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Le cadre juridique de la cedeao face aux coups d'état militaire en Afrique de l'ouest. Problématique de l'opportunité de la norme juridique internationale


par Enoch MUPENDA KAWANGA
Université de Likasi  - Diplôme de licence, département de droit public  2022
  

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Section 2 :L'UNION AFRICAIN FACE AUX CHANGEMENTS ANTICONSTITUTIONNELS

L'Union africaine, depuis l'adoption de son Acte constitutif en juillet 2000, a fait du rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement son cheval de bataille. Elle a, à cet effet, institué et chargé le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de réagir chaque fois que de tels changements se produisent au sein des États africains. Le but de la présente section consiste à évaluer les instruments de l'UA contre les changements anticonstitutionnels (§1) et enfin le conseil de sécurité de l'UA (§2) l'action du CPS au regard de ses actions concrètes dans différents Etats africains en soulignant les progrès ainsi que les limites.

§1. Instruments de l'Union africaine contre les changements anticonstitutionnels

Notre objectif consiste à situer les origines ainsi que le développement de cette pratique qui s'est formée par le biais aussi bien du droit déclaratoire que du droit conventionnel et dérivé. L'UA s'est dotée d'un arsenal normatif (soft law et hard law) considérable en matière de condamnation et de rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement. Cet arsenal s'est principalement développé dans la deuxième moitié des années 1990 comme une réaction ferme de l'OUA puis de l'UA contre les coups d'État104(*). La Déclaration de Harare105(*) de 1997, ou mieux la position unanime de l'OUA condamnant le coup d'État perpétré en Sierra Leone contre le président démocratiquement élu (Ahmad Tejan Kabbah), marque la volonté des dirigeants africains de promouvoir l'accession au pouvoir par des moyens démocratiques en rapport avec la légalité constitutionnelle des États106(*). À la suite de l'initiative de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) - un embargo décrété contre le gouvernement anticonstitutionnel avec l'appui des Nations unies et surtout grâce à la campagne militaire menée par l'Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group (ECOMOG)107(*), le président démocratiquement élu a été réinstallé au pouvoir au début du mois de mars 1998. Cette volonté constitue le prolongement des obligations des États membres découlant des instruments des droits de l'homme en général et particulièrement de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples108(*) prescrivant le mode d'accession au pouvoir109(*). C'est dans ce cadre qu'il convient de situer la condamnation des coups d'État par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples du fait de leur contrariété avec ladite Charte110(*).

Par ailleurs, un rapprochement a été établi entre les coups d'État et les conflits auxquels ils donnent lieu111(*). Aussi, l'OUA avait pris soin, en adoptant le Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits (le Mécanisme), d'instituer un organe chargé d'y faire face et de les gérer. La première initiative entreprise par cet organe a été la condamnation du coup d'État réalisé au Burundi et le soutien à l'embargo régional décrété par les États de la sous-région112(*). L'organe central du Mécanisme comportait en son sein un sous-comité sur les changements anticonstitutionnels qui est toutefois demeuré non opérationnel113(*). C'est dans cette optique qu'il convient de situer le mandat explicite donné au Conseil des ministres lors de sa 70e session ordinaire tenue à Alger en juillet 1997 de réactiver rapidement le sous-comité sur les changements anticonstitutionnels.

L'arsenal s'est progressivement enrichi lors des sommets d'Alger de 1999114(*) et de Lomé de 2000. La Déclaration de Lomé a eu le mérite d'identifier un certain nombre de principes relatifs à la gouvernance démocratique que reconnaissent les États membres, tels que :

i) [l'] adoption d'une constitution démocratique dont l'élaboration, le contenu et le mode de révision devraient être conformes aux principes généralement convenus de démocratie; ii) [le] respect de la Constitution et des dispositions des lois et autres actes législatifs adoptés par le Parlement; [...] v) [l'] admission du principe de l'alternance démocratique et reconnaissance d'un rôle pour l'opposition; vi) [l'] organisation d'élections libres et régulières115(*).

