôle du rapport moyen-fin tel que déterminé par le législateur. C'est peut-être aussi le lieu de noter que les décisions du juge constitutionnel répondent à une typologie que l'on doit à Thierry Di Manno. Aussi, il nous paraît utile d'anticiper ici cette catégorisation que nous préconisons par ailleurs. Il s'agit de la constitutionnalité précaire. Cette catégorie de décisions constitutionnelles est bien identifiée dans la jurisprudence constitutionnelle italienne, mais ne semblait pas, jusque-là, avoir été clairement repérée dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel français.

Pourtant, ce type de décisions constitutionnelles est bien présent dans les deux contentieux constitutionnels. Les décisions de constitutionnalité précaire sont des décisions par lesquelles le juge constitutionnel délivre un brevet de constitutionnalité précaire à la loi contrôlée lorsqu'un intérêt général justifie, au moment du contrôle, qu'il soit porté une atteinte temporaire aux droits fondamentaux constitutionnellement garantis.

En fait, il existe deux types de décisions de constitutionnalité précaire : les décisions de constitutionnalité provisoire qui n'admettent la constitutionnalité de la loi que dans la mesure où cette loi revêt un caractère temporaire et contingent ; et les décisions d'inconstitutionnalité non déclarée qui reconnaissent l'inconstitutionnalité de la loi contrôlée mais qui ne la déclarent pas en raison de la situation de plus grande inconstitutionnalité qui en résulterait. Ces dernières décisions se traduisent alors par une directive adressée au législateur de réparer lui-même cette inconstitutionnalité reconnue mais non déclarée. Cette technique est de nature à agrandir l'efficience du cours de contrôle de constitutionnalité au Congo.

Nous opinons du reste que l'efficience de la procédure dépend aussi de la qualité de gens de justice en l'occurrence les greffiers et autres huissiers de justice. En effet, la haute Cour ne saurait être mieux outillée du point de vue procédural en l'absence des greffiers compétents. Le législateur organique en chantier semble avoir pris en compte ce souci de doter la Cour constitutionnelle d'un greffe d'une compétence tous azimuts. En effet, il exige du greffier d'être titulaire d'une licence en droit, d'avoir réussi à l'examen d'aptitude professionnelle à organiser par la Cour et avoir, entre autres critères, une expérience utile d'au moins deux ans142(*).

C'est raison pour laquelle les exigences de nomination d'autres membres de la Cour doivent être supérieures à celles posées pour être greffier ; sinon il y aura effectivement problème.

En revanche, lorsqu'il s'agira du contentieux électoral désormais confié au juge constitutionnel, nous pensons que le caractère oral des débats apportera un avantage certain à la justice qui gagnera ainsi en crédibilité et en transparence.

En effet, s'agissant d'un peuple issu tout droit de la civilisation de l'oralité, il est illusoire de ne prendre en compte que les écritures des plaideurs dont la sécheresse émotionnelle est de nature à contribuer à rendre la justice inaccessible à ses destinataires.

Le caractère oral des débats emprunte ainsi à la palabre africaine dont les souvenirs ne sont pas encore totalement évanouis dans l'inconscient collectif des congolais et dont la résurrection du reste envisageable et possible du point de vue technique n'est pas pour déplaire le justiciable congolais.

Le congolais dans son quotidien connaît et pratique la vertu de la parole qui est à la fois incantation et rite de désenchantement. Ainsi, une justice qui se ferait dans l'austérité de l'écrit serait techniquement appréciable mais elle serait privée du même coup de l'aura que confère la parole143(*).

Le constituant lui-même semble avoir compris cela lorsqu'il énonce imperturbablement que les jugements sont prononcés en audience publique.

Par ailleurs, le caractère oral de la procédure ne serait encouragé qu'en matière électorale même si là aussi les écritures auraient toujours un impact sérieux dans le fonctionnement de la Cour. C'est le lieu de fustiger le comportement anarchique de la Cour suprême de justice qui s'est déclarée saisie sur pied des communiqués de presse faits à la radio ou à la télévision entraînant ainsi de façon anormale des recours en tierce opposition qu'elle aurait dû éviter en signifiant les recours à toutes les parties concernées par l'élection attaquée. Comme qui dirait, il y a eu excès d'oralité.

De même, dire comme le fait la loi organique sous revue que le délai de prononcé des arrêts est un délai d'ordre dépourvu ainsi de toute sanction en cas de violation, c'est, à notre sens, encourager la paresse des membres de la Cour qui doivent être à même de rendre des décisions dans les soixante jours sans que l'on doive attendre indéfiniment une justice qui donne ainsi l'impression d'être tirée en longueur et par les cheveux.

