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Le cadre juridique de la cedeao face aux coups d'état militaire en Afrique de l'ouest. Problématique de l'opportunité de la norme juridique internationale


par Enoch MUPENDA KAWANGA
Université de Likasi  - Diplôme de licence, département de droit public  2022
  

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A. La manifestation de l'erreur

La question de l'erreur s'était posée notamment lors de la première opération de maintien de la paix de la CEDEAO, menée par l'Ecomog au Libéria. Quelle justification juridique pouvait-on apporter à la création et au déploiement de la force d'intervention de la CEDEAO (Ecomog) au Libéria ?

La Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement n'avait trouvé mieux qu'une décision consacrée à la situation au Libéria. Dans ladite décision, la Conférence exprimait « son inquiétude face à la situation qui prévaut actuellement au Libéria. Réaffirmant les dispositions du Protocole de non-agression adopté le 28 avril 1978, la Conférence a invité toutes les parties concernées par le conflit à convenir d'une cessation immédiate des hostilités et à mettre fin à toute destruction inutile de vies humaines et de biens ». On voit bien la grande difficulté de la CEDEAO à justifier juridiquement son intervention. Car, on conçoit mal la référence faite au Protocole de non-agression du 28 avril 1978, dont l'invitation ou la convocation aurait été certainement plus judicieuse en cas d'un conflit interétatique. Or, au Libéria, il s'agissait bien d'un conflit intra-étatique. « Nous ne saurions fonder l'intervention ouest-africaine sur cet instrument juridique72(*)».

Comparativement au Protocole de non-agression, le Protocole d'assistance mutuelle en matière de défense du 29 mai 1981, semble mieux se prêter à la justification de la constitution et du déploiement de l'Ecomog au Libéria. En effet, l'article 4b dudit Protocole stipule : « Des mesures appropriées telles que spécifiées dans les articles 17 et 18 du présent protocole pourront être prises dans les circonstances suivantes : [...] En cas de conflit armé interne à un État membre soutenu et entretenu activement de l'extérieur susceptible de mettre en danger la sécurité et la paix dans l'ensemble de la communauté ; dans ce cas, la Conférence apprécie et décide en pleine collaboration avec les autorités du ou des États concernés »73(*) .De même l'article 18 alinéa 2 du même Protocole stipule : « Dans le cas où un conflit interne à un État membre est soutenu activement de l'extérieur, il sera procédé ainsi qu'il est dit aux articles 6, 9 et 16 du présent Protocole. Il n'y aura pas lieu à intervention des FAAC74(*)si le conflit reste purement interne »75(*). La lecture combinée de ces deux articles permet de comprendre que la CEDEAO peut mettre en oeuvre le Protocole d'assistance mutuelle en matière de défense, pour une intervention dans un conflit armé, mais à deux conditions : d'une part, une participation extérieure active et d'autre part, que le conflit armé puisse constituer une menace pour la paix et la sécurité dans la sous-région.

De plus, le Conseil de sécurité des Nations unies s'était intéressé à la question, par l'adoption de plusieurs résolutions, dont notamment la résolution 1344 du 7 mars 2001. Cette résolution était placée sous le Chapitre VII de la Charte des Nations unies, signe que les conflits libérien et sierra léonais étaient une menace pour la paix et la sécurité régionales. Elle comportait un certain nombre d'injonctions76(*) à l'endroit du gouvernement libérien. Par ailleurs, les injonctions du Conseil de sécurité allaient également à l'endroit d'autres États de l'espace communautaire ouest-africain77(*). L'ensemble de la communauté internationale est aussi invité par le Conseil de sécurité, à mettre en oeuvre les moyens nécessaires afin de renforcer la lutte contre la prolifération et le trafic illicite d'armes légères78(*) en Afrique de l'Ouest, en particulier la mise en oeuvre du moratoire de la CEDEAO sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères en Afrique de l'Ouest, et d'améliorer le contrôle de la circulation aérienne dans la sous-région.

À travers la résolution 1344, le Conseil de sécurité des Nations unies a ainsi qualifié la situation au Libéria et en Sierra Leone de menace contre la paix et la sécurité dans la région. Explicitement, le Conseil de sécurité souligne dans la résolution que « le soutien actif que le gouvernement libérien apporte à des groupes rebelles armés dans des pays voisins, et en particulier au RUF en Sierra Leone, constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales dans la région »79(*).

On peut donc admettre sans difficulté que les conflits au Libéria et en Sierra Leone, ont comporté une externalisation certaine, et ont constitué une menace pour la paix et la sécurité internationales dans l'espace communautaire ouest-africain. On peut ainsi comprendre l'opportunité d'une intervention pour favoriser la désescalade de la violence, et mettre fin aux souffrances des populations civiles.

Logiquement, l'intervention de la CEDEAO à travers l'Ecomog, pouvait être inscrite dans ce cadre. Mais manifestement, cette intervention souffre d'une « erreur de droit ». Et il n'est pas difficile de la débusquer, car, l'assise juridique sur laquelle la CEDEAO avait reposé son intervention, résiste difficilement ou pas du tout à la rigueur de l'analyse et de la démonstration. En effet, l'organisation ouest-africaine s'est trompée dans le choix de la norme de référence de l'intervention. Au lieu de convier le Protocole d'assistance mutuelle en matière de défense du 29 mai 1981, elle a plutôt invité le Protocole de non-agression du 28 avril 1978, dont le domaine de compétence se limite aux frontières des agressions interétatiques caractérisées.

« [...] le texte invoqué80(*) à l'appui de cette intervention81(*) est inapproprié car il ne prévoit pas dans ses dispositions l'hypothèse d'une intervention de l'organisation en cas de conflit interne, comme le fait le Protocole d'assistance mutuelle en matière de défense du 29 mai 1981, notamment en ses articles 4b et 18 alinéa 2. L'invocation du Protocole de non-agression du 28 avril 1978 aurait certes pu constituer un pis-aller »82(*).

Ainsi, à défaut d'un texte bien conçu et bien construit avec des modalités pratiques, la référence de la CEDEAO, au Protocole d'assistance mutuelle en matière de défense du 29 mai 1981, au sujet de l'intervention au Libéria, aurait été plus opportune et plus judicieuse. Sans nul doute, il y avait « erreur de droit ». Seulement, en dépit de l'erreur dans le choix de la norme de référence, il faut tout de même souligner avec Adama Kpodar83(*), la volonté des États de lacommunauté, d'enfermer les opérations de maintien de la paix et de la sécurité, dans une pratique juridique.

* 72Le protocole de non-agression du 28 avril 1978.

* 73 Article 4b du protocole d'assistance mutuelle en matière de défense, 29 mai 1981.

* 74 Forces armées de la communauté.

* 75 Article 18 alinéa 2, du protocole d'assistance mutuelle en matière de défense, 29 mai 1981.

* 76 Résolution 1344, Conseil de sécurité des Nations unies, 7 mars 2001.

* 77 Résolution 1344, Conseil de sécurité des Nations unies, 07 mars 2001.

* 78

Cédric POITEVIN, « Prolifération des armes légères : un état des lieux », dans Bertrand BADIE et Dominique VIDAL (dir.), Nouvelles guerres. L'état du monde 2015, Paris, La Découverte, 2014, p.93.

* 79 Résolution 1344, Conseil de sécurité des Nations unies, 07 mars 2001.

* 80 Le Protocole de non-agression du 28 avril 1978.

* 81 L'intervention de la CEDEAO au Libéria.

* 82A. KPODAR,préc., note 108, p.140.

* 83Idem, p.140.

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