Après avoir dégagé ces principes communs, la Déclaration forge une définition des situations pouvant rentrer dans la catégorie des changements anticonstitutionnels et opte pour une notion large de cette approche.Cette déclaration constitue le cadre de référence des situations considérées comme changements anticonstitutionnels de gouvernement. En effet, les différents instruments adoptés par l'OUA ou l'UA en matière de condamnation ou d'application des sanctions contre lesdits changements trouvent leur référence principale dans cette déclaration complexe qui indique aussi le mécanisme de mise en oeuvre desdites mesures et actions.

Ce cadre (soft law) sera incorporé dans le hard law (droit primaire de l'UA - Acte constitutif), complété par des instruments du droit conventionnel de même que dérivé. Ainsi, la condamnation des changements anticonstitutionnels, qui s'était développée jusque-là en dehors du droit primaire de l'OUA, trouve sa consécration solennelle dans l'Acte constitutif de l'Union africaine.

La quintessence de la Déclaration est transposée dans l'Acte constitutif de l'Union africaine adopté au cours du même sommet116(*). L'article 4(p) dudit Acte, consacré aux principes de l'UA est éloquent : « Condamnation et rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement »117(*). La lecture croisée des articles 23(2) et 30, relatifs aux sanctions contre les États qui ne se conforment pas aux décisions et politiques de l'UA d'une part et à la suspension des activités de l'UA des gouvernements issus des changements anticonstitutionnels d'autre part, constitue le régime « répressif » instauré par l'UA et s'inscrivant dans le prolongement des décisions et déclarations précédentes.

La création officielle de l'UA en 2001 coïncide avec la signature du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité, mécanisme qui est intégré en tant qu'organe de l'UA. Les attributions de l'organe principal du Mécanisme de l'OUA chargé de la prévention, de la gestion et du règlement des conflits ont été incorporées et développées dans ledit Protocole. L'article 7(g) du Protocole consacré aux pouvoirs du CPS est on ne peut plus limpide et constitue le mécanisme de la mise en oeuvre de la réaction de l'UA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement par : « [l'imposition], conformément à la Déclaration de Lomé des sanctions chaque fois qu'un changement anticonstitutionnel de gouvernement se produit dans un État membre »118(*). Nous pouvons, du point de vue juridique, discuter de la valeur de la Déclaration de Lomé dans la mesure où, par nature, elle est dépourvue d'effets obligatoires. Mais étant donné que l'essentiel de cette déclaration a été transposé dans le droit primaire et dérivé, repris par ailleurs par la CADEG, nous pouvons considérer que les multiples renvois dont elle fait l'objet lui confèrent un caractère obligatoire.

La CADEG renforce davantage le rôle du CPS. Elle complète la liste des situations susceptibles de recevoir la qualification de changement anticonstitutionnel de gouvernement prévue dans la Déclaration de Lomé de 2000 en y ajoutant : « tout amendement ou toute révision des constitutions ou des instruments juridiques qui portent atteinte aux principes de l'alternance démocratique »119(*). L'élasticité de cette notion d'« atteinte aux principes de l'alternance démocratique » suggère une interprétation large pouvant y englober notamment, le refus d'organiser périodiquement et régulièrement les élections, la prorogation indéfinie du nombre de mandats des chefs d'État.

La Charte, tout comme le Règlement intérieur de la Conférence de l'Union ainsi que la Déclaration de Lomé, demeurent constants dans le type de gouvernements qu'ils entendent protéger. Il s'agit des gouvernements démocratiquement élus120(*). Le régime des sanctions prévu au chapitre VIII de la Charte (articles 24 et 25), un peu plus avancé, mais en continuité avec celui institué par la Déclaration de Lomé, en constitue le corollaire.

La pratique démontre toutefois que les gouvernements déchus par la force rentrent rarement au pouvoir même s'ils ont été démocratiquement élus121(*), et ce, malgré l'action du CPS. À titre purement indicatif, les coups d'État qui ont eu lieu au Mali et en Guinée-Bissau au cours de l'année 2020 ont été réglés non pas en faveur du retour au pouvoir des autorités déchues, mais par l'amorce d'une nouvelle légitimité constitutionnelle.