Telles sont les conditions préalables à une justice constitutionnelle efficace, efficiente et effective. Pareille affirmation appelle sans conteste un tempérament car l'efficacité d'une institution s'inscrit dans une très complexe relation psychosociologique entre les hommes appelés à assumer les rapports de pouvoir et les destinataires des décisions de ces derniers. En effet, il n'y a pas de génération spontanée ni de juges Melchisédech dont la généalogie commencerait par eux-mêmes. Les juges sont déjà et toujours des congolais ; c'est donc toute la société politique qui doit connaître un saut qualitatif susceptible d'engendrer une véritable révolution des mentalités. Il faut une mue. Mais là aussi, l'exemple vient toujours d'en haut.

Au risque d'élaborer un discours éthique qui, au demeurant, n'est pas très loin de finalités du droit, il convient de prendre conscience de l'existence d'une exigence morale profonde qui fait participer la justice de la divinité.

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Ce recours au discours mythologique occidental qui fonde l'indépendance et l'impartialité des juges ne doit pas occulter l'autre discours mythologique africain bantou qui fait participer les ancêtres à la justice comme une fonction sociale de continuité de la société144(*). Au lieu de venir du Ciel comme la fille d'Ouranos, la justice nègre vient d'en bas. Elle est construite par les hommes pour les hommes mais sous la présence des ancêtres ici représentés par les chefs coutumiers.

Voilà pourquoi la différence des fondements mythologiques et cosmogoniques entraîne une asynchronie mythologique, pour parler comme Jacques Djoli, mais surtout une inadaptation sociale dont le coût est exorbitant pour les populations qui ne se reconnaissent guère dans la justice qui est pourtant rendue, aux dires de la Constitution, au nom du peuple qu'elles constituent. Il est donc essentiel de prolonger la réflexion sur la possibilité de faire participer la population à l'exercice de la justice.

Il n'y a qu'à observer les chants et proverbes du peuple qui rythment et accompagnent les palabres africaines pour comprendre l'incontestabilité des sentences rendues avec sa bénédiction.

CONCLUSION PARTIELLE

Dans le cadre de ce chapitre concernant les pistes de solutions pour une cour constitutionnelle efficace, effective et protectrice des libertés fondamentales, deux section nous a permis de le cerner.

La première s'est articulée sur les pistes de solutions dans le domaine des juges. En ce qui les concernant, la désignation de ces derniers est partagée par les trois organes à savoir : trois juges de la propre initiative du président de la république, trois sur propositions du parlement et trois sur proposition du conseil supérieur de la magistrature.

La condition obligatoire est que le deux tiers de ces juges ou membres de la cour constitutionnelle soit juristes avec comme expérience requise selon la loi.

Pour l'efficacité, effective et assurance des libertés fondamentales, que les membres de la cette cour ou autres soit formés. Le juge doit être au parfum du progrès du droit, surtout dans le domaine qui le concerne. Etre formé et se former est une obligation : quelle que soit la valeur de magistrats et leur qualité, quelle que soit la rigueur de leur raisonnement, leurs décisions resteront imparfaites si le droit qu'ils doivent appliquer ne progresse pas constamment.

A la deuxième section, il a été parlé des pistes de solution dans le domaine structural et procédural. Ici, nous avons fait un commentaire sur le traitement et statut des membres de la cour constitutionnelle qui doivent équivaloir au rang de ministre, car juste le greffier de ladite équivaut la qualité du secrétaire général dans l'administration publique. Et quant au régime disciplinaire qui est le pendant naturel du statut avantageux reconnu au membre de la Cour constitutionnelle, le législateur a tôt mieux fait de le soumettre à la discipline du conseil supérieur de la magistrature. Par le biais de cette procédure disciplinaire, le juge constitutionnel, envisagé comme censeur suprême, se retrouve dans les liens du contrôle de tout juge.

* 138 Loi organique N°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle in J.O de 2013, art.54.

* 139MATADIWAMBA KAMBA MUTU, « L'originalité du procès en cassation », Revue juridique Justice, Science et Paix, n° spécial, Kinshasa, juin 2004, pp.61-67, 65

* 140Jean-Jacques PARDINI, « La qualification constitutionnelle des faits », Mélanges dédiés à la mémoire du Doyen Favoreu, La justice constitutionnelle, Paris, Dalloz, 2007.

* 141Thierry Di MANNO, « Les décisions de constitutionnalité précaire en Italie et en France », Liber Amicorum Jean-Claude Escarras, La communicabilité entre les systèmes juridiques, p. 203.

* 142 Constitution de la RDC, art.21.

* 143Exposé des motifs de la loi organique N°13/026 du 15 Octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, J.O de 2013

* 144Maurice KAMTO,« La fonction administrative contentieuse de la Cour suprême du Cameroun », dans G. CONAC et J. Du Bois de GAUDUSSON(dir.), Les cours suprêmes en Afrique. Lajurisprudence administrative, Paris, Economica, 1988, p.34 et 52.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams