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La parenthèse comme stratégie d'écriture dans Allah n'est pas obligé de Ahmadou Kourouma


par Théogène Hakuzimana Bizimana
ISP/Goma  - Licence 2017
  

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II.3. LA PARENTHÈSE COMME GLOSE

Allah n'est pas obligé est un texte saturé de gloses. Celles-ci concernent les annotations explicatives des lexèmes par le narrateur au cours de ses activités de narration, ou par le locuteur au cours de ses activités de lecture. En d'autres mots, les gloses sont les illocutions que l'énonciateur formule au sujet des unités lexicales contenues dans ses énoncés. En tant que telles, les gloses jouent donc une fonction explicative ou additive. Ceci se confirme en lisant le passage ci-dessous :

« Le général Baclay était une femme. (On devrait dire générale au féminin. Mais d'après mon Larousse, « générale » est réservé à la femme d'un général et non au général lui-même.) Donc ils nous ont présentés à Onika Baclay Doe. » (p.106)

La lecture de ce passage révèle que l'énonciateur justifie le choix de sa lexie pour l'intimer à l'énonciataire. Cette justification rendue aisée par la parenthèse constitue en quelque sorte une norme imposée au lecteur, à savoir la considération des variations génériques de la lexie « général » dictée par le Larousse. Cet énoncé inséré comporte le modalisateur de doute « on devrait » qui indique que l'énonciateur formule une glose susceptible de générer un débat, lequel est aussi un niveau de décrochage énonciatif tant dans la structure énonciative que pendant la lecture. En effet, à peine qu'il commence à conter le récit du personnage Onika, le locuteur rompt l'illocution pour formuler la remarque normative qui suspend ainsi l'énonciation historique où la glose surgit. Celle-ci place le lecteur dans une attente due à la curiosité de poursuivre le récit du personnage. Ces éléments se rencontrent encore dans l'extrait suivant :

« Il faut expliquer parce que mon blablabla est à lire par toutes sortes de gens : des toubabs (toubab signifie blanc) colons, des noirs indigènes sauvages d'Afrique et des francophones de tout gabarit (gabarit signifie genre). » (p.11)

Cet extrait témoigne de la rupture au sein de l'unité syntaxique rendue par la glose. En effet, cette rupture s'observe, d'une part, dans le syntagme nominal « toubabs colons» où le nom « toubabs » et son épithète « colons » sont distanciés. D'autre part, il y a rupture syntaxique entre la phrase et sa marque finale, qu'est le point. Ceci fonde l'idée que la glose crée une rupture énonciative, outre le retardement des activités de lecture qui en est tributaire. Toujours est-il perceptible que la reprise du sujet de la glose qui est ici le lexème « toubab » pour le premier cas et «gabarit » pour le second, cherche à pallier ladite rupture. Une telle configuration peut être interprétée comme étant une trace de l'insécurité langagière de la part du locuteur. En effet, l'instance énonciative interrompt son énoncé en faveur d'une glose lorsqu'elle lui semble mieux pour se mettre en adéquation avec ses interlocuteurs quant au choix lexical qu'il opère à travers les énoncés insérés, « toubab signifie blanc » et « gabarit signifie genre ». L'énonciateur estime que ses mots sont encombrants de la part de l'énonciataire, ignorés par ce dernier. Il se résout ainsi à rompre, perturber la structure syntaxique en faveur de la glose qui y apporte précision et explication. Au fait, la glose s'appréhende comme une stratégie énonciative de raillerie qui consiste à placer l'interlocuteur et le narrataire sur le terrain de la naïveté interprétative.

Par ailleurs, on peut dire que la glose est une composante facultative car, si elle était supprimée de l'énoncé où elle est insérée, elle pallierait le problème d'alinéarité et accélèrerait la vitesse de la lecture. Cependant, loin d'être considérée comme une activité secondaire, la parenthèse comme glose rentoile le texte, l'étend, contribue à son enregistrement dans le genre autre que celui dont on serait tenté de lui reconnaître. La glose devient donc une base de littérarité, surtout en ce sens qu'en véhiculant les intertextes signalés par les fréquents « D'après mon... », « Signifie.... », elle fait voir que le texte ne se réfère qu'à lui-même. La glose touche ainsi aux composantes du signifiant dont le jeu réside dans le commentaire immobilisant la lecture progressive des investissements linguistiques. Autrement dit :

« Le travail sur le signifiant constitue ici un véritable jeu de mots. Il imprime ainsi une distorsion du matériau linguistique qui permet deux instances. D'un côté, un renouvellement poétique et la formulation d'une lecture attentive et exigeante, de l'autre. » (Laurent MUSABIMANA NGAYABAREZI, 2015b : 233)

La glose permet donc de lire cette oeuvre de Kourouma avec une attention particulière car ses composantes linguistiques se présentent comme expliquées au lecteur, au départ, par le narrateur.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984