La Charte introduit de nombreuses innovations engageant les États africains. Cependant, il y a lieu de relever que l'élan de ratification procède au ralenti. La Conférence de l'Union exhorte les États membres à accélérer le processus de ratification. La Charte fixe des objectifs très ambitieux qui, s'ils sont poursuivis par les États africains non pas sur le plan formel de la ratification, mais de la pratique, sont à même d'insuffler une dynamique réelle sur le chantier de l'édification des États de droit en Afrique122(*). Le peu d'engouement pour la ratification de cet instrument conventionnel couplé avec la tradition africaine de non-respect des engagements souscrits, surtout en matière des droits de la personne, suscite des réserves quant à l'effectivité de cette Charte au sein des États africains.

Lors de sa 14e session ordinaire tenue du 31 janvier au 2 février 2010 à Addis-Abeba, la Conférence de l'Union a adopté entre autres la Décision sur la prévention des changements anticonstitutionnels de gouvernement et le renforcement des capacités de l'Union africaine à gérer de telles situations123(*). Elle a en outre souligné l'importance de la prévention structurelle des changements anticonstitutionnels par la redynamisation du mécanisme ad hoc, appelé à la signature et à la ratification de la CADEG, l'adhésion des États aux principes de bon voisinage et de non subversion. La Conférence de l'Union :

« Réitère la nécessité pour les États membres de se conformer à l'État de droit et de respecter leurs propres constitutions, notamment lorsqu'il s'agit d'introduire des réformes constitutionnelles, en gardant à l'esprit que le non-respect de ces dispositions peut conduire à des situations de tension qui pourraient, à leur tour, précipiter des crises politiques ».

Le CPS est chargé d'assurer la prévention structurelle en examinant de manière régulière les progrès accomplis dans les processus de démocratisation.

La rhétorique de l'État de droit, de la bonne gouvernance et de la démocratie qui abonde dans les nombreux documents de l'UA paraît participer de la logique de l'image de charme politique et demeure détachée de la pratique étatique. Comme nous pouvons le constater, l'UA s'est dotée d'instruments pour réagir contre les coups d'État en vue de promouvoir l'émergence en Afrique des États de droit124(*) ou mieux, les États dans lesquels le respect de la règle de droit s'impose aussi bien aux gouvernants qu'aux gouvernés, où le jeu démocratique est assuré de manière transparente et régulière, etc. Peu d'États se sont réellement engagés sur cette voie, principalement à la suite des réformes et des revendications politiques qui ont vu le jour dans certains États traditionnellement autocratiques au lendemain du vent de la démocratisation qui a soufflé en Afrique vers la fin du siècle dernier. Si les élections libres et transparentes constituaient, avant 1990, une exception pour l'accession au pouvoir au profit des coups d'État militaires, il convient d'observer qu'elles ont conquis par la suite une importance particulière, sinon centrale, en dépit des succès modestes qu'elles enregistrent, comme la voie obligée pour assurer la légitimité politique125(*). Le développement des mécanismes d'observation internationale électorale participe de ce mouvement126(*). Les organisations internationales s'y investissent davantage en se dotant de mécanismes particuliers127(*).

La CADEG constitue à l'heure actuelle le mécanisme plus complet au niveau de l'UA en matière de rejet des changements anticonstitutionnels dans la mesure où elle englobe dans un même corps normatif des dispositions contenues dans les différents instruments déclaratoires ou conventionnels précédents en les actualisant à la date de sa signature en 2007. La notion des changements anticonstitutionnels de gouvernement elle-même n'est pas demeurée statique depuis sa théorisation officielle dans les palais de Maputo en 1997. Elle s'est construite progressivement par le biais de différentes pierres que chacune des décisions, déclarations lui ont apportées dans sa phase d'évolution jusqu'à ce qu'elle soit provisoirement achevée dans les instruments juridiques internationaux comme l'Acte constitutif, le Protocole sur le CPS et la Charte précitée128(*). En définitive, l'UA interdit, rejette et condamne les changements anticonstitutionnels de gouvernement. Elle se propose en outre d'adopter une définition du changement anticonstitutionnel de gouvernement comme crime sur lequel la Cour africaine de justice et des droits de l'homme pourrait exercer sa compétence.

L'architecture africaine de rejet des changements anticonstitutionnels constitue une innovation appréciable sur le plan conventionnel africain dans la mesure où les coups d'État ne sont pas formellement interdits par le droit international en général129(*). Ils constituent une matière relevant essentiellement du droit interne que le droit international tente d'encadrer pour éviter ses effets pervers dans le maintien de la paix et de la sécurité. C'est essentiellement cette motivation qui est au coeur des préoccupations de l'UA, car une corrélation a été établie entre les changements anticonstitutionnels et les conflits auxquels ils donnent lieu.

Portée de la notion de changements anticonstitutionnels

La Déclaration de Lomé de 2000 considère quatre situations dont l'occurrence constitue le changement anticonstitutionnel prohibé130(*). Le Règlement intérieur de 2002 en ses articles 37(2) et 37(3) reprend cette nomenclature en y ajoutant le renversement ou le remplacement d'un gouvernement démocratiquement élu par des éléments, avec l'aide de mercenaires131(*). La CADEG du 30 janvier 2007 confirme les acquis de la Déclaration de Lomé sur les situations considérées comme changements anticonstitutionnels de gouvernement, mais adjoint à cette nomenclature une cinquième situation, à savoir « tout amendement ou toute révision des constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l'alternance démocratique »132(*).

Il se dégage de ce qui précède une certaine convergence autour du concept de « changements anticonstitutionnels de gouvernement » et des objectifs poursuivis par l'UA soit : l'interdiction, le rejet et la condamnation des moyens non-démocratiques d'accession au pouvoir d'une part, et la valorisation des vertus démocratiques, de la promotion de l'État de droit, du respect des droits de l'homme et de la bonne gouvernance en Afrique d'autre part. Ces différents éléments s'enchevêtrent et se complètent dans la mesure où le discours de rejet des changements anticonstitutionnels est dépourvu de toute pertinence s'il ne bénéficie pas du soutien de valeurs évoquées133(*).

L'architecture africaine contre les changements anticonstitutionnels repose sur des fondements fragiles et demeure prête à s'écrouler aux premières intempéries. Le nombre de coups d'État survenus depuis 1990 jusqu'à ce jour, est très impressionnant et contraste avec la volonté déclarée par les chefs d'État africains. Il faudrait reconnaître que le recours aux coups d'État ou tentatives pour accéder à la magistrature suprême, constitue une menace permanente dans certains États africains, menace alimentée parfois par les conditions d'exercice du pouvoir qui ne favorisent pas l'organisation régulière, périodique et transparente des élections. L'alternance démocratique est sérieusement hypothéquée.

Si les textes ci-dessus ont dégagé les situations considérées comme changements anticonstitutionnels, il y en a d'autres qui échappent à cette nomenclature et n'en constituent pas moins des changements anticonstitutionnels. Les conditions de dévolution du pouvoir au président du Togo en 2005 par la volonté de l'État-major des forces armées, la tenue d'une session extraordinaire de l'Assemblée nationale, l'éviction de son président, le tripotage dans la révision constitutionnelle, manoeuvres destinées à conférer une parodie de légalité à un coup d'État en douceur, constituent bel et bien un changement anticonstitutionnel de gouvernement dans la mesure où les règles constitutionnelles régissant la succession du chef de l'État en cas de vacance n'ont pas été scrupuleusement observées134(*). Les changements opérés dans le cadre des constitutions en vigueur et qui alimentent l'instabilité peuvent produire les mêmes effets que les bouleversements anticonstitutionnels135(*).

D'autres situations susceptibles de recevoir la qualification de changements anticonstitutionnels de gouvernement ne sont pas régies par les dispositions de l'UA. L'une des faiblesses de l'architecture africaine de condamnation des changements anticonstitutionnels réside dans l'attention particulière accordée aux modalités d'accès au pouvoir, en d'autres termes aux élections. Ce qui constitue une avancée notable, mais limitée, au détriment d'une attention qui devrait être portée, à notre avis, sur les modalités d'exercice du pouvoir. La pratique démontre que les gouvernements qui se sont affermis par la voie des urnes même de façon transparente, n'ont pas été à l'abri de dérives totalitaires usant de divers subterfuges pour modifier certaines dispositions constitutionnelles en leur faveur, soit au travers de la révision « unilatérale » de certaines dispositions considérées comme intangibles, soit en créant un déséquilibre institutionnel en faveur de l'exécutif136(*).

La Conférence de l'Union tenue du 31 janvier au 2 février 2010 à Addis-Abeba s'est proposée de cerner la question des changements anticonstitutionnels selon une approche globale reposant tant sur leur prévention que sur le renforcement des capacités de l'UA, des communautés économiques régionales en vue d'y faire face. La prévention passe par le refus des transgressions des normes démocratiques, car la persistance et la répétition peuvent conduire à des changements anticonstitutionnels, comme le précise in fine le paragraphe cinq de la décision de la Conférence de l'Union africaine adoptée lors du sommet précité137(*). La pratique démontre pourtant que certains changements anticonstitutionnels se sont produits sur des bases autres que la transgression des normes démocratiques. Les récents coups d'État survenus au Mali et en Guinée-Bissau en 2012 et les coups d'Etats est revenus encore en Afrique de l'Ouest de 2020 en 2022 le continent africains a connu plus de trois coups d'Etats cela constituent des exemples probants qui montre la faiblesse du cadre juridique de l'UA.

Il est a priori difficile de justifier tous les coups d'État qui s'opèrent dans des États ayant entrepris des réformes ou des avancées en matière de démocratisation. La faiblesse des gouvernements à gérer certaines situations, comme l'avancée de la rébellion au nord du Mali, a été évoquée comme la raison principale du coup d'État du 22 mars 2012 à quelques semaines de l'expiration du mandat présidentiel. En Guinée-Bissau, les interférences de l'armée dans la vie politique constituent désormais une pratique cristalline due à l'instabilité politique considérée comme chronique.

Depuis son ouverture au multipartisme, il a été constaté qu'aucun des chefs d'État élus n'a achevé son mandat depuis 1994, ce qui explique la récurrence des coups d'État dans ce pays, trois au cours de ces dix dernières années. Au Niger, le coup d'État a été précédé par des faits précurseurs inquiétants, comme la décision du président démocratiquement élu de dissoudre l'Assemblée nationale et de convoquer un référendum populaire de révision constitutionnelle nonobstant l'avis défavorable de la Cour constitutionnelle. Le coup d'État orchestré aux dépens du président nigérien Tandja peut être considéré comme salvateur dans la mesure où il a permis au Niger, au terme d'une période transitoire, de renouer avec une nouvelle légitimité plus consensuelle.A fortiori, lors du sommet de Lomé du 10 au 12 juillet 2000, à travers l'adoption de la Déclaration de Lomé, la Conférence des chefs d'État et de gouvernement avait recensé quelques principes de bonne gouvernance démocratique communs à tous les États et devant figurer dans les constitutions des États membres.

Du nombre de ces principes font partie notamment l'organisation des élections libres et transparentes ainsi que l'alternance démocratique. Celle-ci vise à éviter les velléités de la personnification des pouvoirs par les dirigeants en place. Les coups d'État trouvent parfois dans cette confiscation du pouvoir leur raison d'être138(*). L'alternance démocratique s'insère dans le vaste champ de la participation des citoyens à la vie politique, participation reconnue aussi bien par les instruments internationaux et régionaux des droits de l'homme que par des organes chargés de veiller au respect desdits instruments139(*). La CADEG, adoptée en janvier 2007 et en vigueur depuis février 2012, quoique n'engageant à présent (janvier 2013) qu'un tiers d'États africains, souligne l'importance de l'alternance démocratique140(*).

Mais l'écart entre le discours et la pratique demeure profond c'est ainsi que nous allons rechercher au conseil de paix et de sécurité de l'union africaine pour voir les différentes résolutions ainsi que le rôle que le CPS dans les interventions.

* 104À titre illustratif, l'Afrique a connu entre 1990 et 2022 plus ou moins trente coups d'État et ce, sans compter les tentatives des coups d'État qui sont également nombreuses. Par contre, en prenant uniquement en considération l'Afrique francophone - car les coups d'État ont plus concerné cet espace que d'autres - il a été observé qu'entre 1990 et 2009, environ quinze coups d'États ont été perpétrés dans cette partie du continent africain. Dans d'autres États comme les Comores, la Guinée-Bissau (dont le dernier coup d'État remonte en 2020 et 2022), la guinée et le Burkina Faso, les coups d'État s'y sont réalisés à deux reprises au cours de la même période et à intervalle très rapproché. Si nous y ajoutons les coups d'État fomentés au Mali en 2021.

* 105 Conférence intergouvernementale des ministres sur les politiques linguistiques en Afrique, Déclaration de Harare, 21 mars 1997, en ligne : <http://ocpa.irmo.hr/resources/docs/Harare_Language _Declaration-fr.pdf> [Déclaration de Harare] (Consultée le 02 juin 2022 à 18h 54).

* 106 DJACOBA LIVA TEHINDRAZANARIVELO, « Les sanctions de l'Union africaine contre les coups d'État et autres changements anticonstitutionnels de gouvernement : potentialités et mesures de renforcement », (2006) 12 Annuaire africain de droit international, 263.

* 107 SUYASH PALIWAL, The Primacy of Regional Organizations in International Peacekeeping: The African Example, 2010, p.210.

* 108Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, 27 juin 1981, (entrée en vigueur : 21 octobre 1986).

* 109Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, article 13.1.

* 110 Résolution sur les régimes militaires lors de sa session de Banjul tenue du 25 octobre au 3 novembre 1994.

* 111 La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance en son article 2(4) relatif aux objectifs de la Charte.

* 112 TSHIBANGU KALALA, « L'embargo régional contre le Burundi et le droit international » (1999) 9 Revue de droit africain, p.201.

* 113 Le paragraphe 15 de la Déclaration instituant ledit mécanisme est générique : « Le Mécanisme aura comme objectif premier de prévoir et de prévenir les conflits. En cas de conflit, il aura la responsabilité de rétablir et de consolider la paix en vue de faciliter le règlement du conflit ».

* 114 Organisation de l'Unité africaine, Décision, AHG/Dec.142 (XXXV), 35e sess (1999). Le premier paragraphe est rédigé en termes d'ultimatum : « Les États membres dont les gouvernements ont accédé au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels après le Sommet de Harare devraient restaurer la légalité constitutionnelle avant le prochain Sommet, faute de quoi l'OUA prendra des sanctions à l'encontre de ces gouvernements jusqu'à ce que la démocratie soit rétablie ».

* 115Acte constitutif de l'Union africaine, article 30.

* 116Idem,article 3 (g) (h).

* 117Ibid, article 4(p).

* 118 Article 7 (g) de l'Acte constitutif de l'Union africaine, 11 juillet 2000, Doc off AG OUA, 36e sess. (Entrée en vigueur : 26 mai 2001).[Acte constitutif].

* 119 Article 23 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, 30 janvier 2007, Doc off CADHP, 8e sess. (Entrée en vigueur : 15 février 2012) [CADEG].

* 120 L'article 14(2) et (3) de la CADEG.

* 121 Armel LALI, « La perception de l'État de droit dans le droit et la pratique de l'Union africaine », dansL'État de droit en droit international,Actes du 42e colloque de la Société française pour le droit international tenu à l'Université libre de Bruxelles du 5 au 7 juin 2008, Pedone, 2009,p.299.

* 122 L'article 2 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, 30 janvier 2007, Doc off CADHP, 8e sess (entrée en vigueur : 15 février 2012) [CADEG].

* 123 Union africaine, Décision sur la prévention des changements anticonstitutionnels de gouvernement et le renforcement des capacités de l'Union Africaine à gérer de telles situations, Déc UA 269 (XIV), Doc off UA, 14e sess, Doc. Assembly/AU/4(XIV) (2010) [Décision sur la prévention des changements anticonstitutionnels].

* 124 Mathias FORTEAU, « Existe-t-il une définition et une conception univoques de l'État de droit dans la pratique des organisations régionales ou politiques ? »,L'État de droit en droit international, Actes du 42e colloque de la Société française pour le droit international tenu à l'Université libre de Bruxelles du 5 au 7 juin 2008, Paris, Pedone, 2009,p. 263.

* 125 ABDULAYE SOMA, « Sur le principe d'une obligation des États africains de se démocratiser : éléments de droit constitutionnel et de droit international public » (2008) 16Annuaire africain de droit international 373.

* 126 Karel VASAK, « Les normes internationales relatives aux élections et leur mise en oeuvre », Démocratie et élections dans l'espace francophone, Bruxelles, Bruylant, 2010. p 87.

* 127 Matthieu FAU-NOUGARET, « Les Organisations régionales africaines et les changements de pouvoir anticonstitutionnels » dansMatthieu FAU-NOUGARET (dir.), La concurrence des organisations régionales en Afrique,Paris, L'Harmattan, 2012, p. 409.

* 128A. LALI, préc. note 124, p. 297.

* 129 Sayeman BULA-BULA, « Mise hors-la-loi ou mise en quarantaine des gouvernements anticonstitutionnels par l'Union africaine ? » (2003) 11 African Yearbook of International Law, p. 37.

* 130 Organisation de l'Unité africaine, Déclaration sur le cadre pour une réaction de l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, AHG/Decl. 5 (XXXVI) (2000) [Déclaration de Lomé de 2000], p.4-5.

* 131 Union africaine, Règlement intérieur de la conférence de l'Union, Doc off UA, Assembly/AU/2 (I) a (2002), art 37(2) et 37(3) [Règlement intérieur].

* 132Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, article 23 (5), 30 janvier 2007, Doc off CADHP, 8e sess (entrée en vigueur : 15 février 2012) [CADEG].

* 133 Jean-Pierre VETTOVAGLIA, « Des élections à la démocratie » dans Jean-Pierre VETTOVAGLIA et alii (dir.), Démocratie et élections dans l'espace francophone, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 865.

* 134Roland ADJOVI, « Le Togo, un changement anticonstitutionnel savant et un nouveau test pour l'Union africaine »,(2022) Actualité et droit international, en ligne : <http://www.ridi.org/adi/articles/2005/200502adj.htm>.(Consultée le 02 aout 2022 à 20h30).

* 135S. BULA-BULA, préc., note 132, p.25.

* 136 UNION AFRICAINE, Rapport du Président de la Commission sur les défis actuels à la paix et à la sécurité sur le continent et les efforts de l'UA : Renforcer le leadership de l'Afrique, promouvoir des solutions africaines, mai 2011.

* 137UNION AFRICAINE, Décision sur la prévention des changements anticonstitutionnels de gouvernement et le renforcement des capacités de l'Union Africaine à gérer de telles situations, Déc UA 269 (XIV) ,2010 .

* 138 Alioune BADARA FALL, « Le processus de démocratisation en Afrique francophone : le juge de l'élection dans l'impasse ? Essai de prospective »,dans Jean-Pierre VETTOVAGLIA et alii (dir.), Démocratie et élections dans l'espacefrancophone, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 553.

* 139A. BADARA FALL, préc., note140, p.233.

* 140 CADEG, Article 2 (3) relatif aux objectifs de la charte op.cit.

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